ce qui existe ce sont des sujets humains qui, à partir du moment où la conscience de la sexualité est vraiment acqui- se, éprouvent des émotions ou des attirances explicitement sexuelles pour des sujets du même sexe qu’eux. Ont est saisi par la complexité et l’immense diversité de ce que l’on obser- ve. Il n’est pas « difficile » de juger : c’est impossible ! …
Ces lectures m’ont aidée à mieux comprendre le problème, je suis devenue plus tolérante.
Ensuite il y a eu Freud
… Plusieurs individus, hautement respectables, des temps anciens et modernes, ont été homosexuels et, parmi eux on retrouve quelques-uns des plus grands hommes (Platon, Mi- chel Ange, Léonard de Vinci, etc…). C’est une grande injus- tice de persécuter l’homosexualité comme un crime mais c’est aussi une cruauté.
Freud a toujours reconnu qu’il n’arrivait pas à trouver l’ex- plication de cette inversion. Des articles, des romans, des émissions à la télévision, des films et de longs bavardages avec Julien m’ont beaucoup apporté. Toutes ces lectures m’ont d’abord rassurée quand à ma culpabilité. Les expli- cations psychologiques m’ont fait comprendre que l’homo- sexualité de Julien était maintenant acquise et que, si dans certains cas des hommes arrivent à changer définitivement leur tendance sexuelle, cela reste rare.
Avec un peu de bon sens et de fermeté envers moi-même dans mes réflexions personnelles, j’ai compris que je ne de- vais plus croire à un miracle, mais accepter l’idée du chemin pris par Julien : admettre son mode de vie, ses amis, moins penser au qu’en dira-t-on et plus à mon fils, me faire à l’idée qu’il soit amoureux d’un garçon. Cela a été le plus dur, le plus pénible : comment l’accepter ?
Le travail n’a pas été facile et le cheminement fut éprouvant. Je suis partie pleine de bonnes intentions. Cela n’a pas suf- fi. La communication a été parfois pénible. Il me semblait dire des choses sensées, les phrases de Julien aussi étaient belles, mais nous ne nous comprenions pas. Nous étions sur deux planètes et nous cheminions en parallèle, sans ja- mais nous rencontrer. Il y a eu mes crises de rage, de colère, de désespoir, ces journées où je ne voulais plus le voir, ces nuits où je tournais en rond, où je pouvais enfin pleurer, m’abandonner à mon chagrin. Seule.
Julien faisait peine à voir. Dans nos affrontements, il me criait sa déception devant mes réactions, il s’en voulait de m’avoir parlé ! Il m’évitait, sortait avec des copains, rentrait tard, ce qui, évidemment, augmentait mon angoisse. Nous nous sommes détestés, haïs, en un mot : aimés. Nous nous sommes battus, nous sommes tombés. Malgré nos désac- cords l’autre était toujours là, prêt à tendre une main. Nos discours étaient souvent maladroits, mais nous avons fini par trouver un terrain d’entente.
Peu à peu mes colères se sont calmées. J’ai réussi à parler tranquillement avec Julien. Ses explications m’ont aidée à comprendre. Il me semblait alors que j’étais capable d’accepter vraiment cette différence.
«Je me sens totalement homme, je suis sûr de mon identité sexuelle, elle me convient tout à fait. Je suis un homme comme les autres, à un détail près: j’aime les hommes! Pourtant j’ai fait des expériences avec des filles, mais je suis mieux avec les garçons.
- Pourquoi avec les garçons, pourquoi cette attirance, peux-tu m’expliquer?
- Comment savoir? Je n’ai pas eu à choisir. Déjà vers huit ans, lorsqu’on me disais “quand tu seras papa”, je savais, je ne peux pas t’ex- pliquer ni comment ni pour- quoi, que je ne me marierais jamais. Au plus profond de moi-même, je me sentais dif- férent des autres, mais j’étais incapable d’y voir clair. Je crois que je me sentais très fort, à cause justement de ce secret. Vers treize, quatorze ans les filles ne m’intéres- saient toujours pas et ce fut ainsi même plus tard. J’ai eu quelques amies c’est vrai, mais je ne les voyais pas comme des filles, j’éprouvais envers elles beaucoup d’ami- tié, sans plus.»
«Je ne sais pas moi-même pourquoi les garçons m’atti- rent tellement, je ne peux que le constater. Les épau- les, le buste d’un garçon peuvent m’émouvoir plus que les beaux seins d’une fille. Quand je rencontre un garçon, j’ai envie de le sédui- re, il m’attire, c’est instinctif, c’est ainsi. Je vois un garçon : il me plaît, c’est réciproque, on fait l’amour. C’est simple. Avec les filles ce n’est pas pa- reil, tout est beaucoup plus compliqué avec elles. C’est plus subtil, plus dangereux aussi, à cause des gosses. Je crois que je peux te l’avouer : elles me font peur!
- Mais Corinne alors?
- Corinne est venue à un moment où je me posais des sacrées questions sur mon identité sexuelle. On s’est aimés, jusqu’au jour où j’ai rencontré un garçon. J’ai alors compris qu’il ne ser- vait à rien de faire semblant de courir les filles.
Avec lui j’avais enfin trouvé ma voie. Et voilà, mainte- nant j’ai rencontré Paul. Je suis bien avec lui, nous avons les mêmes goûts, il est très cultivé, il m’apporte tel- lement ! Je voudrais que tu le rencontres mais surtout ne dis rien à personne, on ne va pas me comprendre.
Suite de cette publication dans notre édition numéro 84
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