Jésus était-il gai? Réflexions d’un prêtre anglican

Le sermon du vendredi saint sur les dernières paroles du Christ avant sa mort est un exercice spirituel de haut vol. Cette tradition, qui remonte aux jésuites, a été adoptée par de nombreuses Églises anglicanes. Ayant eu récemment le privilège de prononcer ce prêche à Wellington, en Nouvelle- Zélande, j’ai choisi la souffrance comme thème. Conscient des profondes divisions de l’Église en matière d’identité sexuelle et de sexualité, je me suis senti tenu de parler des souffrances qu’elle a infligées aux homosexuels au cours des siècles. Ce sujet délicat était-il approprié pour un ven- dredi saint ? Pour la première fois de mon sacerdoce, il s’est imposé à moi avec force. Les dernières paroles de Jésus ne me laissaient pas le choix : “Jésus, voyant sa mère, et auprès d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : ‘Femme, voilà ton fils.’ Puis il dit au disciple : ‘Voilà ta mère.’ Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui.” (Jean 19,26)

Jésus était un rabbin célibataire, chose plutôt rare à cet- te époque. L’idée qu’il avait une relation amoureuse avec Marie-Madeleine ne repose sur aucune preuve biblique. La thèse selon laquelle il était homosexuel paraît beaucoup plus fondée. Cependant, au sein de l’Église, même les mi- litants pour les droits des homosexuels la rejettent. Hugh Montefiore, évêque de Birmingham, issu d’une famille juive en vue, osa suggérer cette possibilité, mais ses propos fu- rent accueillis avec mépris, comme s’il les avait tenus par pure provocation. Après avoir moi-même beaucoup réfléchi à la question, je me suis senti obligé, pour la première fois depuis le début de mon sacerdoce, il y a un demi-siècle, d’exprimer l’idée que Jésus était peut-être bien homosexuel. S’il avait été dépourvu de sexualité, il n’aurait pas été vrai- ment humain – ce qu’il serait hérétique de penser.

Jésus pouvait être aussi bien hétérosexuel que bisexuel ou homosexuel. Impossible de le ranger avec certitude dans une catégorie. L’option homosexuelle semble simplement la plus vraisemblable. Sa relation intime avec le disciple bien- aimé tend à le prouver. C’est ainsi, en tout cas, qu’on l’inter- préterait chez n’importe qui aujourd’hui. Même s’il n’existe pas de tradition de célibat chez les rabbins, Jésus, gai ou pas, peut très bien avoir choisi de vivre dans la chasteté.

Cependant, même si de nom- breux chrétiens sont enclins à souscrire à cette thèse, je ne vois aucune nécessité théologique de le faire .

Que Jésus ait été homo- sexuel ou pas n’altère en rien ce qu’il était et ce qu’il signifie pour le monde d’aujourd’hui. Spirituelle- ment, c’est un être imma- tériel. L’important, c’est que beaucoup d’adeptes du Christ – religieux et laïcs – sont des gais ou des les- biennes, et qu’en dépit de l’Église ils lui restent remar- quablement fidèles. Si l’Égli- se chrétienne les accueillait plus librement en son sein et les aimait davantage, ces fidèles seraient encore plus nombreux.


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