Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous, le 24 novembre sur le Figaro.fr.

INTOX. Pas besoin de «démarier» les couples gays, ils le font tout seuls. Dans une tribune publiée lundi sur le site du Figaro, la présidente de la Manif pour tous, Ludovine de La Rochère, prêche pour l’abrogation de la loi Taubira. Une abrogation qui, selon elle, n’irait pas forcément de pair avec une rétroactivité et donc avec des «démariages». Son argument ? De toute façon, en Belgique, où le mariage entre deux personnes de même sexe a été légalisé le 1er juin 2003, «90% des couples de femmes et 70% des couples d’hommes divorcent.» 

DÉSINTOX. Seulement dix ans après la légalisation du mariage de même sexe en Belgique, les taux de divorce seraient donc de 70% à 90% ? Ludovine de La Rochère tire ses chiffres d’un document intitulé «Le “mariage” homosexuel – Les chiffres», publié avant le vote de la loi Taubira. Le document, disponible sur le site de l’Observatoire de la Manif pour tous, tripatouille les statistiques belges pour aboutir à une projection du taux de divorce des couples homosexuels belges à l’horizon 2020.

Les anti-mariage pour tous (qui au passage n’ont pas compris les stats belges et confondent le nombre de personnes engagées dans un mariage de même sexe et le nombre desdits mariages), se livrent à un savant calcul que l’on peut résumer ainsi : si le taux de divorce continue d’augmenter en suivant le même rythme que sur les sept premières années, la Belgique connaîtra en 2020 «autant de divorces que de mariages homosexuels».

«Si nous voulons être modérés, nous dirons que les chiffres ci-dessus nous montrent qu’en Belgique 80 à 90% des “mariages” homosexuels se termineront par des divorces», ose même le document. Et de conclure : «L’expérience belge nous laisse prévoir des taux de divorces extrêmement élevés, surtout chez les couples de femmes où il dépasserait 90%.»

C’est donc cette projection – pondérée par une charitable «modération» – que reprend Ludovine de La Rochère, en laissant à penser, par l’usage du présent, qu’il s’agit d’un état actuel.

Si on veut en rester aux statistiques disponibles, on est très loin du compte. Un document publié sur le site de Statbel, la direction statistiques du Service public fédéral économie, l’équivalent belge de notre ministère de l’Economie, indique que pour l’heure, depuis 2003, «6,7% des mariages homosexuels masculins, et 10,6% des mariages homosexuels féminins» ont été dissous.

Ce pourcentage est très faible du fait du caractère récent du mariage homosexuel. Il ne peut être comparé aux chiffres disponibles pour les mariages hétérosexuels. La Belgique est l’un des pays d’Europe où l’on divorce le plus. En 2009, la probabilité de divorcer était de deux sur trois (64,5%), selon la Direction générale statistique.

En l’état, l’office statistique belge se refuse à toute comparaison : «En raison de la durée d’existence encore trop faible du mariage homosexuel, il n’est pas encore possible de comparer la divortialité des homosexuels avec celle des hétérosexuels.» La Manif pour tous n’a pas cette prudence.