Manifestations étudiantes québécoise 2012
Sunday, May 27th, 2012Grève étudiante québécoise de 2012
Grève étudiante québécoise de 2012
Description de cette image, également commentée ci-après
Manifestation nationale du 22 mars 2012 (à gauche),
du 22 mai 2012 (haut), du 14 avril 2012 (centre) et
émeute de Victoriaville du 4 mai 2012 (bas)
Informations Date(s) Depuis le 13 février 2012
(3 mois et 14 jours)
Localisation Drapeau : Québec Québec
Caractéristiques Organisateurs
Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE)
Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)
Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)
Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ)
Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ)
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Participants 161 associations étudiantes
(au 25 mai 2012)1
Revendications Retrait de la hausse des frais de scolarité de 1 625 $ sur 5 ans
Gestion saine des Universités
Gel des droits de scolarité
Gratuité scolaire
Nombre de participants 110 000 participants (22 mars)2,3
184 000 étudiants (23 avril)4
150 000 étudiants (15 mai)5
Actions Désobéissance civile
Grève d’occupation
Manifestation non violente
Piquet de grève
Cyberactivisme
Répression Arrestations 2345 (chiffre provisoire)
2 journalistes6
1 professeur7
Liste
5 (Montréal, 7 mars)8
150 (Montréal, 20 mars)9
1 (Québec, 21 mars 2012)10
14 (Québec, 29 mars 2012)11
15 (Saguenay, 29 mars 2012)12
76 (Montréal, 3 avril 2012)13
19 (Sherbrooke, 18 avril 2012)14
160 (Gatineau, 18 avril 2012)15
151 (Gatineau, 19 avril 2012)16
49 (Québec, 19 avril 2012)17
17 (Montréal, 20 avril 2012)18
85 (Montréal, 25 avril 2012)19
35 (Montréal, 27 avril 2012)20
81 (Québec, 27 avril 2012)21
2 (Sherbrooke, 30 avril 2012)22
106 (Victoriaville, 4 mai 2012)23
3 (Montréal, 6 mai 2012)24
19 (Montréal, 15 mai 2012)25
122 (Montréal, 16 mai 2012)26
69 (Montréal, 19 mai 2012)27
305 (Montréal, 20 mai 2012)28
28 (Québec, 20 mai 2012)29
36 (Sherbrooke, 21 mai 2012)30
113 (Montréal, 22 mai 2012)31
518 (Montréal, 23 mai 2012)32
170 (Québec, 23 mai 2012)33
4 (Montréal, 24 mai 2012)34
3 (Québec, 24 mai 2012)35
Procès 236,37
Blessés 4 (Montréal, 7 mars)8
6 (Montréal, 20 avril 2012)18
12 (Victoriaville, 4 mai 2012)38
1 (Montréal, 18 mai 2012)39
La grève étudiante québécoise de 2012, aussi surnommée Printemps québécois40 ou Printemps érable par analogie avec le Printemps arabe41 et la montée printanière de la sève d’érable, désigne l’ensemble des moyens de pression utilisés par des associations étudiantes du Québec (Canada), des étudiants québécois et des syndicats, des groupes et des personnalités42,43,44 afin de contrer l’augmentation des droits de scolarité universitaires annuels annoncée pour 2012 à 2017 par le gouvernement Charest, passant de 2 168 $ CAN à 3 793 $ CAN : une augmentation de près de 75 % en cinq ans45 — ou pour 2012 à 2019, passant de 2 168 $ CAN à 3 946 $ CAN : une augmentation de près de 82 % en sept ans46.
Sans tenir compte de quelques actions antérieures, cette grève débute officiellement le 13 février 2012. Il s’agit de la plus longue grève étudiante de l’histoire du Québec47. Le 22 mars 2012, à Montréal, une grande marche réunit une des plus grandes foules2 de l’histoire de cette ville48,49.
Sommaire
1 Contexte
1.1 Droits de scolarité
1.1.1 Au Québec
1.1.2 Par pays ou région
1.2 Condition économique des étudiants
1.3 Position gouvernementale
1.4 Année 2012
1.4.1 Sur la négociation
1.4.2 Sur la violence
1.5 Position des établissements d’enseignement
1.5.1 Personnel enseignant
1.5.2 Déclaration « L’Université contre la hausse »
1.5.3 Demande de démission de la ministre de l’éducation
1.5.4 Barrages de l’UQO
1.6 Tentatives de division du mouvement étudiant
2 Historique
2.1 Actions antérieures
2.2 Déclenchement et débuts
2.3 Manifestation du 22 mars à Montréal
2.4 Après la manifestation du 22 mars
2.5 Première négociation, offre globale et manifestations nocturnes
2.6 Conseil général du Parti libéral à Victoriaville
2.7 Entente de principe rejetée
2.8 Changement de ministre de l’Éducation
2.9 Exhortation du Barreau du Québec
2.10 La loi 78
2.11 Manifestations du 18 au 21 mai 2012
2.12 Le centième jour de grève, 22 mai 2012
2.12.1 À Montréal
2.12.2 Appuis nationaux et mondiaux
2.13 Après le 22 mai 2012
2.14 Concerts de casseroles
3 Organisation et moyens de pression
3.1 Leaders et porte-parole étudiants
3.2 Appuis locaux anti-hausse
3.2.1 Artistes
3.2.2 Groupes
3.2.3 Personnalités
3.2.3.1 Michel Girard
3.2.3.2 Daniel Turp
3.2.3.3 Guy Rocher
3.2.3.4 Jean Garon
3.2.3.5 Jean-Marc Léger
3.3 Appuis internationaux anti-hausse
3.3.1 Aux États-Unis
3.3.2 En France
3.4 Symboles et sensibilisation au mouvement
3.4.1 Le Carré rouge
3.4.2 Personnages
3.4.2.1 Anarchopanda
3.4.2.2 Banane Rebelle
4 Violences et mesures coercitives
4.1 Répression policière
4.2 Violences envers les forces de l’ordre et vandalisme
5 Opposition à la grève
5.1 Étudiants pour la hausse des droits de scolarité
5.2 Étudiants contre la grève
5.3 Personnalités publiques
5.4 Associations d’affaires
6 Notes et références
6.1 Notes
6.2 Références
7 Annexes
7.1 Articles connexes
7.2 Liens externes
Contexte
Articles connexes : Éducation au Québec et Économie de l’éducation.
Droits de scolarité
Au Québec
Article détaillé : Droits de scolarité au Québec.
Graphique illustrant la croissance droits de scolarité universitaire annuels au Québec depuis 1968 (en $ CAN). Les bandes verticales en rouge indiquent les périodes de gouvernements libéraux ; celles en bleu, des péquistes.
Au Canada, selon l’Article 93 de Loi constitutionnelle canadienne de 1867 , l’éducation est une compétence exclusivement provinciale50. Au Québec, c’est le gouvernement du Québec qui est en charge de la gestion et du financement des universités québécoises.
Avant les années 1960, c’est le Département de l’Instruction publique, contrôlé par l’Église catholique qui est en charge de l’éducation dans la province. L’éducation universitaire est alors réservée aux élites fortunées : seulement 3 % des jeunes francophones et 11 % des jeunes anglophones ont accès aux études universitaires51. La Réforme Parent, au cours des années 1960, entraîne la création du Ministère de l’éducation du Québec et facilite l’accès aux universités québécoises. En 1968, les droits de scolarité des universités publiques sont établis et fixés à 540 $ CAN par an. Le 19 mai 1976, le Canada adhère au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels52,53,54 dont l’article 13 stipule que :
« L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité. »
Le gel des frais de scolarité perdure jusqu’en 1990. Ils triplent pour atteindre 1 668 $ CAN par an lors du deuxième gouvernement de Robert Bourassa. Les frais sont gelés à nouveau de 1994 à 2007. En 2007, le gouvernement de Jean Charest procède à une nouvelle augmentation des droits de scolarité de 500 $ CAN sur 5 ans, les faisant passer à 2 168 $ CAN par année.
Par pays ou région
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Droits de scolarité annuels moyens pour les universités publiques des pays de l’OCDE (2008-2009)55 Pays/Région Frais annuels ($US) Pays/Région Frais annuels ($US) Pays/Région Frais annuels ($US) Pays/Région Frais annuels ($US)
Drapeau des États-Unis États-Unis 6 312 Drapeau de Nouvelle-Zélande Nouvelle-Zélande 3 019 Drapeau de Suisse Suisse 879 Drapeau d’Islande Islande Gratuité
Drapeau de Corée du Sud Corée du Sud 5 315 Drapeau : Québec Québec 2 168 Drapeau d’Autriche Autriche 853 Drapeau du Mexique Mexique Gratuité
Drapeau : Royaume-Uni Royaume-Uni 4 840 Drapeau : Pays-Bas Pays-Bas 1 851 Drapeau de la Région wallonne Région wallonne 599 Drapeau de Norvège Norvège Gratuité
Drapeau du Japon Japon 4 602 Drapeau d’Italie Italie 1 281 Drapeau de France France 190 (minimum) Drapeau de République tchèque République tchèque Gratuité
Drapeau d’Australie Australie 4 140 Drapeau du Portugal Portugal 1 233 Drapeau du Danemark Danemark Gratuité Drapeau de Suède Suède Gratuité
Drapeau du Canada Canada 3 77456 Drapeau d’Espagne Espagne 1 038 Drapeau de Finlande Finlande Gratuité
Moyenne des droits de scolarité au Canada en 201257 Province Frais annuels ($C) Province Frais annuels ($C)
Flag of Ontario.svg Ontario 6 640 Drapeau : Île-du-Prince-Édouard Île-du-Prince-Édouard 5 258
Drapeau : Nouveau-Brunswick Nouveau-Brunswick 5 853 Flag of British Columbia.svg Colombie-Britannique 4 852
Drapeau : Nouvelle-Écosse Nouvelle-Écosse 5 731 Flag of Manitoba.svg Manitoba 3 645
Flag of Alberta.svg Alberta 5 662 Flag of Newfoundland and Labrador.svg Terre-Neuve-et-Labrador 2 649
Flag of Saskatchewan.svg Saskatchewan 5 601 Drapeau : Québec Québec 2 519
Condition économique des étudiants
En regard de la capacité théorique de payer des étudiants québécois et de leur parents, 40 % ne reçoivent aucune aide financière de leurs parents et les deux tiers n’habitent plus chez eux : 80 % travaillent et étudient à temps plein. La moitié des étudiants vivent avec 12 200 $ par année (le seuil de pauvreté pour une personne seule en 2010 étant de 16 320 $58). Statistique Canada a établi que s’endetter pour étudier a des conséquences à long terme et que l’augmentation de plus de 200 % des droits de scolarité entre 1995 et 2005 a fait passer de 49 % à 57 % la proportion des étudiants qui s’endettent pour étudier59. Les frais de scolarité représentent plus d’heures de travail en 2012 que par le passé60,61.
La hausse des droits de scolarité et des taux d’endettement suscitent également la crainte d’une « crise nationale62 », d’une « bulle spéculative » uniquement profitable aux institutions bancaires assurant la gestion des prêts gouvernementaux. L’endettement étudiant est comparé par des observateurs américains à l’endettement des ménages avant l’éclatement de la bulle immobilière63. Selon une étude de la Fédération étudiante universitaire du Québec publiée en automne 2011, c’est 65 % des étudiants québécois qui terminent leur baccalauréat avec des dettes, s’élevant en moyenne à 14 000 $64. Les étudiants québécois demeurent tout de même moins endettés que la moyenne canadienne, mais doivent s’attendre à payer plus en impôt, au Québec.
Position gouvernementale
Articles détaillés : Gouvernement Jean Charest, Libéralisme économique et Utilisateur-payeur.
Édifice Marie-Guyart, siège du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec.
« L’avenir du Québec n’est pas dans les moratoires et les gels65. »
— Jean Charest, Premier ministre du Québec à propos du gel des droits de scolarité
Le Parti libéral du Québec forme le gouvernement du Québec à l’Assemblée nationale du Québec depuis avril 2003. Lors de la grève étudiante québécoise de 2012, le gouvernement Charest est à la fin de son 3e mandat. La position du gouvernement Charest à l’égard des droits de scolarité universitaires a évolué au cours des années 2000.
Durant la campagne de l’élection générale québécoise de 2003, les libéraux se positionnent pour le gel des droits de scolarité universitaires66,67. Élus majoritaires à l’Assemblée nationale, leur premier budget propose une réforme du régime d’aide financière aux études qui consiste à augmenter la limite d’endettement ainsi qu’à la conversion de 103 millions $ CA de bourses d’études en prêts68. Cette décision budgétaire entraine le déclenchement de la grève étudiante québécoise de 2005.
Tel qu’il l’avait proposé durant la campagne électorale de 2007, le gouvernement Charest impose une augmentation de 50 $ par semestre des droits de scolarité, peu de temps après sa réélection, les faisant passer de 1 668 $ en 2006-2007 à 2 168 $ pour l’année scolaire 2011-2012. Les droits avaient fait l’objet d’un gel depuis 199469. Une étude conduite en 2006 et 2007 par l’économiste Valérie Vierstraete de l’Université de Sherbrooke et remise au ministère de l’Éducation au printemps 2007 indiquait que la hausse des frais se traduirait par une diminution de l’effectif étudiant de 3 000 personnes70.
Au cours des années qui suivent, plusieurs universités prévoient des hausses subséquentes des droits. Dès 2009, l’Université du Québec à Montréal anticipe des hausses des frais institutionnels obligatoires et des droits de scolarité de 100 $ par année dans sa planification financière jusqu’en 2015-2016, afin d’appuyer son plan de relance, après l’échec de son développement immobilier à l’îlot Voyageur71. En novembre 2009, la faculté de médecine dentaire de l’Université de Montréal propose des frais obligatoires de 5 000 $ par étudiant inscrit au programme afin de moderniser son équipement et d’engager du personnel, en dépit des règles fixées par Québec72. En janvier 2010, l’Université McGill prend unilatéralement la décision de se soustraire aux règles imposées par le gouvernement et ouvre un programme de MBA à 30 000 $73.
Dans une entrevue qu’il accordait au quotidien montréalais Le Devoir en février 2010, le recteur de l’Université Laval, Denis Brière, jugeait que les universités n’avaient d’autre choix que « d’engager le combat pour le dégel des droits de scolarité », compte tenu de leurs lourds déficits. Selon lui, il faudrait que ces droits soient augmentés de 1 500 $ par année pour qu’ils atteignent la moyenne canadienne, avouant toutefois qu’il s’agit de quelque chose qui n’est pas réalisable. Le recteur dit toutefois que la hausse est inévitable mais « [qu']elle serait certainement bien accueillie par les étudiants74 ».
Quelques semaines plus tard, un groupe de 16 personnalités publiques incluant l’ancien premier ministre Lucien Bouchard, Joseph Facal, Claude Montmarquette75, l’ancien recteur de l’Université de Montréal, Robert Lacroix —associés au manifeste Pour un Québec lucide de 2005—, ainsi que l’ancienne ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, proposent des «mesures draconiennes» pour regarnir les coffres des universités en augmentant substantiellement les droits de scolarité sur une période de trois ans76. Le Pacte pour un financement concurrentiel de nos universités, prévoit notamment un relèvement des droits de scolarité de 2 200 $ par année —pouvant atteindre de 3 000 à 10 000 $ dans certains programmes—, assorti d’un engagement ferme du gouvernement à maintenir son financement en termes réels, d’un relèvement des bourses aux moins fortunés et d’un système de remboursement des prêts étudiants proportionnel aux revenus des diplômés75. La proposition du groupe, lancée lors d’une activité de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain le 23 février 2010, reçoit un accueil favorable des ministres Raymond Bachand et Michelle Courchesne qui affirment s’interroger sur la « juste part » que doivent assumer les usagers au financement des services offerts par l’État aux citoyens76.
Année 2012
Durant la grève de 2012, c’est Line Beauchamp qui occupe le poste de ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Elle donne cependant sa démission le 14 mai 2012, disant qu’elle ne croyait plus faire partie de la solution. Elle quitte ainsi la vie politique. Michelle Courchesne reprendra le poste de ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport la journée même77.
Après avoir rejeté toute discussion avec les étudiants qui protestent contre la hausse des droits de scolarité, le gouvernement Charest annonce le 29 mars son intention de discuter à condition qu’il ne soit pas question de la hausse des droits de scolarité78. La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec presse le gouvernement Charest de fixer un moratoire d’un an sur la hausse des droits de scolarité en vue d’établir un « véritable débat public sur l’éducation » qui serait accueilli favorablement par les étudiants et mettrait fin à la grève. Au lendemain de cette annonce, une « décision du gouvernement », l’établissement du « Remboursement proportionnel au revenu » (RPR), est annoncée qui permettrait à plus d’étudiants de contracter des dettes d’études et exigerait des universités un recours accru aux fonds privés. La ministre de l’Éducation explique qu’elle ne peut négocier au sujet de la hausse des droits de scolarité avec des étudiants qui « veulent qu’on parle de leur contribution en disant : “ma facture, je ne veux pas la prendre, refilez-la à quelqu’un d’autre” »79,80. Unies dans un front commun, les « trois principales organisations étudiantes, la FECQ, la FEUQ et la CLASSE » condamnent l’« insultante » et l’« inacceptable » augmentation de l’endettement étudiant et annoncent une sortie de crise en perspective, la possibilité d’une rencontre avec la ministre de l’Éducation ayant été ouverte81.
Sur la négociation
Les positions du gouvernement Charest quant à la négociation avec les associations étudiantes sont, chronologiquement : (1) le gouvernement a déjà débattu de la question de la hausse des droits de scolarité lors de la rencontre des partenaires de l’éducation ; (2) la ministre de l’éducation Line Beauchamp trouve difficile « d’un point de vue personnel » de rencontrer le co-porte-parole de la CLASSE ; (3) le gouvernement ne discutera pas avec des associations étudiantes prônant la gratuité scolaire ; (4) le gouvernement ne discutera pas avec des associations « ne condamnant pas » la violence et (5) le gouvernement ne discutera pas avec des associations « ne condamnant pas » la violence avant le 18 avril 2012 au soir82. (6) Le gouvernement reporte la rencontre avec les associations au 23 avril, puisque les trois associations refusent de rencontrer Line Beauchamp avant le congrès de la CLASSE. (7) Par la suite, Line Beauchamp ajoute une nouvelle condition, un statu quo « des deux côtés », qu’elle nomme « une trêve ». (8) Line Beauchamp annonce le 25 avril que la CLASSE s’est exclue parce qu’elle a fait la promotion sur son site Web d’une manifestation de « perturbation économique et sociale », qui était le fait d’une organisation voulant se dissocier de la CLASSE, quant à sa position quant à ladite trêve. Cette accusation, contredite par les faits mêmes, est relayée par les deux grands médias privés. La Société Radio-Canada rétablit les faits lors de l’émission 24 heures en 60 minutes. Cette exclusion, entraîne le départ de toutes les associations et la tenue d’une manifestation de nuit historique.
Léo Bureau-Blouin, représentant de la FECQ, généralement perçu comme le plus conciliant des trois, conclut, sur l’ensemble des conditions posées par la ministre : « est-ce que la prochaine étape, ce sera de faire un chemin de croix? ».
Sur la violence
Le gouvernement Charest condamne sévèrement les actes de vandalisme et de violence commis lors des manifestations étudiantes, qu’il impute aux étudiants affiliés à la CLASSE83 (qui s’est « dissociée » de ces actes depuis le début de la grève, « recommande d’autres moyens de pression » mais qui ne peut « condamner » que si ses membres votent des « condamnations » – voir Coalition large de l’ASSÉ – Mode de fonctionnement).
Dans le contexte du débat lancé par la ministre Beauchamp sur la différence entre « ne pas encourager » et « condamner », tandis que des étudiants se faisant matraquer à l’université du Québec en Outaouais apparaissaient sur les chaînes de télévision, le gouvernement Charest a émis un commentaire au 62e jour du conflit : « il faut condamner la violence ». Le Ministre de la sécurité publique n’a condamné aucun des comportements des forces de l’ordre qui sévissaient au même moment, invitant chaque étudiant qui aurait été victime de brutalité à s’adresser aux autorités compétentes après coup84 :
« Je dénonce toute violence quelle que soit sa provenance. Les personnes qui ont pu être victimes de brutalité policière n’ont qu’à se plaindre aux instances compétentes. »
— Robert Dutil, Ministre de la sécurité publique, le 19 avril 201284.
« Deux députés [de l'Assemblée nationale] déplorent l’utilisation de gaz lacrymogènes » lors d’une manifestation étudiante85. Lors de la manifestation du 7 mars à Montréal, les forces de l’ordre ont utilisé des bombes assourdissantes. Selon les protocoles d’intervention policiers, ces projectiles doivent être lancés au-dessus des têtes des manifestants. Or, au moins une bombe a explosé sur le visage d’un étudiant, qui a failli perdre un œil. Les policiers ont refusé de secourir la victime alors qu’elle est sérieusement blessée86,87. La FEUQ a demandé au premier ministre d’agir et de dénoncer les abus des corps policiers88. Le premier ministre Jean Charest a refusé de condamner ou de dénoncer les violences perpétrées par les forces de l’ordre83.
Le Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT) a mis à l’étude le dossier de son directeur général de la fiscalité, Bernard Guay, suite à ses déclarations dans Le Soleil de Québec. Afin de mettre un terme à cette grève « ruineuse et antisociale », ce haut fonctionnaire propose de « répondre à l’intimidation par le défi. Les gens qui s’opposent aux points de vue véhiculés par les médias contrôlés par la gauche doivent se doter de leurs propres médias. » Il appelle les opposants à la grève à s’inspirer des « mouvements fascistes » et à « cabaler » pour « reconquérir le terrain » et « mettre fin à la tyrannie des agitateurs de gauche »89,90. Le texte, plus tard retiré par le journal Le Soleil, a amené Josée Legault, politologue et chroniqueure au journal Voir, à poser la question : « Qui dénoncera qui cette fois91? » Suite à cette condamnation de Josée Legault, le Ministre Lessard qualifie les propos de son haut fonctionnaire d’« inappopriés » et affirme qu’il lui a imposé des « sanctions administratives ». Le ministre refuse d’en préciser la nature92.
Position des établissements d’enseignement
Le 16 février, la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, envoie le mot d’ordre aux administrations collégiales et universitaires de ne pas reconnaître les votes de grève et invite les enseignants à franchir les lignes de piquetage. La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) « trouve déplorable que la ministre s’ingère dans la démocratie étudiante »93. Les étudiants craignent que ce type de mot d’ordre entraîne des tensions entre les établissements et les étudiants.
Le gouvernement et les établissements d’enseignement se fondent sur l’absence de droit de grève reconnu aux étudiants québécois. À l’inverse des syndicats, aucune loi québécoise ne donne aux associations étudiantes le droit de déclencher une grève. L’Assocation des juristes progressistes (AJP) souligne que l’exercice du droit de grève dans le monde du travail a longtemps préexisté à son inscription dans les lois, que les grèves étudiantes sont depuis longtemps des moteurs de changement social (par exemple, la fondation de l’Université du Québec à Montréal), et qu’il serait par conséquent incohérent de distinguer les grèves étudiantes des grêves ouvrières. Au sujet de la dénomination « boycott » recommandée par les rectorats et Line Beauchamp, en lieu et place de « grève », l’AJP explique que ce terme s’appliquerait si, par exemple, les étudiants choisissaient collectivement d’être « clients » d’une autre institution d’enseignement que l’université McGill par exemple, mais qu’elle ne saurait s’appliquer quand les buts de la mobilisation dépassant la simple consommation d’un service. Le mot d’ordre de Line Beauchamp, selon l’AJP et d’autres critiques, pourrait constituer de la discrimination basée sur les convictions politiques, qui devrait être combattue au même titre que la discrimination pour motifs religieuxnote 1. L’AJP précise que « la Loi sur l’accréditation et le financement des associations d’élèves et d’étudiants, (L.R.Q., chapitre A-3.01) promulguée en 1983 à la suite d’une grève étudiante, fut calquée à plusieurs égards sur le Code du travail », que ces associations ont pour mandat d’être représentantes uniques des étudiants, et que la répression juridique de la grève étudiante par le gouvernement Charest est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés ainsi qu’à la Charte des droits et libertés de la personne sur les plans des libertés d’expression et d’association94.
Le 2 avril, le conseil d’administration du Collège Montmorency annule sa session d’été. Ses membres expliquent dans une résolution unanime qu’ils souhaitent saluer « l’implication citoyenne du mouvement étudiant » et inviter le gouvernement Charest « à ouvrir le dialogue » avec les fédérations étudiantes. Le Collège déclare que les étudiants exercent leurs droits et leurs devoirs de citoyens responsables et engagés dans la collectivité95.
Personnel enseignant
Professeurs contre la hausse, lors de la manifestation nationale du 22 mars 2012.
— Dans certaines manifestations, des professeurs contre la hausse veillent à ce que les étudiants ne soient pas brutalisés ou réprimés pendant les manifestations, en surveillant les forces de l’ordre.
En dépit des menaces de sanctions, 2 335 professeurs (en date du 27 mars 2012) ont signé un Manifeste des professeurs contre la hausse96,97.
Des professeurs de l’Université McGill ont protesté dans une lettre ouverte à l’administration de l’université contre la répression du mouvement étudiant sur le campus de l’université, notamment contre l’exclusion complète de certains étudiants. Au sujet des étudiants qui manifestent, ils déclarent que :
« Ceux et celles qui protestent contre la hausse et les autres politiques qui contribuent à rendre l’éducation inaccessible sont parmi nos meilleurs étudiants, en fait : leurs analyses critiques et leur solidarité constituent des apprentissages que plusieurs d’entre nous espérons transmettre aux étudiants de McGill. Ce sont non seulement leurs apprentissages mais aussi la manière de les mettre en pratique qui commandent le respect [...]98. »
Le 26 mars, une enseignante au Conservatoire de musique de Montréal, Liette Yergeau, a été suspendue et pourrait être congédiée en raison de son soutien pour la légitimité de la grève étudiante99,100. L’enseignante a répondu qu’elle refusait la pénalité en expliquant qu’elle avait la « responsabilité de participer à la Défense et au Respect des Droits et Libertés101. »
Devant le mot d’ordre de la Ministre de l’éducation d’ordonner la reprise des cours dans les universités et les CEGEP et de judiciariser le conflit, jusqu’alors fondé sur la légitimité démocratique des représentants, le syndicats des enseignants du CEGEP de Valleyfield a voté unanimement, à la veille de la reprise des cours ordonnée par le directeur du CEGEP, une résolution de non-reprise des cours : ils affirment que les droits démocratiques des étudiants sont bafoués et condamnent « l’irresponsabilité du Collège qui met en danger la sécurité des étudiants et manque ainsi à son devoir de gestionnaire en éducation ». Devant le directeur du collège qui était en point de presse, ils ont réitéré leur condamnation de ce « geste politique »102. Vincent Fortier, de l’éxécutif syndical, observe : « On dirait qu’on cherche volontairement un climat de confrontation »103.
Déclaration « L’Université contre la hausse »
Au 59e jour de grève, alors que les injonctions forçant la reprise des classes se multiplient, 500 professeurs d’université (au 12 avril), représentant plusieurs domaines d’étude et la majorité des établissements universitaires, énoncent « une position générale, minimale, qui marque clairement la place des professeurs et professeures aux côtés des étudiants ». Les professeurs, dont Gérald Larose (UQAM), Michel Seymour (Université de Montréal), Gilles Gagné (Université Laval), Yvon Rivard (Université McGill), Georges Leroux (UQAM) et Daniel Turp (Université de Montréal) expliquent que les professeurs ont pu paraître s’exprimer de façon dispersée depuis le début de la contestation étudiante, et qu’il était important de parler désormais d’une voix commune. Désormais, ils entendent « dénoncer l’indifférence de l’actuel gouvernement ainsi que sa conception à courte vue du financement des universités et de la place de l’éducation dans la société ». À un moment critique de la grève, leur déclaration « entend ouvrir la voie à de futurs débats sur l’avenir de l’éducation104,105 ».
Demande de démission de la ministre de l’éducation
En moins de 48 heures, le 13 avril 2012, plus d’un millier de signatures d’enseignants ont été réunies demandant formellement la démission de la ministre de l’éducation, Line Beauchamp. La coalition des « Profs contre la hausse » dénonce ainsi la position « intenable » dont ils estiment la ministre responsable106. Les enseignants refusent d’être les complices du « pari risqué » de la ministre « qui mise sur une détérioration de ce climat et l’essoufflement du mouvement étudiant ». Le millier d’enseignants demandent la démission de Line Beauchamp parce que celle-ci rejette « le fardeau de son irresponsabilité sur le dos des directions et des professeurs ». Ils avancent que « la ministre camoufle volontairement les véritables enjeux du conflit » et que « son comportement est indigne de sa fonction qui appelle ouverture, dialogue et collaboration ».
En référence à la situation à Valleyfield, où l’administration a tenté d’appliquer la directive ministérielle de recommencer les cours malgré le vote de grève, Jean-Marc Côté, porte-parole de « Profs contre la hausse » souligne qu’« un directeur de collège, dans une situation comme celle-là, ne peut garantir que les conditions propices à l’enseignement soient réunies et ne peut garantir non plus la sécurité de tout le monde : le personnel des collèges, les étudiants eux-mêmes, les professeurs107 », ajoutant ceci : « On nous met vraiment devant une situation carrément impossible. Ceux qui ne veulent pas négocier en ce moment, et qui font tout pour maintenir l’impasse, c’est le gouvernement107. »
Barrages de l’UQO
Suite à une injonction forçant la reprise des cours, le syndicat des professeurs de l’Université du Québec en Outaouais décide le 16 avril 2012 de passer à l’action directe pour protéger les étudiants de l’intervention policière, le « bras armé » de la judiciarisation recommandée par le gouvernement Charest. Placés devant les policiers, à l’extérieur de l’université, attendant de savoir si le juge aurait « perdu la raison » au point de maintenir cette injonction, les professeurs ont affirmé être prêts à se faire arrêter avec les étudiants, pour protester avec eux contre un gouvernement n’ayant « plus d’autres arguments que la matraque ». Lorsque la demande d’injonction, à la surprise de plusieurs enseignants et étudiants, fut maintenue (cette demande de révision provenant du rectorat de l’UQO), les 200 étudiants ont délibéré et décidé que leur détention serait plus nuisible qu’utile pour la suite de la mobilisation. Se rendant aux arguments du juge Pierre Dallaire, le recteur de l’UQO, qui avait jusqu’alors évité les débordements en annulant les cours et en demandant que l’injonction soit levée, conclut que : « Force est de constater qu’on a besoin du corps policier pour pouvoir permettre aux étudiants qui souhaitent suivre leurs cours de le faire108 ».
Le lendemain, le professeur Thibaut Martin est incarcéré pour avoir entravé le travail des policiers, un autre est expulsé du campus109. Le mercredi 18 avril, les étudiants décident de faire une manifestation sans précédent en Outaouais, appuyés de professeurs et de membres de différents syndicats qui avaient été invités. Alors que les manifestants marchent pacifiquement dans une rue isolée (Promenade du Lac des Fées), l’anti-émeute survient et encercle les manifestants, qui resteront coincés pendant plusieurs heures au soleil. Plus de 160 arrestations ont lieu. On met à l’amende tous les manifestants pour “Entrave à la voie publique”110,111.
Le lendemain, les élèves, appuyés par les enseignants, viennent manifester pacifiquement à Hull, pour ensuite se diriger vers « leur université »; les policiers matraquent et poivrent les étudiants; deux sont blessés et transportés à l’hôpital. Une porte laissée vacante par les forces de l’ordre permettant aux étudiants d’occuper les lieux, une centaine d’entre eux entre et s’installe. Les étudiants observent alors une minute de silence devant l’escouade anti-émeutes, qui se termine par des éclats de rire :
« On se fait accuser d’être violents, alors que là, nous sommes en silence et pacifiques. On a un message à porter. Je souhaite de tout cœur que Lyne Beauchamp et John James Charest soient témoins de la police qui est là, blindée, qu’elle nous intimide. »
— Alexandre Poulin, étudiant à la maîtrise en histoire de l’art, de l’Université du Québec à Montréal, venu soutenir par solidarité les étudiants de Gatineau.
Tous sont arrêtés sans offrir de résistance. Pour la seule journée du jeudi 19 avril, populairement appelé “Jeudi rouge”, 151 personnes sont arrêtées et accusées d’infraction de méfait au code criminel. Deux étudiants sont blessés. En dépit de l’ordre de la cour supérieure de forcer la tenue des cours avec l’aide des forces policières, l’administration de l’UQO décide de suspendre toutes ses activités dans l’après-midi du 19 avril jusqu’au vendredi inclusivement. La police expliquera que ces événements se sont produits parce que les étudiants avaient cessé de « collaborer » avec les policiers en raison de la venue de manifestants « d’un peu partout »112.
Tentatives de division du mouvement étudiant
« Je ne sais ce que c’est, cette attitude. Est-ce qu’on veut humilier les étudiants? Les diviser? Parce que moi, je n’ai jamais entendu la CLASSE dire « on cautionne ces gestes, on est d’accord avec ceux-ci ». Moi, jamais je ne l’ai entendu. Ils veulent que la CLASSE utilise les mots du gouvernement? Il me semble qu’on a un gouvernement d’adultes? Ils devraient être capables de faire preuve d’un peu de compréhension. »
— Pauline Marois, 18 avril 2012
Dès l’invitation à négocier de Mme Beauchamp, une invitation qui aliénait 50 % des étudiants en grève en excluant la CLASSE, une large part des analystes des médias de masse ont remarqué que la stratégie du gouvernement était dès lors celle de la division du mouvement étudiant, comme cela avait été le cas lors de la grève étudiante québécoise de 2005. Des analystes[Qui ?] font remarquer que la judiciarisation du conflit permet au gouvernement d’opposer sur le terrain les étudiants grévistes et les étudiants partisans de la hausse, ce qui permet des confrontations physiques entre étudiants. Plus rarement dans les médias, des observateurs sur le terrain font état de techniques de provocation policière. Des observateurs[Qui ?] soulèvent l’hypothèse que les incidents dans le métro de la mi-avril (perturbations visant la population et non le mobilier des ministres), lors desquelles personne n’a été arrêté, seraient le fait d’agents provocateurs113.
Gabriel Boisclair, étudiant, a pu témoigner dans La Presse de méthodes policières semblant outrepasser leur mandat de garder la paix :
« Les policiers ont chargé sans nous rentrer dedans. Pas encore. C’était de l’intimidation, tout simplement. Quand ils ont chargé, plusieurs manifestants ont commencé à courir, en panique. Les policiers avaient atteint leur but : déranger une simple marche qui se déroulait dans le calme. [...] Une telle violence gratuite nous révolte. [...] Et nous imaginons bien comment peuvent être en colère ceux qui reçoivent des coups et se font arrêter parce qu’ils manifestent. [...] Nous comprenons pourquoi nombreux sont ceux qui haïssent la police, pourquoi il y a un sentiment de révolte dans l’air114. »
Historique
Actions antérieures
Dès février 2010, des rumeurs font état d’une nouvelle hausse des frais de scolarité115. À la suite de ces rumeurs, les associations étudiantes s’organisent.
Le gouvernement organise une rencontre des partenaires du monde de l’éducation le 6 décembre 2010, à Québec, sur le thème « L’avenir des universités et leur contribution au développement du Québec », une consultation sur « les principes devant guider la hausse des frais de scolarité »116,117 et discuter des « performances » des universités et de leur place « sur la scène nationale et internationale »118. Tandis que l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) appelle à boycotter cette rencontre, la FECQ, la FEUQ et les centrales syndicales québécoises présentes (CSN, FTQ, FNEEQ) décident de quitter la rencontre après y avoir assisté pour protester contre la position gouvernementale119.
Une pétition initiée par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) qui avait circulé dans les cégeps et les universités du Québec à l’automne 2010 récolte 30 000 signataires. Elle est déposée quelques jours après la rencontre sur l’avenir des universités, le 9 décembre 2010, à l’Assemblée nationale par le député péquiste Mathieu Traversy120.
Dès la reprise des cours à l’hiver 2011, le mouvement prend de l’ampleur. Une manifestation est organisée le 12 mars 2011 à l’initiative de l’Alliance sociale et de la Coalition opposée à la tarification des services publics. Cette manifestation, intitulée « Un budget équitable, une question de choix », rassemble plusieurs dizaines de milliers de citoyens quelques jours avant le dépôt du budget du Québec.
Le budget du Québec est finalement déposé le 18 mars 2011. Le gouvernement de Jean Charest confirme son intention d’augmenter les droits de scolarité en les augmentant de 1 625 $ sur 5 ans, pour les faire passer à 3 793 $ par année. Selon la FEUQ et la FECQ, en y additionnant les frais afférents exigibles par les universités, la facture étudiante totale avoisinera annuellement, en 2016, les 4 500 $121.
Une levée de boucliers s’ensuit du côté étudiant immédiatement après l’annonce du gouvernement. Plusieurs manifestations ont lieu devant des immeubles où se tiennent des événements associés au Parti libéral du Québec. Une manifestation étudiante rassemble quelques milliers d’étudiants le 31 mars 2011 à Montréal, à la suite de l’appel de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ). Un campement étudiant est également érigé par la Fédération étudiante collégiale du Québec et la Fédération étudiante universitaire du Québec chaque fin de semaine de l’été devant les bureaux du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport122.
Les étudiants reprennent les moyens de protestations lors de la rentrée scolaire 2011. La Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)123, puis l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ)124, invitent les étudiants à manifester le 10 novembre 2011. Cette manifestation rassemble plus de 30 000 personnes à Montréal. Il s’agit de la deuxième[réf. nécessaire] plus grosse manifestation de l’histoire du mouvement étudiant québécois125. À la suite de cette manifestation, le gouvernement réplique en créant un site web destiné à faire la promotion de l’augmentation des frais de scolarité universitaire. Pour faire la promotion de ce site web, le gouvernement achète les mots clés associés aux principales associations étudiantes québécoises sur le moteur de recherche Google126. Cette tactique déplaira grandement à l’opposition officielle qui l’associera aux tactiques de la British Petroleum lors de la marée noire dans le Golfe du Mexique127.
Vers la fin de la session d’automne, l’ASSÉ appelle à la formation d’une coalition de grève, en vue de la grève générale illimitée en hiver 2012. Pour ce faire, elle permet aux associations étudiantes qui le désirent de se joindre à l’organisation pour la grève étudiante. La Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE) sera créée le 3 décembre 2011 au Collège de Valleyfield.
Dès la rentrée 2012, la FECQ et la FEUQ entrevoient elles aussi la possibilité de déclencher une grève générale si le gouvernement ne recule pas128. C’est par le biais d’une lettre ouverte129 le 27 février 2012 que la FEUQ indiquera que la grève est le moyen à privilégier pour faire reculer le gouvernement, alors que la FECQ sera plus directe, le 2 mars 2012, en demandant à ses membres de débrayer130.
Déclenchement et débuts
La grève a été déclenchée le 13 février 2012 par l’Association des chercheuses et chercheurs étudiants en sociologie de l’Université Laval et le Mouvement des étudiants en service social de l’Université Laval. Ils sont suivis dès le lendemain par les facultés des sciences humaines, de sciences politique, de droit et d’arts de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Le 16 février, le Cégep du Vieux-Montréal est le premier à rentrer en grève, suivi le 20 février, par d’autres cégeps qui viennent grossir les rangs des grévistes, qui se chiffrent à ce moment à plus de 30 000131. Le 27 février, de nombreuses associations se joignent au mouvement. Il y a alors environ 65 000 étudiants en grève. Il y a aussi environ 8 400 étudiants qui ont déjà un mandat de grève et qui pourraient entrer en grève entre le 1er et le 5 mars. Parmi ces 8 400 étudiants, il y a une grande part d’étudiants en sciences de l’Université de Montréal (associations de physique, de biologie, de sciences biomédicales, de chimie et de médecine). Il y a grève dans un grand nombre de cégeps, à l’Université du Québec à Rimouski , pour presque toute les associations de l’UQAM et de nombreuses associations de l’Université de Montréal et de l’Université Laval132. Le 29 février, de nombreuses associations sont entrées en grève ou ont voté pour entrer en grève dès le 1er mars. Le 5 mars 2012, il y a environ 123 300 étudiants en grève illimitée et environ 9 500 étudiants ont un mandat de grève illimitée. Le nombre d’étudiants en grève a atteint son sommet le 22 mars, il y avait alors entre 300 000133,3 et 310 000134 étudiants en grève (sur un total d’environ 400 000135,136,137). Cependant, plusieurs de ces étudiants étaient en grève limitée à cause de la manifestation nationale du 22 mars.
Le 21 mars 2012, Line Beauchamp refuse la proposition de médiation faite par le recteur de l’Université du Québec à Rimouski, Michel Ringuet138.
Manifestation du 22 mars à Montréal
Grande manifestation du 22 mars 2012 sur la rue Berri, à Montréal.
La manifestation étudiante du 22 mars 2012 a rassemblé entre 200 000 et 300 000 étudiants et membres de la société civile2,139 s’opposant à la hausse des frais de scolarité prévue par le gouvernement de Jean Charest au centre-ville de Montréal. Elle avait comme point de départ la Place du Canada et se terminait sur la Place Jacques-Cartier dans le Vieux-Port où les leaders étudiants ont tenu plusieurs discours.
La manifestation a surpris les observateurs par son ampleur. La dernière manifestation à avoir regroupé autant de personnes était celle contre la guerre en Irak. Selon plusieurs commentateurs (éditorialistes, analystes, personnalités publiques, politiciens), cette manifestation a démontré que la jeunesse québécoise est, d’une part, plus mobilisée que d’aucuns le pensaient auparavant et, d’autre part, que les revendications portées par ce mouvement s’inscrivent dans un mouvement historique beaucoup plus large.
La manifestation du 22 mars a été signalée dans les médias internationaux et pour certains observateurs hors-Québec, ce rassemblement signalait au reste du monde que le Québec se joignait aux autres mouvements de dénonciation des injustices ayant lieu dans les pays arabes, en Europe et ailleurs dans le monde.
Inscription dans le paysage
Policiers à cheval
Le jeudi 22 mars environ 200 000 étudiants étaient à la manifestation nationale à Montréal133,3. La semaine suivante, plusieurs associations étudiantes ont voté une grève générale illimitée, jusqu’à ce que le gouvernement fasse une offre et/ou ouvre une table de négociation avec les étudiants. Auparavant, les mandats de grève des cours devaient être reconduits de façon hebdomadaire, lors d’Assemblées Générales Extraordinaires (AGE). Les étudiants montrent ainsi leur détermination et le durcissement de leurs positions.
Après la manifestation du 22 mars
Les organisateurs évaluent que 40 000 personnes se sont jointes au rassemblement du 14 avril 2012 à Montréal.
La manifestation « Pour un printemps québécois », du 14 avril 2012, tenue le jour du neuvième anniversaire de l’élection du Parti Libéral du Québec, a non seulement regroupé étudiants mais aussi parents, enfants, retraités, professeurs, et membres d’organisations s’opposant à la tarification des services publics140. La Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), qui a mis sur pied l’événement, entendait inviter la population « à la mobilisation citoyenne contre les gouvernements de Québec et d’Ottawa »141 :
« Coupures dans les programmes sociaux, baisses d’impôts aux entreprises, dépenses militaires records, recul des droits des femmes, mises à pied massives, inaction devant les fermetures d’usines, hausse du seuil de la retraite à 67 ans, hausse des frais de scolarité, imposition de la taxe santé, augmentation des tarifs d’Hydro-Québec… La liste des injustices libérales et conservatrices est longue! »
— Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE142.
Un grand nombre d’étudiants étaient en grève limitée, donc dès le 27 mars, le nombre d’étudiants en grève était revenu à 205 milliers. Par la suite, le nombre a diminué très lentement jusqu’au 4 avril, où il était encore de 199 milliers. Il a baissé à 183 milliers le 5 avril, soit 2 semaines après le 22 mars. Par la suite, il a varié légèrement à cause de l’arrêt de grève puis du retour en grève de l’Aéliés. Il est de 184 milliers le 23 avril143. Au mois d’avril, les tensions ont monté à la manifestation au Palais des Congrès de Montréal pour l’ouverture du Salon « Plan Nord », soit le 20 avril. Les tensions ont monté au point que la Sureté du Québec a été déployée pour contrer les actes de vandalisme qui surmenaient la SPVM. Il y a eu des arrestations massives.
Le jeudi 26 avril, plusieurs étudiants et étudiantes participent à l’enregistrement en plein air d’un « mimoclip » : d’une durée de plus de 4 minutes, à base d’un pot-pourri de chansons québécoises politico-percutantes (dont le « On a mis quelqu’un au monde / On devrait peut-être l’écouter », du groupe Harmonium, et le « Libérez-nous des libéraux », du groupe Loco Locass, qui y participe), ce clip est lancé sur l’Internet, pour faire entendre la visée pacifique de leurs actions, « en quête d’une société plus juste144 ».
Première négociation, offre globale et manifestations nocturnes
La semaine du 23 avril, il y a eu des discussions entre les leaders étudiants et des délégues gouvernementaux pour abaisser les tensions. Invoquant des incidents lors d’une manifestation le 24 avril à Montréal, la Ministre Beauchamp exclut la CLASSE des pourparlers. En réaction, les leaders de la FEUQ et de la FECQ ont suspendu les discussions avec le gouvernement145. Cela a créé une réaction de frustration et une série de 3 manifestations nocturnes se sont déroulées le 24, 25 et 26 avril. La manifestation du 24 avril a été marquée par d’autres actes de vandalisme, commis par un petit groupe d’un Black Bloc, et des arrestations. Néanmoins, les marches se sont déroulées pour la plupart dans le calme.
Le vendredi 27 avril à 11 heures, Jean Charest convoque les médias en conférence de presse pour divulguer l’offre faite aux étudiants. La proposition comprend l’étalement des hausses sur 7 ans, mais accrues d’une indexation. Cela représente une hausse de 255 $ par année plutôt que 325 $. Le gouvernement a aussi annoncé un élargissement de l’accès aux prêts et bourses, ce qui comprend un investissement de 39 millions de dollars en bourses, la création d’un système de Remboursement proportionnel au revenu (RPR) et l’instauration d’un Conseil provisoire chargé de surveiller la gestion des universités. L’impact de la hausse sur l’accessibilité devrait aussi être vérifié périodiquement146. Selon le fiscaliste Luc Godbout, cette offre globale est largement avantageuse pour les étudiants pauvres ou issus de la classe moyenne, puisque les premiers auront, toutes dépenses calculées, plus d’argent que dans l’ancien système et que les seconds auront davantage droit à un prêt147.
Cette offre, perçue par la majorité (présumée) des étudiants comme une insulte148, entraîne une 4e manifestation nocturne consécutive149. Le lendemain soir, pour leur 5e manifestation nocturne d’affilée à Montréal, malgré leur colère générale, les participants voient à désormais désapprouver quiconque voudrait s’adonner à la casse150. Le 30 avril une septième manifestation nocturne consécutive a lieu sous le thème d’un « carnaval nocturne » : les participants sont déguisés et pacifiques. Une autre a également lieu le même jour : la « manifestation lumino-silencieuse », qui se déroule en silence. […] Pour un neuvième soir de suite à Montréal, le 2 mai, la marche se déroule dans la calme, les manifestants se dirigent vers la résidence privée du premier ministre, où ils font un sit-in, plusieurs déguisés richement, pour montrer la dérision de la situation. Leur principal slogan : « Manif chaque soir, jusqu’à la victoire »151. Ce jour-là, le ministre des Finances déclarait compter sur les élections (devant se tenir d’ici 20 mois : avant janvier 2014), plutôt que sur des discussions, pour régler le conflit, toute négociation étant impossible, selon lui152. Le 3 mai, une dixième manifestation nocturne a lieu, certains manifestants sont déguisés en zombies, d’autres sont presque nus, plusieurs se rendent jusqu’à la résidence du maire de Montréal, qui voudrait leur interdire le port de masques153.
Ces manifestations continuent de se dérouler chaque soir, à Montréal. Le compte au 14 mai en est donc de 21 manifestations nocturnes consécutives154. La 25e de ces manifestations nocturnes consécutives, à Montréal, se tient le 18 mai, jour même de l’adoption du nouveau règlement municipal y interdisant le port de masques dans les manifestations, quelques heures seulement après l’entrée en vigueur de la loi 78 (provinciale), destinée à contrer très sévèrement toute contestation étudiante et à imposer, sans recours, la hausse des droits de scolarité décrétée par le parti au pouvoir, quasi-minoritaire, à moins de dix-huit mois du terme électoral.
Conseil général du Parti libéral à Victoriaville
Manifestation du 4 mai 2012 à Victoriaville.
En raison des manifestations quotidiennes à Montréal, le Parti au pouvoir décide de déplacer à Victoriaville, son Conseil général s’ouvrant le vendredi 4 mai 2012, qui devait se tenir à Montréal.
Peu avant l’ouverture du Conseil, le gouvernement Charest décide de convoquer, à Québec, les représentants des quatre groupes d’associations d’étudiants, les chefs des centrales syndicales, les recteurs d’université et de la fédération des cégeps, avec le négociateur en chef du gouvernement ainsi que les ministres Line Beauchamp et Michelle Courchesne, pour conclure une entente de principe visant un retour à la normale155. Les représentants entament des pourparlers en fin d’après-midi.
Au même moment, à Victoriaville, plusieurs dizaines d’autobus remplis de manifestants se rendent sur place, à environ un à deux kilomètres du palais des congrès. Les manifestants marchent jusqu’à ce lieu où se tenait le Conseil et, moins d’une heure après le début des manifestations, il y a des affrontements entre des manifestants et l’escouade anti-émeute de la Sûreté du Québec (SQ). — Les négociations à Québec sont alors brièvement interrompues pour permettre aux leaders étudiants de lancer un appel au calme, avec diffusion immédiate jusque sur les réseaux sociaux de l’Internet.
Les affrontement font plusieurs blessés, incluant 3 policiers. Deux manifestants blessés reposent dans un état critique à l’hôpital, dont un étudiant qui perd l’usage d’un œil156.
Quelques jours plus tard, deux partis d’opposition, Québec solidaire et le Parti québécois, réclament, en vain, la tenue d’une enquête publique indépendante sur le comportement policier lors de la manifestation de Victoriaville157. Le ministre de la sécurité publique, Robert Dutil, leur réplique de s’en remettre au Commissaire à la déontologie policière158,159,160.
Entente de principe rejetée
Le samedi 5 mai, après 22 heures consécutives de négociation, les représentants des différents groupes en viennent à une entente de principe, qui stipule que la hausse des « droits de scolarité » s’applique, mais que si des coupures dans les « droits afférents » (frais institutionnels obligatoires) ont lieu, cela pourrait laisser inchangé le total de la facture à payer par les étudiants. À cette fin, l’entente prévoit la création d’un Conseil provisoire des universités (CPU), pour étudier la possibilité de sabrer dans les dépenses universitaires avant 2013161. Cette entente est plutôt perçue par les leaders étudiants non pas comme une entente officielle mais comme une « feuille de route » à soumettre au vote libre des différentes associations étudiantes, de sorte que la grève générale illimitée reste en cours jusqu’à nouvel ordre162. En outre, le négociateur de la CLASSE aurait signé la version finale de l’entente sans la lire intégralement et sans consulter le reste de son comité de négociation. Cet acte aurait provoqué la colère des autres négociateurs de sa formation163.
De son côté, la partie gouvernementale adopte un ton jugé triomphaliste, proclamant que, par l’entente obtenue, le « Québec maintient intégralement les hausses164 » puis le premier ministre, Jean Charest, tient les étudiants responsables de la durée du conflit165. Plusieurs étudiants sur les réseaux sociaux disent que l’entente de principe est une « arnaque » et une « grossièreté ». Tous les signes laissent donc présager que l’« offre » sera rejetée par les étudiants166,167. L’impasse est confirmée en moins d’une semaine : les assemblées de chacune des quatre associations rejettent la proposition168,169. Alors, la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, se dit prête à ajouter des précisions à l’entente mais « veut éviter que les gestes qu’elle pose soient perçus comme un « recul » par l’opinion publique170 », ajoutant (en maintenant la demande monétaire gouvernementale) que « personne n’a à abandonner ses revendications pour autant170 ». — Tout est à reprendre, mais en mieux171, vraisemblablement après un gel immédiat des droits de scolarité172,173. Un gel d’au moins deux ans174?
Changement de ministre de l’Éducation
« Je démissionne parce que j’estime que je ne fais plus partie de la solution.
[…] Je fais l’ultime compromis que je puisse faire : je cède ma place. »
— Line Beauchamp175, 14 mai 2012.
Au milieu de l’après-midi du lundi 14 mai 2012, à la 14e semaine de grève étudiante, la ministre de l’Éducation et vice-première ministre du Québec annonce sa démission de la vie politique175. De son propre aveu, elle espère que cette décision « servira d’électrochoc » en vue de régler le conflit étudiant175. Dans la matinée, elle avait tenue une conférence téléphonique avec les leaders et porte-parole des quatre groupes d’associations étudiantes, sans leur annoncer le moindrement cette issue175. Élue depuis quinze ans, dont dix ans au pouvoir, elle avait décidée depuis longtemps de ne pas se présenter aux prochaines élections176. Son départ précipité ne laisse plus que 4 sièges d’avance (63 contre 59, car un 3e des 125 sièges devient ainsi vacant) au gouvernement du parti Libéral, cela en comptant le président Jacques Chagnon (au vote rare mais prépondérant, en cas d’égalité des voix) et un ministre, Yvon Vallières, en convalescence176. Elle quitte en se réclamant de la ligne dure (électoralement rentable, d’après le dernier sondage177), et en dénonçant la rigidité des étudiants quand, le matin même, « au cours de son ultime coup de fil aux associations, elle était même prête à discuter d’un moratoire sur la hausse des droits de scolarité, tout en sachant que cette solution n’aurait pas passé facilement, tant au Conseil des ministres qu’au caucus des députés libéraux176 ». En réalité, c’est pour témoigner de sa fidélité au chef et maintenir l’image de bonne entente régnant à l’intérieur du parti, qu’elle fait en démissionnant sa longue déclaration mûrement réfléchie176. Les représentants des étudiants réagissent froidement à cette démission178 :
« Ce qu’on recherchait, c’était une solution, pas une démission. »
— Jeanne Reynolds, porte-parole de la CLASSE.
« Ça a pris huit ou neuf semaines avant que le gouvernement accepte de rencontrer les associations étudiantes alors que plusieurs fois par semaine, on logeait des appels à son cabinet. »
— Léo Bureau-Blouin, président de la FECQ, regrettant qu’elle ait blâmé les étudiants pour l’impasse actuelle.
« Mme Beauchamp prenait très personnellement ce conflit-là. Elle avait de la difficulté à rendre du recul… Mme Courchesne a montré qu’elle était proactive, déterminée. C’est une femme qui sait où elle s’en va. »
— Martine Desjardins, présidente de la FEUQ.
Moins de deux heures s’écoulent après l’annonce de cette démission et Michelle Courchesne est assermentée pour revenir à la tête de ce ministère et devenir vice-première ministre, tout en restant présidente du Conseil du Trésor179. Sitôt assermentée, la nouvelle ministre s’empresse de convoquer les leaders étudiants (de la FEUQ, la FECQ, la CLASSE et la TaCEQ) à une rencontre le lendemain, mardi, à 18h à Québec, « pour faire le point » et déclare qu’elle convoquera de même, à part, les représentants des institutions concernées (universités et des collèges), disant qu’elle fera « un rapport complet très rapidement au gouvernement »180.
Il semble d’abord que les « faucons » ne sont pas d’avance assurés qu’une ligne très dure prévaudra car, lors du marathon de négociations, deux semaines auparavant, Mme Courchesne était « la ministre-au-bord-de-la-crise-de-nerfs », même plus conciliante que Mme Beauchamp176. D’ailleurs, aucune loi spéciale ne peut forcer des étudiants (non salariés et insolvables) à rentrer et, si de fortes amendes étaient imposées à leur association, ils n’auraient qu’à la déclarer en faillite, puis à se ré-associer autrement, sous un autre nom181.
Cependant, le lendemain matin de cette assez brève rencontre avec les étudiants (moins de deux heures), Mme Courchesne déclare, sans étayer ses affirmations, que le conflit est dans une impasse et que la position des leaders étudiants a « durci »182. Le gouvernement, toujours résolu coûte que coûte à maintenir les hausses, était décidé à imposer une loi spéciale, déjà esquissée depuis plusieurs jours, bien avant la démission de l’ex-ministre de l’Éducation Line Beauchamp182. Le Conseil des ministres en a révisé le projet, le mercredi 16 mai, afin d’en obtenir l’adoption imminente par l’Assemblée nationale182.
Exhortation du Barreau du Québec
Alors que les rumeurs d’adoption d’une loi spéciale s’intensifient, le Barreau du Québec, par communiqué183, exhorte le gouvernement du Québec à ne pas adopter de loi spéciale pour régler le conflit avec les étudiants et demande à toutes les parties et aux citoyens « de respecter toutes les composantes de la primauté du droit », estimant qu’un climat propice à la sortie de crise exige d’accorder « une nouvelle chance aux pourparlers »184.
« Depuis près de 14 semaines, on assiste à des tensions sociales et à des perturbations croissantes qui sont néfastes pour la paix sociale essentielle à l’état de droit. De plus, la primauté du droit, pierre d’assise de la démocratie et des libertés fondamentales, est grandement malmenée. Nous estimons que c’est inacceptable et nous demandons à toutes les parties et aux citoyens de respecter la primauté du droit, […] le respect des ordonnances et injonctions des tribunaux et le droit de manifester pacifiquement.
[…]
Nous recommandons qu’une médiation soit menée par trois experts indépendants et impartiaux qui composeraient un conseil de médiation neutre et objectif. Le choix de ces médiateurs, sans aucun lien avec le gouvernement ou les fédérations étudiantes, permettrait aux parties de revenir à la table avec une ouverture totale à l’identification de solutions de sortie de crise. »
— Extrait du communiqué du bâtonnier du Québec, Me Louis Masson, mercredi soir le 16 mai 2012183,184.
Le Conseil des ministres reste sourd à cet appel, comme à tout autre, et continue le lendemain (jeudi) à préparer le dépôt, en soirée à l’Assemblée nationale, de ce qui sera le projet de loi 78185,186,187.
La loi 78
Article détaillé : Loi 78 (Québec).
La loi 78, intitulée « Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent », est adopté à l’Assemblée nationale du Québec, avec dix (10) amendements, à 17h20 le vendredi 18 mai 2012, après environ 20 heures de débats continus. Pour : 68. Contre : 48188. — La CAQ (détenant 9 voix) a voté pour, avec le PLQ (59 voix exprimées)188.
Elle suspend jusqu’à la mi-août les sessions affectées par la grève étudiante, qu’elle nomme « boycott » (et qui touche 30 % de la clientèle inscrite). Ces sessions doivent reprendre à la mi-août et se terminer avant le mois d’octobre, toute manifestation étant interdite à l’intérieur et dans un périmètre de 150 mètres à l’extérieur des lieux d’enseignement. Les injonctions émises auparavant sont abolies, sauf toute poursuite qui se rapporte à leur violation.
De plus, notamment, cette loi assujettit toute manifestation à des règles très strictes, sous peine d’amendes considérées démesurées. Ainsi, son article 16 décrète que :
« Une personne, ou toute autre personne n’étant pas du gouvernement, un organisme ou un groupement qui organise une manifestation de 50 personnes ou plus qui se tiendra dans un lieu accessible au public doit, au moins huit heures avant le début de celle-ci, fournir par écrit au corps de police desservant le territoire où la manifestation aura lieu les renseignements suivants :
1- la date, l’heure, la durée, le lieu ainsi que, le cas échéant, l’itinéraire de la manifestation;
2- les moyens de transport utilisés à cette fin.
Lorsqu’il juge que le lieu ou l’itinéraire projeté comporte des risques graves pour la sécurité publique, le corps de police desservant le territoire où la manifestation doit avoir lieu peut, avant sa tenue, exiger un changement de lieu ou la modification de l’itinéraire projeté afin de maintenir la paix, l’ordre et la sécurité publique. L’organisateur doit alors soumettre au corps de police, dans le délai convenu avec celui-ci, le nouveau lieu ou le nouvel itinéraire et en aviser les participants. »
Son article 28 ajoute :
« Quiconque contrevient à une disposition de l’article 3, du premier alinéa de l’article 10, de l’article 11, du deuxième alinéa de l’article 12 ou des articles 13, 14, 15, 16 ou 17 commet une infraction et est passible, pour chaque jour ou partie de jour pendant lequel dure la contravention, d’une amende de 1 000$ à 5 000$.
Toutefois, cette amende est :
1- de 7 000$ à 35 000$ s’il s’agit soit d’un dirigeant, d’un employé ou d’un représentant, incluant un porte-parole, d’une association d’étudiants, d’une fédération d’associations de salariés ou d’une association de salariés, soit d’un dirigeant ou d’un représentant d’un établissement, soit d’une personne physique qui organise une manifestation;
2- de 25 000$ à 125 000$ s’il s’agit soit d’une association d’étudiants, d’une fédération d’associations, d’une association de salariés ou d’un établissement, soit d’une personne morale, d’un organisme ou d’un groupement qui organise une manifestation.
En cas de récidive, les montants prévus au présent article sont portés au double. »
[…]
Les jours suivants, les manifestations de rue continuent à se tenir. Mais, à cause des montants en jeu, personne n’ose d’avance en divulguer l’itinéraire, ce qui les rend d’emblée chacune « illégale », car personne ne désire être considéré comme un de leurs organisateurs189. Les policiers eux-mêmes tolèrent les manifestations ainsi « illégales », tant qu’ils les jugent « pacifiques », et hésitent à invoquer cette loi 78, qui pourrait être tôt déclarée invalide et dont les amendes sont au moins deux fois trop fortes : ils préfèrent s’en référer aux règlements municipaux ou au Code de la sécurité routière, dont la validité est davantage assurée et qui autorisent des contraventions déjà substantielles, de l’ordre de 500 $ par personne considérée en infraction pour l’événement.
Premières réactions à cette loi (sélection)
« Le gouvernement du Québec se sert d’une crise qu’il a lui-même provoquée pour transformer l’expression citoyenne en crime et un État qui a une tradition d’ouverture en un État qui est policier. »
— Léo Bureau-Blouin, président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)190.
« Le gouvernement fait vraiment une déclaration de guerre au mouvement étudiant. [...] On vient dire aux jeunes que depuis 14 semaines, tout ce qu’ils ont créé comme mouvement social sera désormais criminel. On vient leur dire qu’ils n’ont plus le droit d’aller manifester leur désapprobation. »
— Martine Desjardins, présidente de la Fédération universitaire étudiante du Québec (FEUQ)190.
« Ça ne sera pas les leaders étudiants, ça ne sera pas les leaders syndicaux qui vont gouverner le Québec. Si vous voulez gouverner le Québec, mettez votre face sur le poteau et faites-vous élire. On n’est pas dans une dictature, on est une démocratie. »
— Clément Gignac, ministre québécois des Ressources naturelles et de la Faune et ministre responsable du Plan Nord186.
« J’estime que ce projet de loi, s’il est adopté, porte des atteintes aux droits constitutionnels et fondamentaux des citoyens. L’ampleur de ces limitations aux libertés fondamentales n’est pas justifiée pour atteindre les objectifs visés par le gouvernement. »
— Me Louis Masson, bâtonnier du Québec191.
« Voilà des semaines que des voix s’élèvent pour dire qu’il n’appartient pas aux tribunaux et à la police de régler un conflit politique qui s’enlise. Voilà des semaines que, par entêtement ou simple calcul politique, le gouvernement Charest ignore ces voix de la raison. Quatorze semaines plus tard, il est pour le moins ironique de voir ce même gouvernement se poser aussi brutalement en grand défenseur de la loi et l’ordre pour désamorcer une crise qu’il a lui-même nourrie. Il est ironique de l’entendre parler de « liberté » alors qu’il adopte une loi aux relents duplessistes qui brime la liberté d’expression et d’association. Et il est pour le moins paradoxal de l’entendre en appeler à l’urgence d’une paix sociale alors qu’il signe ce que les leaders étudiants ont qualifié de « déclaration de guerre ».
[…]
Les résultats du sondage CROP, publiés dans nos pages aujourd’hui [le samedi 19 mai 2012]192,193, nous disent que 60 % des Québécois croient l’attitude du gouvernement justifiée. Soixante-cinq pour cent croient que celle des étudiants ne l’est pas. Les deux tiers s’y disent en faveur de cette loi spéciale.
« En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai », a dit Talleyrand. Qu’importe si le gouvernement a géré ce conflit de façon lamentable en le laissant pourrir. Qu’importe si cette loi matraque rentable sur le plan politique est foncièrement injuste. Ce n’est pas ce qui a été retenu. Ainsi accepte-t-on une dérive autoritaire au nom de la liberté. Triste ironie. »
— Rima Elkouri, chroniqueuse au quotidien montréalais La Presse194.
« […]
Loin de mettre fin à la crise, la loi spéciale assure qu’elle durera jusqu’aux prochaines élections, permettant alors à M. Charest de poser en champion de la loi et l’ordre. […]
[…]
Le droit à la libre expression par la manifestation n’est pas seulement un précieux acquis des sociétés démocratiques. C’est aussi un exutoire au mécontentement de la population. Si on limite cet exutoire, la grogne trouvera à s’exprimer autrement.
Inévitablement, les règles très strictes qui sont prévues pour encadrer les manifestations seront transgressées. […]
[…]
Les juristes du gouvernement qui ont rédigé la loi savaient très bien que sa constitutionnalité serait contestable, mais ils savent aussi qu’il faudra des années avant que la question soit tranchée, si la Cour suprême était éventuellement appelée à se prononcer.
À ce moment-là, la loi ne sera plus en vigueur depuis longtemps. De la part d’un gouvernement qui s’est érigé en défenseur de l’État de droit face à l’anarchie étudiante, cette désinvolture quant aux libertés fondamentales ne manque pas de cynisme.
Selon le président de la CSQ, Réjean Parent, le gouvernement a voulu s’assurer que ses assemblées électorales ne seront pas perturbées par des manifestations. Il est vrai qu’en principe, ceux qui voudront protester contre le Plan Nord ou encore l’exploitation des gaz de schiste sur le passage du premier ministre devront maintenant informer la police de leurs intentions huit heures à l’avance [s'ils sont du coup plus de cinquante].
[…] »
— Michel David, chroniqueur au Devoir195.
« La loi [78], oui, elle est ignoble […] elle octroie à la ministre de l’Éducation des pouvoirs complètement abusifs : celle-ci peut interpréter, changer, adapter la loi et changer d’autres lois. […] Aucun parlementaire qui se respecte ne peut tolérer une telle mainmise de l’exécutif sur le législatif. On viole de plus dans cette loi l’indépendance des tribunaux, on annule les injonctions après les avoir provoquées, je vous le rappelle, après avoir instrumenté les étudiants pour qu’ils puissent utiliser cette voie. […] Elle définit l’objet des recours collectifs, elle dit au judiciaire quoi faire. C’est du jamais vu. On écarte, dans certains cas, le Code de procédure civile. […] Les libertés d’association et d’expression sont littéralement bafouées. Or, incapable même de rencontrer les étudiants, le premier ministre les fait taire aujourd’hui par une loi matraque. C’est un véritable gâchis. […] Au pouvoir, nous abrogerons cette loi inique. Nous ferons disparaître cette hausse [si nous remportons le pouvoir aux prochaines élections] et tiendrons un sommet où aucun sujet ne sera tabou.
[…]
Tant et aussitôt longtemps que le Québec n’aura pas rejoint la moyenne canadienne de diplomation universitaire, [un gouvernement du Parti québécois fera en sorte que] les frais [de scolarité] ne monteront jamais davantage que l’inflation. »
— Pauline Marois, chef du Parti québécois, formant l’opposition officielle à l’Assemblée nationale196,188.
Représailles informatiques anonymes
Cette loi 78, brimant certains droits de manifester, s’est tout de suite attiré des représailles du collectif Anonymous, par son « Opération Québec », consistant à attaquer des sites des autorités impliquées, par déni de service ou par saturation de boîte aux lettres électronique. Anonymous a revendiqué les attaques informatiques qui ont mis en panne , le week-end du 19 mai 2012, les sites internet de l’Assemblée nationale, de la Sécurité publique, de la Déontologie policière, du Parti libéral du Québec, du Service de police de la Ville de Montréal, du ministère de l’Éducation et de l’Aide financière aux études197.
Manifestations du 18 au 21 mai 2012
Incendie créé par un cocktail Molotov, au coin des rues Ontario et Saint-Denis, à Montréal, le 19 mai 2012.
Le vendredi soir du 18 mai, début d’une longue fin de semaine pour plusieurs (se terminant par un congé férié et chômé le lundi, Journée nationale des patriotes), quelques heures après l’entrée en vigueur de la loi 78, des manifestations ont lieu dans plusieurs villes, dont à Québec, Gatineau, Sherbrooke, Trois-Rivières, Rimouski et, pour la 25e soirée d’affilée, à Montréal198,199. À la grande marche pacifique de Montréal, plusieurs manifestants portent des masques derrière la tête… car, dans la journée, un nouveau règlement municipal (P-6) y fut adopté, qui prohibe le port de masques dans ces manifestations. La loi 78 n’est pas encore appliquée. Elle le sera à compter du lendemain. […] De petits groupes de casseurs s’infiltrent dans le défilé. Vers 22 h, la manifestation de Montréal est déclarée illégale par la Police de Montréal, à la suite d’actes criminels : des cocktails Molotov ont été lancés sur des policiers199.
« Tous les soirs, jusqu’à la victoire » : le slogan principal reste le même à Montréal, le samedi soir 19 mai, premier jour d’application de la très récente loi 78, où la police dicte déjà le trajet et déclare « illégale » (pour « itinéraire non fourni d’avance »), dès 21h05, la marche d’environ 5 000 personnes, tout en la tolérant, puis procède à 69 arrestations, depuis le coup de minuit (pour, notamment, agressions armées, voies de fait sur des policiers, destruction de pare-brise de voitures de patrouille, déplacement et incendie de cônes orange…)200. Le propriétaire d’un bar de la rue Saint-Denis songe à poursuivre le Service de police de la ville de Montréal pour une intervention musclée sur sa terrasse (conséquences pour lui : quelques milliers de dollars en chiffre d’affaires perdu par notes impayées et en réparations de toutes sortes…)201. — À Québec, la marche de centaines de personnes n’a pas créé d’incident, ce soir-là202.
La 27e manifestation nocturne d’affilée à Montréal, le dimanche 20 mai, a donné lieu à plus de 305 arrestations, incluant celles de passants ou de spectateurs pris en souricière, et fait une dizaine de blessés, dont un homme gravement atteint à la tête, tout cela dans des chassés-croisés de marcheurs et de vandales contre des policiers municipaux ou (comme la veille) provinciaux203. À Québec, c’est après la manifestation qu’une trentaine de personnes furent arrêtées, peu avant minuit ce jour-là204.
À Montréal, la 28e manifestation nocturne consécutive, le lundi 21 mai, s’avère aussi illégale que les trois précédentes (car leur itinéraire ne fut pas pré-divulgué) mais tolérée, car plutôt pacifique, et avec deux seules arrestations, aucune avant minuit205,206. Celle de la ville de Sherbrooke, par contre, se termine avec 36 arrestations au bilan de minuit, mais pas encore en vertu de la loi 78, malgré une première annonce dans ce sens205,207.
Le centième jour de grève, 22 mai 2012
Le 22 mai 2012 à la grandeur du Québec, c’est le 100e jour de la grève étudiante208. Pour le souligner, plusieurs manifestations ont été organisées dans les plus grandes villes de la province, afin de revendiquer une table de négociation avec le gouvernement et pour dénoncer la hausse des droits de scolarité ainsi que l’adoption de la récente loi d’exception 78. D’ailleurs, le thème en est : « 100 jours de grève. 100 jours de mépris. 100 jours de résistance. »209. En France et aux États-Unis, notamment, des rassemblements sont organisés pour soutenir, ce même jour, la cause étudiante québécoise.
À Montréal
Délégation de la CLASSE lors de la manifestation du 22 mai 2012 à Montréal.
En après-midi, la manifestation du 100e jour
En plus de manifestations locales, de jour ou de soir, à Sept-Îles210, Matane, Sainte-Anne-des-Monts, Bonaventure, Gaspé, Îles-de-la-Madeleine211, … des manifestants arrivent à Montréal, avant 14h, des quatre coins de la province : Rimouski, Québec, Sherbrooke, Gatineau, … L’évènement de jour, dans la métropole, est organisé par la Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE). En soutien à celle-ci, la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), la Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ), le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), la Confédération des syndicats nationaux (CSN) et la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) ont invité également leurs membres à participer au rassemblement. L’itinéraire prévu de la marche est celui-ci : à partir de la Place des Festivals, les manifestants empruntent la rue Jeanne-Mance vers le nord, la rue Sherbrooke vers l’est, l’avenue du Parc-Lafontaine vers le nord, la rue Rachel vers l’est, pour ensuite entrer dans le parc Lafontaine209. Dans un point de presse le matin du 22 mai 2012, Léo Bureau-Blouin, président de la FECQ, demande aux manifestants de respecter le trajet remis aux policiers et qui a été fixé par la FECQ, la FEUQ et l’Alliance sociale209. Malgré cela, à l’embouchure de la rue Sherbrooke, un important groupe de manifestant s’est dirigé dans une direction opposée au trajet prévu209. La CLASSE, quant à elle, n’a pas fourni de trajet prédéfini209. Environ 250 000 personnes y participent malgré le temps pluvieux212.
En soirée, la 29e manifestation nocturne d’affilée
Après la manifestation monstre de l’après-midi, la 29e manifestation nocturne de mardi soir le 22 mai est abruptement réprimée à coups de matraques, de boucliers et de bombes assourdissantes, et donne lieu à 113 arrestations213, dont pour port de masque214.
Appuis nationaux et mondiaux
Par ailleurs, le mouvement québécois reçoit, ce même 22 mai, des appuis de plusieurs endroits au Canada et à l’étranger.
En plus des manifestations soulignant la 100e journée de la grève étudiante québécoise organisées à Vancouver, à Calgary et à Toronto, des étudiants de l’Université de la Ville de New York (CUNY) tiennent un rassemblement devant les bureaux de la délégation générale du Québec, située au Rockefeller Plaza215.
Sur la côte ouest du Canada, à Vancouver, plus de 400 étudiants et supporteurs de l’éducation publique se rassemblent, en bravant la pluie, pour la gratuité scolaire, la fin de l’endettement étudiant et pour résister aux lois anti-démocratiques du gouvernement québécois. Ils se rencontrent devant le Vancouver Art Gallery et marchent à travers le centre ville durant l’heure de pointe216.
Une manifestation de soutien — Rassemblement contre l’état d’exception au Québec — a lieu également en fin de journée, devant la fontaine Saint-Michel de Paris, le 22 mai 2012 et rassemble près de 300 personnes217,218.
Après le 22 mai 2012
Le mercredi 23 mai 2012, la ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, se dit prête à continuer les discussions avec les associations d’étudiants, mais en excluant tout moratoire219. En soirée, à Montréal, la 30e manifestation nocturne d’affilée est illégale, avant même de commencer, mais est tolérée tant qu’aucun acte criminel n’est commis. À la suggestion des réseaux sociaux de l’Internet, plusieurs résidents, depuis ces jours-ci, pour dénoncer la loi 78, de leur balcon puis (au déplaisir du maire) sur la rue, tapent des cacophonies sur leurs casseroles (surtout à partir de 20 h), comme de coutume au Chili depuis la dictature de Pinochet. Tout est pacifique mais, après minuit, 518 personnes sont arrêtées selon les règlements municipaux (et pas encore selon la loi 78), écopant chacune d’une contravention de 634 $, certaines d’entre elles ayant lancé des projectiles (dont des pierres, des pièces pyrotechniques, …) aux policiers213.
À Québec, le même soir, la police effectue 176 arrestations220. La manifestation débute pacifiquement réunissant plus de 400 personnes dans le quartier St-Jean-Baptiste, mais est illégale, car les marcheurs refusent de communiquer d’avance leur parcours aux policiers de la ville, qui la tolèrent puis mettent fin à l’attroupement vers minuit dans le secteur de la rue Saint-Jean220. Ils appliquent une contravention de 496 $ à chaque contrevenant, non pas selon la loi 78 (ce serait entre 1 000 $ et 5 000 $), mais selon le code de la sécurité routière du Québec, pour avoir bloqué la rue en s’y assoyant220,221.
Concerts de casseroles
À la suite de l’adoption de la loi 78, les concerts de casseroles se multiplient, d’abord à Montréal, puis dans d’autres villes du Québec. Chaque jour, à partir de 20 heures, des citoyens indignés par la loi spéciale sortent sur leur balcon et tapent sur une casserole. Plusieurs d’entre eux prennent l’habitude de descendre dans la rue, de se rassembler spontanément au coin des artères principales, puis de défiler bruyamment ainsi. Contrairement aux manifestations nocturnes quotidiennes, les concerts de casseroles naissent spontanément dans les quartiers résidentiels et rassemblent des citoyens de tous âges. Ces défilés improvisés convergent parfois vers les manifestations du centre-ville, avec lesquelles ils fusionnent.
Ce moyen de manifester son mécontentement, né dans les années 1970 au Chili, est aussi employé dans d’autres pays d’Amérique du Sud, notamment en Argentine pendant la crise économique de 2001222.
Organisation et moyens de pression
Leaders et porte-parole étudiants
Gabriel Nadeau-Dubois, lors de la manifestation étudiante du jeudi 22 mars, à la Place du Canada, Montréal.
Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la CLASSE ;
Jeanne Reynolds, porte-parole de la CLASSE ;
Léo Bureau-Blouin, président de la FECQ ;
Martine Desjardins, présidente de la FEUQ.
La grève étudiante est principalement coordonnée par la Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE), par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et par la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) et accessoirement par la Table de concertation étudiante du Québec (TaCEQ). L’Association indépendante des étudiants du secondaire (AIDES) s’est jointe aux associations collégiale et universitaires en organisant une manifestation le 15 avril223.
Appuis locaux anti-hausse
Artistes
Dès le début du mois de mars, l’animateur de l’émission de grande écoute Tout le monde en parle, Guy A. Lepage, apporte son soutien aux étudiants224, tout comme Claude Legault225, Valérie Blais et Paul Piché226.
Le 19 mars, un grand nombre d’artistes se joignent aux étudiants pour une vidéo dénonçant la hausse des frais de scolarité en termes fermes : Julien Poulin (« Le Québec, c’est pas une business et ça se “run” pas comme une business »), Charlotte Laurier (« La hausse des frais de scolarité, c’est le début de la fin du Québec tel qu’on le connaît »), Michel Rivard (« La hausse des frais de scolarité, c’est des milliers d’étudiants qui ne pourront pas aller à l’université »), Luc Proulx (« selon le ministère de l’Éducation », faisant suite au propos de Michel Rivard). Paul Ahmarani, Armand Vaillancourt, Paul Piché, Anne-Marie Cadieux, Paule Baillargeon, Geneviève Rochette et Laurent-Christophe de Ruelle sont également du nombre227.
Le 22 mars, l’éditeur-écrivain Victor-Lévy Beaulieu annonce qu’il paiera l’amende (499 $) d’un manifestant qui a occupé le pont Champlain228, ajoutant que l’appui aux étudiants ne doit pas être que symbolique car « la répression que les manifestants encourent ne l’est pas ».
Groupes
L’IRIS60 et l’IRÉC229 par la publication de leurs recherches sur la hausse soutiennent les étudiants. Ce groupe a établi trois scénarios visant à régler le problème du sous-financement des établissements post-secondaires tout en assurant l’accessibilité complète à l’éducation230. En outre, L’IRIS établit que l’élimination complète des droits de scolarité représenterait moins de 1 % du budget du gouvernement québécois231.
De plus, les étudiants reçoivent l’appui de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics232. Une liste de tous les groupes opposés à la hausse est entretenue par la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) et la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ) sur le site 1 625 $ de hausse, ça ne passe pas!233 : associations syndicales (Syndicat des professeures et professeurs de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ), Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), Confédération des syndicats nationaux (CSN), Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ), Syndicat de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), notamment), groupes sociaux et communautaires, municipalités et organisations universitaires (Table des partenaires universitaires du Québec, Conseil québécois des syndicats universitaires (CQSU-AFPC), Conseil provincial du secteur universitaire (SCFP-FTQ), Fédération des professionnels (FP-CSN), Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU), Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), entre autres).
La liste des syndicats et associations de professeurs s’opposant à la hausse est tenue à jour par le groupe Profs contre la hausse234.
Personnalités
Les personnalités publiques qui se sont jointes aux étudiants proviennent de différents secteurs de la société québécoise et de l’extérieur du Québec. Outre l’ex-ministre libéral Claude Castonguay, qui a offert d’être médiateur et réclame le retrait de Line Beauchamp, les chefs de partis Pauline Marois et Amir Khadir, Riccardo Petrella, Jean Ziegler, Rapporteur spécial de la Comission des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, les personnalités suivantes se sont opposées au gouvernement Charest.
Michel Girard
Le chroniqueur financier de La Presse, Michel Girard, a rédigé une lettre ouverte à l’intention du ministre Raymond Bachand pour l’aviser que le gel des droits de scolarité universitaires était un bon investissement. En comparant l’aide aux entreprises apportée par le gouvernement Charest (3,6 milliards) en 2011 avec les sommes qui seraient puisées avec une augmentation de 1 625 $ par étudiant, le chroniqueur évalue que ce débours a plus d’effets néfastes que d’effets positifs sur la création d’emplois et la richesse collective. Il conclut :
« [...] je suis persuadé, monsieur le Ministre, que vous êtes capable de récupérer à même les programmes d’aide financière aux entreprises les centaines de millions que vous voulez aller chercher dans les poches des étudiants. Je vous le dis : c’est un très bon placement, du moins aussi bon que de laisser cet argent dans les coffres des entreprises. Toute autre solution que le dégel des droits de scolarité serait également bienvenue235… »
Daniel Turp
Le juriste, ex-député du Parti québécois et professeur de droit Daniel Turp a recommandé d’amener le gouvernement Charest devant les tribunaux pour l’empêcher, a-t-il dit, de violer un de ses engagements internationaux les plus importants (l’Article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels). S’adressant à une assemblée d’étudiants à l’Université de Montréal le 19 mars 2012, il a expliqué sa position :
« Il faudrait plutôt suivre l’exemple de ceux qui respectent leurs engagements. Le Liban, par exemple, a instauré la gratuité. Et comme l’a rappelé Christian Rioux récemment dans les pages du journal Le Devoir, la quasi-gratuité reste la norme dans les États développés d’Europe. [...] Le monde entier pourrait vous regarder. Et si vous gagnez en première instance, imaginez le tremblement de terre que ça ferait236 ! »
Guy Rocher
Le sociologue Guy Rocher, qui est considéré comme un des penseurs du système d’éducation québécois, a rappelé dans une lettre ouverte au gouvernement Charest que le rapport Parent, dont il est un des auteurs, visait la gratuité des études universitaires et que le maintien de droits de scolarité était une mesure temporaire permettant à l’état québécois d’effectuer toutes les autres réformes majeures qui étaient prévues. Soulignant que la gratuité aurait coûté 1 % du budget de l’État en 2011-2012, il ajoute :
« Compte tenu du montant en jeu, cet idéal peut être rapidement atteint. Pour rendre l’éducation supérieure accessible à celles et ceux qui ont les aptitudes pour la suivre, sans égard à leur origine sociale, le gouvernement n’a qu’à réintroduire un certain nombre des paliers d’imposition qu’il a abolis entre 1988 à 1998. [...] Les montants recueillis par l’impôt, pour financer ce niveau d’enseignement, devront plutôt correspondre à la capacité de payer de chacun. Seule une éducation financée à même les impôts permettra de la rendre plus accessible. Mais pour y arriver, il faudra que le gouvernement ait le courage politique d’imposer une fiscalité juste et équitable. »
Dans le Devoir, Guy Rocher ajoute que la société aurait avantage à se joindre à ce printemps étudiant, différent « par son étendue et sa constance de frappe » des mouvements qui l’ont précédé, parce qu’il traduit une opposition non seulement à la hausse mais aussi à des politiques sociales et à une certaine conception de la société, qu’il qualifie de « lutte juste »237,238.
Jean Garon
Jean Garon, qui a été ministre de l’éducation sous un gouvernement péquiste durant 16 mois, entre 1994 et 1996, émet des doutes quant à la capacité de la ministre Beauchamp à « faire la job ». Le ministre Garon avait dû renflouer les coffres des universités pendant son mandat. Plutôt que de se tourner vers les étudiants, il avait notamment demandé aux banques de faire leur part :
« Plutôt que de serrer la vis aux étudiants sur leurs prêts, j’ai renégocié les taux payés par le gouvernement aux banques pour le financement des dettes étudiantes […] il y a de l’espace pour des économies dans un budget comme celui du ministère de l’Éducation, à la condition de se creuser la tête, de ne pas hésiter à déranger les establishments et de savoir compter. »
L’ex-ministre renchérit sur Guy Rocher au sujet de l’urgence de la gratuité :
« On est rendu dans le corporatisme américain. C’est scandaleux. Si on n’a pas la volonté politique de changer, tout le monde va imiter les dirigeants [d'université]. Et c’est la classe moyenne qui va payer239. »
Jean-Marc Léger
Jean-Marc Léger, président de Léger Marketing – la plus importante firme de sondage au Québec – interpelle la population : « Chers boomers, ce n’est pas parce que vous n’avez pas réussi à changer le monde que vous devez empêcher les jeunes de réussir à leur tour. » Récapitulant des années à entendre la population dénoncer l’égoïsme, l’indifférence et l’égocentrisme des jeunes générations, il commente le plus récent sondage de popularité des étudiants en grève :
« Et vous, que souhaitez-vous ? Retourner à vos vieilles habitudes dans le confort et l’indifférence. Vous trouvez cette grève très sympathique pourvu que votre quiétude dodo-métro-boulot ne soit pas bouleversée. Et vous voulez les écraser pour que tout revienne comme avant. Eh bien, chers boomers, vous n’avez rien compris de ce mouvement. Les jeunes ne veulent pas porter le fardeau de vos erreurs. Ils ne veulent pas payer pour vos dépenses somptuaires, vos régimes de pension exagérés, votre mentalité défaitiste et vos indécisions chroniques. Pour une fois que les jeunes se lèvent, il faut les écouter, il faut les comprendre et il faut les encourager. On crée des enragés et on les empêche de mordre. Ne les brisez pas et donnez-leur une chance de réussir là où vous avez échoué240. »
Appuis internationaux anti-hausse
Aux États-Unis
Le 18 avril 2012, des étudiants de l’université de la Ville de New York (CUNY) et de l’université d’État de New York (SUNY) publient une lettre ouverte en appui à la grève étudiante québécoise sur le site de l’Association des étudiants du Collège Brooklyn241.
Une manifestation en soutien aux étudiants québécois a lieu le 22 mai 2012 à New York, à 14 heures : des étudiants de l’Université de la Ville de New York (CUNY) tiennent un rassemblement devant les bureaux de la délégation générale du Québec, située au Rockefeller Plaza215. Puis, à 20 heures, a lieu une marche à partir du Washington Square Park.
En France
Une manifestation de soutien — Rassemblement contre l’état d’exception au Québec — s’est déroulée à Paris le 22 mai 2012 et a rassemblé près de 300 personnes217,218.
Symboles et sensibilisation au mouvement
Le Carré rouge
Photographie d’un carré rouge en feutre fixé par une épingle sur un sac en bandoulière.
Le carré rouge, symbole de la grève étudiante.
Le carré rouge est l’emblème de la mobilisation étudiante contre la hausse des frais de scolarité. Il vise à symboliser l’endettement des étudiants québécois (« carrément dans le rouge »). Ce symbole a été utilisé à plusieurs reprises dans l’histoire par divers mouvements sociaux et a retrouvé sa popularité lors de la grève étudiante québécoise de 2005.
Pour signifier leur opposition à la hausse, des étudiants commencent à porter un petit carré rouge de tissus ou de feutre épinglé à leur chandail, sac à dos, manteau ou autre dès la session d’automne 2011. Au fur et à mesure de l’augmentation des moyens de pressions, la popularité du carré rouge augmente significativement, particulièrement dans la population étudiante, mais aussi, parmi la population en général. Entre autres, des artistes et des politiciens opposés à la hausse arborent le carré rouge depuis le début de la grève.
De nombreux actes de vandalismes ou altérations urbaines utilisent aussi le carré rouge. Des graffiteurs peignent des carrés rouges sur des établissements d’enseignement (actes que plusieurs associations étudiantes déplorèrent)[réf. nécessaire]. D’autres sont aposés un peu partout dans l’espace public, notamment sur des acteurs dans des publicités ou des statues de façon à ce qu’elles semblent porter le carré rouge en appui aux étudiants. Parfois, des carrés rouges ont été suspendus à des arbres un peu partout à Montréal. Un carré rouge géant fut aussi brièvement suspendu au sommet de la tour l’Université de Montréal, sur le pont Jacques-Cartier242, ainsi que sur la croix métallique au sommet du Mont-Royal.
En réaction, la couleur verte est utilisée par les étudiants en faveur de la hausse des frais de scolarité243. D’autres étudiants, plus rares, portent un carré bleu, signifiant leur désaccord moral avec la hausse, mais leur opposition à la grève, croyant que les bénéfices potentiels de celles-ci sont inférieurs aux désagréments qu’elle occasionne (prolongation de session et réduction de la matière enseignée)[réf. nécessaire]. Ont également été aperçus des carrés bruns, oranges, jaunes, et mi-rouge/mi-vert, pour ceux qui sont indécis, ou partiellement en accord avec chacun des deux camps[réf. nécessaire]. Puis, de guerre lasse, le carré blanc est inauguré par quelques parents244.
Personnages
Anarchopanda
Anarchopanda lors de la manifestation du 22 mai 2012 à Montréal
Article principal : Anarchopanda.
Un enseignant en philosophie anonyme, déguisé en panda géant, est devenu une mascotte des manifestants sous le nom d’Anarchopanda. Il participe aux manifestations depuis le 8 mai 2012 à Montréal en distribuant des accolades aux policiers et aux manifestants.
Banane Rebelle
Gabriel Marcoux-Chabot, 29 ans, écrivain, sculpteur et étudiant à la maîtrise en création littéraire, est derrière le personnage de Banane Rebelle. Il est arrêté à Québec le jeudi soir 24 mai 2012 et condamné, avec d’autres, à payer une amende de 494 $ pour avoir bloqué la rue en s’y assoyant. Cette « bananarchiste » mascotte mûre reste déterminée à continuer de manifester, jusqu’à faire « tomber » le gouvernement Charest…. sur une « pelure de banane »245.
Violences et mesures coercitives
Répression policière
Policiers de l’escouade anti-émeute de la Sûreté du Québec à Victoriaville le 4 mai 2012.
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Le 1er mars 2012, la police de la ville de Québec utilise des gaz lacrymogènes pour disperser la foule rassemblée devant l’Assemblée nationale246. Cet intervention est dénoncée par les députés Denis Trottier et Amir Khadir, qui estiment cette intervention injustifiée247.
Lors de la manifestation du 7 mars 2012 à Montréal, un étudiant est gravement atteint à l’œil par une grenade assourdissante lancée par un policier87.
Les manifestations suivant l’entrée en vigueur de la loi spéciale 78 le 19 mai 2012 provoquèrent un climat de tension palpable entre les manifestants et les services de police dans toute la province. Néanmoins, plusieurs policiers perdirent eux aussi le contrôle lors de ces rassemblements commettant des actions que l’on peut associer à de la brutalité policière. D’ailleurs, beaucoup de ces actions furent filmées par des témoins. Un grand nombre de vidéos ont été mis en ligne sur l’hébergeur de vidéo YouTube dénonçant ainsi auprès des internautes la brutalité policière utilisée lors de ces manifestations. Dans ces vidéos, on peut y apercevoir une voiture de police qui avance à grande vitesse alors qu’une personne se trouve sur le capot ou encore des policiers qui utilisent un langage grossier et des irritants chimiques comme le poivre de Cayenne à plusieurs reprises sur des manifestants totalement inoffensifs248.
Violences envers les forces de l’ordre et vandalisme
Casseur masqué à la manifestation nocturne du 20 mai 2012
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Plusieurs actes illégaux de la part des manifestants ont été commis lors des manifestations nocturnes du 19 et 20 mai 2012 : des projectiles furent lancés sur des policiers à vélo, des cocktails Molotov furent lancés aussi sur des brigades policières249, des vitrines de commerce et de banque furent saccagées, des voitures de police et plusieurs biens municipaux furent vandalisés et à Montréal, certaines personnes portaient toujours le masque malgré le nouveau règlement municipal interdisant le port du masque lors de manifestation. Les personnes qui ont commis ces actes étaient le plus souvent associées à des groupes extrémistes telles que le « Black Bloc »250.
Opposition à la grève
Étudiants pour la hausse des droits de scolarité
En 2012, un peu moins de 4 000 étudiants (en date du 19 avril 2012)251 se sont regroupés au sein du Mouvement des étudiants socialement responsables du Québec (MÉSRQ) afin de protester contre la grève étudiante et de faire valoir les arguments en faveur de la hausse des droits de scolarité. Selon le président du MÉSRQ, Marc-Antoine Morin, le mouvement s’est créé notamment pour « dénonce[r] le peu de place donné aux gens qui sont pour la hausse des droits de scolarité au sein des associations étudiantes »252. En février 2012, un porte-parole du mouvement s’explique :
« On aimerait avoir tout gratuitement dans la vie, mais il faut reconnaître que l’éducation au Québec est sous-financée. Les étudiants doivent reconnaître la valeur de leur diplôme (…) On a beaucoup de rattrapage à faire, il y a eu de mauvaises décisions politiques à travers le temps et maintenant, c’est le temps de payer. »
Le regroupement a toutefois été fortement critiqué pour son association avec le Parti libéral du Québec, le parti au pouvoir. En effet, trois des principaux porte-parole du MÉSRQ étaient des militants du Parti libéral253,254. Le MÉSRQ affirme toutefois sur sa page Facebook qu’il « n’est affilié à aucun groupe politique, syndical ou patronal et ne reçoit aucun financement ou appui technique de ces derniers »255.
Étudiants contre la grève
Avec l’allongement du conflit étudiant, de nombreux étudiants ont décidé de se mobiliser afin de réclamer le droit de retourner en classe. Des rassemblements de « Verts » (étudiants qui souhaitent la fin de la grève, mais n’ont généralement pas de position commune sur l’enjeu de la hausse des frais de scolarité) sont apparus devant certains cégeps, tels que le Cégep de Sherbrooke256. Des manifestations en faveur du retour en classe ont aussi été organisées dans les rues, principalement à Montréal257.
D’autres étudiants ont décidé de se tourner vers les tribunaux afin d’y faire valoir leur point de vue. Laurent Proulx, étudiant à l’Université Laval, a obtenu ainsi une injonction lui permettant de suivre normalement son cours d’anthropologie malgré la grève affectant la faculté258. D’autres étudiants ont entrepris des démarches afin d’obtenir une injonction semblable. Au 2 mai, une vingtaine de demandes d’injonction avait été entendue par les juges à travers la province et, dans la plupart des cas, une injonction était accordée aux demandeurs259. Toutefois, la plupart du temps, les injonctions n’étaient pas respectées puisque des manifestants, souhaitant faire respecter le mandat de grève de leur association étudiante, bloquaient alors l’accès aux portes des établissements scolaires ou menaient des activités de perturbation bruyantes dans les corridors de ceux-ci. Ce fut notamment le cas au Cégep Lionel-Groulx où la police a dû intervenir afin de déloger les manifestants260.
Également, 24 étudiants du Collège Montmorency ont été en Cour Supérieure du Québec afin d’obtenir une ordonnance de sauvegarde261. Elle est l’une des rares injonctions qui a été totalement respectées, grâce à une entente entre la direction du Collège, le syndicat des enseignants et l’association étudiante. Depuis, environ 475 personnnes se sont greffés aux jugements262, ce qui fait un des plus haut taux d’étudiants qui bénéficient d’une telle injonction dans une institution (500 sur 6 000 étudiants).
Personnalités publiques
L’opinion de Richard Martineau est que le Québec « est dans la marde » financièrement263, raison pour laquelle il est impossible d’accorder moins d’un pour cent du budget de l’État québécois à l’éducation supérieure. Il avance cela sans répondre aux arguments d’économistes montrant que l’investissement de l’État dans l’éducation est profitable. Une analyse détaillée de l’argumentaire de M. Martineau, qui était de passage à l’émission Tout le monde en parle, a été faite par Normand Baillargeon. Elle ne permet pas d’isoler un autre argument que sa déclaration « scatologique »264. Stéphane Gendron, maire de Huntingdon et animateur à V-Télé, juge que les jeunes qui perturbent la circulation routière (comme il l’a fait quelques années plus tôt) devraient recevoir la « bastonnade »265. L’éditorialiste André Pratte, lui, loue la fermeté de Jean Charest parce que, dit-il, céder à la CLASSE, c’est « céder à la casse »266.
Associations d’affaires
Les chambres de commerce du Québec et de Montréal ont lancé un cri d’alarme le 27 mars 2012 : la prolongation des sessions dans les cégeps et les universités causerait une grave pénurie de main-d’œuvre à l’été 2012. Déjà, à la mi-mars, la chambre de commerce de Montréal avait acheté des espaces publicitaires pour avertir que « c’est toute notre activité économique qui en souffrirait ». Les PDG de ces chambres de commerce continuent cependant d’appuyer la « position ferme » du gouvernement267.
Notes et références
Notes
Pénaliser une personne ne se présentant au travail ou à l’école pour des raisons religieuses constitue de la discrimination religieuse.
Références
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« Salon Plan Nord : la manifestation tourne à l’émeute », Radio-Canada, 20 avril 2012.
« Manifestation : 85 arrestations à Montréal », La Presse, 26 avril 2012.
« 35 arrestations au cours de «frappes chirurgicales» », La Presse, 27 avril 2012.
« Manifestants arrêtés à Québec : S.O.S lancé à la Ligue des droits et libertés », Le Soleil, 27 avril 2012.
« Cours suspendus au Cégep de Sherbrooke : deux arrestations », Radio-Canada, 30 avril 2012.
« Victoriaville – Plus de 100 arrestations »
« Conflit étudiant: trois arrestations à la 13e manif »
« Pont Jacques-Cartier: le SPVM arrête 19 manifestants »
« Loi spéciale: la manif dégénère, la police arrête 122 personnes »
« Manifestation nocturne: 69 arrestations »
« 27e manif nocturne plus de 300 arrestations »
[https://www.radio-canada.ca/regions/Quebec/2012/05/21/001-28arrestations-manif-quebec.shtml « 28 manifestants arrêtés à Québec »]
« 36 arrestations à Sherbrooke en vertu de la loi 78 »
« Manifestation nocturne à Montréal : 113 arrestation, 6 blessés. »
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« Université Laval : Laurent Proulx obtient gain de cause et retourne en classe », sur radio-canada.ca, 3 avril 2012.
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« Collège Lionel-Groulx : Cinq personnes ont été arrêtées », sur canoe.ca, 15 mai 2012.
Voir : jugement Sophie Boulay et al. du 4 mai 2012.
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https://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/andre-pratte/201204/20/01-4517480-ceder-a-la-casse.php
Philippe Teisceira-Lessard, « Grève étudiante : les entreprises craignent de manquer de main-d’œuvre », dans La Presse, 27 mars 2012 [texte intégral (page consultée le 27 mars 2012)].
Annexes
Articles connexes
Loi 78 (Québec)
Manifestation étudiante du 10 novembre 2011
Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ)
Coalition large de l’ASSÉ (CLASSE)
Droits de scolarité au Québec
Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ)
Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ)
Gouvernement Jean Charest
Grève étudiante québécoise de 2005
Line Beauchamp
Michelle Courchesne
Gabriel Nadeau-Dubois
Liens externes
Site de la FECQ
Site de la FEUQ
Site de campagne de la FECQ et la FEUQ
Site de l’ASSÉ (Fondatrice de la CLASSE)
Site de campagne de la CLASSE
Grève 2012 – Site de référence sur la grève étudiante
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