Silvio Berlusconi n’a pas encore pris sa carte à l’Arcigay, la grande association italienne de défense des droits des homosexuels. Mais à presque 78 ans, et après des décennies de blagues sexistes et de prises de position pour «la famille traditionnelle», l’ancien chef du gouvernement n’en est peut-être plus très loin. Sa jeune compagne, Francesca Pascale (29 ans), a adhéré la semaine dernière, à l’occasion de la Gay Pride, et reçoit ses représentants à Arcore, la villa lombarde de l’ancien Premier ministre. Et celui-ci s’est publiquement prononcé, il y a quelques jours, en faveur des «droits civils» pour les couples gays. «Dans un pays vraiment moderne et démocratique, cela devrait être un engagement de tous», a-t-il indiqué. Une volte-face totale pour celui qui il, y a un an, déclarait fièrement : «Si aujourd’hui, l’Italie n’a pas légalisé l’euthanasie, le mariage gay et la fécondation hétérologue, comme dans d’autres pays européens, c’est grâce à nous.»

Dans le camp de la droite italienne, où l’on s’était plutôt habitué aux saillies d’un Berlusconi homophobe («Il vaut mieux vaut regarder les belles filles qu’être gay»), la conversion n’a pas plu à tout le monde. Mais elle reflète l’évolution de la droite qui, longtemps sous la tutelle du Vatican, semble finalement prête à accorder des droits aux couples homos. Dimanche, un sondage publié par le Corriere della Sera indiquait que 38% des Italiens sont favorables au mariage gay et 40% à une sorte de Pacs. Parmi les électeurs de Forza Italia, 58% sont favorables à une union civile pour les homosexuels. Alors qu’il y a encore cinq ans, la droite organisait une manifestation monstre, le «Family Day», pour s’opposer à la première et timide ouverture du gouvernement de centre gauche de Romano Prodi.

De toute évidence, l’arrivée de Jorge Mario Bergoglio sur le trône de Saint-Pierre a modifié le climat. «Qui suis pour juger ?» avait-il bruyamment lancé il y a quelques mois à propos des homosexuels. L’accession au pouvoir du jeune et très populaire démocrate Matteo Renzi qui, bien que catholique pratiquant, s’est déclaré favorable aux unions civiles, oblige également les partis de droite et Silvio Berlusconi à se repositionner. Le travail de persuasion de Francesca Pascale sur le vieillissant magnat de la communication aurait fait le reste. Pour Berlusconi, cette évolution a deux avantages : politiquement, elle lui permet de retrouver l’inspiration libérale initiale de Forza Italia qui s’était diluée dans les compromis avec les courants et les formations chrétiennes. Surtout, l’adoption des unions civiles ouvertes aux couples homosexuels mais aussi aux hétéros présenterait un intérêt non négligeable sur le plan personnel. Soumis à la pression constante de Francesca Pascale, une simple union permettrait à Silvio Berlusconi, déjà deux fois divorcé, d’éviter de nouvelles noces.

Eric JOZSEF