Le journal Métro pas si homophobe que ça…

Numéro
D2006-08-008 (2)

Date de la décision
2007-02-02

Plaignant
M. Damien Girard

Mis-en-cause
Mme Claude-Sylvie Lemery, rédactrice en chef et le quotidien Métro

Résumé de la plainte
M. Damien Girard reproche au quotidien Métro d’avoir été complaisant et complice des propos  homophobes tenus dans une lettre d’opinion publiée le 8 août 2006.

Griefs du plaignant
M. Damien Girard reproche au quotidien Métro d’avoir publié une lettre d’opinion contenant des propos homophobes. Bien que le plaignant reconnaisse que le journal mentionne que « Les opinions exprimées dans cette tribune ne soient pas nécessairement celles de Métro », il considère que le journal a fait preuve de complaisance et de complicité en publiant cette lettre au contenu homophobe, intitulée « Personnes et actes homosexuels sont deux choses ».

L’auteur de cette lettre affirmait que « l’homosexualité est une déviation » et comparait de manière tendancieuse, les homosexuels aux fumeurs qui « nuisent » à la société. Le plaignant juge que ses propos sont rétrogrades et qu’ils insinueraient que la condition des homosexuels serait inutile, voire dommageable aux autres.

Le plaignant conclut en soulignant que les propos publiés ne font qu’attiser les préjugés et le mépris à l’endroit des gais.

Commentaire du mis-en-cause
Mme Claude-Sylvie Lemery fait d’abord une présentation du quotidien et souligne que bien que Métro soit un quotidien gratuit, il offre une information crédible et objective pour ses lecteurs. Leur indépendance journalistique est identique à celle des quotidiens d’information traditionnels.

Mme Lemery fait ensuite une mise en contexte des événements. La publication de la lettre de M. Lizotte faisait suite à un article publié le 25 juillet 2006 intitulé « Une voix discordante à l’approche des Outgames », concernant une conférence de presse organisée par M. Lizotte qui présentait son livre intitulé « L’Homosexualité, les mythes et les faits ». Deux jours plus tard, M. Lizotte demandait à Métro un droit de réplique en réponse à l’article qui lui aurait porté préjudice. Après quelques demandes d’ajustements, la lettre fut publiée dans la page « Opinions », le 8 août 2006. Le lendemain, Métro recevait la lettre de plainte du plaignant. Le journal aurait alors proposé à M. Girard la possibilité de s’exprimer dans les pages du journal, ce qu’il aurait refusé.

Entre temps, la mise-en-cause souligne que le journal a reçu plusieurs lettres de lecteurs en réaction à celle de M. Lizotte. Métro a décidé de les présenter en un seul bloc avec une présentation qui mettait en contexte la parution de ces lettres.

Elle ajoute que dès janvier 2005, Métro a publié plus de 50 articles en prévision des Outgames, en présentant les activités, les manifestations et les nouvelles concernant cet événement.
En conclusion, Mme Lemery souligne que le journal a effectué un travail journalistique irréprochable en publiant la réplique de M. Lizotte, en proposant un droit de réplique au plaignant et en publiant plusieurs lettres en réaction à la lettre de M. Lizotte. Selon elle, il est donc injustifié de déclarer que le journal a fait preuve de complaisance et de complicité en publiant la lettre de M. Lizotte.

Réplique du plaignant
M. Damien Girard rappelle que sa plainte ne concerne pas la couverture des Outgames, mais qu’elle vise une lettre publiée dans la rubrique « Opinions » du journal Métro, le 8 août 2006.

Il mentionne qu’il ignorait l’article paru le 25 juillet 2006 faisant état d’une conférence de presse donnée par M. Lizotte, lorsqu’il a lu la lettre de ce dernier dans la page réservée aux lecteurs. Selon lui, l’article lui paraît acceptable puisqu’il rapporte les réactions d’un porte-parole du groupe visé. Il soulève qu’il est étrange que Mme Lemery, qui qualifie l’article « d’irréprochable », acquiesce à la requête de M. Lizotte. Selon lui, c’est à ce stade que la rédactrice en chef aurait manqué de discernement et que « sa négligence a[urait] fait de ce journal le support momentané des propos discriminatoires de l’auteur ».

M. Girard souligne que l’argumentaire de l’auteur se résume à propager son idée que les gais sont inférieurs sans qu’on l’accuse d’être homophobe. Et pour cela, il utilise à l’aide de sophismes et d’obscures recherches, à séparer l’homosexuel de l’homosexualité. Selon lui, il allait de soi de refuser l’offre de Mme Lemery de justifier, par écrit, comment sa sexualité ne représente pas une menace pour les autres. Selon le plaignant, son invitation ne consistait donc pas à participer à un banal échange d’opinions mais à un débat menant directement à la remise en cause de la légitimité de droits difficilement acquis.

Il termine en mentionnant que c’est avec des propos, comme a tenu M. Lizotte, qu’on ridiculise, torture, incarcère et tue même des homosexuels dans plusieurs pays. Voilà donc pourquoi il a décidé de porter plainte au Conseil de presse en se basant sur un article tiré du guide Droits et responsabilités de la presse. « Selon la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, toute personne « a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge […], la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap […].

Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire.

En tout temps, et en toute situation, les reporters, commentateurs et éditorialistes doivent s’obliger aux plus hauts standards professionnels en cette matière. »

Décision
M. Damien Girard reprochait au quotidien Métro d’avoir publié des propos homophobes, tels que « l’homosexualité est une déviation qui ne profite ni à l’individu ni à la société » et en comparant l’homosexualité aux fumeurs qui « nuisent » à la société, dans une lettre publiée dans la rubrique « Opinions », le 8 août 2006. La rédactrice en chef, Mme Lemery, répond que la lettre a été publiée afin d’accorder un droit de réplique à un lecteur et avait invité M. Girard à écrire lui aussi dans la section réservée aux lecteurs, mais que ce dernier aurait refusé.

La latitude dont jouit un média, ses jugements d’appréciation en matière de publication de lettres ouvertes doivent demeurer conformes à sa responsabilité d’informer le public et de veiller à ce que les lettres des lecteurs ne véhiculent pas des propos outranciers, insultants ou discriminatoires pouvant être préjudiciables à des personnes ou à des groupes. Même si la publication de lettres de lecteurs ne constitue pas toujours le meilleur moyen de réparer le préjudice causé, les médias doivent s’ouvrir aux commentaires. Le Conseil note que le journal a consacré sa rubrique « Opinions », du 14 août 2006, à la réaction de plusieurs lecteurs, permettant ainsi d’équilibrer les points de vue.

La jurisprudence du Conseil indique que l’usage en pareil cas est de considérer que même si la publication de lettres de lecteurs ne peut réparer complètement le tort causé, la publication peut libérer les mis-en-cause d’un blâme. Le grief est par conséquent rejeté.

Au deuxième point soulevé par le plaignant à l’effet qu’en publiant des propos homophobes, le journal aurait fait preuve de complaisance et de complicité. Le Conseil est d’avis qu’en ayant considéré que le journal avait respecté ses devoirs quant à la démarche à suivre concernant l’accès du public aux médias, et en ayant fait une recommandation à cet égard, ce serait faire un procès d’intention au journal que de retenir ce grief. Le Conseil estime que les éléments soumis à son analyse ne permettent pas d’établir d’intention malveillante. Le grief est donc rejeté.

Compte tenu des éléments exposés ci-haut, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Damien Girard à l’encontre du quotidien Métro.

Analyse de la décision
C08A Choix des textes; C08I Lettres discriminatoires; C18C Préjugés/stéréotypes; C18D Discrimination

Appelant
M. Damien Girard

Décision de la commission d'appel
La commission d’appel du Conseil de presse du Québec a étudié l’appel que vous avez interjeté relativement à la décision rendue par le comité des plaintes et de l’éthique de l’information dans le dossier cité en titre.

Après examen, les membres de la commission ont conclu à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.

Par conséquent, conformément aux règles de procédure, nous rejetons votre appel et fermons le dossier cité en titre.


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