Montréal est devenue un havre de paix pour les homosexuels français
Monday, January 21st, 2013Huffington Post
MONTREAL – “J’ai dit à ma conjointe: je ne reviendrai jamais en France”, se rappelle Alice Chrétien, rayonnante à quelques jours de la naissance de sa fille Loann, un bonheur que cette lesbienne vivant à Montréal aurait difficilement imaginé pouvoir vivre dans son pays d’origine.
“Je suis toujours très attachée à la France, j’y retourne tous les ans”, s’empresse de préciser la jeune femme, gérante de cafétéria, établie depuis trois ans et demi au Québec et dont l’enfant est le fruit d’un don de sperme d’un ami homosexuel.
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“Je suis venue au Québec pour découvrir Montréal, j’y ai rencontré ma partenaire. Puis j’ai découvert la facilité dont nous jouissons ici, sur le plan administratif, pour avoir des enfants en tant que couple homoparental”. Une facilité qui contraste encore, explique Alice, avec la situation en France.
Terre promise
Là-bas, “si on présente nos papiers, ma conjointe ne sera pas reconnue comme mère de notre fille. Ici, notre fille porte le nom de ma conjointe, nous l’avons décidé. Mais sur son passeport français elle devra figurer comme Loann Chrétien avec annotation “nom d’usage: Loann Tremblay”. Nous attendrons que les lois changent en France pour faire ces démarches…”.
L’attitude d’Alice illustre celle de nombreux homosexuels français, pour qui le Québec est devenu une sorte de terre promise depuis la légalisation de l’union homosexuelle il y a une dizaine d’années, puis du mariage entre personnes de même sexe, et encore plus depuis l’entrée dans les moeurs de l’adoption ouverte à leurs couples.
La crise et cette “envie de fonder une famille”
“Il y a eu une grande vague d’immigration d’homosexuels français depuis trois ou quatre ans”, indique Mona Greenbaum, directrice de la Coalition des familles homoparentales et figure de proue de la cause homosexuelle au Canada.
“C’était pour fonder une famille mais aussi en raison de l’attrait du Québec mythique, des grands espaces ouverts, et de la situation économique en France”, précise-t-elle.
Aucune statistique précise n’est disponible, mais la présence de nombreux Français dans des organismes tels que la Chambre de commerce internationale gaie et lesbienne confirme indirectement l’ampleur du mouvement.
Le recensement de 2011 a dénombré 64 575 couples formés par des personnes de même sexe, soit 42,4 % de plus que cinq ans plus tôt et presque le double par rapport au premier chiffre recueilli en 2001. Parmi ces couples, 21.015 étaient mariés, tandis que 43.560 vivaient sous régime d’union civile.
“Pour l’amour d’un homme et non d’un pays”
Pour les Français, le mariage permet aussi de régulariser leur séjour permanent au Québec. Mais le plus souvent il s’agit d’un geste pour affirmer la solidité de leur couple.
Partenaire d’un Québécois rencontré sur internet en 1997, Laurent Gloaguen, barbu quadragénaire au sourire chaleureux, a traversé l’Atlantique quelques années plus tard “pour l’amour d’un homme et non d’un pays”.
Son partenaire l’avait auparavant rejoint en France, mais n’a jamais pu obtenir de permis de travail.
“Je vivais une relation stable, mais ne pouvais pas la vivre en France, même si je n’y ai pas rencontré de manifestations d’homophobie. Ici, un pays qui ne me doit rien m’accueille à bras ouverts”, poursuit Laurent. “C’est ce qui l’a emporté. Le Québec me laissait vivre ma vie comme je l’entendais”.
Laurent et Yves se sont mariés en 2006, dans une salle lambda sans fenêtres du Palais de Justice de Montréal.
La cérémonie a été sobre, voire bureaucratique. Une juge au jabot blanc a présidé l’événement qui a duré à peine dix minutes, y compris la chanson d’amour d’une chanteuse québécoise, Clémence Desrochers: “Cet été je ferai un jardin, si tu veux rester avec moi, encore quelques mois”.
Entretemps ils ont acheté une maison et Laurent a fondé une petite entreprise. Il produit des tirages photos à l’ancienne.