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Barebacking: Dans les “normes” de la société québécoise

Wednesday, June 15th, 2011

Par Roger-Luc Chayer
Photo Flickr

Dans la foulée du débat sur le barebacking, qui fait rage à Québec dans le cas de Steve Biron, le Gouvernement du Québec prend position et détermine qu’il s’agit d’une pratique acceptable.

En effet, en consultant un site connu de vente DVD gais pour adultes basé au Québec, on découvre que plus de 378 titres barebacks sont offerts et qu’ils portent tous un permis de la Régie du Cinéma du Québec.

Selon la RCQ, “Globalement, les films sont jugés à la lumière des tendances générales et des valeurs de la société québécoise, de manière à être en accord avec les règles nécessaires à son bon fonctionnement. Toutefois, lorsque la Régie estime qu’un film présente un réel danger pour l’ordre public, notamment en matière d’obscénité, elle se réserve le droit de refuser de le classer.”

Face à la réalité de la pandémie et à son ampleur dans le monde SIDA: porno sans capote = danger assuré

Wednesday, March 17th, 2010

Les films X tournés sans préservatif sont de plus en plus nombreux. Ils représentent aujourdʼhui 35 % du marché gay et plus de la moitié des productions hétérosexuelles. Le bareback, qui valorise la baise sans capote, envahit les rayons des sex-shops homos et lʼInternet, alors même que la communauté gay a été historiquement exemplaire sur les questions de prévention. Le milieu hétéro, faute dʼune véritable communauté luttant contre le sida, nʼa jamais été massivement préoccupé par ces problèmes : on nʼy trouve pas forcément dʼapologie de la prise de risque, mais lʼindifférence face au sida a les mêmes conséquences que la diffusion du bareback chez les gays.
Quelles que soient les différences entre le porno homo et hétéro, la présence massive dans les catalogues de films «non safe» met en danger les actrices et les acteurs, et témoigne dʼun manque de respect flagrant à lʼégard du public. Face à la réalité de la pandémie et à sa dynamique catastrophique, tant en France que dans le monde, nous appelons lʼensemble de lʼindustrie du X à plus de responsabilité.
Des rapports non protégés mettent en danger directement les actrices et les acteurs. Tourner une scène sans capote, cʼest filmer, potentiellement, une scène de transmission du VIH, ou dʼune autre infection sexuellement transmissible. En conséquence, il est difficile de ne pas se sentir mal à lʼaise à la vue de jaquettes estampillées «bareback», avec des accroches telles que «Ces minets sont gourmands de foutre». Gourmands de foutre… et du sida aussi peut-être ? Avec tout ce qui va avec : fatigue, effets indésirables des traitements et maladies opportunistes ?
Ce malaise, ni les distributeurs ni les producteurs ne semblent le ressentir. Lʼefficacité financière est au coeur de leurs préoccupations, quitte à oublier la protection quʼils doivent aux actrices et acteurs. Certes, on peut toujours avancer, comme le font certains défenseurs des vidéos non protégées, lʼargument de la liberté individuelle des actrices et des acteurs, ou prétexter quʼaprès tout ces derniers (ères) engagent leur seule responsabilité dans la prise de risque.
Cʼest oublier un peu vite que les bases de la prévention ne sont pas connues également par toutes et tous, et que bon nombre de personnes peuvent ne pas se sentir concernées par le risque du VIH-sida. Cʼest oublier aussi que la précarité peut pousser des personnes à accepter des conditions de travail très dangereuses.
De nombreux producteurs savent bien utiliser cette précarité pour faire prendre des risques à leurs modèles. Certains, dans le milieu gay notamment, paient pour des scènes non protégées des cachets jusquʼà dix fois supérieurs à ceux dʼun tournage «safe». Dʼautres profitent de la délocalisation des productions dans les pays de lʼEst ou du Maghreb. Le droit du travail y est moins regardant, le salaire proposé représente lʼéquivalent dʼune petite fortune locale, les campagnes de prévention y sont insuffisantes et le sida est encore souvent tabou. Tout cela se conjugue pour pousser des actrices et des acteurs à tourner sans capote. Ces personnes, si elles sont contaminées, ne bénéficieront pas de la même prise en charge quʼen France.
Il est bien à craindre quʼelles paieront de leur vie la somme reçue. Nous ne lʼacceptons pas. Nous refusons enfin tout autant la pratique qui consiste à exiger un test de dépistage régulier aux actrices et acteurs. Il ne sʼagit en aucun cas dʼune mesure de prévention tout juste dʼune disposition pour couvrir les producteurs vis-à-vis de leur assurance en cas de test positif. Jamais le dépistage nʼa protégé du sida. Utilisé ainsi par les producteurs, il est avant tout un outil dʼexclusion et de stigmatisation des personnes séropositives, dont on ne voit pas pourquoi, pour peu que les scènes soient protégées, elles seraient exclues des tournages. La mise en danger des actrices et des acteurs doit cesser. Si lʼensemble de lʼindustrie pornographique, en dehors des productions qui sont ou ont su rester exemplaires, continue ainsi dʼexposer ses employés à des risques mortels, elle devra en assumer la responsabilité : devant les médias, les tribunaux, comme cela sʼest déjà produit aux États-Unis en 2004, et devant son public. Les promoteurs des vidéos non protégées rejettent la responsabilité du marché sur la seule demande. Comme si lʼoffre ne déterminait pas les envies du public. Comme si, à force de répéter sur les jaquettes que le sexe sans capote est plus naturel, plus désirable, plus excitant, le public nʼétait pas incité à acheter des vidéos non protégées.
Mais quand bien même la vision simpliste des partisans du bareback serait justifiée, quand bien même ce serait la seule demande qui serait en cause, quʼest-ce qui empêche un producteur ou un diffuseur responsable de ne pas répondre à cette demande ? Protéger les parts dʼun marché qui repose sur la mise en danger de personnes et la banalisation de lʼépidémie nʼa rien de glorieux. Il est de la seule responsabilité des producteurs et des diffuseurs de dire à leur public : «Le fantasme du sexe sans capote restera à lʼétat de fantasme, nous ne pouvons faire assumer un tel risque à nos actrices et acteurs, la réalité du sida et les responsabilités que nous avons vis-à-vis de vous nous en empêchent.» Cʼest aussi simple que cela. La preuve en est que des producteurs ont su dire non à ce marché et refusent de se soumettre à la prétendue pression de la demande bareback. Si eux ont pu le faire, quʼattendent les autres pour agir de même ?
Cʼest pourquoi nous demandons : aux producteurs de vidéos non protégées dʼen cesser la réalisation ; et aux diffuseurs de ne plus vendre des films bareback. Une industrie du porno qui ne respecte ni ses modèles ni son public ne mérite pas dʼêtre défendue. Elle doit sʼattendre à voir ses responsabilités dénoncées. Nous, qui travaillons dans le porno, ou qui en sommes usagers (ères), attendons de lʼindustrie du X quʼelle valorise le plaisir «safe», quʼelle rappelle aux spectatrices et spectateurs que capote et jouissance vont ensemble et quʼelle se mobilise contre le sida. La maladie, le sida et la mort ne nous excitent pas. Nous aimons le sexe, nous aimons la vie.