Cover Girl: le personnificateur Michel Dorion livre ses impressions au Point!
Thursday, October 1st, 2009Par: Éric Gauthier
Toutefois, peu de personnifi cateurs féminins se sont exprimés ouverte-
ment sur le sujet. Le Point a rencontré Michel Dorion, qui compte plus
de 17 ans de métier et qui a offert tout au long de sa carrière un nombre
incalculable de spectacles (dont son fameux Dorion chante Dion présenté
l’an dernier) afi n de recueillir ses impressions sur la télésérie.
Avec l’expérience que vous avez de la scène et du millieu, que pensez-
vous de la série?
-Je ne peux pas dire que ce n’est pas bon ou que j’ai détesté. J’ai toutefois
eu une sorte de choc lors de la diffusion de la première émission. Étant
donné que ça représente un peu mon univers, j’ai été quelque peu déçu,
mais à partir du troisième épisode, je me suis fait à l’idée que ce n’est pas
une série réaliste. Cependant, j’ai des amis qui m’ont demandé d’écrire
une biographie parce que l’émission entretient une certaine confusion face
au comportement diurne des personnifi cateurs féminins.
Les gens croient que vous sortez vêtu en femme pour aller faire vos
courses, comme le font les personnages?
Même s’il s’agit d’une comédie et que c’est de la pure fi ction, pour la
plupart des gens, la série est censée montrer comment vivent et travaillent
les drag queens. Et ceux qui ne sont pas des habitués de la ville ne savent
pas toujours faire la différence entre la réalité et la fi ction. C’est certain
qu’il y a un fond de vérité dans cette série.
C’est vrai qu’il y en a qui font la rue, d’autres qui ne peuvent pas faire un
spectacle sans avoir une ligne de cocaïne ou quelques verres dans le nez,
mais ce n’est pas la majorité. Reste que le fait que les personnages soient
habillés en fi lles à coeur de jour est déroutant pour ceux qui ne connaissent
pas le milieu. Il faut savoir qu’un travesti, un personnifi cateur féminin ou
une drag queen, ça ne s’habille pas en femmes 24 heures par jour et ça
ne va pas, comme vous le disiez tout à l’heure, faire ses courses vêtu de
cette façon. Par contre, il s’agit là d’un comportement de transexuel et je
pense que c’est ça qui est mêlant. On confond les drag queens avec les
transexuels. Prenez le cas du deuxième épisode. Le personnage de Lana
expliquait qu’il ne veut plus jamais de sa vie se voir en homme et qu’il
n’est pas bien lorsqu’il est en homme. Ce n’est pas une mentalité de drag
queen. J’aurais aimé que pendant la journée, les personnages, sans perdre
leur exubérance et leur humour, demeurent ce qu’ils sont, c’est-à-dire des
garçons.
Selon vous, la série tomberait alors dans un autre registre?
Oui, mais on la présente bel et bien comme étant une série sur les drag
queens et je trouve qu’à cet égard, ils sont allés jouer sur le terrain des
transexuels et des transgenres. Vous savez, ça fait 17 ans que je fais ce
métier, que je me promène en région, que je me produis dans des endroits
qui ne sont pas forcément fréquentés par les gais, comme des centres
communautaires ou des marchés aux puces, et ça fait 17 ans que je tente
d’expliquer aux gens la différence entre un travesti, un personnifi cateur
féminin et une drag queen et que j’essaie de leur préciser dans quelle
catégorie je me situe.
Covergirl vient donc brouiller les cartes, en quelque sorte?
Tout à fait. C’est parfois diffi cile pour moi de négocier certains contrats,
surtout lorsqu’il s’agit d’une clientèle plus âgée. Et lorsque la série a été
diffusée, j’ai eu peur de perdre certains engagements. Mais je n’y peux
rien et je sais très bien que c’est une émission pour faire rire.
Justement, peut-être a-t-on voulu mettre l’accent sur le côté burlesque
de la chose? Voir débarquer une drag queen dans un lieu public semble,
à la rigueur, beaucoup plus amusant qu’un homme ordinaire vivant sa
vie d’homme ordinaire, même s’il pratique un métier plus marginal.