Cover Girl: le personnificateur Michel Dorion livre ses impressions au Point!

Par: Éric Gauthier

Toutefois, peu de personnifi cateurs féminins se sont exprimés ouverte-

ment sur le sujet. Le Point a rencontré Michel Dorion, qui compte plus

de 17 ans de métier et qui a offert tout au long de sa carrière un nombre

incalculable de spectacles (dont son fameux Dorion chante Dion présenté

l’an dernier) afi n de recueillir ses impressions sur la télésérie.

Avec l’expérience que vous avez de la scène et du millieu, que pensez-

vous de la série?

-Je ne peux pas dire que ce n’est pas bon ou que j’ai détesté. J’ai toutefois

eu une sorte de choc lors de la diffusion de la première émission. Étant

donné que ça représente un peu mon univers, j’ai été quelque peu déçu,

mais à partir du  troisième épisode, je me suis fait à l’idée que ce n’est pas

une série réaliste. Cependant, j’ai des amis qui m’ont demandé d’écrire

une biographie parce que l’émission entretient une certaine confusion face

au comportement diurne des personnifi cateurs féminins.

Les gens croient que vous sortez vêtu en femme pour aller faire vos

courses, comme le font les personnages?

Même s’il s’agit d’une comédie et que c’est de la pure fi ction, pour la

plupart des gens, la série est censée montrer comment vivent et travaillent

les drag queens. Et ceux qui ne sont pas des habitués de la ville ne savent

pas toujours faire la différence entre la réalité et la fi ction. C’est certain

qu’il y a un fond de vérité dans cette série.

C’est vrai qu’il y en a qui font la rue, d’autres qui ne peuvent pas faire un

spectacle sans avoir une ligne de cocaïne ou quelques verres dans le nez,

mais ce n’est pas la majorité. Reste que le fait que les personnages soient

habillés en fi lles à coeur de jour est déroutant pour ceux qui ne connaissent

pas le milieu. Il faut savoir qu’un travesti, un personnifi cateur féminin ou

une drag queen, ça ne s’habille pas en femmes 24 heures par jour et ça

ne va pas, comme vous le disiez tout à l’heure, faire ses courses vêtu de

cette façon. Par contre, il s’agit là d’un comportement de transexuel et je

pense que c’est ça qui est mêlant. On confond les drag queens avec les

transexuels. Prenez le cas du deuxième épisode. Le personnage de Lana

expliquait qu’il ne veut plus jamais de sa vie se voir en homme et qu’il

n’est pas bien lorsqu’il est en homme. Ce n’est pas une mentalité de drag

queen. J’aurais aimé que pendant la journée, les personnages, sans perdre

leur exubérance et leur humour, demeurent ce qu’ils sont, c’est-à-dire des

garçons.

Selon vous, la série tomberait alors dans un autre registre?

Oui, mais on la présente bel et bien comme étant une série sur les drag

queens et je trouve qu’à cet égard, ils sont allés jouer sur le terrain des

transexuels et des transgenres. Vous savez, ça fait 17 ans que je fais ce

métier, que je me promène en région, que je me produis dans des endroits

qui ne sont pas forcément fréquentés par les gais, comme des centres

communautaires ou des marchés aux puces, et ça fait 17 ans que je tente

d’expliquer aux gens la différence entre un travesti, un personnifi cateur

féminin et une drag queen et que j’essaie de leur préciser dans quelle

catégorie je me situe.

Covergirl vient donc brouiller les cartes, en quelque sorte?

Tout à fait. C’est parfois diffi cile pour moi de négocier certains contrats,

surtout lorsqu’il s’agit d’une clientèle plus âgée. Et lorsque la série a été

diffusée, j’ai eu peur de perdre certains engagements. Mais je n’y peux

rien et je sais très bien que c’est une émission pour faire rire.

Justement, peut-être a-t-on voulu mettre l’accent sur le côté burlesque

de la chose? Voir débarquer une drag queen dans un lieu public semble,

à la rigueur, beaucoup plus amusant qu’un homme ordinaire vivant sa

vie d’homme ordinaire, même s’il pratique un métier plus marginal.


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