Homosexualité tunisienne

Après le printemps arabe,
voici que les homos tunisiens
se paient aussi une révolution
Photos: Wikipédia
En Tunisie, les limites des libertés individuelles viennent d’apparaître plus distinctement. L’actuel gouvernement à majorité conservatrice craint de voir se démocratiser les sites internet consacrés aux gais malgré la loi toujours en vigueur qui condamne l’homosexualité. Mis en service en mars 2011, le e-magazine interactif GayDay a publiquement été menacé d’interdiction par l’actuel ministre des Droits de l’Homme, Samir Dilou, qui s’exprimait sur une chaîne de la télévision tunisienne. Ce dernier s’est fermement opposé à l’idée de voir s’installer ce type de presse en Tunisie: «Il n’est pas question que la perversion sexuelle soit un droit humain. Ces personnes devraient plutôt se faire soigner», déclarait le ministre sur Hannibal TV.
Une forme d’«homophobie» affichée et qui se trouve être par- tagée par la majorité des Tunisiens. «Faites ça chez vous et bouclez-la!», conseillait un internaute au nouveau magazine. Depuis la chute de l’ex-président tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali et de son régime de censure, devant l’émergence de médias spécialisés, la Tunisie fait face à une nouvelle polémi- que autour d’un sujet de société pour le moins explosif: la re- présentation de la «communauté homosexuelle» tunisienne.
Les publications de GayDay magazine, la mise en service d’une web radio, Tunisia Gay’s, et l’évolution générale du militantisme LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et transgen- res) en Tunisie, accréditent une réalité concomitante à la révolution: ces nouveaux supports d’informations ciblent un lectorat bien réel et revendiquent le droit à la liberté d’ex- pression. Concernant la légalité et les autorisations, remises en cause par le ministre des Droits de l’Homme, les respon- sables et activistes précisent en réponse qu’ils «n’ont pas demandé d’autorisation», considérant que «c’est notre droit de nous exprimer sur le net», «en utilisant des ressources gratuites du web». Du point de vue de l’audience, la radio Tunisia Gay’s compte environ 40 à 60 auditeurs les soirs d’émission, tandis que le site du magazine GayDay oscille entre 1000 et 6000 visites en fonction des mises à jour.
En guise d’exemple de paru- tion, le magazine GayDay a révélé au mois de décembre 2011 sa sélection des dix plus beaux hommes tuni- siens avec photos. Particu- lièrement actifs sur les ré- seaux sociaux, les militants ont également demandé à leur membres sur Facebook d’afficher un message sur leur profil en réponse au mi- nistre en charge des droits humains:
«Je suis un homme, mon- sieur le ministre des Droits de l’Homme.»
Car dire que le sujet est tabou en Tunisie est un euphémisme.
En dehors des insultes, peu de Tunisiens désignent ouvertement al-liwatt (l’ho- mosexualité en français). La plupart ont conscience de cette «vieille réalité», sa- vent qu’il y en a «beaucoup en Tunisie», issus de toutes les couches sociales, parfois «mariés depuis plus de 20 ans» ou se rendant «réguliè- rement à la mosquée», mais rares sont ceux qui osent vraiment en parler.
En politique, la question épineuse de l’homosexualité tunisienne -jugée déplacée par les plus modernistes compte tenu de la situa- tion économique critique du pays- a pourtant été relan- cée durant les campagnes et la période post-électorale.
Pour rassurer les électeurs, des membres de partis conservateurs tels que En- nahdha n’hésitaient pas à déclarer qu’ils respecteraient les droits des homosexuels, allant parfois jusqu’à propo- ser comme Riad Chaibi à ces personnes «dévalorisées» de réexaminer le problème de leur «dignité» en société.
En matière de liberté d’ex- pression, le chemin à par- courir pour cette minorité risque d’être beaucoup plus long que pour d’autres. «Une révolution à deux vitesses et une dignité bien délimitée», résumait un internaute.
Car même s’ils ont conscien- ce que la démocratie impli- que ce type de revendica- tions, les Tunisiens ne sont définitivement pas prêts à tout voir et à tout entendre.


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