Émirats Arabes Unis

Des gais et lesbiennes des Émirats arabes unis par- tent en guerre contre une vidéo prétendument éducative illustrant comment les gais peuvent se «nettoyer» de leur sexualité. Un étrange «tutoriel» intitulé «Sois toi-même» a été posté sur YouTube il y a un peu plus d’une semaine. De facture professionnelle, la vidéo met en scène la rencontre entre cinq ados dans une banlieue résidentielle des Émi- rats arabes unis (EAU). Deux d’entre eux portent la tenue traditionnelle bédouine, tandis qu’un troisième, en t-shirt et en jeans, apparaît efféminé et timide. Il salue les autres d’une voix haut perchée, en jouant avec ses cheveux longs. Deux autres types habillés à l’occidentale les rejoignent. Salutations dans un style macho. Le garçon efféminé rougit quand on l’invite à rentrer dans une villa voisine. Une fois à l’intérieur, ses camarades lui disent qu’il doit changer sa personnalité. «Vraiment, maintenant?», s’inquiète le jeune – «Laisse-nous faire», lui rétorque-t-on.
Dans la séquence, l’ado efféminé suit les instructions de ses amis pour reproduire des gestes «masculins». Puis il subit un relooking pendant lequel ses mains et son visages sont violemment frottés. Ses ongles et ses cheveux sont coupés. A la fin, il reçoit une gifle quand, sur le point de partir, il adresse un «Salut les mecs» sur un ton suraigu. «Plus grave, la voix», lui ordonne-t-on. En guise d’épilogue, les cinq per- sonnages se rencontrent à nouveau. Le garçon efféminé se distingue moins de ses camarades. Ceux-ci ont l’air heu- reux et fiers de leur travail. Ils remercient Dieu qui a permis cette métamorphose.
La vidéo, avec son titre pa- radoxal, peut paraître ridi- cule. Elle touche néanmoins des questions profondes pour les gays et lesbiennes émiratis. Fondateur d’un groupe LGBT local, Abullah, 24 ans, estime que s’il l’avait vu à 16 ans, ce clip aurait eu sur lui des conséquen- ces dévastatrices: “À l’épo- que, ma mère me hurlait dessus si j’agitais trop les mains en parlant. Le seul résultat, c’est que cela m’a conditionné à une attitude raide et robotique.” Les sept émirats des EAU ont chacun leurs propres lois concer- nant l’homosexualité. Par exemple, elle est passible de 10 à 14 ans de prison, à Du- baï et à Abou Dhabi, respec- tivement. Le Code pénal de la fédération prévoit aussi la peine de mort pour la sodo- mie, ainsi que des peines de flagellation et l’expulsion. Par ailleurs des psychiatres et psychologues émiratis ont, à différentes reprises, décrit les «comportements de genre atypiques» comme des «troubles» curables au moyen de traitements hor- monaux. Pourtant, «l’homo- sexualité a toujours été par- tie intégrante de la culture de la péninsule arabique. Elle existait dans la poé- sie et les écrits des époques islamique et préislamique», rappelle Abdullah.
A l’heure actuelle, l’idée qui domine, c’est que les sexua- lités alternatives sont des signes d’occidentalisation. C’est le défi que doivent af- fronter les militants LGBT dans des Émirats dont le boom économique s’accom- pagne d’une grande confu- sion des valeurs, conclut Abdullah, avec une pointe d’optimisme.


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