Julien, toi qui préfères les hommes 6

Cet amour est basé sur la confiance réciproque. Leur maison est toujours ouverte aux copains et aux gens qu’ils aiment. Ils parlent de leur travail, de leurs espoirs, de leurs joies, de leurs soucis, bref de leur vie. Je pourrais dire que leur devise est : construire et vieillir ensemble, dans la fidélité.

Les couples homosexuels sont beaucoup plus fragiles. Cela tient peut-être à leur conception de l’amour et à l’impossibilité d’avoir une descendance. Les enfants tiennent une place considérable dans le couple : un enfant c’est le prolongement de soi-même, une sorte d’immortalité. Et puis, quelle aventure pour de jeunes parents  d’aider un petit à grandir, de lui apprendre à affronter la vie, de le suivre jusqu’au moment  où, devenu adulte il prendra la relève   pour faire, à son tour, la même chose, avec une personne aimée !

Lorsqu’on parle de la famille, on pense à la famille élargie, à un clan protecteur, rassurant, qui est là surtout en cas de coups durs ou d’événements heureux, avec ses personnalités bien différentes, parfois difficiles à supporter, mais toutes unies par un sentiment très fort : l’appartenance au clan! Lorsqu’une liaison homosexuelle se termine, que reste-t-il aux deux partenaires, si ce n’est une plus grande solitude? Lorsqu’on est jeune, on trouve assez vite un nouvel ami, mais arrivé à un certain âge, quelles sont les chances de ne pas vieillir seul ?

tranquillité où nous étions seuls, j’a demandé à Frédéric s’il était au courant de l’homosexualité de son frère, et ce qu’il en pensait.
« J’ai commencé à me poser des questions il y a bien longtemps – a dit Frédéric – Julien avait de drôles de copains. J’étais mal à l’aise avec eux. Au début, je pensais que c’était à cause de la différence d’âge : Julien et ses amis étaient vieux par rapport à moi et parfois, ils m’intimidaient.

Je ne les connaissais pas beaucoup, car Julien ne voulait pas les amener à la maison et je n’avais donc pas trop de contacts avec eux. Je ne les aimais pas vraiment, parfois leurs regards avaient quelque chose de troublant, ce qui me mettait mal à l’aise, quelques uns avaient des manières assez efféminées que je ne supportais pas.

« Un jour, j’ai rencontré Ralph devant la maison. Il cherchait Julien, car il avait quelque chose d’important à lui dire, et ne voulait pas téléphoner par peur de vous, les parents. Il savait que je rentrais du lycée, et il espérait me rencontrer.

Nous avons été boire un café ensemble. C’était une période où je commençais à avoir des soupçons sur le comportement de Julien.

Je n’avais pas le courage de lui en parler ouvertement : le sujet était délicat ! Et si je me trompais dans mes déductions ? Il aurait pu prendre cela comme une injure. J’attendais l’occasion, elle se présentait ! J’ai parlé avec Ralph tout naturellement, comme si j’étais au courant de tous les états d’âme de mon frère et bien sûr, cela marché ! Ralph a d’abord parlé de lui, de sa difficulté à cacher son homosexualité dans son entourage. J’étais surpris, car je ne pensais pas que Julien faisait partie de tout un groupe de garçons homosexuels. Il venait de se séparer de Corinne, tu t’en souviens ? Je pensais qu’il avait été tellement déçu par cet amour qu’il ne voulait pas entendre parler de filles pour un moment, après tout c’était une réaction normale après un échec amoureux et les copains étaient là pour le soutenir moralement.
« J’ai joué le jeu, j’ai fait celui qui savait tout de Julien et j’ai passé un moment très instructif et très sympathique, je dois dire, avec Ralph.
« En rentrant, je me suis expliqué avec mon frère. J’étais déçu qu’il ne m’en ait jamais parlé. J’étais son petit frère, celui auquel on ne raconte pas tout parce qu’il y a une différence d’âge … Parfois, il me considérait comme un bébé, mais j’allais avoir quinze ans. Je me sentais adulte parce que les filles commençaient à m’intéresser. Je croyais être très proche de Julien, avec lequel je partageais mes petits secrets et je lui en voulais de m’avoir caché cela.
« Julien a eu l’air surpris que je l’attaque ouvertement. Embêté et soulagé que je sois au courant, il m’a supplié de ne rien dire à personne, m’a fait jurer un silence total, surtout vis-à-vis de toi et de papa. Il avait l’intention de vous en parler, mais plus tard. C’est ainsi que je suis devenu son complice  a conclu Frédéric en souriant.
Et Marie, est-elle au courant ?
– Bien sûr, elle sait. Nous nous disons tout, et je ne pouvais lui taire cela. Marie a accepté sans problème l’homosexualité de Julien. Lorsqu’elle était au lycée, elle avait un très bon copain homosexuel et ensuite, dans ses stages à l’hôpital, elle en a rencontré d’autres, à plusieurs reprises. Elle dit qu’en général, ce sont des garçons très doux et très gentils et qu’elle a un bon contact avec eux. Tu sais, maman, actuellement on en rencontre tellement et de partout que cela ne choque plus, cela devient presque une chose banale, admise par tous. »
J’ai regardé Frédéric pensivement :
« Dis-moi, Fred, un jour tu auras des enfants. Si un de tes gosses est homosexuel, comment réagiras-tu ? »
Le sourire de Frédéric a disparu. Il m’a répondu :
« Bonne question, maman, horrible question : ce que j’en pense : de tout cœur, je ne me le souhaite pas, cela serait très dur ! »
J’ai souvent peur, parce que je pense que Julien est en danger. Quel danger ?
En apprenant l’homosexualité de Julien, j’ai découvert un monde que je connaissais mal, qui jusqu’ici ne m’intéressait pas et sur lequel je ne m’étais jamais penchée.
J’ai peur de cette ambiance trouble qui règne dès que deux homosexuels sont ensemble, de ces restaurants, boîtes de nuit, saunas ou lieux publics, de ces jardins ou squares qu’ils sont seuls à fréquenter, dès la nuit tombante. C’est ce comportement séducteur qui me fait peur : un homosexuel a un besoin inné de plaire, cela fait partie de sa personnalité.
Julien et ses amis sont prêts à donner un rendez-vous, à suivre n’importe quel garçon qui leur plaît. Parfois, derrière une belle façade, on trouve des ruines, des décombres sales. Il faut rester prudent lorsqu’on veut rentrer dans l’édifice, il y a danger qu’un pan de mur tombe et vous blesse sérieusement.

Actuellement Julien est amoureux de Paul : il dit vouloir la fidélité réciproque. Est-il sincère ? Ce ne sont peut-être que des affirmations pour me rassurer. Il connaît mes principes et ne désire probablement pas de nouvelles discussions.

Il y a quelques jours, nous avons eu la visite d’un neveu: André est étudiant en pharmacie et passionné de modélisme. Il participe à toutes les compétitions et arrive souvent parmi les premiers. Il a une collection importante de coupes, dont il est très fier. Petit, mince, la démarche sautillante, des yeux d’un bleu profond, une grande bouche toujours prête à faire la grimace pour amuser son auditoire, on ne peut pas rester insensible à sa bonne humeur : c’est un charmeur sympathique.

Julien rentre à la maison avec son ami Robert. Grand et beau gosse, mais toujours mal rasé, cheveux châtains, une tête toute ronde, de petits yeux et un regard auquel rien n’échappe. Il donne l’impression d’être quelqu’un de sérieux, et très bien élevé. Que cache-t-il derrière ce masque trop poli? Il y a quelque chose qui me gêne dans sa politesse et dans sa façon d’être.

Les garçons se rencontrent. C’est le coup de foudre pour Robert, le neveu lui plaît à la folie, mais nous sommes tous là, nous ne sommes au courant de rien et nos bavardages tranquilles et anodins empêchent la moindre phrase déplacée.

Le soir, Julien très énervé me raconte qu’il s’est disputé avec son ami parce que celui-ci lui a dit :
« André est tellement mignon, il me plaît trop, j’espère que toi, au moins, tu en as profité ! »

Damien, un autre ami de Julien, a une liaison depuis quatre mois avec Henri qui possède une grande propriété vinicole. Je connais de vue ce domaine, situé à quelques kilomètres seulement de la propriété d’amis chez qui nous nous rendons souvent. Il est situé sur les collines qui entourent la ville : des hectares de vignes qui changent les couleurs du paysage selon les saisons : noires et blanches sous la neige, elles deviennent vertes au printemps. J’aime ce vert tendre des premiers jours qui s’obscurcit et s’affirme au fur et à mesure que l’été arrive. Je préfère encore la période qui suit les vendanges, lorsque l’automne est là, bien installé. Les feuilles, pour le recevoir, revêtent leurs plus belles couleurs et c’est un mélange, une explosion de jaunes qui, en passant par les roux arrive aux différents tons de marrons : le bouquet final d’un feu d’artifice qui sait que l’hiver est proche et que la colline va s’endormir jusqu’au printemps prochain.

Le coeur de ce domaine est une grande maison du dix-huitième siècle, à laquelle on accède par un large portail et une longue allée de frênes centenaires.

Suite de cette
publication dans notre édition numéro 86
Pour lire le livre  gratuitement dans sa version intégrale et le tome II – À Dieu Julien,
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