Premier mariage homosexuel franco-marocain autorisé

LeFigaro

La convention entre les deux pays, qui fait obstacle au mariage entre personnes de même sexe, a été écartée. La décision pourrait faire jurisprudence.

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«C’est un vrai événement en France!», jubilent-ils. Dominique, un garagiste de 55 ans, et Mohamed, un jeune étudiant marocain, parlent de leur mariage: annulé en septembre deux jours avant la cérémonie, il vient d’être autorisé, vendredi, par le tribunal de grande instance de Chambéry. En dépit d’une convention bilatérale signée en 1981 entre la France et le Maroc, faisant obstacle à la célébration en France de mariages entre deux personnes de même sexe, l’homosexualité étant illégale au Maroc. Le parquet, «pour l’instant», n’a pas fait appel. La décision pourrait donc ­faire jurisprudence, espère Me Didier Besson, leur avocat, qui reçoit déjà «de multiples demandes similaires de couples binationaux»…

Une circulaire, publiée fin mai, après la promulgation de la loi Taubira, précise que les ressortissants de onze pays (Maroc, Tunisie, Algérie, Laos, Cambodge, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie, Kosovo, Slovénie, Pologne) ne peuvent épouser une personne de même sexe, les conventions bilatérales entre la France et ces pays ayant «une autorité supérieure à la loi» française. Face à ces «discriminations», plusieurs associations homosexuelles avaient demandé au ministère de la Justice d’élaborer une «réponse politique et rapide».

Arguments sur le fond

Il y a quelques jours, Mme Taubira avait prié son «cabinet, notamment (s)on conseiller diplomatique» de «retravailler» la circulaire. Mais, pour Me Besson, «ce jugement va régler d’un seul coup toutes les difficultés mises en avant par la circulaire!» Avec ses clients, l’avocat «en appelle à la garde des Sceaux pour qu’elle n’interjette pas appel: ainsi, il n’y aura plus besoin de tout renégocier, convention par convention…»

Pour convaincre le tribunal, Me Besson a plaidé que «le droit marocain était contraire à l’ordre public international français»: «La loi marocaine interdit le mariage entre une musulmane et un non-musulman, et pourtant ça n’est pas appliqué en France!», argumente-t-il. «Ce n’est pas sur les arguments de forme, mais sur le fond du dossier que le tribunal s’est prononcé», assure-t-il. Dans ses attendus, le jugement rappelle que la loi Taubira «a implicitement mais nécessairement modifié l’ordre public international français, de sorte qu’une discrimination à l’accès au mariage fondée sur le sexe justifie l’éviction de l’article 5 de la convention franco-marocaine».

Dominique et Mohamed veulent désormais se marier très vite, «peut-être dans huit jours», pour «mettre la pression sur la ministre de la Justice», insistent-ils. «Si on s’opposait maintenant à nouveau à notre union, ce serait de l’acharnement!, lance Dominique. Surtout qu’on n’est pas les seuls dans ce cas…» Selon Me Besson, «le jugement permet désormais d’écarter les accords internationaux au profit de la loi française». «Au-delà de mes clients, affirme-t-il, il s’applique à tous les homosexuels concernés par la circulaire».

L’Association pour la reconnaissance du droit des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour (Ardhis) assure avoir été contactée par «plus d’une trentaine de couples concernés». «Mme Taubira a reconnu que la situation n’était pas satisfaisante, regrette son président Philippe Collomb, mais depuis notre rendez-vous, le 5 septembre, à la Chancellerie, nous n’avons vu aucune avancée tangible.»


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