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Quatre Néerlandais, venus tourner un film sur les droits des homosexuels en Russie, ont été accusés lundi 22 juillet de faire “la propagande de l’homosexualité”, un délit puni par une loi controversée qui s’applique pour la première fois à des étrangers.
Deux audiences étaient prévues lundi au tribunal du district Leninski de Mourmansk pour répondre de cette accusation. Le tribunal a cependant renvoyé le dossier à une date ultérieure, pour complément d’enquête et pour des vices de procédure.
Les quatre citoyens des Pays-Bas, dont Kris van der Veen, le chef de l’ONG LGBT Groningen, du nom de cette ville néerlandaise jumelée à Mourmansk, avaient été interpellés dimanche 21 juillet dans le camp de vacances pour jeunes “Fregat”, dans cette région située au nord de la Carélie et de Saint-Pétersbourg.
Une loi controversée
Ils participaient à une table ronde consacrée aux droits de l’Homme, a indiqué à l’AFP leur avocat russe, Maria Kozlovskaïa.
“Ils discutaient des droits de l’homme lorsque soudain la police et des membres du Service des Migrations ont fait irruption”, a-t-elle expliqué.
Ils ont ensuite été interrogés pendant près de huit heures au poste de police, et ont été condamnés à verser chacun une amende de 3.000 roubles (70 euros) pour violation des règles de séjour, avant d’être relâchés avec une convocation lundi au tribunal, a-t-elle précisé.
Selon l’avocate, la police a estimé qu’ils avaient violé une loi adoptée il y a un an à Saint-Pétersbourg et étendue en juin dernier à l’ensemble de la Russie, qui punit tout acte de “propagande” homosexuelle devant mineur par de lourdes amendes, un texte critiqué par les militants des droits de l’homme.
Cette loi prévoit une amende allant jusqu’à 100.000 roubles (environ 2.300 euros) et 15 jours de prison.
Selon l’avocate Maria Kozlovskaïa, il s’agit du premier recours à cette loi à l’encontre de ressortissants étrangers.
Toutes les images confisquées par la police
L’équipe avait passé plusieurs jours à Mourmansk la semaine dernière pour tourner un documentaire sur la communauté LGBT en Russie, qui incluait plusieurs interviews.
Selon la police, l’une des personnes interrogées par l’équipe était une mineure, victime de “propagande homosexuelle”.
“Elle leur a dit qu’elle avait 18 ans et a parlé du fait d’être gay en Russie”, a affirmé la militante locale des droits de l’homme Tatiana Koulbakina, qui a aidé les Néerlandais au tribunal lundi.
La mineure “n’a pas porté plainte”, a-t-elle souligné.
Elle a ajouté que l’équipe s’était néanmoins vu confisquer par la police toutes les vidéos tournées pour le film.
“La police a pris leur disque dur”, a dit l’avocate russe.
Une situation “peu claire”
Cette militante des droits de l’Homme a cependant estimé que l’affaire devrait en rester là, le renvoi du dossier par le tribunal témoignant selon elle de l’embarras de la justice russe.
Le ministère néerlandais des Affaires étrangères s’est dit lundi “préoccupé” et a précisé qu’il faisait “tout son possible pour apporter son soutien au groupe”.
“Je pense vraiment qu’il n’y aura pas d’affaire. Soulagé”, a écrit sur Twitter Kris van der Veen.
Un porte-parole du parti Vert de Groningen, auquel est affilié Kris van der Veen, a cependant indiqué que les visas des quatre Néerlandais avaient maintenant expiré et que la manière dont ils pouvaient sortir du pays n’était à ce stade “pas claire”.
La loi sur la “propagande homosexuelle” a été adoptée dans un contexte de désaccord profond sur ces sujets avec les pays occidentaux.
Des militants de la cause homosexuelle viennent régulièrement en Russie pour appuyer les organisations locales, qui dénoncent une politique discriminatoire et tentent en vain d’organiser des parades gays.
La Russie a adopté en juin une autre loi controversée, qui interdit l’adoption d’enfants russes par des couples homosexuels ou des célibataires dans les pays ayant légalisé les unions entre personnes de même sexe.
L’homophobie trouve un terrain favorable en Russie, pays où l’homosexualité a été considérée, depuis l’époque soviétique, comme un crime jusqu’en 1993 et comme une maladie mentale jusqu’en 1999.