Ce texte est reproduit avec l’aimable autorisation de Sabine Torres, rédactrice en chef de
DijOnscOpe.com et l’image centrale est de Bloëm l dijOnscOpe l2010. Nous la remercions pour
cette collaboration très appréciée et pour la qualité de ce texte.
Quel est le point commun entre
le Pape et la communauté
gay?
Difficile de répondre à cette
question si on ne possède pas
les arcanes du savoir… Et pourtant,
la comparaison est aisée si
l’on se penche sur cet élément
des plus banals : l’arc-en-ciel.
Croisé à tous les chemins, surtout
en Bourgogne, il est l’élément-
clé réunissant ces deux
antagonismes que sont le Pape
et les gays. Arcanciologue de
métier, Philippe Fagot étudie la
question depuis plusieurs années
et est entré dans les détails
les plus intimes de ce magnétique
phénomène lors d’une
conférence à Dijon samedi 20
février 2010. La profession en
intrigue plus d’un ; dijOnscOpe
ne pouvait éviter le sujet…
Philippe Fagot, comment devient-
on arcanciologue ?
“Un concours de circonstance
m’a amené sur ce thème, tandis
que je suivais une formation
à l’école du Louvre, notamment
sur le peintre Pit Mondrian, l’un
des fondateurs de l’art abstrait
géométrique. Dans le cadre
d’un voyage dans son pays
natal, en Hollande, à la fin des
années 1970, je me suis rendu
Mais au fond, qu’y a-t-il de si
fascinant dans un arc-en-ciel
pour que toutes les cultures
le vénèrent?
J’ai débuté ce thème de recherche
il y a une trentaine d’années
et il est vrai qu’il me fascine
toujours, voire m’obsède !
Pendant longtemps, j’ai eu une
approche à caractère historique
– d’ailleurs, le contenu de
la conférence partira de cette
approche –, puis j’ai progressivement
développé une analyse
plus “exotique” : Australie,
Amérique centrale, Afrique,
Tibet, etc. Pour entrevoir comment
ces différentes cultures
perçoivent ce phénomène et
ont développé des mythes et
légendes autour de lui. En effet,
si on étudie le sujet de près, on
se rend vite compte qu’il n’affiche
aucune constante, mise à
part la fascination des observateurs…
Mais au-delà de ce trait commun,
l’appréhension du phénomène
diffère selon les cultures.
Par exemple, dans les régions
de l’hémisphère nord, l’arc-enciel
est connoté positivement.
Selon certaines légendes ancestrales,
passer sous un arcen-
ciel est synonyme de changement
de sexe. Suite p. 22
compte que j’avais une vision
très différente des personnes
qui m’accompagnaient.
En effet, j’ai développé une
caractéristique visuelle qui fait
que quand j’observe des objets
noirs sur un fond clair ou objet
clair sur fond noir, je vois des
couleurs ; il s’agit d’une aberration
chromatique.
A mon retour en France, je me
suis penché sur cette particularité
physiologique et puis
me suis laissé prendre au piège.
Étude de la vision, de la
physique de la lumière, de la
symbolique des couleurs, rencontre
avec le Centre français
de la couleur (au musée d’histoire
naturelle de Paris), dont
je suis devenu le Directeur.
Parallèlement, j’ai continué des
recherches, certaines très académiques
et d’autres très passionnelles.
Je suis ainsi devenu arcanciologue
à travers trois manières
d’appréhender l’arc-en-ciel :
rationnel/scientifique, esthétique,
sociologique/symbolique.
Ma recherche se situe dans le
lien et la compatibilité entre ces
disciplines : entre art et pensée
sociale, entre sciences et philosophie,
etc.
On retrouve cette dimension de
fin, d’achèvement, puis de renaissance
de l’humanité dans
la Bible, dans la Genèse comme
dans l’Apocalypse.
Au contraire, dans les cultures
de l’hémisphère sud, l’arc-enciel
est un signe de mauvais
augure. Il est annonciateur,
sinon de catastrophe, d’évènements
problématiques. En
Afrique, il apparaît à la fin de
l’orage, signe à la fois de fertilité
mais aussi de sécheresse.
En Amérique latine, il est considéré
par les chamanes ou faiseurs
de pluie comme le signe
d’un changement climatique
fort. Il est ainsi comparé au serpent,
qui vient puiser l’eau des
rivières, des lacs, pour l’acheminer
dans l’atmosphère.
L’arc-en-ciel est devenu un
outil de communication international
puissant…
Plus régionalement, la France
arbore un folklore important
autour de l’arc-en-ciel, jusqu’à
être comparé à la jarretière de
la Sainte-Vierge dans l’est du
pays. En Allemagne, il ne faut
pas le montrer du doigt car on
risquerait de crever les yeux
des anges.
Christianisme, homosexualité
: le symbole
est-il identique ?
Nous pourrions dire “presque”.
Le “détournement” de la communauté
gay s’inscrit également
dans un mouvement international,
qui s’est approprié
l’arc-en-ciel comme emblème.
Là aussi, la mythologie de
transformation prédomine et
s’inscrit dans une revendication,
celle d’un troisième sexe,
celle d’avoir une alternative à la
sexualité hétérosexuelle.
Dans cette même idée de
transformation, on peut évoquer
le logo d’Apple et celui des
Pompes Funèbres Générales,
à savoir un oiseau sur fond arcen-
ciel. On constate alors la
continuité de signification des
signes ancestraux : l’oiseau suit
le chemin de l’arc-en-ciel pour
emmener l’âme des morts jusqu’au
Paradis.
Rappelez-vous sinon les Journées
Mondiales de la Jeunesse
à Paris en 1997 : le succès de la
maison Castalbajac est retentissant
lorsque le pape Jean Paul
II ainsi que 5.500 ecclésiastiques
arrivent habillés en Castelbajac,
arborant des chasubles
frappées d’un arc-en-ciel…
Bien entendu, ces mythes et
légendes sont fortement inscrits
dans un héritage chrétien,
même s’il faut constater l’érosion
de cette dimension religieuse.
De fait, vous retrouvez
bon nombre d’arcs-en-ciel magnifiques
en Bourgogne, tels
ceux dessinés sur les vitraux
de des églises de Dijon mais
aussi aux Hospices de Beaune.
Dans tous les cas, l’arc-en-ciel
tend à se teinter de contenus
beaucoup plus laïcs, plus profanes.
En effet, l’érosion symbolique
n’est pas localisée mais vraiment
internationale. Il suffit de
considérer les symboles suivants,
extrêmement forts, tels
le Rainbow Warrior, le bateau
de Greenpeace. Ce nom, qui
est devenu un emblème international
de l’association écologiste,
emprunte ses symboles à
la culture indienne, navajos et
hopis notamment. Ces derniers
avaient imaginé un personnage
(réunifiant toutes les nations
indiennes, qui s’opposerait à
l’envahisseur blanc américain.
Ce personnage, ils l’ont appelé
“Rainbow Warrior”. On passe
donc d’une dimension sacrée
pour les Indiens à une dimension
profane, celui d’une idéologie
écologique.