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DÉCOUVERTE La lipodystrophie ne vient pas de la thérapie!

Sunday, February 23rd, 2014

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De nombreuses personnes séropositives souffrent d’une répartition anormale des graisses dans leur organisme. Cette pathologie, jusqu’à présent souvent attribuée aux traitements, serait en fait provoquée par le VIH.

Joues creusées, membres et fesses amaigris, ventre et cou gonflés, seins volumineux: autant de symptômes de «lipodystrophie», répartition anormale de la masse graisseuse qui déforme le corps de nombreux séropositifs. Jusqu’ici, ce syndrome était principalement attribué aux médicaments antirétroviraux. «Environ 5% des patients arrêtent leur traitement pour cette raison», estime Mark Wainberg, de l’université McGill.

D’où l’intérêt de l’étude menée à l’institut de médecine Baylor, à Houston, aux États-Unis: elle suggère l’implication d’une protéine du virus, la «Vpr», notamment dans la perte de masse graisseuse. Des études in vitro avaient montré que la Vpr perturbe l’action de deux protéines indispensables au bon fonctionnement du métabolisme des lipides: la protéine GR, qu’elle surstimule, et la protéine PPAR-g, qu’elle réprime.

Or, dans les cellules du tissu graisseux, les adipocytes, ce double phénomène de stimulation et de répression peut accentuer la lipolyse, autrement dit la fonte des réserves de graisses, avec pour conséquence une libération accrue de lipides dans le sang.

Problème : le VIH n’infecte pas les adipocytes. Donc, si la Vpr est impliquée dans la lipodystrophie observée chez les séropositifs, il faut qu’elle circule dans le sang pour atteindre ce type de cellules.  Dans un premier temps, les biologistes ont donc analysé le sang de 156 séropositifs.

Résultat: la Vpr était présente chez 96% d’entre eux. Elle a même été détectée chez 88% des séropositifs présentant un taux sanguin de VIH devenu indétectable grâce aux traitements antirétroviraux. «Cela implique que les exemplaires du VIH tapis à l’état dormant dans les réservoirs de l’organisme libèrent constamment de la Vpr», indique Ashok Balasubramanyam, qui a dirigé ce travail.

«Un des concepts particulièrement nouveau avancé par cette étude est que, malgré une thérapie antirétrovirale active et efficace, des formes solubles de Vpr seraient produites à partir de réservoirs viraux et que ces protéines pourraient agir à distance», déclare Éric Cohen. Si ces résultats sont validés chez l’humain, ils justifieraient le développement d’approches thérapeutiques ciblant la protéine Vpr. On pourrait imaginer le développement d’anticorps neutralisant la Vpr. «Notre étude renforce aussi l’urgence d’un traitement réellement curatif pour le VIH, capable d’éradiquer toute trace du virus y compris dans les réservoirs dans lesquels il se cache», conclut le professeur Ashok Balasubramanyam.

Lipodystrophie associée au VIH : focus sur la tésamoréline

Thursday, September 1st, 2011

Femmes et Sida
En novembre 2010, la tésamoréline a obtenu l’approbation de la Food and Drug Administration (FDA) pour son utilisation dans le traitement de l’excès de graisse viscérale abdominale dans le cadre de la lipodystrophie associée au VIH. Vendue aux Etats-Unis sous le nom commercial EGRIFTA, cette molécule est en attente d’homologation en Europe, au Canada et en Israël. L’efficacité de cette molécule est maintenant reconnue dans le traitement de la lipodystrophie associée au VIH, même si les effets obtenus s’estompent après l’arrêt du traitement.

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VIH, lipodystrophie, tésamoréline ;Wikimedia commons

Deux essais randomisés, contrôlés par placebo, ont montré une efficacité durant la prise de tésamoréline
Ces essais, d’une durée de 52 semaines ont porté sur 806 patients VIH+ sous antirétroviraux et présentant un excès de graisse viscérale abdominale.

Les sujets randomisés pour bénéficier de la tésamoréline pendant les 26 premières semaines ont été ensuite randomisés pour recevoir soit le médicament actif, soit le placebo, pour 26 semaines supplémentaires.
- Pendant les 26 premières semaines, des injections souscutanées quotidiennes (2 mg) de tésamoréline ont permis une réduction du tissu adipeux viscéral (diminution de 24 cm2 comparée à une augmentation de 2 cm2 sous placebo), ainsi qu’une diminution de 2,4 cm du périmètre abdominal, améliorant ainsi l’image corporelle des patients.
- Pendant les 26 semaines suivantes, cette amélioration s’est maintenue chez les personnes qui prenaient la tésamoréline (diminution du périmétre abdominal de 3,4 cm au bout des 52 semaines), alors que chez les patients sous placebo on assistait à un retour rapide à la valeur initiale du volume de graisse.

Cet analogue synthétique du facteur de libération de l’hormone de croissance (growth hormone releasing hormone ou GHRH) entraîne une augmentation de la libération de l’hormone de croissance, (Growth hormone ou GH), et du facteur de croissance apparenté à l’insuline (lInsulin-like growth factor ou IGF) qui sont à l’origine de divers effets métaboliques dont une modification de la distribution des graisses dans l’organisme.

La lipodystrophie, un facteur de risque cardiovasculaire et un problème esthétique
La lipodystrophie se caractérise par une perte de graisse souscutanée dans certaines régions du corps ou par une accumulation notamment au niveau abdominal. Sa prévalence varie selon les études de 11% à 83% chez les patients sous antirétroviraux, avec une plus forte prévalence chez ceux recevant l’association inhibiteurs de la protéase (IP) et inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTIs)).

Les mécanismes impliqués dans la pathogénie de la lipodystrophie associée au VIH incluent la dysfonction mitochondriale induite par les inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse, la dysrégulation du métabolisme des acides gras, le déficit en adiponectine et l’augmentation de la leptine, ainsi que les modifications de la sécrétion de GH. Il a été en effet observé que chez les patients VIH+ présentant une lipodystrophie, la sécrétion nocturne de GH était diminuée avec augmentation du tissu adipeux viscéral.

Le tissu adipeux viscéral, par le drainage portal, pourrait être une source importante d’acides gras libres aux effets métaboliques complexes, avec notamment participation à la lipogenèse hépatique, augmentation du flux néoglucogénique hépatique, diminution de la clairance métabolique de l’insuline et participation à l’insulinorésistance périphérique.

Une stimulation de la production de l’hormone de croissance
Le facteur de libération de l’hormone de croissance agit au niveau de l’hypohyse en stimulant la production et la libération de l’hormone de croissance. L’hormone de croissance a des effets à la fois lipolytiques et anaboliques et augmente la production du facteur de croissance analogue à l’insuline de type 1 (Insulin-like growth factor ; IGF-1).

Les effets favorables de la tésamoréline sont les suivants :
- réduction du tissu adipeux viscéral ;
- diminution du périmètre abdominal ;
- amélioration de l’image corporelle et de la qualité de vie ;
- amélioration des paramètres lipidiques.

Une bonne tolérance et des effets indésirables de faible ou moyenne gravité
A côté d’effets à type d’hypersensibilité et de réactions au site d’injection retrouvés chez 3% des patients, des oedèmes, des arthralgies et un syndrome du canal carpien ont également été observés durant la durée des essais cliniques.

En ce qui concerne les effets sur le métabolisme du glucose, 4,5% des patients traités par tésamoréline (vs 1,3% dans le groupe placebo) ont développé un diabète (HbA1C supérieure ou égale à 6,5%).

Il est reconnu que des concentrations élevées d’IGF-1 pourraient être associées à une augmentation du risque de développer un cancer. Les effets d’une augmentation d’IGF-1 sur le développement ou la progression de tumeurs malignes n’ont pas été évalués sur le long terme. Chez les receveurs de tésamoréline, il est recommandé de surveiller le taux d’IGF-1 et d’interrompre le traitement pour des taux d’IGF-1 supérieurs à 3 déviations standards. La tésamoréline est de ce fait contre-indiquée chez les patients porteurs de tumeurs malignes actives (diagnostiquées récemment ou récidivantes).

Des interactions médicamenteuses
- avec certains antirétroviraux : la prise simultanée de tésamoréline et de ritonavir (action inhibitrice sur le système enzymatique du cytochrome P450) a pour effet une diminution de l’aire sous la courbe (AUC) et de la Cmax du ritonavir de respectivement 9 et 11%, mais sans signification clinique ;
- avec certains corticoïdes : la tésamoréline pourrait diminuer l’efficacité de la cortisone et de la prednisone par inhibition de la bioactivation (inhibition de la 11 β-hydroxstéroïde déshydrogénase de type 1).

Des demandes d’homologation
Des demandes d’homologation de la tésamoréline pour le traitement de l’excès de graisse abdominale chez les patients atteints de lipodystrophie associée au VIH sont actuellement à l’étude par les autorités réglementaires en Europe, au Canada, et en Israël. Si l’Agence Européenne des Médicaments (AEM) approuve son utilisation dans cette indication, la tésamoréline recevra une autorisation de mise en marché pour les 27 pays membres de l’Union européenne, ainsi que pour l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.

Le 31 août 2011, une demande d’autorisation de mise sur le marché a été déposée auprès de l’Agence nationale pour la surveillance sanitaire (ANVISA) du Brésil ; à ce jour, il n’existe pas de traitements homologués dans cette indication en Amérique du Sud.

Le traitement par tésamoréline a montré son efficacité chez les sujets VIH+ présentant une lipodystrophie en diminuant le tissu adipeux viscéral abdominal, améliorant ainsi la qualité de vie de ces patients. Bien que cette molécule semble bien tolérée sur le court terme, des essais sont cependant nécessaires afin d’évaluer le rapport bénéfices/risques sur le long terme.