DÉCOUVERTE La lipodystrophie ne vient pas de la thérapie!

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De nombreuses personnes séropositives souffrent d’une répartition anormale des graisses dans leur organisme. Cette pathologie, jusqu’à présent souvent attribuée aux traitements, serait en fait provoquée par le VIH.

Joues creusées, membres et fesses amaigris, ventre et cou gonflés, seins volumineux: autant de symptômes de «lipodystrophie», répartition anormale de la masse graisseuse qui déforme le corps de nombreux séropositifs. Jusqu’ici, ce syndrome était principalement attribué aux médicaments antirétroviraux. «Environ 5% des patients arrêtent leur traitement pour cette raison», estime Mark Wainberg, de l’université McGill.

D’où l’intérêt de l’étude menée à l’institut de médecine Baylor, à Houston, aux États-Unis: elle suggère l’implication d’une protéine du virus, la «Vpr», notamment dans la perte de masse graisseuse. Des études in vitro avaient montré que la Vpr perturbe l’action de deux protéines indispensables au bon fonctionnement du métabolisme des lipides: la protéine GR, qu’elle surstimule, et la protéine PPAR-g, qu’elle réprime.

Or, dans les cellules du tissu graisseux, les adipocytes, ce double phénomène de stimulation et de répression peut accentuer la lipolyse, autrement dit la fonte des réserves de graisses, avec pour conséquence une libération accrue de lipides dans le sang.

Problème : le VIH n’infecte pas les adipocytes. Donc, si la Vpr est impliquée dans la lipodystrophie observée chez les séropositifs, il faut qu’elle circule dans le sang pour atteindre ce type de cellules.  Dans un premier temps, les biologistes ont donc analysé le sang de 156 séropositifs.

Résultat: la Vpr était présente chez 96% d’entre eux. Elle a même été détectée chez 88% des séropositifs présentant un taux sanguin de VIH devenu indétectable grâce aux traitements antirétroviraux. «Cela implique que les exemplaires du VIH tapis à l’état dormant dans les réservoirs de l’organisme libèrent constamment de la Vpr», indique Ashok Balasubramanyam, qui a dirigé ce travail.

«Un des concepts particulièrement nouveau avancé par cette étude est que, malgré une thérapie antirétrovirale active et efficace, des formes solubles de Vpr seraient produites à partir de réservoirs viraux et que ces protéines pourraient agir à distance», déclare Éric Cohen. Si ces résultats sont validés chez l’humain, ils justifieraient le développement d’approches thérapeutiques ciblant la protéine Vpr. On pourrait imaginer le développement d’anticorps neutralisant la Vpr. «Notre étude renforce aussi l’urgence d’un traitement réellement curatif pour le VIH, capable d’éradiquer toute trace du virus y compris dans les réservoirs dans lesquels il se cache», conclut le professeur Ashok Balasubramanyam.


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