Les homosexuels en appellent à la discrimination

L’Hebdo Journal

DONS DE SANG. Vous ne pouvez pas donner du sang si votre dernière relation sexuelle avec un autre homme a eu lieu il y a moins de 5 ans. Tel est le règlement d’Héma-Québec à l’égard des homosexuels. Une mesure jugée discriminatoire par les associations et organismes de la région qui luttent pour faire reconnaître les droits des homosexuels.

Alors que la sensibilisation contre l’homophobie est plus présente que jamais, le don de sang demeure une corde sensible. Chez Héma-Québec, on défend cette décision en rappelant que le taux d’infection au sida est plus élevé chez les homosexuels. «La prévalence du VIH se situe à plus de 10 % chez ce groupe par rapport à moins de 1 % chez les hétérosexuels ou les lesbiennes», peut-on lire sur le site Internet de l’organisme.

Une réponse qui fait grincer bien des dents. «C’est complètement ridicule considérant que tout le monde peut être infecté sans le savoir, autant des hommes que des femmes. Le sida, ce n’est pas l’affaire des homosexuels, mais de toute la population. Ce n’est pas une mesure pour réduire le risque, c’est vraiment de la discrimination. Et une des pires en plus», lance Richard Senneville, président de GRIS Mauricie/Centre-du-Québec.

Même son de cloche chez Sidaction Mauricie. «Je suis en profond désaccord avec le principe, affirme Christine Boisvert, intervenante. Des statistiques, ce n’est que des chiffres et c’est facile de jouer avec des chiffres pour faire dire ce qu’on a bien envie de dire. Discrimination. C’est le seul mot pour décrire la situation.»

«Les appareils pour analyser le sang sont supposément plus sophistiqués, alors on est tous supposés être sur le même pied d’égalité, renchérit Louis Laganière d’Atmosphère Gaie Mauricie. C’est comme de dire que tous les homosexuels ne se protègent pas. On devrait plutôt demander aux gens s’ils ont eu des partenaires multiples, peu importe le sexe.»

Une mesure plus souple

Si le critère d’admissibilité de 5 ans est élevé selon nos intervenants, cette mesure représente un grand pas pour Héma-Québec. Rappelons qu’en 2013, Santé Canada avait répondu favorablement aux demandes d’Héma-Québec et de la Société canadienne du sang en approuvant une modification à l’interdiction permanente au don de sang pour les hommes ayant eu une relation sexuelle avec un homme.

Ce n’est pas une mesure pour réduire le risque, c’est vraiment de la discrimination. Et une des pires en plusRichard Senneville, président de GRIS Mauricie/Centre-du-Québec

Ainsi, l’interdiction permanente avait été modifiée en une interdiction temporaire, soit les cinq années dont il est question maintenant, et ce, tant au Québec que pour l’ensemble des provinces canadiennes. Auparavant, la question suivante était posée aux hommes qui souhaitent faire un don de sang : «Depuis 1977, avez-vous eu une relation sexuelle avec un homme, même une seule fois?» Les hommes qui répondent oui à cette question étaient automatiquement exclus du don de sang sur une base permanente.

Vers une abolition totale?

À savoir si cette mesure sera définitivement abolie, il n’y a rien de moins sûr. «La restriction à 5 ans, c’est considéré comme étant un premier pas, explique Laurent Paul Ménard, porte-parole pour Héma-Québec. Pour l’instant, les tests ne permettent pas un niveau plus bas.»

«Il avait déjà été soumis que ce soit réduit à un an, mais la proposition n’avait pas été retenue à l’époque, ajoute ce dernier. Ce n’est pas exclu par contre. C’est tout à fait possible que la mesure soit revue à la baisse.»

Quant aux statistiques sur les donneurs homosexuels depuis la modification du règlement, aucune donnée n’est disponible pour le moment. Par contre, un sondage sera réalisé au cours des prochains mois auprès des donneurs afin d’en faire ressortir des faits saillants.


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