Éric Messier – journaliste – fait faillite
Tuesday, September 9th, 2014Éric Messier, journaliste et travailleur autonome qui avait été condamné à plus de 14,000$ de dommages en faveur de Roger-Luc Chayer, pour des écrits diffamatoires et illégaux, vient de déclarer une faillite de 112,000$, sa 2ème faillite depuis 1999. (Dossier de faillite no. 41-1907467)
Or, le jugement comportant une injonction permanente, la faillite n’annule pas cette ordonnance qui expose la personne visée qui serait en violation, M. Messier, à des peines criminelles et à la prison s’il devait être condamné pour Outrage au Tribunal.
Lire le jugement plus pas:
Chayer c. Messier | 2014 QCCS 357 | ||||||
COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA | |||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | |||||||
DISTRICT DE | MONTRÉAL | ||||||
N° : | 500-17-060774-109 | ||||||
DATE : | Le 5 février 2014 | ||||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : | L’HONORABLE | MARC DE WEVER, J.C.S. | |||||
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ROGER-LUC CHAYER | |||||||
Demandeur / Défendeur reconventionnel | |||||||
ÉRIC MESSIER | |||||||
Défendeur / Demandeur reconventionnel | |||||||
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JUGEMENT | |||||||
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[1] Le demandeur, se disant victime d’écrits diffamatoires rédigés par le défendeur et propagés sur des sites internet, demande des ordonnances pour forcer leur retrait et l’arrêt de leur publication. Il réclame aussi 85 000 $ à titre de dommages moraux, punitifs et frais d’avocat.
[2] Invoquant son droit à la liberté d’expression, le défendeur nie le bien-fondé de la requête du demandeur et se portant demandeur reconventionnel réclame 90 000 $ à titre de dommages moraux et punitifs.
LES FAITS
[3] Le demandeur se décrit à la fois comme musicien et journaliste.
[4] En 1983 il s’inscrit au Conservatoire musical de Nice et obtient un diplôme équivalent à une maîtrise dans le système d’éducation québécois. Il bénéficie de plusieurs bourses et joue dans différents orchestres en France.
[5] En 1992, de retour au Canada, il écrit plusieurs centaines de chroniques culturelles dans la revue RG.
[6] Le demandeur déclare qu’il œuvre essentiellement comme journaliste à compter des années 1998-1999 à titre de collaborateur au réseau de télévision TVA et du magazine Le Point.
[7] En 2002, il acquiert le magazine Le Point qui devient Gay Club Média / Gay Club Magazine. Parallèlement, il développe un site web pour la tenue de tables rondes et la projection de films.
[8] Enfin, il organise sa propre compagnie de production de disques appelée Tempo; le dernier disque date de décembre 2012.
[9] En novembre 2012, il reçoit la Médaille du jubilé de la Reine pour ses carrières musicale et journalistique.
[10] Le demandeur explique qu’il rencontre pour la première fois le défendeur vers 1995-1996 alors que les deux collaborent à la revue RG. Par la suite, ils se croisent à quelques reprises.
[11] En 1997, le demandeur découvre que le défendeur imagine des événements qu’il décrit ensuite dans la revue RG. Il décide de dénoncer ce fait au Conseil de presse.
[12] Le demandeur soutient que de 1999 à septembre 2009 il n’a pas de contact avec le défendeur.
[13] Le 12 septembre 2009, le défendeur, sous le pseudonyme Spiritos22, enregistre sur YouTube le commentaire suivant : « Ah, d’accord, « Devant » l’Assemblée nationale, je vois ! ciel quel clown. » (pièce P-4).
[14] Le demandeur explique que le défendeur veut le ridiculiser en faisant allusion à sa prestation, devant l’Assemblée nationale, de la « Marseillaise » à l’occasion des Festivités du 400e anniversaire de la ville de Québec.
[15] Le lendemain, 13 septembre 2009, il prend connaissance d’un document (pièce P-3, pages 6 à 10) intitulé « dossier Roger-Luc Chayer : une nuisance pour la société et la justice » mis en ligne par le défendeur sur son site web.
[16] Il y a lieu de reproduire in extenso ce document qui marque le début du présent débat judiciaire :
« DOSSIER ROGER-LUC CHAYER : UNE NUISANCE POUR LA SOCIÉTÉ ET LA JUSTICE – DÉNONCIATION DU ²CONSEIL DE PRESSE GAI DU QUÉBEC² ET DE ROGER-LUC CHAYER :
La présente dénonciation vise à servir l’intérêt public à l’encontre de Roger-Luc Chayer (rue Bourbonnière, Montréal), un journaliste auto-proclamé, maintes fois blâmé par ses pairs et qui est reconnu pour avoir abusé du système de justice du Québec pour poursuivre un très grand nombre de personnes et d’organismes.
Le système de justice du Québec a décidé il y a quelque temps de prendre des mesures pour freiner les abus de cet individu, mais sans avoir un succès complet.
Attendu que le “Conseil de presse gaie du Québec” n’est ni légitime ni représentatif des communautés gaies et lesbiennes en ce qu’il est constitué de quelques individus qui se sont déclarés eux-mêmes membres de ce “Conseil”, sans consultation ni participation de ces communautés ni du milieu de la presse;
Attendu que ce “Conseil”, par ces quelques personnes, se saisit lui-même de l’essentiel des plaintes et en dispose par la suite;
Attendu que ce “Conseil” ne suit pas les règles élémentaires en matière de déontologie ET QUE ce “Conseil” ternit l’image des communautés gaies et lesbiennes;
Attendu que le Conseil de presse du Québec, l’autorité reconnue pour les questions de déontologie en matière journalistiques, a condamné à deux reprises les écrits de Roger-Luc Chayer (décisions D199603-020, décision maintenue en appel, et décision d199908-08);
Attendu que le “Conseil de presse gaie du Québec” est intimement et essentiellement lié à deux médias, Le National et Le Point, violant ainsi les règles élémentaires d’impartialité et d’objectivité;
Attendu que Roger-Luc Chayer est l’artisan du “National” et du “Conseil de presse gai du Québec“, et rédacteur en chef de la revue Le Point;
Attendu que Roger-Luc Chayer suscite et entretient inutilement, artificiellement et de façon tendancieuse la polémique à l’encontre de groupes et d’individus qui oeuvrent au sein des communautés gaies et lesbiennes;
EN CONSÉQUENCE
Nous ne reconnaissons pas les décisions du “Conseil de presse gaie du Québec” car nous ne reconnaissons pas sa légitimité. Nous nous dissocions des écrits et opinions de ce “Conseil“, du site “Le National” et de Roger-Luc Chayer, ainsi que de la revue “Le Point” tant que Roger-Luc Chayer en sera le rédacteur en chef.
Pour plus d’informations, visitez le site du comité de défense juridique
VOICI LA LISTE DES GROUPES ET INDIVIDUS
QUI ONT DÉNONCÉ LE JOURNALISTE AUTO-PROCLAMÉ ROGER-LUC CHAYER,
SES PRÉTENDUS MÉDIAS ET SON SUPPOSÉ ²CONSEIL DE PRESSE GAI²
29 GROUPES QUI ONT SIGNÉ LA DÉNONCIATION
…
48 INDIVIDUS QUI ONT SIGNÉ LA DÉNONCIATION (ordre alphabétique)
…
Comité de défense juridique des communautés LGBT
ROGER-LUC CHAYER DÉNONCÉ PUBLIQUEMENT
ÉCHEC DE LA TENTATIVE DE ROGER-LUC CHAYER DE MUSELER LA PRESSE
(Autre lien sur cette tentative échouée)
Lancement du Fonds de défense juridique des communautés lesbiennes et gaies du Québec
COMMUNIQUÉ : LE (VÉRITABLE) CONSEIL DE PRESSE DÉNONCE LE PRÉTENDU JOURNALISTE ROGER-LUC CHAYER
Le National n’est pas un média au sens du cyberjournalisme, mais plutôt le site web personnel de M. Roger-Luc Chayer.
Le Conseil de presse du Québec a conclu à une faute professionnelle majeure de la part de M. Roger-Luc Chayer et retient la plainte, qui s’applique conjointe-ment au média écrit et électronique Le Point pour avoir cautionné un tel état de fait.
Détails sur le site de la Table (section Documents)
Les décisions du (seul véritable) CONSEIL DE PRESSE DU QUÉBEC concernant Roger-Luc Chayer
À remarquer qu’il est étonnant que le CPQ se préoccupe de Chayer puisque ce dernier n’est un “journaliste reconnu” par aucun regroupement professionnel, c’est-à-dire seulement par lui-même.
Mais pour PLEINEMENT MESURER le degré de nuisance de Roger-Luc Chayer pour la société, il faut consulter les innombrables poursuites judiciaires, dont certaines jugées ridicules par les juges eux-mêmes, qu’il a entreprises depuis 10 à 20 ans contre Pierre-Jean-Jacques
à la COUR DES PETITES CRÉANCES DU QUÉBEC
à la COUR SUPÉRIEURE DU QUÉBEC
et à la COUR DU QUÉBEC, entre autres.
Du vaudeville ! »
[17] Or, le demandeur constate que ce document est presque en tout point identique à un communiqué émis en 2000 par l’Association des lesbiennes et des gais sur internet (ALGI) (pièce P-3, pages 11 à 15). À la suite de ce communiqué, il intente alors des procédures contre cette association et certains des signataires du communiqué. Ces procédures aboutissent à une déclaration de désistements réciproques et de règlement hors de cour homologuée par le Tribunal le 6 novembre 2007 (pièces P-1 et P-2).
[18] Le demandeur mentionne que parmi les liens apparaissant dans le document (au bas de la page 8, pièce P-3), il y en a qui mène à un jugement (pièce P-6) rendu dans le cadre de procédures contre l’ALGI, jugement rejetant une demande de non-publication pendant l’instance et à un commentaire à propos de ce jugement.
[19] En réaction à la diffusion par le défendeur du document se rapportant à lui (pièce P-3), le demandeur achemine au défendeur une mise en demeure (pièce P-8) lui demandant de retirer le document puisqu’il contient de graves et fausses informations.
[20] Le défendeur ne s’exécute pas, mais, au contraire, apporte en plusieurs occasions des modifications au document original (pièces P-9 et P-10).
[21] En décembre 2009, le demandeur constate que le défendeur persiste à mettre sur son site web le document découvert trois mois plus tôt et, à nouveau, avec des ajouts (pièce P-15).
[22] Ainsi, en examinant un curriculum vitae du défendeur (pièce P-17, page 71), il note qu’il s’y trouve toujours un lien avec le document auquel il s’objecte (pièce P-17, page 72 et suivantes), dans une version modifiée et avec des liens additionnels (pièce P-18).
[23] Dans la version du document de fin décembre 2009 (pièce P-19), le demandeur remarque que le défendeur insère même ses adresse et numéro de téléphone personnels (pièce P-19, page 80). De plus, le défendeur présente maintenant une version anglaise du document (pièce P-19, page 80).
[24] Le demandeur mandate alors ses procureurs pour transmettre au défendeur une mise en demeure (pièce P-16).
[25] Le 5 janvier 2010, le défendeur répond au demandeur en ces termes : « pour quelle raison ? Allez tu peux sûrement en trouver deux-trois en te forçant, non ? Peut-être que je m’ennuyais tout simplement. Ou alors, c’était pour la vérité, toi qui aimes tant la vérité. Ou alors pour « aller là où personne d’autre ne va » ? » (pièce P-20, page 85).
[26] Toujours en janvier, le défendeur modifie le document pour inclure d’autres informations, notamment « Décisions de justice qui ont impliqué Chayer » (pièce P-21, page 102).
[27] Le 10 janvier 2010, le défendeur insère la photographie du demandeur sur son site avec plusieurs liens (pièce P-23, page 107).
[28] Le 20 janvier 2010, le défendeur émet un communiqué intitulé « le journaliste Éric Messier lance la veille médiatique où il parle, notamment, de son plus « récent dossier » au sujet du « journaliste gai et Montréalais, Roger-Luc Chayer, plusieurs fois condamné par le Conseil de presse du Québec, la plus haute instance en matière d’éthique journalistique » (pièce P-24, page 109).
[29] Le défendeur voit à transmettre ce communiqué sur un site européen appelé Categorynet.
[30] Le 26 janvier 2010, le défendeur ajoute à son document le titre suivant : « usines à faux diplômes » (pièce P-27, page 125) toujours avec un lien en rapport avec le demandeur.
[31] Après d’autres ajouts ou modifications (pièce P-31), le 15 février 2010, le défendeur, dans une section intitulée « dossiers », juxtapose les titres « États-Unis : une business d’escroquerie » « Québec : l’Académie Ville-Marie créée par Roger-Luc Chayer est dénoncée par le Ministère de l’Éducation. » (pièce P-32, page 148).
[32] Tout au long de février et mars 2010, le défendeur persiste à publier sur son site le document se rapportant à Chayer, et ce, avec ou sans modifications.
[33] Le 21 mars 2010, le défendeur utilisant le site « pilule rouge ou bleue? », place la photo d’un singe à côté d’un texte qui commence par les mots : « Roger-Luc Chayer : délire de mars…» (pièce P-44, page 207).
[34] Le demandeur témoigne qu’en voyant cette photographie d’un singe accolée à son nom il ressent une grande humiliation.
[35] Quelques jours plus tard, le défendeur, toujours sur le site « pilule rouge – pilule bleue », relie le nom du demandeur aux mots : « faux, harcèlement, accusation au criminel, …fascisme. » (pièce P-55, page 305).
[36] Le 3 mai 2010, le demandeur fait appel à un autre procureur pour acheminer au défendeur une deuxième mise en demeure (pièce P-57) qui reste sans réponse.
[37] Le 7 juin 2010, le défendeur émet à nouveau le document au sujet du demandeur encore une fois avec des variantes.
[38] Entretemps, le demandeur écrit à plusieurs responsables de sites pour tenter de mettre un terme à la dissémination du document puisque celui-ci se retrouve même en Chine.
[39] En septembre, le demandeur intente les présentes procédures contre le défendeur.
[40] Néanmoins, le défendeur non seulement ne retire pas le document, mais y rajoute même des propos au sujet de la carrière de musicien du demandeur.
[41] Le 11 février 2011, le Tribunal émet une ordonnance de sauvegarde du consentement des parties, qui se lit notamment :
« ORDONNE aux parties de retirer dans les vingt-quatre (24) heures tous les articles publiés sur les sites internet sous leur contrôle, concernant l’autre partie, y incluant les ²TAGS² et autres liens permettant un renvoi sur d’autres sites ou moteurs de recherche;
ORDONNE aux parties de ne pas publier d’article relatif à l’autre partie d’ici le 10 juin 2011, sur tout support quel qu’il soit, informatique ou autre. »
[42] Le demandeur constate qu’en dépit de cette ordonnance de sauvegarde plusieurs articles sur un site contrôlé par le défendeur restent accessibles (pièces P-82 à P-89).
[43] Le 9 juin 2011, le Tribunal donne acte à l’acquiescement du défendeur aux conclusions de la requête en injonction interlocutoire.
[44] Néanmoins, le demandeur constate que le défendeur, en dépit du jugement, ne retire pas des sites Web tous les documents à son sujet (pièce P-91 en liasse).
[45] Enfin, le demandeur explique que plusieurs des requêtes introductives d’instance (pièce D-1) auxquelles réfère le défendeur, ne concernent que des actions sur compte pour services rendus par lui-même ou ses entreprises.
[46] De son côté, le défendeur explique qu’il exerce trois métiers au cours des ans.
[47] De 1989 à 2011, à titre de journaliste, il écrit quelques 3,000 articles autant dans des journaux que sur l’internet.
[48] Deuxièmement, à compter de 1993 jusqu’à ce jour, il enseigne les techniques de communication. D’ailleurs, il est détenteur d’un baccalauréat en psycho-sociologie de la communication et en adaptation scolaire et sociale
[49] Enfin, étant titulaire d’une maîtrise en relations internationales, au cours de ces mêmes années, il agit comme consultant en communication au niveau international.
[50] Il rencontre le demandeur en 1995 lorsqu’il veut écrire pour la revue RG.
[51] Quatre ans plus tard, le demandeur publie un article critique à son égard dans la revue Le National. Il décide de porter plainte contre le demandeur au Conseil de presse du Québec (pièce D-7) qui ne retient qu’une partie de la plainte pour une simple inexactitude dans l’article.
[52] Le défendeur n’a plus de contact avec le demandeur jusqu’en 2009.
[53] En septembre 2009, à titre de citoyen et non de journaliste, il décide de publier sur son site web un dossier (pièce P-3) à propos du demandeur.
[54] Il prend cette décision en réaction aux agissements du demandeur qui, selon lui, multiplie les procédures judiciaires, engorge le système judiciaire et cause du stress à maints défendeurs.
[55] Il prend la peine d’insérer des commentaires (pièce P-3, page 7), d’ajouter le mot « véritable » pour distinguer le Conseil de presse du Québec du Conseil de presse gai du Québec (pièce P-3, page 8). Lorsqu’il parle de dénonciation, il se réfère aux décisions du Conseil de presse du Québec (pièce P-3, page 8). Il insère « rue Bourbonnière » (pièce P-3, page 7) pour départager tout autre individu portant le même nom que le demandeur.
[56] Son dossier réfère à la déclaration de désistements réciproques et de règlement hors cour dans l’affaire ALGI (pièce P-1) parce que le demandeur achemine cette procédure à certaines personnes sous prétexte que ce règlement les lie.
[57] Il veut donc expliquer à ces mêmes personnes qu’il n’en est rien.
[58] Toujours dans ce dossier, le défendeur parle « d’échec de la tentative de Roger-Luc Chayer de museler la presse » (pièce P-3, page 8) et, plutôt que de mettre un lien avec le jugement en question (pièce P-6), il crée un lien avec un article sur ce sujet publié dans le magazine Fugues (pièce P-7, page 29).
[59] Pour lui, le lecteur comprendra mieux la teneur de l’article dans Fugues que le jugement lui-même.
[60] Au sujet de son commentaire à propos du demandeur interprétant la Marseillaise (pièce P-4), le défendeur déclare qu’il s’agit d’une boutade puisqu’il trouve cocasse que le demandeur se place devant l’Assemblée nationale pour interpréter cet hymne national.
[61] Le défendeur soutient que tout site web nécessite des mises à jour, d’où les nombreuses modifications au document initial (pièce P-3).
[62] Dans ce contexte, il décide d’ajouter l’adresse civique du demandeur (pièce P10, page 39) trouvée dans un bottin téléphonique public.
[63] Dans la version du 17 décembre 2009 (pièce P-15, page 65), il juxtapose au nom du demandeur, le nom de famille « Lacelle » car il se questionne quant à certaines identités utilisées par le demandeur.
[64] Pour le défendeur, son but est toujours de protéger l’intérêt public.
[65] Onze jours plus tard, il ajoute un lien intitulé « Chayer rend hommage à André Gagnon » (pièce P-17, page 73) parce que le demandeur est alors en dispute avec André Gagnon.
[66] Toujours dans cette version, il écrit : « Chayer attaque un organisme communautaire (ALGI) mais abandonne après six ans » (pièce P-17, page 74).
[67] Selon ses informations, le demandeur est celui qui propose le désistement d’où l’emploi du mot « abandonne ». Cependant, il ne contrôle pas cette information.
[68] Le 5 janvier 2010, le défendeur écrit : « quant à ta condition de bipolaire, c’est effectivement quelque chose qui t’appartient, … » (pièce P-20, page 89). Il ne vérifie pas l’existence d’un tel diagnostic et ne peut donner de raison pour y référer.
[69] Dans la version du 21 janvier 2010 (pièce P-25), le défendeur explique qu’il parle de « poursuite bâillon » (pièce P-25, page 113) parce que le demandeur le poursuit aux petites créances après sa plainte au Conseil de presse du Québec.
[70] Dans ce même document, à la page suivante (pièce P-25, page 114), le défendeur, après le titre « Il joue « devant l’Assemblée nationale » (sic), c’est intéressant! », écrit que « … (le demandeur) a été accusé il y a quelques années d’utiliser frauduleusement le logo de l’UIPF… » (pièce P-25, page 114). À ce sujet, il déclare n’avoir aucune source fiable, mais se baser sur des ouï-dire.
[71] À propos de l’utilisation de la photo d’un singe (pièce P-44, page 207), le défendeur affirme que son but est d’illustrer l’aspect cocasse de la situation qui existe alors entre le demandeur et lui-même plutôt que de comparer le demandeur à cet animal.
[72] Le 26 mars 2010, le défendeur titre : « Roger-Luc Chayer traite de menteurs ses présumés collabos » (pièce P-55, page 305). Il soutient qu’il utilise le mot « collabos » dans le sens de « collaborateur » et non dans le sens péjoratif souvent associé au mot « collabo ».
[73] Pour cet article, il ne contacte pas le demandeur pour obtenir sa version parce qu’il n’a aucune confiance en lui. Il ajoute qu’il comprend bien que si ce texte émanait d’un journaliste, et non d’un simple citoyen, il aurait eu le devoir de contacter le demandeur. En effet, un journaliste doit vérifier ses sources.
[74] De plus, le dossier étant sur un site web, il ne voit aucune utilité ou nécessité à vérifier la version du demandeur, d’autant qu’il est un spécialiste en communications incluant l’utilisation de l’internet.
[75] Le défendeur reconnaît être l’auteur des trois commentaires qui apparaissent dans le document (pièce P-64, pages 455 et 456). Il soutient qu’ils reflètent la vérité.
[76] Alors qu’il se trouve au Sénégal, son procureur l’avise de l’ordonnance de sauvegarde du 11 février 2011. Il tente de cet endroit lointain de retirer de l’internet les textes que l’ordonnance lui commande de faire.
[77] Pour lui, le dossier qu’il met sur internet à propos du demandeur équivaut à une anthologie.
[78] Il réitère sa prétention que tout lecteur de ce dossier doit comprendre qu’il ne s’agit pas du travail d’un journaliste, et ce, d’autant plus que le tout se retrouve sur son site web.
[79] Il répète que son but, en 2009, en insérant sur son site web le document au sujet des désistements et règlement hors cour dans le dossier ALGI, est de mettre en garde le public devant le fait que, selon lui, le demandeur se sert à tort et sans réserve de ce document pour intimider certaines personnes.
[80] Dans la version du 5 janvier 2010 du document (pièce P-20, page 87), les mots « dossier médiatique », réfèrent au dossier sur son site web depuis septembre 2009.
[81] Il est l’auteur du document intitulé « actualité-news » (pièce P-36, page 171). Ce document, qui relève de sa discrétion éditoriale, regroupe des textes qui ne sont pas nécessairement de lui.
QUESTIONS EN LITIGE
[82] Le demandeur prétend que le document publié par le défendeur, tant dans sa forme originale qu’en versions amendées, est diffamatoire et lui cause un grand tort.
[83] Le défendeur, invoquant la liberté d’expression, affirme que le document mis sur son site web présente des commentaires loyaux et raisonnables, n’est nullement diffamatoire et ne vise qu’à protéger l’intérêt public.
[84] Les questions en litige se résument de la façon suivante :
1) Le document publié par le défendeur est-il diffamatoire ?
2) Si oui, le défendeur commet-il une faute qui porte atteinte à la réputation du demandeur ? S’agit-il d’une faute intentionnelle ?
3) Y a-t-il un lien de causalité entre la faute et les dommages réclamés ?
4) Si oui, quels sont ces dommages ?
LE DROIT
[85] Les articles 4 et 5 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne protègent le droit à la réputation :
« 4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
- Toute personne a droit au respect de sa vie privée. »
[86] Les articles 3, 7 et 35 C.c.Q. édictent que :
« 3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l’inviolabilité et à l’intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.
Ces droits sont incessibles
- Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.
- Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.
Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l’autorise. »
[87] D’un autre côté, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne stipule que la liberté d’expression s’insère parmi les libertés fondamentales :
« 3. Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association. »
[88] Ainsi, le Tribunal doit concilier ces deux droits, celui à la réputation et celui à la liberté d’expression.
[89] Sur ce sujet, la Cour suprême écrit :
(iii) Le régime civiliste de responsabilité
« Le droit civil québécois ne prévoit pas de recours particulier pour l’atteinte à la réputation. Le fondement du recours en diffamation au Québec se trouve à l’art. 1457 C.c.Q. qui fixe les règles générales applicables en matière de responsabilité civile. Ainsi, dans un recours en diffamation, le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité, comme dans le cas de toute autre action en responsabilité civile, délictuelle ou quasi délictuelle.
Pour démontrer le premier élément de la responsabilité civile, soit l’existence d’un préjudice, le demandeur doit convaincre le juge que les propos litigieux sont diffamatoires. Le concept de diffamation a fait l’objet de plusieurs définitions au fil des années. De façon générale, on reconnaît que la diffamation « consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables ».
La nature diffamatoire des propos s’analyse selon une norme objective. Il faut, en d’autres termes, se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d’un tiers. À cet égard, il convient de préciser que des paroles peuvent être diffamatoires par l’idée qu’elles expriment explicitement ou encore par les insinuations qui s’en dégagent. Dans l’affaire Beaudoin c. La Presse Ltée, [1998] R.J.Q. 204 (C.S.), p. 211, le juge Senécal résume bien la démarche à suivre pour déterminer si certains propos revêtent un caractère diffamatoire :
«La forme d’expression du libelle importe peu; c’est le résultat obtenu dans l’esprit du lecteur qui crée le délit ». L’allégation ou l’imputation diffamatoire peut être directe comme elle peut être indirecte « par voie de simple allusion, d’insinuation ou d’ironie, ou se produire sous une forme conditionnelle, dubitative, hypothétique ». Il arrive souvent que l’allégation ou l’imputation « soit transmise au lecteur par le biais d’une simple insinuation, d’une phrase interrogative, du rappel d’une rumeur, de la mention de renseignements qui ont filtré dans le public, de juxtaposition de faits divers qui ont ensemble une semblance de rapport entre eux.
Les mots doivent d’autre part s’interpréter dans leur contexte. Ainsi, « il n’est pas possible d’isoler un passage dans un texte pour s’en plaindre, si l’ensemble jette un éclairage différent sur cet extrait ». À l’inverse, « il importe peu que les éléments qui le composent soient véridiques si l’ensemble d’un texte divulgue un message opposé à la réalité ». On peut de fait déformer la vérité ou la réalité par des demi-vérités, des montages tendancieux, des omissions, etc. « Il faut considérer un article de journal ou une émission de radio comme un tout, les phrases et les mots devant s’interpréter les uns par rapport aux autres.
Cependant, des propos jugés diffamatoires n’engageront pas nécessairement la responsabilité civile de leur auteur. Il faudra, en outre, que le demandeur démontre que l’auteur des propos a commis une faute. Dans leur traité, La responsabilité civile (5e éd. 1998), J.-L. Baudouin et P. Deslauriers précisent, aux p. 301-302, que la faute en matière de diffamation peut résulter de deux types de conduites, l’une malveillante, l’autre simplement négligente :
La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Les deux conduites constituent une faute civile, donnent droit à réparation, sans qu’il existe de différence entre elles sur le plan du droit. En d’autres termes, il convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et d’abandonner résolument l’idée fausse que la diffamation est seulement le fruit d’un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire.
À partir de la description de ces deux types de conduite, il est possible d’identifier trois situations susceptibles d’engager la responsabilité de l’auteur de paroles diffamantes. La première survient lorsqu’une personne prononce des propos désagréables à l’égard d’un tiers tout en les sachant faux. De tels propos ne peuvent être tenus que par méchanceté, avec l’intention de nuire à autrui. La seconde situation se produit lorsqu’une personne diffuse des choses désagréables sur autrui alors qu’elle devrait les savoir fausses. La personne raisonnable s’abstient généralement de donner des renseignements défavorables sur autrui si elle a des raisons de douter de leur véracité. Enfin, le troisième cas, souvent oublié, est celui de la personne médisante qui tient, sans justes motifs, des propos défavorables, mais véridiques, à l’égard d’un tiers.
Ainsi, en droit civil québécois, la communication d’une information fausse n’est pas nécessairement fautive. À l’inverse, la transmission d’une information véridique peut parfois constituer une faute. On retrouve là une importante différence entre le droit civil et la common law où la fausseté des propos participe du délit de diffamation (tort of defamation). Toutefois, même en droit civil, la véracité des propos peut constituer un moyen de prouver l’absence de faute dans des circonstances où l’intérêt public est en jeu.
Dans tous les cas, l’appréciation de la faute demeure une question contextuelle de faits et de circonstances. À cet égard, il importe de rappeler que le recours en diffamation met en jeu deux valeurs fondamentales, soit la liberté d’expression et le droit à la réputation. Notre Cour a reconnu très tôt l’importance de la première de ces valeurs dans une société démocratique. »[1]
[90] La Cour suprême ajoute :
« La défense d’immunité relative n’est pas exclusive aux élus municipaux. Elle trouve application chaque fois qu’une personne qui communique des renseignements a un intérêt ou une obligation légale, sociale ou morale, de les transmettre à une autre personne qui a un intérêt réciproque à les recevoir. C’est notamment le cas lorsqu’un employeur ou un professeur donne des références sur son employé ou son étudiant ou encore lorsqu’un journaliste publie dans l’intérêt public des informations diffamatoires qu’il croit honnêtement vraies. »[2]
[91] Par ailleurs, le Tribunal se range à l’opinion de madame la juge Blondin à l’effet que la définition du terme diffamation ne change pas d’un medium à l’autre :
« [40] La définition donnée au terme « diffamation » ne change pas, peu importe le médium utilisé. Ainsi, les tribunaux ont reconnu que la diffamation en ligne devait être traitée comme toute autre forme de diffamation, qu’elle se fasse par le biais des journaux, de la radio ou de la télévision :
[248] Les mots sont des outils puissants de communication : ils détruisent une réputation en peu de temps alors que, parfois, il a fallu des années pour la construire. L’Internet est un puissant outil de diffusion : la communication n’a presque plus de frontière. La liberté d’expression est une valeur fondamentale de première importance mais le respect de la dignité et de la réputation de la personne l’est tout autant. Ceux qui parlent ou écrivent et ceux qui diffusent sur Internet doivent le réaliser. »[3]
(Soulignement dans le texte)
ANALYSE
Le document publié par le défendeur est-il diffamatoire ?
[92] Pour répondre à cette question, le Tribunal doit se demander si un citoyen ordinaire estimerait que le document publié par le défendeur, pris dans son ensemble, déconsidère la réputation du demandeur.
[93] Avant de répondre à la question, rappelons les propos de notre collègue, monsieur le juge Sénécal:
« La forme d’expression du libelle importe peu; c’est le résultat obtenu dans l’esprit du lecteur qui crée le délit ». L’allégation ou l’imputation diffamatoire peut être directe comme elle peut être indirecte « par voie de simple allusion, d’insinuation ou d’ironie, ou se produire sous une forme conditionnelle, dubitative, hypothétique ». Il arrive souvent que l’allégation ou l’imputation «soit transmise au lecteur par le biais d’une simple insinuation, d’une phrase interrogative, du rappel d’une rumeur, de la mention de renseignements qui ont filtré dans le public, de juxtaposition de faits divers qui ont ensemble une semblance de rapport entre eux. »[4]
[94] Le Tribunal est d’opinion que le document préparé et publié par le défendeur à propos du demandeur, pris dans sa globalité et analysé dans le contexte de sa dissémination par le défendeur, est de nature diffamatoire.
[95] Quel est ce contexte ?
[96] En juillet 2001, une dénonciation (pièce P-3, pages 11 et suivantes) dirigée contre le demandeur voit le jour.
[97] Celui-ci réplique en instituant des procédures contre l’ALGI et certaines des personnes signataires de la dénonciation.
[98] Bien que le défendeur soit un des signataires, il ne figure pas à titre de défendeur dans la procédure intentée par le demandeur. En novembre 2007, intervient le règlement hors cour (pièce P-1) entériné par la Cour supérieure (pièce P-2).
[99] Presque deux ans plus tard, en septembre 2009, le défendeur met sur son site ce qu’il appelle le « dossier Roger-Luc Chayer » (pièce P-3, page 6 et suivantes).
[100] Le défendeur structure le document de la façon suivante : sous le titre déjà cité, il inscrit : « une nuisance pour la société et la justice ».
[101] Ensuite, avant de citer le texte même de la dénonciation de juillet 2001, il insère, en caractères gras, les deux commentaires suivants de son cru :
« La présente dénonciation vise à servir l’intérêt public à l’encontre de Roger-Luc Chayer (rue Bourbonnière, Montréal), un journaliste auto-proclamé, maintes fois blâmé par ses pairs et qui est reconnu pour avoir abusé du système de justice du Québec pour poursuivre un très grand nombre de personnes et d’organismes.
Le système de justice du Québec a décidé il y a quelque temps de prendre des mesures pour freiner les abus de cet individu, mais sans avoir un succès complet. »
[102] Après ces deux commentaires, suit le texte original de la dénonciation.
[103] Puis le défendeur, après l’énumération des signataires de la dénonciation, enchaine avec d’autres commentaires, toujours de son cru, regroupés sous le sous-titre « Comité de défense juridique des communautés LGBT: ROGER-LUC CHAYER DÉNONCÉ PUBLIQUEMENT, Échec de la tentative de roger-luc chayer de museler la presse ». (soulignement dans le texte)
[104] Enfin, le défendeur inclut des liens qui, plus souvent qu’autrement, sont vides. De plus, il omet de mettre les liens actuels permettant à un lecteur de prendre connaissance des décisions judiciaires elles-mêmes.
[105] Le Tribunal constate qu’à la lecture du document, il est très difficile, sinon impossible, de différencier entre le texte original de la dénonciation en juillet 2001 et les ajouts par le défendeur en septembre 2009.
[106] Une chose est certaine : l’organisation et la présentation du document laissent croire aux lecteurs que des tribunaux qualifient, de fait, le demandeur de nuisance, sans pouvoir y mettre un terme.
[107] Le 14 septembre 2009, lendemain de la première diffusion du document, le demandeur écrit par courrier recommandé au défendeur lui demandant de retirer le document qui contiendrait de fausses informations.
[108] Débutent alors la mise en ligne par le défendeur de versions amendées du document, chaque version ajoutant des commentaires tels : « lourd dossier sur Roger-Luc Chayer » (pièce P-10, page 38), « Il joue devant l’Assemblée nationale », trop drôle! (pièce P-10, page 39), « Chayer s’en prend à l’organisme de soutien ALGI, il se désiste après avoir grugé l’os pendant six ans » (pièce P-10, page 39), sans oublier la juxtaposition du défendeur à une photo d’un singe (pièce P-44, page 207), et l’association du nom du demandeur au régime du dictateur irakien Saddam Hussein (pièce P-28, page133).
[109] Ce ne sont là que quelques exemples de la façon dont le défendeur crée et met en ligne ce qu’il appelle le dossier du demandeur.
[110] Le défendeur soutient qu’il agit dans l’intérêt public.
[111] Le Tribunal est d’avis qu’il n’en est rien. Il s’agit plutôt d’un plan d’attaque contre le demandeur pour que le lecteur ne voit en lui qu’une personne agressive, constamment en guerre contre d’autres individus ou groupes, monopolisant le temps des tribunaux par ses sagas juridiques.
[112] Non seulement les titres et expressions utilisés par le défendeur sont-ils péjoratifs, mais, de plus, leurs agencements sont tendancieux.
[113] En somme, par des titres accrocheurs, des insinuations ou juxtapositions malveillantes, des résumés ou citations incomplètes de décisions judiciaires impliquant le demandeur sans que le lecteur puisse, de lui-même, lire in extenso les dites décisions, des références à de supposées poursuites bâillons, le défendeur crée chez le lecteur une croyance que le demandeur n’est qu’un quérulent, et au surplus un quérulent qui n’est qu’un clown.
[114] Il est évident que le document monté par le défendeur a pour effet de faire perdre l’estime et la considération des lecteurs à l’égard du demandeur et de susciter contre lui des sentiments défavorables ou désagréables.
[115] En somme, le Tribunal ne doute pas qu’un « citoyen ordinaire estimerait que le dossier constitué par le défendeur, pris dans son ensemble, déconsidère la réputation du demandeur ».
Y a-t-il faute du défendeur? Si oui, est-elle intentionnelle?
[116] Le demandeur a le fardeau de prouver une faute de la part du défendeur.
[117] Tel que mentionné, les auteurs Baudoin et Deslauriers écrivent qu’une telle faute peut résulter d’une conduite malveillante ou simplement négligente, ce qui amène la Cour suprême, dans l’arrêt Prud’homme précité, à identifier trois situations qui engagent la responsabilité de l’auteur de l’écrit diffamatoire. Répétons ces propos de la Cour suprême :
« À partir de la description de ces deux types de conduite, il est possible d’identifier trois situations susceptibles d’engager la responsabilité de l’auteur de paroles diffamantes. La première survient lorsqu’une personne prononce des propos désagréables à l’égard d’un tiers tout en les sachant faux. De tels propos ne peuvent être tenus que par méchanceté, avec l’intention de nuire à autrui. La seconde situation se produit lorsqu’une personne diffuse des choses désagréables sur autrui alors qu’elle devrait les savoir fausses. La personne raisonnable s’abstient généralement de donner des renseignements défavorables sur autrui si elle a des raisons de douter de leur véracité. Enfin, le troisième cas, souvent oublié, est celui de la personne médisante qui tient, sans justes motifs, des propos défavorables, mais véridiques, à l’égard d’un tiers. »[5]
[118] Le Tribunal est d’opinion que la prépondérance de la preuve est à l’effet que le défendeur, sciemment, veut s’attaquer à la réputation du demandeur et, certainement, le ridiculiser et l’humilier auprès des lecteurs de son site web.
[119] Ainsi, le défendeur est le premier à reconnaître qu’il entend mettre un terme à ce qu’il appelle de l’intimidation de la part du demandeur à l’égard de plusieurs personnes ce qui, toujours selon le demandeur, est dans l’intérêt public.
[120] Or, le défendeur ne présente au Tribunal aucune preuve de semblable intimidation vécue par une personne ou l’autre pas plus qu’il ne met en preuve que le demandeur utilise la déclaration de désistements réciproques et de règlement hors cour (pièce P-1) dûment homologuée (pièce P-2), pour tenter de bâillonner qui que ce soit.
[121] Le procureur du défendeur est, d’ailleurs, le premier à le reconnaître en plaidoirie.
[122] La preuve, de façon globale, révèle que le défendeur, en partant d’éléments réels et véridiques, telles la déclaration de règlement hors cour (pièce P-1) ou les diverses décisions du Conseil de presse du Québec (pièces D-7 à D-10), s’en sert comme point de départ pour son document, mais s’assure de présenter le tout de façon défavorable, médisante même à l’égard du demandeur.
[123] Le Tribunal constate que le défendeur ne se contente pas de déformer la vérité en référant à des décisions judiciaires, lesquelles découlent des activités profession- nelles du demandeur à titre de journaliste, mais parle aussi du domaine de la musique, autre activité professionnelle du demandeur, pour encore là tenter de le ridiculiser et de l’humilier.
[124] Le Tribunal ne voit aucun lien entre les prétentions du défendeur à l’effet que le demandeur tente d’intimider et de bâillonner certaines personnes et sa décision de référer au fait que le demandeur interprète la Marseillaise devant l’Assemblée nationale. Ce geste en soi est public mais le défendeur le présente de façon à attaquer la réputation du demandeur.
[125] Le défendeur a beau prétendre qu’il s’agit simplement d’une blague, tout comme l’association au singe, il n’en reste pas moins que le tout s’intègre dans l’ensemble du document constitué par le défendeur contre le demandeur.
[126] Le Tribunal est d’avis que, dans le contexte global des faits mis en preuve, le demandeur a raison de prétendre être victime d’une conduite fautive de la part du défendeur.
[127] Le défendeur soutient qu’il ne fait qu’exercer son droit à la liberté d’expression et que les commentaires dans le document se veulent loyaux et honnêtes.
[128] Le Tribunal ne retient pas cette prétention.
[129] Le Tribunal ne retrouve pas cette objectivité certaine qui est nécessaire en matière de commentaires loyaux. Au contraire, en associant, à titre d’exemple, un dictateur tel Saddam Hussein au demandeur, le défendeur fait fi de cette objectivité.
[130] De plus, puisqu’il n’y a aucune preuve d’intimidation ou de tentative de bâillonnement par le demandeur de quelques personnes que ce soit, le Tribunal ne saurait conclure que le document monté par le défendeur peut intéresser les gens en général ou certaines personnes en particulier.
[131] Toujours en rapport avec l’argument de la liberté d’expression, le Tribunal rappelle ce que le juge Cory de la Cour suprême écrit dans l’arrêt Hill :
« Les démocraties ont toujours reconnu et révéré l’importance fondamentale de la personne. Cette importance doit, à son tour, reposer sur la bonne réputation. Cette bonne réputation, qui rehausse le sens de valeur et de dignité d’une personne, peut également être très rapidement et complètement détruite par de fausses allégations. Et une réputation ternie par le libelle peut rarement regagner son lustre passé. Une société démocratique a donc intérêt à s’assurer que ses membres puissent jouir d’une bonne réputation et la protéger aussi longtemps qu’ils en sont dignes.»[6]
[132] En voulant agir en justicier, le défendeur s’investit d’une mission soit disant au bénéfice de l’intérêt public et bénéficiant de la liberté d’expression. Or, l’ensemble du témoignage du défendeur manifeste son préjugé à l’égard du demandeur qu’il décrit comme un personnage abusant du système judiciaire et voulant bâillonner tout adversaire.
[133] Le Tribunal se doit de conclure à l’intention de nuire de la part du défendeur à l’égard du demandeur.
[134] Il s’agit donc d’une faute intentionnelle.
Le lien de causalité faute – dommages
[135] Ce qui précède démontre amplement le lien de causalité entre cette faute intentionnelle et les dommages réclamés.
LES DOMMAGES
[136] Pour évaluer les dommages, le Tribunal doit prendre en considération les éléments suivants :
- La gravité des propos dans le document bâti par le défendeur ;
- La diffusion du document tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif;
- L’identité du demandeur, en d’autres termes, son statut social et sa profession;
- L’identité du défendeur;
- La conduite du défendeur suite à l’institution des procédures.
[137] Toute diffamation revêt un caractère grave en soi.
[138] En l’instance, même si le demandeur établit que le document circule jusqu’en Chine, par contre il omet d’établir, même de façon approximative, le nombre et le type de personnes qui accèdent à ces sites du défendeur.
[139] Le demandeur affirme qu’il vit difficilement ces attaques menées contre lui par le défendeur et tente par maints moyens d’en arrêter la propagation. Par contre, il ne présente aucune autre preuve pour démontrer une atteinte à son statut social, une entrave à l’exercice de sa profession.
[140] En somme, la preuve quant aux dommages reste plutôt générale.
[141] Ainsi, bien que le demandeur réclame à titre de dommages moraux une somme de 25 000 $, le Tribunal lui octroie à ce titre 5 000 $.
[142] Il demande aussi, à titre de dommages punitifs, 15 000 $ pour violation, notamment, des articles 4 et 5 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, plus une somme de 30 000 $ pour violation de l’ordonnance de sauvegarde du 11 février 2011 et ce en application de l’article 131 de ladite Charte.
[143] L’article 1621 C.c.Q. stipule que :
« 1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers.»
[144] Au sujet des dommages punitifs, notre collègue, Madame la juge Blondin, écrit :
[93] L’atteinte illicite à un droit reconnu par la Charte confère à la victime non seulement le droit d’obtenir «la cessation de l’atteinte» et «la réparation du préjudice» subi, mais aussi, en cas d’«atteinte intentionnelle», le droit de réclamer à l’auteur de la violation «des dommages-intérêts punitifs»:
- Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnu par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
[94] Trois conditions sont requises en vertu de cette disposition :
- le recours en dommage punitif ne pourra qu’être l’accessoire d’un recours principal visant à obtenir condamnation du préjudice moral ou matériel, en ce sens, il doit y avoir identification d’un comportement fautif constitutif de responsabilité civile;
- il faut une atteinte à un droit reconnu par la Charte québécoise;
- cette atteinte doit être illicite et intentionnelle. »
…
[97] La Cour suprême définit ce qu’il faut entendre par atteinte illicite et intentionnelle dans l’arrêt de principe Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand :
« En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l’art. 49 de la Charte lorsque l’auteur de l’atteinte intentionnelle a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l’intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence.
[98] Baudoin et Jobin résument ainsi l’état du droit sur la question :
«[L]a Cour suprême a réitéré le principe selon lequel le résultat du comportement fautif doit avoir été voulu pour que l’atteinte soit qualifiée d’intentionnelle. Elle a cependant interprété cette condition comme pouvant inclure la simple connaissance des conséquences immédiates et naturelles, ou au moins extrêmement probables, que la conduite fautive engendrera, un test qui dépasse de beaucoup la simple négligence mais qui se situe en deçà de la volonté de causer le dommage, et qui est appliquée avec souplesse par les autres tribunaux.» [7]
(Soulignement dans le texte)
[145] Le Tribunal n’hésite pas à dire que ces trois conditions existent en l’instance.
[146] Faut-il rappeler que le défendeur, à titre de spécialiste en communication, se doit de savoir que sa conduite fautive en diffusant le document tant dans sa forme initiale qu’avec les ajouts, aura «des conséquences immédiates et naturelles, ou au moins extrêmement probables» à l’égard du demandeur.
[147] Madame la juge Blondin ajoute au sujet de la quotité de ces dommages punitifs :
« [110] Pour en fixer le quantum, le tribunal tiendra compte des critères suivants :
- L’aspect préventif, dissuasif ou punitif de tels dommages;
- La conduite du fautif et la gravité de la faute;
- Le préjudice subi;
- Les avantages retirés par le fautif;
- La capacité de payer du fautif ou sa situation patrimoniale;
- Le quantum des dommages compensatoires ou l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenu envers le créancier;
- L’inégalité du rapport de force, y compris les ressources, entre la victime et l’auteur du préjudice;
- Le fait que la prise en charge du paiement réparateur est, en tout ou en partie, assumée par un tiers. »[8]
[148] En l’instance, la gravité de la faute du défendeur est évidente.
[149] Devant le Tribunal, le défendeur persiste à affirmer qu’il agit dans l’intérêt public et comme simple citoyen, non comme journaliste, qu’il veut empêcher le demandeur de bâillonner ou intimider d’autres personnes. Toutefois, tel que mentionné, concrètement il ne présente aucune preuve de tels gestes par le demandeur.
[150] Par ailleurs, la preuve quant à la situation patrimoniale du défendeur est minime.
[151] Ceci étant, le Tribunal est d’opinion qu’il y a lieu d’allouer une somme de 5 000 $ à titre de dommages punitifs pour violation des articles 4 et 5 de la Charte québécoise.
[152] Par contre, le Tribunal n’accueille pas la demande en application de l’article 131 de la Charte.
[153] En effet, même si au lendemain de l’émission de l’ordonnance de sauvegarde, le défendeur n’élimine pas entièrement le document du site web, la preuve est à l’effet qu’il tente de s’exécuter, mais rencontre certains problèmes du fait qu’il se trouve alors en Afrique.
[154] Enfin, le demandeur réclame le remboursement de ses frais d’avocat totalisant plus de 20 000 $ depuis le début des procédures.
[155] Le procureur du demandeur insiste sur le fait que le défendeur, à la toute dernière minute, accepte de se soumettre à la demande d’ordonnance de sauvegarde prévue pour deux jours de procès.
[156] À la lumière des propos de Monsieur le juge Dalphond dans l’arrêt Genex[9], le Tribunal considère que rien ne pouvait forcer le défendeur à confesser jugement et, de plus, un débat sur la nature et la gravité de la faute, l’étendue des préjudices étaient nécessaires.
[157] Dans les circonstances, le Tribunal refuse la demande de remboursement des honoraires extrajudiciaires.
LA DEMANDE D’INJONCTION PERMANENTE
[158] Le défendeur plaide que le Tribunal ne peut accéder à cette demande essentiellement pour deux motifs : premièrement, le délai par le demandeur pour présenter sa demande; deuxièmement, selon la théorie des « mains propres », le demandeur lui-même ne répond pas à ce critère.
[159] En ce qui concerne le délai, le Tribunal ne retient pas ce motif.
[160] En effet, même si le défendeur met le document sur son site web dès septembre 2009 et que le demandeur n’intente ses procédures qu’un an plus tard, il n’en reste pas moins que pendant ces douze mois, le demandeur tente d’abord par lui-même de convaincre le défendeur de retirer le tout du site web puis, devant son échec, mandate ses procureurs pour obtenir le même résultat, malheureusement sans succès.
[161] En ce qui concerne le critère des « mains propres », le défendeur prétend que les communiqués (pièce D-2 en liasse) émis par le demandeur en réplique au document, démontrent le bien-fondé de cet argument.
[162] Le Tribunal n’endosse pas ce deuxième motif.
[163] Rien ne saurait empêcher l’émission de ces communiqués par le demandeur, communiqués qui, selon le Tribunal, ne sont pas de nature diffamatoire et ne dépassent pas le « très raisonnable et très mesuré » selon l’expression du défendeur lui-même dans sa demande reconventionnelle.
[164] Ainsi, le Tribunal accueillera la demande d’injonction permanente du demandeur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[165] ACCUEILLE la requête introductive d’instance;
[166] ORDONNE au défendeur, Éric Messier de retirer, dans les trente-cinq (35) jours de la date du présent jugement, tous les articles diffamatoires (Pièces P-3, P-4, P-9, P – 10, P-17, P-19, P-21, P-22, P-23, P-24, P-25, P-26, P-27, P-28, P-29, P-30, P-31, P-32, P-34, P-35, P-36, P-42, P-43, P-44, P-53, P-54, P-55, P-58, P-62, P-64, P-66, P-68, P-69, P-70, P-71, P-72, P-82, P-83, P-84, P-85, P-86, P-87, P-88, P-89 et P-91) relativement au demandeur, Roger-Luc Chayer, publiés sur quelques sites internet ou quelques supports que ce soit;
[167] ORDONNE au défendeur, Éric Messier, de cesser d’exprimer ou de publier, sur quelques supports que ce soit, tous commentaires, articles ou messages diffamatoires identiques à ceux déjà diffusés (Pièces P-3, P-4, P-9, P-10, P-17, P-19, P-21, P-22, P-23, P-24, P-25, P-26, P-27, P-28, P-29, P-30, P-31, P-32, P-34, P-35, P-36, P-42, P-43, P-44, P-53, P-54, P-55, P-58, P-62, P-64, P-66, P-68, P-69, P-70, P-71, P-72, P-82, P-83, P-84, P-85, P-86, P-87, P-88, P-89 et P-91) relativement au demandeur, Roger-Luc Chayer;
[168] CONDAMNE le défendeur à verser au demandeur la somme de 10 000 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle selon l’article 1619 du C.c.Q. sur une somme de 5 000 $ depuis l’assignation et depuis le jugement sur une somme de 5 000 $;
[169] LE TOUT AVEC DÉPENS;
[170] REJETTE,sans frais, la demande reconventionnelle.
__________________________________MARC DE WEVER, J.C.S. | ||
Me Claude Chamberland | ||
Asselin Chamberland Avocats | ||
Procureurs du demandeur | ||
Me Jérôme Dupont-Rachiele | ||
Ferland Marois Lanctôt sn | ||
Procureurs du défendeur | ||
Dates d’audition : | Les 21, 22, 23 et 24 mai 2013 | |
[1] Prud’homme c. Prud’homme, [2002] 4 R.C.S. 663, p. 683 à 686.
[2] Id., p. 691.
[3] Corriveau c. Canoe inc. et Martineau, 2010 QCCS 3396, p. 8 de 30.
[4] Beaudoin c. La Presse Ltée, [1998] R.J.Q. 204, p. 211.
[5] Id. Note 1, p. 685.
[6] Hill c. Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, par. 108.
[7] Précité note 3, p. 15 et 16 de 30.
[8] Id., p. 17 et 18 de 30.
[9] Genex Communication inc. c. Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, p. 61 et 62 de 63.