Avis du Conseil de presse du Québec concernant le journalisme en ligne
Suit aux publications récentes du journaliste Éric Messier a l’effet que Le National ne constitue pas un média selon ce qu’il prétend être le Conseil de Presse du Québec, cet avis a été révisé en 2002 et le Conseil reconnaît maintenant les sites Internet de journalisme et de nouvelles comme des médias. L’avis du Conseil est reproduit plus bas.
M. Messier publie avec les allures d’une primeur, un document périmé datant de plus de 8 ans, ce sont de tels gestes qui déconsidèrent la réputation du travail de journaliste. À vous de juger…
Le journalisme en ligne ou ” cyberjournalisme ” a connu un grand essor dans le monde de la presse, au cours des dernières années. Conséquemment, le Conseil de presse du Québec annonce qu’il traitera désormais toute plainte à l’endroit des médias sur Internet et des professionnels de l’information qui y oeuvrent.
Le Conseil a l’intention d’assumer pleinement son rôle de protecteur du citoyen en matière d’information non seulement à l’égard des médias traditionnels, mais également vis-à-vis des journaux et magazines électroniques qui ont fleuri, au cours des dernières années, sur le Net.
Dans cette optique, tout éventuel examen du tribunal d’honneur de la presse québécoise concernera exclusivement les sites Internet diffusant des informations à caractère journalistique, conformément à son champ de juridiction.
Le journalisme en ligne constitue-t-il, se demande-t-on, un nouveau mode d’expression journalistique possédant ses propres normes? Le Conseil est d’avis que le ” cyberjournalisme ” ne diffère pas, quant à sa substance et à sa raison d’être, d’un journalisme plus traditionnel, que celui-ci tienne du mode écrit, radiophonique ou télévisuel. En fait, aux yeux du Conseil, seul le support technologique a changé.
Les balises déontologiques à partir desquelles le Conseil de presse examinera les grandeurs et misères du journalisme en ligne seront à peu de choses près identiques à celles qui président, depuis près de 30 ans, à l’examen des dossiers soumis à son attention. Ces balises sont clairement explicitées dans un document intitulé ” Droits et responsabilités de la presse ” 1 – entre autres accessible sur le site Internet du CPQ – et dont le fondement repose sur les grandes règles d’or de la profession de journaliste, qu’il s’agisse de journalisme d’information ou d’opinion. Si la presse a des droits, dont le droit d’informer qui concourt à la vie d’une société démocratique, elle a en contrepartie des devoirs.
Quelle est la nature de ces règles ou devoirs, sinon des principes universels d’impartialité, d’exactitude, de rigueur et d’honnêteté, visant la nécessaire objectivité de la démarche journalistique. Des notions avec lesquelles tous les membres de la presse ont à composer et le devoir de respecter.
La vraie nature de l’information
Sans doute est-il utile de distinguer ici, quand l’on parle d’information, quelques réalités différentes, voire opposées.
Pour le Conseil de presse, l’information véritable est le fruit d’un travail journalistique dans lequel interviennent un ou des professionnels de l’information et une entreprise de presse. Ce travail journalistique s’effectue normalement par le biais d’un processus de recherche, de collecte de données, d’entrevues et de rédaction d’un article ou d’un reportage dont le but est d’informer des lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs sur un sujet ou un événement d’intérêt public.
À l’opposé, un communiqué de presse diffusé sur un site Internet ne doit pas être confondu avec l’information journalistique. Pas plus d’ailleurs qu’un publireportage. L’objectif de l’un et de l’autre n’est pas de transmettre une information juste, complète et impartiale comme le veut la tradition journalistique, mais de publiciser tantôt un produit de consommation, tantôt la prise de position d’un groupe ou d’un organisme, tantôt une idéologie. De même en est-il des services de discussion ou de courrier en ligne qui ne sauraient être assimilés à de l’information journalistique.
À l’instar de toute autre entreprise de presse, un média d’information sur le Net doit se conformer à un certain nombre de règles, dont celle d’éviter la confusion des genres journalistiques. Il doit en effet être clair pour le public que les distinctions entre un reportage, une chronique, un commentaire ou un éditorial soient nettement identifiées comme telles.
De la même manière, les sources des journalistes en ligne doivent-elles être clairement identifiées, sauf exceptions prévues à la déontologie. L’identification d’une source demeure toute aussi obligatoire lorsqu’il s’agit de matériel ayant fait l’objet de repiquage auprès d’autres sources ou de banques de données. Le Conseil note par ailleurs une surutilisation ” d’hyperliens ” dans les textes sur le Net et s’interroge sur leur pertinence, comme sur la pertinence de résumés fort succincts et de ” titres-chocs “.
L’entreprise de presse sur le Net
Force est de constater que la création d’une entreprise de presse sur Internet nécessite moins de ressources matérielles et humaines, autant que financières, que les médias de type conventionnel. Quelques personnes-ressources peuvent à elles seules suffire à la tâche.
Pareil avantage peut parfois comporter un effet pervers, soit le fait qu’une seule et même personne dirige et exécute à la fois l’ensemble des tâches de production et de confection du journal ou magazine, confondant alors celles découlant de la production journalistique avec celles de la vente et de la production publicitaire. Ces deux fonctions – en quelque sorte thèse et antithèse – demeurent fondamentalement incompatibles, même au sein d’un petit média.
Dans le même esprit, la direction de la rédaction de journaux et de magazines électroniques doit relever des seuls professionnels de l’information, ne pouvant être confiée à des spécialistes en informatique ou encore moins à des rédacteurs publicitaires. Non seulement y a-t-il là incompatibilité professionnelle, mais, de surcroît, apparence de conflit d’intérêts.
Dans l’optique et au profit de la liberté de presse et du droit du public à une information pluraliste et de qualité, le Conseil de presse du Québec entend bien jouer son rôle de tribunal d’honneur auprès de la presse électronique sur le Net.