Par: Pierre Salducci
Apparue sur la côte ouest des États-Unis, cette nouvelle drogue
fonctionne comme un aphrodisiaque et un excitant ultra puissant. qui a
fini par séduire New York et ne cesse de se répandre depuis. Très populaire
chez les gais du circuit et chez les jeunes de la rue, ce fléau est déjà en
expansion au sein du grand public et dans les clubs d’hétérosexuels. Au
Canada, c’est à Vancouver que la consommation est la plus élevée, mais
plusieurs indices montrent déjà que le nombre d’usagers à Montréal est en
nette augmentation.
Connu sous différents noms tels que « crystal meth » ou « cristal
méthamphétamine », aussi appelé « speed », « méthamphétamine »,
« crank », « tweak », « meth », « ice Tina », ou « jib », le crystal est dérivé
d’une substance appelée amphétamine. C’est un stimulant de composition
synthétique qui affecte le système nerveux central. Il se présente sous
forme de cristaux, de granules, ou de poudre plus ou moins fine. Il peut
être avalé, reniflé, fumé ou injecté. Il est fabriqué de substances toxiques
et fortement volatiles, amalgamées en diverses combinaisons qui ne sont
jamais exactement identiques. Ses composantes incluent l’éphédrine (un
ingrédient de médicaments contre le rhume, en vente libre), l’éther, l’acide
sulfurique, des insecticides, des solvants et la lessive caustique, autant
d’ingrédients facilement disponibles en quincaillerie et en pharmacie.
Il se fabrique donc aisément et à peu de frais ce qui en fait une drogue
particulièrement attrayante car elle se vend très bon marché.
En plus de ravages dévastateurs sur le comportement, le crystal est
systématiquement associé à une augmentation du taux de contamination
par le vih car son effet désinhibiteur est très fort. Pourtant, au Québec, ni
la Direction de la santé publique ni les groupes de prévention du sida ne
se décident à tirer le signal d’alarme. Selon Stéphane Cadieux, intervenant
à Séro Zéro et militant en santé gaie, le crystal ne serait pas vraiment déjà
arrivé à Montréal, la drogue serait accessible depuis seulement un peu plus
d’un an et elle ne rejoindrait qu‘une petite clientèle, principalement des gais
qui sont sur le circuit depuis longtemps « On en parle depuis plus d’un an
chez Séro Zéro. Surtout l’équipe milieu qui intervient dans les bars et les
saunas. On se prépare à un plan d’action. On surveille. » Pourtant, selon
Didier Lestrade, journaliste auteur d’un dossier alarmiste sur le crystal dans
Têtu, il faudrait se méfier du silence qui entoure cette drogue. Selon lui, le
phénomène est marqué par le déni et fonctionne de façon très clandestine.
« C’est une drogue dont on ne parle pas. Comme si les utilisateurs eux-
mêmes voulaient garder ça secret. C’est une culture parallèle, clandestine.
Et puis, c’est le paradoxe du crystal. D’un côté, les gens qui en prennent
tombent vraiment dedans parce que c’est une drogue très addictive et
qu’ils aiment les effets obtenus, mais d’un autre, la culpabilité est très
forte si bien qu’il y a comme une gêne, une honte à en parler. Les gais ont
souvent une certaine assurance face aux drogues. Ils pensent qu’ils sont en
contrôle, qu’ils gèrent leur consommation, etc.
Quand c’est le cas, ils se sentent relativement à l’aise pour évoquer leur
consommation, mais ça ne se passe pas comme ça avec le crystal. Ceux
qui en prennent savent que ça les amène à dépasser leurs limites. Le déni
est très fort, comme dans toutes les situations qui entraînent des prises
de risque élevées. Les seules personnes qui acceptent d’en parler, c’est
toujours des gens qui sont sortis de cette phase ou sont sur le point d’en
sortir. C’est un phénomène très underground, ce qui ne veut pas dire que
ce soit marginal. Ça ne veut pas dire que ça touche seulement quelques
personnes, mais c’est cloisonné. »
Pour Didier Lestrade, il est indispensable de mettre en place
immédiatement des campagnes de prévention avant qu’il ne soit trop tard.
« Cette fois-ci, nous avons la possibilité d’intervenir alors que la drogue
en est encore à ses tout débuts. Le crystal suit la même trajectoire que
la cocaïne dans les années 70 ou que l’ecstasy dans les années 80. On a
une certaine connaissance de ce genre de phénomène qui nous permet
d’en anticiper l’évolution et on sait que si on veut vraiment contrer le
processus, il faut intervenir le plus tôt possible. Dès que ça devient une
mode et qu’il y a un marché, les choses s’organisent très vite. Le crystal
vient beaucoup chercher les gais. Je crois réellement que cette drogue va
avoir un impact aussi important que l’ecstasy, il y a 15 ans. »
Didier Lestrade
(Photo: https://mots.extraits.free.fr/didier_lestrade.htm)
Didier Lestrade n’est pas un nouveau venu dans le milieu parfois contro-
versé du militantisme gay et a été fondateur d’Act-UP Paris, une organi-
sation de lutte et de défense des droits des personnes atteintes du VIH à
une époque où les militants perdaient souvent de vue que l’intérêt de la
collectivité gaie ne passait pas toujours pas des actes violents. Monsieur
Lestrade tient toutefois dans le cadre de cette entrevue à souligner qu’il
n’était pour rien dans le vandalisme des bureaux de l’éditeur du livre de
Rémès, Confidences d’un barebackeur» et qu’il n’a pas approuvé le geste.