Jeune Afrique
Un rapport publié par l’Onusida montre de grandes disparités entre les pays subsahariens membres de l’OIF et les non membres.
À l’occasion du XIVe sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Kinshasa (République Démocratique du Congo) du 12 au 14 octobre, l’Onusida a procédé au lancement du rapport « Point de décision sur la Francophonie : stopper les nouvelles infections au VIH et garantir les traitements pour tous ». Une perception du VIH se concentrant sur la situation de la lutte contre le VIH dans les pays membres de la Francophonie, et de fait, les comparant aux pays non membres. Si cette idée peut surprendre, elle met toutefois en lumière certaines disparités existant entre les deux « catégories » de pays, si tant est qu’ils puissent être ainsi répartis.
Au regard des chiffres, le constat est en effet indéniable : les pays membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), à de rares exceptions près, sont à la traîne en matière de prise en charge. Ainsi, le rapport souligne que, pris dans leur ensemble, les pays de l’OIF situés en Afrique subsaharienne atteignaient en 2011 un taux de couverture du traitement contre le VIH de 43 %, contre 59 % pour les pays non-membres. Concernant le VIH pédiatrique, des progrès notables sont à souligner puisque les nouvelles infections à VIH entre 2005 et 2011 y ont diminué de 34 %. Toutefois, la prévention de la transmission de la mère à l’enfant (PTME) reste encore insuffisante, là où la solution est connue. Le pourcentage de femmes enceintes séropositives ayant reçu des médicaments antirétroviraux pour empêcher la transmission du virus à leur enfant reste faible, à 36 %, contre 62 % dans les pays de la région non membres de l’OIF.
Constat financier
Le cas spécifique de la RDC, qui est l’un des pays les plus en retard dans l’OIF, est inquiétant
Cet état sanitaire se double bien évidemment d’un constat financier. Car qui dit progrès sanitaires dit investissements. Pour atteindre les objectifs fixés lors de l’Assemblée générale des Nations unies sur le sida en juin 2011, qui prévoient d’assurer l’accès au traitement à 15 millions de personnes séropositives d’ici à 2015, de nouveaux financements seront nécessaires. Dans les pays subsahariens membres de l’OIF, les besoins en ressources s’élèvent à 2,6 milliards de dollars en 2015, soit un déficit de 1,5 milliard de dollars. Pour le combler, il faudrait ajouter 120 millions de dollars de ressources intérieures, soit une augmentation de 70 %, et 1,4 milliard de dollars de la part des donateurs internationaux, soit 160 % d’efforts supplémentaires… En comparaison, dans les pays subsahariens non membres de l’OIF, les financements internationaux ne nécessitent d’être augmentés « que » de 5%.
Comme le rappelait le président de la sous-commission Santé au Parlement de Kinshasa, le député Victor Makwenge, « la pauvreté, le poids des ménages et les zones de guerre sont des handicaps majeurs à l’accès aux soins ». Le cas spécifique de la RDC, qui est l’un des pays les plus en retard dans l’OIF, est effectivement inquiétant, comme le souligne Michel Sidibé, Directeur Exécutif de l’Onusida, qui rappelle que « 90 % des personnes en RDC sont sous traitement grâce à des financements internationaux, seules 5% des femmes enceintes ont accès à la PTME », et que « seules 12% des personnes qui le nécessitent ont accès aux traitements. »
Parmi les raisons d’un tel retard, la taille du pays et l’insécurité qui règne dans certaines zones. Le Premier ministre, Matata Ponyo, a d’ailleurs manifesté le souhait d’établir, en collaboration avec l’Onusida, des zones prioritaires pour faciliter l’accès aux soins. La ministre française déléguée à la Francophonie, Yamina Benguigui, également présente lors du lancement de ce rapport, a annoncé la création en 2013 du Forum mondial des femmes francophones, réunissant 500 femmes autour de la préservation de leur droit et de leur dignité. Madame Benguigui a souhaité que les violences faites aux femmes en RDC, facilitant les nouvelles infections, puissent être au centre des thématiques de ce Forum et que des solutions soient élaborées en partenariat avec l’Onusida.
Disparité
Mais quid des autres pays ? Comment une telle disparité a-t-elle pu se créer entre pays membres et non membres de l’OIF ? Selon Michel Sidibé, qui tient à souligner toutefois que des pays comme le Rwanda ou le Cambodge ont obtenu des résultats remarquables, la politique qui a permis d’obtenir des résultats satisfaisants se résume en trois points : « un leadership placé au plus haut niveau, plaçant la lutte contre le sida comme un enjeu politique majeur », en tout premier lieu. « L’engagement de la société civile, également, particulièrement fort et actif, chez les jeunes, a été crucial, notamment lorsque ces derniers ont été considérés comme des acteurs au changement à part entière », et, termine Michel Sidibé, « le repositionnement de la femme dans la société, la lutte contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles. »
Incontestablement, lorsque la décision est prise au plus haut niveau de l’État, la pente peut être inversée.
Ces trois éléments réunis ont permis de grands progrès, un accès à la prévention, aux traitements, et une réduction des nouvelles contaminations. « Prenez l’Afrique du Sud », illustre Michel Sidibé, « en trois ans, avec un budget annuel domestique de 1,9 million de dollars, on est passé de deux millions à 14 millions de personnes testées. De moins de 40 % des femmes ayant accès à la PTME, on atteint aujourd’hui 90 %. » Incontestablement, lorsque la décision a été prise au plus haut niveau de l’État, la pente a pu être inversée. Une perspective encourageante alors, de constater que la Guinée Équatoriale vient d’annoncer une prise en charge totale des investissements nécessaires à l’accès aux soins de tous, que le Congo Brazzaville s’engage à augmenter de 50 % sa participation nationale aux investissements nécessaires, et que le Burkina Faso l’a doublée. Car comme le souligne Michel Sidibé, « l’OIF a toujours été très engagée, et ses pays membres ont été parmi les premiers à se battre pour l’accès universel aux traitements ».
Un engagement qui doit désormais se traduire, selon l’Onusida, par un soutien accru des pays les plus riches de l’OIF envers les plus pauvres, et un engagement de ces pays à accroître la part de leurs investissements nationaux tout en promouvant une justice sociale. En réaffirmant sa volonté de poursuivre l’élaboration de financements innovants, comme la taxe sur les billets d’avion et celle sur les transactions financières, afin de « financer la lutte contre les grandes pandémies dont le sida », le Président de la République française, François Hollande, a semble-t-il tacitement abondé en ce sens.
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