Sida : les problèmes financiers fragilisent l’avenir des découvertes

Romandie.com

ROME – L’avenir des découvertes sur le virus du sida, présentées cette semaine à la conférence scientifique de Rome, risque d’être obéré par des financements internationaux à la traîne.

Les économies émergentes restent réticentes à participer aux dépenses.

Nous sommes dans une zone dangereuse pour les financements de la lutte contre le sida, a lancé Peter Piot, ancien directeur de l’Onusida, devant les participants à la conférence, qui s’achève mercredi.

La science va beaucoup plus vite que la mise en oeuvre que nous pouvons en faire et que nous pouvons payer, a-t-il ajouté.

Plusieurs résultats d’essais ou d’études, présentés à Rome, pourraient bouleverser l’avenir de l’épidémie.

Une étude a établi que fournir rapidement des traitements antirétroviraux (ARV) à des personnes infectées réduisait de 96% le risque qu’elles transmettent l’infection. C’est le traitement comme prévention. D’autres études ont montré que fournir un traitement préventif d’ARV à des personnes non infectées réduisait le risque d’environ les deux tiers. On parle de prophylaxie pré-exposition.

Dans le domaine de la prévention, il y a aussi la circoncision, qui réduit le risque pour 60% des hommes (mais pas des femmes). Pour elles le gel microbicide, qui montre déjà de bons résultats, continue d’être testé.

Pour développer ces nouvelles ouvertures, il faudra encore y mettre de l’argent, note Julio Montaner, directeur du Centre d’excellence sur le VIH/sida de Colombie britannique.

Jean-Paul Moatti, professeur en économie de la santé (Inserm, Université de la Méditerranée), estime que ce serait rentable en une dizaine d’années. Et rappelle une évidence: lorsque la personne n’est pas malade, le pays paye moins pour la santé et perd moins de jours de production.

Financièrement, cependant, les choses se présentent mal.

Entre 2001 et 2009, l’aide pour la lutte contre le sida a été certes quasiment multipliée par 10, passant de 1,6 à 15,9 milliards de dollars par an. En 2010 cependant, 6,6 millions de personnes reçoivent le traitement, mais 9 millions de personnes sont toujours en attente, alors que les pays occidentaux ont réduit leurs versements, du fait de la crise financière.

Et pour tenir les engagements de l’ONU de fournir le traitement à 15 millions de personnes d’ici à 2015, il faudrait quelque 22 à 24 millions de dollars par an.

Il y a peu de chance que les pays riches, qui représentent déjà l’essentiel des financements, puissent donner davantage. Symbolique : l’Italie, pays hôte de la conférence, a été pointée du doigt lors de la conférence de Rome. Elle ne verse rien au Fonds mondial depuis deux ans et lui doit 260 millions de dollars.

Les pays riches du Golfe ou ceux dont les richesses s’accroissent rapidement, comme la Chine ou l’Inde, sont encore des récipiendaires de l’aide du Fonds mondial, et non des donateurs.

Des 13 milliards de dollars dépensés par le Fonds mondial pour le sida depuis sa création, 4% sont allés à la Chine, alors même que le pays possède des réserves de devises étrangères de plus de 3.000 milliards de dollars.

Le directeur du Fonds mondial, Michel Kazatchkine, qui a fait l’an dernier le tour des pays susceptibles de participer au Fonds, reconnaît qu’il a eu peu de succès. Il y a beaucoup d’impatience (des pays riches à propos de la Chine) mais ça prend du temps, a-t-il déclaré à l’AFP.

En ce qui concerne le FMI et la Banque mondiale, la Chine est passée du rang de pays en développement qui reçoit des aides à acteur international majeur, note-t-il. J’espère que dans les deux ou trois ans, le Fonds mondial intéressera aussi la Chine.


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