Rue89
« Tu vends des services sexuels aux hommes. Tu travailles dans la rue, sur les lieux de dragues ou dans les bars, depuis chez toi, par téléphone ou par Internet ». C’est par cette description que l’internaute prend connaissance du site ProstBoyz, la première action de prévention santé spécialement dédiée aux prostitués hommes qui exercent via Internet et dans la rue. Pour les toucher, ProstBoyz part en tournée, sur les lieux de drague et sur les sites de rencontres.
Depuis avril 2011, Cabiria, association lyonnaise de santé communautaire auprès des prostitués, mène cette action baptisée ProstBoyz. Le lancement officiel s’est tenu ce week-end, à la mairie du premier arrondissement de Lyon.
A la baguette, nous dit le site Internet, un « professionnel de la prévention » et, surtout, un « travailleur du sexe », Kevin. Il expose son parcours :
« Ça fait sept ans que je suis travailleur du sexe. Depuis plusieurs années, je cherchais une action de prévention santé comme j’en avais connue au Québec, je n’en ai pas trouvée ».
En France, peu de personnes maîtrisent les ressorts de la prostitution sur Internet et peuvent apporter des réponses adaptées aux problématiques des prostitués, isolés par leur mode d’activité. Seule l’association toulousaine Grisélidis avait lancé il y a trois ans une action Internet d’envergure, mais essentiellement, à cette époque là, à destination des femmes. Depuis une personne prostituée gay a été embauchée. Dans la rue, il n’y avait pas davantage d’action spécifique en direction du public masculin.
Tournées virtuelles et réelles
Kevin a élaboré un projet en direction des hommes qu’il a rencontrés sur les lieux de drague de la « vie réelle » et, surtout, sur Internet.
Derrière son ordinateur, il fait chaque semaine des tournées virtuelles, et notamment en se rendant sur le principal site de rencontres vénales gay, Gayroméo, qui, contrairement aux sites de prostitution hétérosexuelle, a créé une rubrique pour les associations de prévention.
Par le biais de la messagerie instantanée du site, le contact se crée. Les personnes questionnent Kevin autant que lui les interroge. Il apporte principalement des réponses sur les pratiques sexuelles spécifiques et sur la législation.
« Ils veulent savoir par exemple si la prostitution est interdite en France ou s’ils peuvent être inquiétés pour racolage en postant une annonce sur Internet. On va plus loin que le BA-ba que pourrait apporter un travailleur social lambda car je connais leur pratique ».
Cette technique de l’« aller-vers » sur Internet est identique à celle utilisée sur les lieux de drague de la vie réelle. Chaque semaine, une fois en soirée, une fois en journée, Kevin rencontre une dizaine d’hommes, en instaurant progressivement une relation de confiance.
« Ce sont des jeunes de 16 à 25 ans en situation de grande précarité, généralement sans minima sociaux et en rupture familiale. Il y a aussi de nombreux migrants pour qui le principal souci est de trouver un toit pour dormir ».
Une action de santé communautaire
C’est la marque de fabrique de l’association Cabiria : aborder les problématiques liées à la prostitution avec les personnes concernées. De ce point de vue, les prostituées sont les premiers « acteurs de prévention ». Ce qu’on appelle la santé communautaire.
Et pour coller à cette approche, l’action ProstBoyz disposera prochainement d’un comité de pilotage avec la présence de trois prostitués aux côtés d’universitaires et de travailleurs sociaux. « Si on veut partir des vrais besoins, il faut que les travailleurs du sexe soient totalement impliqués dans la démarche », martèle Kevin. L’enjeu est de taille car trop souvent, selon Kevin, la présence de la prostitution est niée dans le milieu gay. Or, le contexte sanitaire est préoccupant, comme il le décrivait dans un entretien à yagg.com :
« Notre projet s’inscrit dans un contexte de recrudescence de l’épidémie à VIH au sein de la population gay, et d’explosion de l’hépatite C parmi les usagers de drogues. De plus, concernant les HSH pratiquant des échanges économico-sexuels, le Net Gay Baromètre 2009 fait état de pratiques à risque plus fréquentes chez les personnes monnayant des relations sexuelles que chez les autres gays ayant eu des rapports sexuels via internet et les lieux de rencontre ».