Est-ce que les bars gais peuvent vivre sans hétéros?

Gagner de l’argent avec un bar est chose difficile. Les charges sont élevées, les clients versatiles, et le personnel, fluctuant. Selon le Bureau du recensement américain, le nombre de dé- bits de boissons aux États- Unis a chuté de 11,1% entre 1997 et 2007, passant de 52.825 à 46.924.
Pour les bars gais, le seuil de rentabilité est encore plus difficile à atteindre. Les guides Damron, qui réper- torient tous les bars LGB depuis 1964, ont constaté que leur nombre avait dimi- nué de 12% entre 2005 et 2011. Un bar peut-il gagner de l’argent alors même qu’il exclut 90% de la popula- tion? Auparavant, la répon- se était: oui. Les gais avaient si peu d’endroits où sortir qu’ils fréquentaient n’im- porte quel établissement qui, même à contrecœur, leur ouvrait ses portes. Les frais de fonctionnement de ces bars étaient faibles, vu qu’ils se trouvaient souvent au milieu de nulle part et ne nécessitaient pas de déco recherchée. L’improbabilité de l’emplacement et l’absen- ce de fioritures participaient d’ailleurs souvent au frisson de l’interdit.
Aujourd’hui, la communau- té LGB ne se limite plus aux établissements communau- taires, le sida a rendu les backrooms moins attracti- ves, et les rencontres se font autant sur Internet que dans les bars. Pour les établisse- ments lesbiens, c’est encore plus difficile, ce qui explique leur rareté. Loin des gran- des villes, beaucoup de bars dits «gais» accueillent une clientèle aussi bien masculi- ne que féminine, mais dans les centres urbains, les bars gais sont beaucoup plus nombreux que les lesbiens.
D’après l’édition 2011-2012 des Gayellow Pages («Pages jaunes gaies»), San Fran- cisco compte un bar les- bien, 24 bars à la clientèle principalement gaie et 7 à la clientèle mi-gaie mi-les- bienne. Atlanta compte 2 bars lesbiens, 12 bars gais et 8 mixtes. Manhattan possède 2 bars lesbiens, 28 gais, 13 mixtes, et Seattle, 1 bar lesbien, 4 gais et 6 mixtes. Plus intéressées par les relations de longue durée, les lesbiennes fré- quentent moins les bars que les gais. Avant Stonewall, les gais et les lesbiennes étaient plus susceptibles de fréquenter les mêmes bars.
Cela leur permettait d’avoir une couverture en cas de descente de police, les hom- mes se mettant alors à dan- ser avec les femmes. Par ailleurs, un ou une ami(e) rencontré(e) au bar pouvait servir à donner le change lors de soirées profession- nelles ou familiales. De nos jours, en ville, ces établis- sements ont tendance à se regrouper dans les quartiers gais (Greenwich Village et Chelsea à New York, Castro et SoMa à San Francisco, Dupont Circle à Washing- ton), tout comme les bars sportifs prolifèrent autour des stades.
Aujourd’hui, les milieux gais et hétéro se mélangent de plus en plus dans les bars. Peut-être est-ce dû d’un côté aux habitudes de consom- mation des gais, et de l’autre à une plus grande tolérance de la part des hétéros. Ce serait donc un suicide éco- nomique de restreindre sa clientèle (surtout dans une ville où le choix ne manque pas).
NDLR: En conclusion, la journaliste déclare que la plupart des proprios de bars gais ne tiennent leurs établis- sement que pour la passion. Encourageons-les donc!


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