Les génériques moins efficaces contre le VIH
Monday, January 21st, 2013Le Figaro
Les économies attendues aux États-Unis avec l’arrivée des génériques de médicaments antirétroviraux contre le VIH responsable du sida s’élèvent à 1 milliard de dollars par an. Mais ce gain pourrait se faire au détriment de l’efficacité des trithérapies, selon une étude publiée dans la revue Annals of internal médecine.
Le traitement actuellement recommandé pour les patients nouvellement diagnostiqués est un comprimé unique, pris quotidiennement qui combine trois antirétroviraux: le ténofovir, l’emtricitabine et l’éfavirenz.
En 2012 un générique de la lamivudine, molécule qui a le même mode d’action que l’emcitrabine, est apparu sur le marché américain et, très prochainement l’efavirenz doit lui aussi tomber dans le domaine public. Il sera donc possible de remplacer le comprimé d’Atripla par trois comprimés dont deux seraient des antirétroviraux génériques.
Pour Rochelle Walensky et ses collègues de la Harvard Medical School à Boston, remplacer Atripla par des génériques entraîne des économies mais possède aussi deux inconvénients. Tout d’abord les patients doivent prendre trois comprimés au lieu d’un. Ce qui multiplie le risque d’oublis pouvant entraîner une diminution de l’efficacité du traitement.
Par ailleurs, remplacer l’emtricitabine par la lamivudine diminuerait légèrement l’efficacité et pourrait augmenter le risque de résistance. Pour parvenir à cette conclusion ils se sont basés sur des études cliniques qui montraient pour Atripla une suppression virale chez 85 % des patients à 24 semaines, comparé à 78 % pour lamivudine-ténofovir-éfavirenz, et un taux d’échec après 24 semaines de respectivement 0,21 %/mois et 0,45 %/mois.
Un efficacité intrinsèque équivalente
Sur cette base, ils calculent en appliquant un modèle mathématique que le remplacement d’Atripla par trois comprimés diminuerait l’espérance de vie de 4,4 mois.
Est-ce que cela signifie que les génériques des antirétroviraux se montrent moins efficaces que les molécules originales? «L’efficacité virologique de l’emtricitabine et de la lamivudine est la même. La diminution de l’efficacité de l’association lamivudine-ténofovir-éfavirenz est liée à la prise de trois comprimés. On perd alors en simplicité et en observance», explique au Figaro le docteur Marina Karmochkine, immunologiste à l’hôpital européen Georges Pompidou à Paris. Ce n’est donc pas l’efficacité intrinsèque des médicaments qui serait mise en cause mais la simplicité du traitement.
Reste les économies réalisées. Aux États-Unis, le coût du traitement par Atripla s’élève à 15.300 dollars par an et descendrait à 9.200 dollars avec la trithérapie incluant les deux génériques. En France, le coût du traitement atteint 800 euros par mois, soit 9600 euros par an. Comme le fait remarquer Marina Karmochkine, la problématique de coût ne se pose donc pas de la même façon aux États-Unis et en France. L’arrivée de médicaments génériques pourrait cependant permettre de faire pression sur les laboratoires Bristol-Myers Squibb et Gilead Sciences afin qu’ils baissent le prix de l’Atripla.