FranceSoir
Trente ans après la découverte du VIH, la lutte pour améliorer le retard au dépistage constitue un enjeu majeur, a martelé mardi le Dr Jean-Yves Grall, le directeur général de la santé. L’Institut national de veille sanitaire (InVS) et de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) ont présenté mardi les dernières données épidémiologiques sur le sida en France. Le constat est amer : le dépistage stagne et le nombre de nouvelles contaminations ne baisse pas, à environ 7.000 cas par an. « Pour une pathologie aussi grave, cela reste énorme », a souligné Caroline Semaille, de l’InVS. D’autant que 50.000 Français ignorent qu’ils sont contaminés par le VIH. A la veille de la Journée mondiale de lutte contre le sida, le 1er décembre, outre la nécessité de se protéger lors des rapports sexuels, les autorités de santé martèlent un objectif : réduire de 80 % à 90 % les nouvelles infections d’ici à cinq ans en triplant le nombre de tests de dépistage. Le point sur l’épidémie.
Stagnation des dépistages et des séropositivités découvertes
Depuis 2008, le nombre de cas de séropositivité découverts reste stable, alors qu’il avait diminué entre 2004 et 2007. En 2010, sur 5 millions de tests de sérologie réalisés, environ 6.300 personnes ont ainsi pris connaissance de leur séropositivité. Près de huit dépistages sur dix sont réalisés en laboratoires de ville et seuls 8 % ont lieu lors d’une consultation de dépistage anonyme et gratuit. L’Ile-de-France concentre 44 % des nouveaux cas d’infections, tandis que la Guadeloupe et la Guyane en représentent 9 %. Pour l’InVS, ces données constituent avant tout un « état des lieux » qui permettra de mesurer l’impact des stratégies mises en place par le plan initié en 2010 pour améliorer le dépistage.
Augmentation chez les homosexuels masculins et les plus de 50 ans.
C’est une mauvaise nouvelle : la seule catégorie où le nombre de découvertes de contaminations augmente de façon marquée est celle des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes. L’an dernier, 2.500 homosexuels ont appris leur séropositivité, « le plus souvent diagnostiqués à la suite d’une prise de risque », indique l’InVS. Agés de 37 ans en moyenne, ils représentent 40 % de l’ensemble des découvertes. Fait préoccupant : la part des homosexuels de moins de 25 ans découvrant leur statut positif est en hausse régulière depuis 2003. Chez les hétérosexuels, le nombre de découvertes diminue faiblement depuis deux ans pour atteindre 3.600 cas l’an dernier. Les personnes nées à l’étranger représentent 2.500 de ces cas, en majorité des femmes, d’origine subsaharienne. « Il est nécessaire de rester très prudent, car la transmission des autres infections sexuellement transmissibles persiste », tempère l’InVS. Autre fait notable, la classe d’âge des plus de 50 ans augmente chaque année depuis 2003, totalisant 18 % des découvertes en 2010.
Trop de dépistages à un stade tardif
Parmi les découvertes de séropositivité en 2010, 15 % sont intervenues à un stade sida. Un chiffre stable depuis 2007, mais peu satisfaisant. Aujourd’hui, seulement 36 % des diagnostics sont réalisés à un stade précoce. « Près de 70 % des personnes découvrent leur séropositivité alors qu’un traitement aurait déjà pu leur être proposé », déplore l’Inpes. Plus grave, environ 50.000 Français sont contaminés sans le savoir. Les plus touchés par ce retard de dépistage sont les plus de 40 ans ayant des rapports hétérosexuels. Or, selon les autorités de santé, « dépister précocement représente à la fois un bénéfice pour la personne, mais aussi pour la collectivité, en réduisant le nombre de transmissions du VIH dans la population ». Non seulement car la connaissance de son statut séropositif entraîne une diminution des pratiques à risques, mais aussi parce que la mise sous traitement antirétroviral permet de réduire la quantité de virus dans l’organisme.
Banaliser le dépistage et réduire le retard de diagnostic
A la veille de la Journée mondiale de lutte contre le sida, l’Inpes et le ministère de la Santé réactivent une vaste campagne médiatique (*). Son slogan : « Le dépistage fait partie de votre vie sexuelle. Faites le test du VIH et des autres IST. » Objectif : banaliser ce geste anonyme et gratuit pour « doubler puis tripler » le nombre de dépistages. Les moins de 25 ans, « pour lesquels la perception du risque est peut-être abstraite », sont particulièrement visés. Parmi les autres axes, les autorités sanitaires veulent renforcer le rôle des médecins de ville : s’ils diagnostiquent moins de seniors, « ils dépistent plus d’homosexuels masculins et de personnes à un stade précoce que leurs confrères hospitaliers », note l’InVS. Par ailleurs, la Direction générale de la santé a agréé 32 structures associatives pour réaliser près de 64.500 « tests rapides à orientation diagnostique » (TROD) l’an prochain. Visant les publics les plus concernés, mais qui échappent aujourd’hui au dépistage, ils livrent le résultat en 30 minutes.
(*) Informations sur www.sida-info-service.org ou 0.800.840.800
Vers une fin de la pandémie ?
Pour la première fois, l’hypothèse de voir à long terme la pandémie s’achever n’est plus jugée fantaisiste : « La science, l’appui politique et la riposte communautaire commencent à produire des résultats tangibles et certains », a affirmé Michel Sidibé, directeur exécutif d’Onusida, en présentant le dernier rapport de l’organisation. En effet, jamais autant de personnes n’ont vécu avec le virus du sida dans le monde : en 2010, ils étaient 34 millions, dont 68 % pour le seul continent africain. Près de la moitié des séropositifs ont accès à un traitement, ce qui a permis de sauver 700.000 vies en 2010. Autre avancée : les nouvelles infections (2,7 millions, dont 390.000 enfants) régressent, atteignant leur niveau le plus bas depuis 1997.