45- Les promesses de la séroadaptation

« H musclé viril cherche plan bareback. Séroneg et sans MST, toi aussi ». « Séropo cherche même profil
pour relations chaudes ». Ce type dʼannonce est de plus en plus répandu en ligne. Ceux qui les déposent
sʼengagent, quʼils le sachent ou non, dans ce qui est maintenant connu sous le nom de « serosorting » ou
« status sorting ».
Sur les forums, comme à tra-
vers les campagnes de préven-
tion et les médias, la séroadap-
tation (serosorting ) occupe le
devant de la scène : cʼest la toute
dernière innovation dans la pré-
vention du VIH. Mais quʼest-ce
exactement que la séroadapta-
tion, et est-ce que ça marche ?
La séroadaptation consiste à
choisir avec qui on couche (et ce
quʼon fait) en fonction du statut
viral. Dernièrement cette straté-
gie a joué un rôle dans la chute
spectaculaire de 20% des nou-
velles infections signalée à San
Francisco. Mais le statut VIH
joue un rôle déterminant dans
les pratiques sexuelles des gays,
bi et trans depuis le début de
lʼépidémie. Alors pourquoi son
impact sur le taux de transmis-
sion sʼest-il étendu récemment ?
Pour commencer, nous
nʼavons jamais été aussi nom-
breux à connaître notre statut
viral. La popularité grandissante
des rencontres en ligne nous
permet de divulguer nos statuts
avant même dʼentamer une con-
versation. Cela permet à ceux qui
souhaitent renoncer aux capotes
de recourir à la séroadaptation
comme moyen de réduire, plutôt
que dʼéliminer, le risque de con-
tamination. Mais doit-on consi-
dérer la séroadaptation comme
une stratégie de prévention à la
fois efficace et fonctionnelle ?
Le Département de Santé Publi-
que de San Francisco est inter-
venu sur le sujet avec sa dernière
campagne « Disclosure Initia-
tive », en déclarant : « Nous re-
connaissons, en tant que service
de santé, ce que de nombreux
membres de la communauté
gay ont adopté comme une stra-
tégie de réduction de risque ». Pour que la séroadaptation soit bel et bien efficace, il faut pourtant
que les trois conditions suivantes soient réunies : 1) on doit vraiment
connaître son statut actuel, et pas seulement le résultat du dernier test ;
2) le statut viral doit être clairement annoncé (négatif, positif ou incon-
nu) ; et 3) on doit évaluer avec lucidité sa propre capacité à connaître le
statut de son partenaire.
La séroadaptation marche entre séropos si lʼobjectif est dʼempêcher la
transmission du VIH aux séronégatifs.

Mais les capotes représentent
encore un choix sanitaire impor-
tant : les IST peuvent augmenter
la charge virale, affaiblir le sys-
tème immunitaire, et rendre pos-
sible une infection par une autre
souche du VIH (bien quʼon nʼait
pas encore évalué la fréquence
et la nocivité de ces infections).
La séroadaptation peut égale-
ment être efficace pour les gays
séronégatifs, mais cʼest plus
compliqué.
A San Francisco on estime que
20% des gays séropos ne con-
naissent pas leur statut viral et
50% de lʼensemble des nouvel-
les infections sont occasionnées
par des individus qui ne con-
naissent pas leur statut.
Quelquʼun peut très bien se
présenter en toute bonne fois
comme séronégatif, tout en
étant en réalité séropositif. Pour
connaître vraiment son statut ou
Les séropos peuvent pratiquer la séroadaptation pour éviter un possible rejet suite à lʼannonce de leur
statut, et éliminer la peur ou lʼanxiété liée à une transmission du VIH à leur partenaire. Les tendances de
ces dernières années indiquent que davantage de gays séropos pratiquent la séroadaptation et que leurs
relations sans capote ont lieu avec dʼautres séropos.
celui de son partenaire, il est
indispensable de passer le test
du VIH tous les trois mois, sans
oublier que le VIH risque de ne
pas être détecté jusquʼà 6 à 12
semaines après lʼinfection. Cela
veut dire que quelquʼun qui est
infecté juste avant de passer le
test aura un résultat négatif.
De plus la charge virale dʼun
séropo peut faire la différence
entre une exposition au VIH (où
le VIH pénètre dans lʼorganisme
mais lʼinfection ne prend pas) et
une infection VIH proprement
dite. Une charge virale élevée
peut rendre quelquʼun plus in-
fectieux. La charge virale est
extrêmement haute juste après
lʼinfection VIH, alors que le test
nʼest pas encore en mesure de le
détecter.
Cela veut dire quʼun homme
séropo qui connaît son statut et
gère sa santé, et dont la charge
virale est basse ou indétectable,
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que quelquʼun qui dit et
pense être séronégatif, mais
qui vient dʼêtre infecté et a une
charge virale élevée. Pour que la
séroadaptation entre séronéga-
tifs soit efficace, il faut que les
décisions soient bien informées
et que chacun ait un sens aigu du
niveau de risque quʼil est prêt à
endosser.
…la séroadaptation a quand
même contribué à réduire les
nouvelles infections et a ajouté
une nouvelle alternative à notre
panel des pratiques plus sûres.
Il est clair que la séroadaptation
sans la capote nʼest ni une stra-
tégie « taille unique » qui pour-
rait sʼappliquer à toutes les si-
tuations, ni une solution miracle
aux questions de santé sexuelle.
Il nʼempêche pas une éventuelle
réinfection ou co-infection VIH,
nʼa aucun effet sur les autres
MST, et ne marche que si tou-
tes les personnes concernées
sont sérieuses et communicati-
ves. Même sʼil est imparfait, la
séroadaptation a quand même
contribué à réduire les nouvelles
infections et a ajouté une nou-
velle alternative à notre panel
des pratiques plus sûres.
Mais ce qui est peut-être le plus
encourageant cʼest que même
après 25 ans dʼépidémie, les
ressources et lʼendurance des
hommes gay, bi et trans leurs
permettent de continuer à forger
de nouvelles façons de se main-
tenir les uns les autres en bonne
santé.
Jen Hecht est la responsable for-
mation et Jason Riggs le porte
parole de Stop Aids Project, as-
sociation basée à San Francisco.
Cet article a été originel-
lement publié dans le Bay
Area Reporter de San
Francisco sous le titre « Pe-
ril & promise of serting », 23/11/2006.


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