Enrichissement indu par passivité

Le huard remonte
au-dessus des 90 ¢US
Par: Gérard Bérubé – Le Devoir 26 mai 2006
Le dollar canadien est rapidement remonté au-dessus des 90 ¢US hier. Avec cette accalmie qui se dessine sur le front des taux dʼintérêt directeurs des deux côtés de la frontière, la devise canadienne a puisé son énergie dans cette statistique laissant entrevoir un ralentissement prononcé de lʼactivité économique américaine au cours des prochains trimestres. Le dollar a bondi de 1,05 ¢US hier pour terminer la séance à 90,36 ¢US. La devise sʼest échangée jusquʼà 90,44 ¢US au cours de la journée, sʼapprochant de son sommet des 28 dernières années de 90,95 ¢US, établi le 10 mai dernier.
Pourquoi est-ce que les biens et services restent au même prix?
À chaque fois que le dollar canadien monte face au dollar américain, il se produit un phénomène économique particulièrement intéressant au Québec: les prix à la consommation ne changent pas. À première vue, vous me direz que cʼest quand même un peu insignifiant comme nouvelle mais en y regardant de plus près, on découvre quʼen réalité, ce sont des milliards de dollars qui sortent des poches des consommateurs pour rien.
Au dernier trimestre, lʼindice du coût de la vie est passé à +4% mais au cours de la dernière année, il était en moyenne de +2,3% et lʼaugmentation récente a été causée en grande partie par lʼaugmentation du prix de lʼessence à la pompe. Si nous devions exclure lʼaugmentation des produits pétroliers, le Canada aurait probablement présenté un indice maximal de +0,2% puisque lʼéconomie canadienne est très forte et stable.
Ils sʼen mettent
plein les poches!
En excluant toujours les coûts du pétrole, le dollar canadien nʼa jamais été aussi élevé depuis les années ʻ70 et a fait un saut de presque 30% en un an face à la devise américaine et de près de 10% face à lʼEuro. Cʼest donc dire que tous les biens et services venant de lʼétranger, payés en dollars canadiens, coûtent beaucoup moins au «cost» pour les acheteurs et que ces économies devraient se traduire par des baisses de prix dans les commerces, pourquoi?
Parce que 80% des produits consommés au Canada sont importés et que nous payons généralement ces importations avec la devise nationale, une des plus fortes au monde. Tous les fruits et légumes qui sont vendus dans les épiceries viennent des États-Unis lʼhiver et pendant seulement quelques mois dans lʼannée, les épiceries proposent des produits locaux. Il est donc facile de conclure que si les grandes chaînes paient 30% de moins pour les légumes, nous devrions payer 30% de moins sur la facture. Or, il nʼen est rien.
Avez-vous remarqué une seule baisse des prix dernièrement? Les laitues iceberg vendues chez Métro sont à 2,99$ lʼunité, presque trois fois le prix normal et on donne comme raison lʼaugmentation des coûts du pétrole. Le public, qui entend parler tous les jours ad nauseam des augmentations du prix de lʼessence en viennent à accepter lʼexplication en oubliant que le dollar compense largement ces augmentations et que le consommateur devrait y trouver son compte. La force du dollar découle de conditions économiques très précises et comme le Canada est un pays dont lʼéconomie est en forte croissance depuis plus de 10 ans, que les gouvernements fédéral et provinciaux paient leurs dettes et que certaines provinces comme lʼAlberta sont tellement riches quʼelle versent maintenant directement à chaque contribuable ses excédents, si toutes les conditions sont réunies pour faire de notre devise un modèle de force et de stabilité, le consommateur, quant à lui, devrait pouvoir bénéficier des sacrifies menant vers de tels résultats. Dans lʼétat actuel des choses, seuls les acheteurs et les commercants voient leurs revenus augmenter considérablement, indûment, alors que le partage de ces profits devrait être fait, même partiellement, avec les consommateurs. Si la hausse du dollar ne bénéficie pas aux consommateurs, pourquoi se sacrifier tant pour le faire monter?


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