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CRIMINALISATION DU VIH Un nouveau rapport percutant!

Tuesday, September 9th, 2014

Seronet

La prise de position est récente (2 mai 2014) et particulièrement importante par son ampleur et son sujet. Cette prise de position prise par plus de 70 experts scientifiques des quatre coins du Canada avance que «le droit criminel actuel va trop loin dans les poursuites pour non-divulgation du VIH».

«Le 2 mai, plus de 70 experts scientifiques des quatre coins du Canada ont rendu public un important énoncé de consensus faisant état de la possibilité de faible à nulle qu’une personne vivant avec le VIH transmette le virus dans diverses situations», explique d’entrée le communiqué de presse du Réseau juridique canadien VIH/sida. Ce texte est sorti «en réponse à une préoccupation selon laquelle une piètre appréciation de la compréhension scientifique du VIH et de sa transmission contribue au recours excessif à des accusations criminelles pour des allégations de non-divulgation de la séropositivité au VIH». «Nous accueillons favorablement les interventions de scientifiques dénonçant les nombreuses poursuites injustes à l’encontre de personnes séropositives au VIH qui ont cours, au Canada, et qui conduisent trop souvent à des peines draconiennes pour des actes qui ne comportaient pas de risque significatif de transmission du virus», indique le communiqué. «Aujourd’hui, des scientifiques exposent à leur tour leurs préoccupations devant la sur-utilisation continue de certains chefs d’accusation parmi les plus sérieux du Code criminel, dans des circonstances où des poursuites sont totalement injustifiées. Dans l’énoncé de consentement publié aujourd’hui, ils adressent un message clair aux procureurs de la Couronne et aux juges, les exhortant à la retenue», explique le Réseau. «Entre autres, la science appuie la position selon laquelle des personnes qui pratiquent le sécurisexe (par exemple en utilisant un condom) ou qui suivent une thérapie antirétrovirale efficace ne devraient pas être poursuivies ni déclarées coupables de non-divulgation du VIH. Des poursuites dans de telles circonstances vont à l’encontre des données scientifiques disponibles, qui démontrent que le risque de transmission est négligeable, voire nul. Un tel recours abusif au droit criminel ne contribue en rien à ralentir l’épidémie du VIH ; il éloigne les gens d’un accès à des services efficaces de prévention, de soins, de traitement et de soutien pour le VIH».

«Nous saluons la position exprimée aujourd’hui par des experts médicaux et des scientifiques des quatre coins du Canada et appuyée par l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada. Il est temps que le système de justice pénale canadien tienne compte de ce que la science révèle au sujet du VIH et de sa transmission ; ces preuves ne peuvent être légitimement écartées», conclut le réseau.

CRIMINALISATION DU VIH Un nouveau rapport percutant!

Sunday, July 27th, 2014

Seronet.info

La prise de position est récente (2 mai 2014) et particulièrement importante par son ampleur et son sujet. Cette prise de position prise par plus de 70 experts scientifiques des quatre coins du Canada avance que «le droit criminel actuel va trop loin dans les poursuites pour non-divulgation du VIH».

«Le 2 mai, plus de 70 experts scientifiques des quatre coins du Canada ont rendu public un important énoncé de consensus faisant état de la possibilité de faible à nulle qu’une personne vivant avec le VIH transmette le virus dans diverses situations», explique d’entrée le communiqué de presse du Réseau juridique canadien VIH/sida. Ce texte est sorti «en réponse à une préoccupation selon laquelle une piètre appréciation de la compréhension scientifique du VIH et de sa transmission contribue au recours excessif à des accusations criminelles pour des allégations de non-divulgation de la séropositivité au VIH». «Nous accueillons favorablement les interventions de scientifiques dénonçant les nombreuses poursuites injustes à l’encontre de personnes séropositives au VIH qui ont cours, au Canada, et qui conduisent trop souvent à des peines draconiennes pour des actes qui ne comportaient pas de risque significatif de transmission du virus», indique le communiqué. «Aujourd’hui, des scientifiques exposent à leur tour leurs préoccupations devant la sur-utilisation continue de certains chefs d’accusation parmi les plus sérieux du Code criminel, dans des circonstances où des poursuites sont totalement injustifiées. Dans l’énoncé de consentement publié aujourd’hui, ils adressent un message clair aux procureurs de la Couronne et aux juges, les exhortant à la retenue», explique le Réseau. «Entre autres, la science appuie la position selon laquelle des personnes qui pratiquent le sécurisexe (par exemple en utilisant un condom) ou qui suivent une thérapie antirétrovirale efficace ne devraient pas être poursuivies ni déclarées coupables de non-divulgation du VIH. Des poursuites dans de telles circonstances vont à l’encontre des données scientifiques disponibles, qui démontrent que le risque de transmission est négligeable, voire nul. Un tel recours abusif au droit criminel ne contribue en rien à ralentir l’épidémie du VIH ; il éloigne les gens d’un accès à des services efficaces de prévention, de soins, de traitement et de soutien pour le VIH».

«Nous saluons la position exprimée aujourd’hui par des experts médicaux et des scientifiques des quatre coins du Canada et appuyée par l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada. Il est temps que le système de justice pénale canadien tienne compte de ce que la science révèle au sujet du VIH et de sa transmission ; ces preuves ne peuvent être légitimement écartées», conclut le réseau.

Criminalisation du VIH; Nouveau rapport canadien percutant

Wednesday, June 11th, 2014

ÉnoncÉ de consensus

Énoncé de consensus canadien sur le VIH et sa transmission dans le contexte du droit criminel

Mona Loutfy MD FRCPC MPH1, Mark Tyndall MD FRCPC ScD2, Jean-Guy Baril MD3, Julio SG Montaner MD FRCPC4, Rupert Kaul MD FRCPC PhD5, Catherine Hankins CM MD PhD CCFP FRCPC6

Énoncé de consensus canadien sur le ViH et sa transmission dans le contexte du droit criminel

intRoDUCtion : En raison, entre autres, d’une mauvaise apprécia- tion des données scientifiques liées au VIH, la justice criminelle est beaucoup trop mise à contribution contre les personnes qui vivent avec le VIH et ne divulguent pas leur séropositivité. MÉtHoDoLoGie : Afin de promouvoir une application de la loi canadienne fondée sur des données probantes, une équipe de six experts médicaux canadiens du VIH et de sa transmission a élaboré un énoncé de consensus sur la transmission sexuelle du VIH, sa transmis- sion par les morsures ou les crachats et son évolution naturelle. Cet énoncé repose sur une analyse bibliographique des données scienti- fiques les plus récentes et les plus pertinentes (en décembre 2013) au sujet du VIH et de sa transmission. Il est appuyé par plus de 70 autres experts du VIH au Canada et par l’Association pour la microbiologie médicale et l’infectiologie Canada.

RÉsULtAts : Les données scientifiques et médicales établissent clairement que le VIH est difficile à transmettre pendant les rela- tions sexuelles. Afin d’informer le système judiciaire, la possibilité réelle de transmission lors d’une relation sexuelle, d’une morsure ou d’un crachat est décrite le long d’un continuum de faible possibilité, de possibilité négligeable et d’aucune possibilité de transmission. Ce continuum tient compte des effets de facteurs comme le type d’acte sexuel, l’utilisation de condoms, la thérapie antirétrovirale et la charge virale. Les progrès considérables en matière de traitement du VIH ont transformé l’infection par le VIH en une maladie chronique gérable.

exPosÉ : Les médecins et les chercheurs spécialisés en VIH ont la responsabilité professionnelle et éthique d’aider les acteurs du système de justice criminelle à comprendre et interpréter la recherche sur le VIH. C’est essentiel pour éviter les erreurs judiciaires et pour écarter tout obstacle inutile aux stratégies de prévention du VIH fondées sur des données probantes.

M Loutfy, M tyndall, j-G baril, jsG Montaner, R Kaul, C Hankins. Canadian consensus statement on HiV and its transmission in the context of criminal law. Can j infect Dis Med Microbiol 2014;25(3):135-140.

intRoDUCtion: A poor appreciation of the science related to HIV contributes to an overly broad use of the criminal law against individuals living with HIV in cases of HIV nondisclosure. MetHoD: To promote an evidence-informed application of the law in Canada, a team of six Canadian medical experts on HIV and trans- mission led the development of a consensus statement on HIV sexual transmission, HIV transmission associated with biting and spitting, and the natural history of HIV infection. The statement is based on a literature review of the most recent and relevant scientific evidence (current as of December 2013) regarding HIV and its transmission. It has been endorsed by >70 additional Canadian HIV experts and the Association of Medical Microbiology and Infectious Disease Canada. ResULts: Scientific and medical evidence clearly indicate that HIV is difficult to transmit during sex. For the purpose of informing the justice system, the per-act possibility of HIV transmission through sex, biting or spitting is described along a continuum from low possibility, to negligible possibility, to no possibility of transmission. This possibil- ity takes into account the impact of factors such as the type of sexual acts, condom use, antiretroviral therapy and viral load. Dramatic advances in HIV therapy have transformed HIV infection into a chronic manageable condition.

DisCUssion: HIV physicians and scientists have a professional and ethical responsibility to assist those in the criminal justice system to understand and interpret the science regarding HIV. This is critical to prevent miscarriage of justice and to remove unnecessary barriers to evidence-based HIV prevention strategies.

Key Words: Chronic manageable condition; Consensus statement; Criminal law; HIV risks of transmission

Contexte et objeCtifs

En tant que médecins canadiens spécialistes du VIH et chercheurs en médecine, nous avons une responsabilité professionnelle et déo- ntologique de contribuer à la formulation des politiques et d’éclairer le système de justice criminelle dans des domaines qui touchent à la santé et au bien-être de nos patients et de la société canadienne.1 Nous avons développé le présent énoncé car nous sommes préoccupés par le recours excessif au droit criminel contre les personnes vivant avec le VIH au Canada du fait, notamment, d’une mauvaise appréciation de la

compréhension scientifique du VIH et de sa transmission. Nous som- mes inquiets car les acteurs du système de justice criminelle n’ont pas toujours interprété correctement les preuves médicales et scientifiques concernant la possibilité de transmission du VIH, et n’ont peut-être pas toujours réalisé que l’infection à VIH est une maladie chronique gérable, ce qui peut entrainer des erreurs judiciaires.

La transmission du VIH est un domaine de recherche scientifique dans lequel les résultats et la formulation d’opinions nécessitent sou- vent l’interprétation d’experts médicaux dûment qualifiés. Au cours

1Women’s College Research Institute, University of Toronto (Co-chair of the Canadian Experts on HIV and Transmission Team), Toronto; 2Division of Infectious Diseases, University of Ottawa (Co-chair of the Canadian Experts on HIV and Transmission Team), Ottawa, Ontario; 3University of Montreal, Montreal, Quebec; 4Division of AIDS, University of British Columbia, Vancouver, British Columbia; 5Division of Infectious Diseases, University of Toronto, Toronto, Ontario; 6Amsterdam Institute for Global Health and Development, University of Amsterdam, Amsterdam, The Netherlands

Contact et réimpression: Dr Mona Loutfy, Women’s College Research Institute, Women and HIV Research Program, 790 Bay Street, 7th floor, Suite 743, Toronto, Ontario M5G 1N8. Telephone 416-465-0756 ext 02, fax 416-351-3746, e-mail mona.loutfy@wchospital.ca

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Can J Infect Dis Med Microbiol 2014 1

Loutfy et coll

figure 1) Réduire la possibilité de transmission sexuelle du VIH

des trois dernières décennies, notre connaissance scientifique et médi- cale du VIH, des moyens de prévenir l’infection et d’optimiser le traitement des personnes vivant avec le VIH, a connu de grandes avancées.

Le présent énoncé représente notre opinion unanime en qualité d’experts sur la possibilité de transmission du VIH et la nature de l’infection à VIH. Bien qu’il soit, de manière inhérente, difficile d’étudier chaque acte sexuel en particulier, et bien que l’interprétation de la recherche en matière de transmission sexuelle du VIH soit com- plexe, il existe au sein des communautés scientifiques et médicales, un large consensus fondé sur plus de trois décennies de recherches. Pour formuler le présent énoncé de consensus, nous avons revu les preuves médicales et scientifiques les plus pertinentes et les plus fiables dans le domaine du VIH et de sa transmission. Cet énoncé décrit en termes clairs, concis et compréhensibles, notre opinion d’experts sur la trans- mission sexuelle du VIH, sur la transmission du VIH en cas de mor- sures et crachats, et sur l’infection à VIH en tant que maladie chronique gérable.

Nous avons développé cet énoncé dans le but spécifique d’informer le système de justice criminelle. Nous nous sommes efforcés de com- muniquer les preuves médicales et scientifiques d’une manière com- préhensible pour un non-initié instruit. Nous avons donc évité le recours excessif à une terminologie technique propre au domaine médical ou scientifique, ainsi qu’aux statistiques. Nous nous sommes également concentrés sur la possibilité de transmission du VIH entre des individus s’adonnant à un acte sexuel particulier, à un moment précis, car c’est de cela qu’il s’agit dans les affaires criminelles. Cet énoncé ne s’étend pas à la question de la transmission du VIH à l’échelle de la population en relation avec les efforts de prévention. Cet énoncé n’est pas destiné à être utilisé dans le contexte de la santé publique, ni dans le développement et la mise en œuvre de politiques et de programmes en matière de VIH, y compris de prévention, d’information, d’éducation ou de counselling.

LA PossibiLitÉ De tRAnsMission DU ViH Évaluer la possibilité de transmission du ViH
Nous évaluons la possibilité de transmission du VIH selon trois catégories : une faible possibilité de transmission, une possibilité négligeable de transmission et aucune possibilité de transmission. Nous avons défini et utilisé ces trois catégories aux fins d’informer le système de justice criminelle sur la possibilité de transmission du VIH d’une personne à une autre, dans des circonstances spécifiques et à un moment précis – autrement dit, sur la possibilité de transmission du VIH par acte. Nos trois catégories ne doivent pas être confondues avec les catégories de risque relatif de transmission du VIH traditionnelle- ment utilisées dans le domaine de la santé publique et allant du risque élevé à l’absence de risque.

Notre opinion d’experts est que les preuves scientifiques et médi- cales indiquent clairement que le VIH est difficile à transmettre lors de

rapports sexuels. Même les activités qui sont généralement étiquetées comme risquées, telles que la pénétration anale et la pénétration vagi- nale sans condom, comportent une possibilité de transmission par acte beaucoup plus faible que ce qui est généralement imaginé. Notre opin- ion d’experts est que la possibilité réelle de transmission du VIH par acte, que ce soit dans le cas de rapports sexuels, de morsure ou de crachat, se situe sur un continuum allant d’une faible possibilité de transmission à une possibilité négligeable de transmission à une absence de possibilité de transmission. (Figure 1)

faible possibilité : Les conditions de base pour la transmission du virus sont présentes. La majorité des cas de transmission du VIH, à l’échelle mondiale, est associée à ces activités. Bien que ces activités soient considérées comme les principaux modes de transmission, la possibilité de transmission par acte reste faible.

Possibilité négligeable : Les conditions de base pour la transmission du virus sont possiblement présentes. Des cas isolés de transmission ont été attribués à certaines de ces activités mais ils restent difficiles à confirmer. La capacité de transmission paraît négligeable et la trans- mission elle-même fortement improbable, voire impossible, dans la plupart des circonstances.

Aucune possibilité : Les conditions de base pour la transmission du virus ne sont pas présentes. Aucun cas de transmission n’a été rap- porté. Le virus n’est pas transmis par ces actes.

La transmission sexuelle du ViH
biologie et physiologie de la transmission du ViH :
La transmission du VIH dans le cadre de rapports sexuels est bien moins probable que ce qui est généralement présumé. En fait, le VIH est difficile à trans- mettre par voie sexuelle comparé à d’autres infections transmissibles sexuellement (ITS). L’exposition sexuelle au VIH ne comporte une possibilité de transmission du VIH que si certains liquides corporels spécifiques d’une personne séropositive au VIH entrent en contact avec certaines cellules spécifiques présentes dans le corps d’une per- sonne séronégative au VIH. Les trois liquides corporels qui jouent un rôle principal dans la transmission sexuelle du VIH sont le sperme (y compris le liquide pré-éjaculatoire), les sécrétions vaginales et les sécrétions rectales.2

Les liquides corporels qui contiennent le VIH peuvent entrainer une infection s’ils entrent dans le corps du partenaire sexuel à travers une muqueuse. Les muqueuses en cause dans la transmission sexuelle du VIH sont situées dans : (1) le prépuce et l’urètre du pénis; (2) le col utérin et le vagin; (3) l’anus et le rectum; et (4) la bouche et la gorge. Pour qu’il y ait transmission, le VIH doit d’abord vaincre les défenses cellulaires de la muqueuse et la réponse immunitaire du corps aux pathogènes, puis établir une infection dans des cellules immunitaires cibles. Il ne peut y avoir transmission qu’en présence d’une concentra- tion suffisamment élevée de virus dans le(s) liquide(s) corporel(s) de la personne séropositive au VIH.

facteurs importants affectant la transmission sexuelle du ViH

Les facteurs importants affectant la transmission sexuelle du VIH et qui sont pertinents à la formulation de notre opinion d’experts sont :

  • le type d’acte sexuel;
  • l’utilisation d’un condom; et

    • l’utilisation d’une thérapie antirétrovirale par la personne séropositive au VIH, de même que sa charge virale.

    type d’acte sexuel : Pour des raisons principalement biologiques, certains actes sexuels comportent une possibilité de transmission du VIH plus faible que d’autres. À facteurs égaux, le sexe oral comporte une possibilité de transmission considérablement plus faible que la pénétration vaginale ou anale. La pénétration anale, quant à elle, comporte une plus grande possibilité de transmission que la pénétra- tion vaginale.

    Utilisation d’un condom : Les condoms sont une pierre angulaire de la prévention du VIH. Les condoms de latex et de polyuréthane for- ment une barrière physique imperméable que le VIH ne peut traverser. Utilisés correctement, et en l’absence de bris, les condoms sont

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Can J Infect Dis Med Microbiol 2014

efficaces à 100% contre la transmission du VIH puisqu’ils empêchent le contact entre des liquides corporels contenant le VIH et les cellules cibles d’une personne séronégative. Des études populationnelles ont également démontré que, même en prenant en compte la possibilité d’éventuels cas d’utilisation incorrecte ou de bris de condoms, l’utilisation constante d’un condom réduit considérablement la possi- bilité de transmission du VIH. Lorsque notre énoncé de consensus aborde la possibilité de transmission du VIH dans le contexte de l’utilisation d’un condom, nous tenons pour acquis que le condom a été placé sur le pénis et porté tout au long du rapport sexuel et qu’il ne s’est pas brisé.

thérapie antirétrovirale et charge virale : Les médicaments utilisés pour traiter l’infection à VIH sont appelés « thérapie antirétrovirale ». Depuis le milieu des années 1990, des médecins spécialistes du VIH utilisent une combinaison de médicaments antirétroviraux pour gérer efficacement l’infection à VIH. La thérapie antirétrovirale empêche le VIH de se répliquer, ce qui réduit considérablement la quantité générale de VIH présente dans le corps – autrement appelée « charge virale ».

Au Canada, les tests de laboratoire couramment utilisés sont capables de détecter une charge virale supérieure à 40 copies de virus par millilitre de sang. Lorsque la concentration de VIH est inférieure au seuil de détection des tests de laboratoire, la personne séropositive au VIH est considérée comme ayant une charge virale « indétect- able ». La thérapie antirétrovirale a pour but de rendre la charge virale indétectable. La plupart des personnes vivant avec le VIH suivant une thérapie antirétrovirale parviennent à obtenir une charge virale indé- tectable. Une thérapie antirétrovirale efficace et une charge virale contrôlée conduisent à une amélioration de la fonction immunitaire et à une diminution considérable de la morbidité et de la mortalité.

De plus, parce que plus la charge virale est basse, plus la possibilité de transmission est faible, le fait de suivre une thérapie antirétrovirale efficace réduit de façon spectaculaire la possibilité de transmettre le VIH. Il est important de noter que certaines personnes ont une charge virale faible sans suivre de thérapie antirétrovirale parce que leur sys- tème immunitaire est capable de contrôler le VIH. Ces personnes ont également une possibilité réduite de transmettre le VIH lors de rap- ports sexuels. Bien que de faibles augmentations de la charge virale durant de courtes périodes puissent parfois être observées chez des personnes sous thérapie antirétrovirale efficace, ces hausses passagères ne sont pas le signe d’un « échec » du traitement et ne sont pas consi- dérées comme significatives sur le plan clinique. Il n’a pas été démontré qu’elles augmenteraient la possibilité de transmission du VIH lors de rapports sexuels.

La possibilité de transmission du ViH associée aux actes sexuels Pénétration vagino-pénienne : sans condom et sans thérapie antiré- trovirale efficace, la pénétration vagino-pénienne comporte une faible possibilité de transmission du VIH.

Lorsqu’un condom est utilisé ou que la personne séropositive au VIH suit une thérapie antirétrovirale efficace, la pénétration vagino-pénienne comporte une possibilité négligeable de transmission du VIH.

Il est communément admis que l’estimation de la probabilité de la transmission du VIH en cas de pénétration vagino-pénienne sans con- dom et sans thérapie antirétrovirale est d’un cas pour 1 000 actes. Les estimations fondées sur les études scientifiques les plus récentes font état de 4 et 8 cas de transmission pour 10 000 actes sexuels.

Certaines études suggèrent que la possibilité de transmission du VIH de l’homme à la femme est deux fois plus élevée que la possibilité de transmission du VIH de la femme à l’homme. La possibilité de transmission du VIH de l’homme à la femme diminue en cas d’éjaculation à l’extérieur du corps.

Des essais cliniques ont démontré que l’utilisation d’une thérapie antirétrovirale efficace par les personnes vivant avec le VIH entraîne une diminution très importante de la transmission du VIH. Dans l’ensemble, les données suggèrent que la possibilité de transmission sexuelle du VIH d’une personne séropositive à une personne séronéga- tive par pénétration vaginale sans condom s’approche de zéro lorsque

la personne séropositive au VIH suit une thérapie antirétrovirale et a une charge virale indétectable. Étant donné que la possibilité de trans- mission du VIH est déjà estimée comme proche de zéro, l’utilisation d’un condom, dans de telles circonstances, ne modifierait pas de façon significative la possibilité de transmission du VIH. Elle protégerait, en revanche, les deux partenaires contre d’autres ITS et un risque de grossesse non désirée.

Pénétration ano-pénienne : sans condom et sans thérapie antirétro- virale efficace, la pénétration ano-pénienne comporte une faible pos- sibilité de transmission du VIH.

Lorsqu’un condom est utilisé, la pénétration ano-pénienne com- porte une possibilité négligeable de transmission du VIH, peu importe que la personne séropositive au VIH suive une thérapie antirétrovirale efficace ou non.
Lorsque la personne séropositive au VIH suit une thérapie antirétrovir- ale efficace, la pénétration ano-pénienne comporte
probablement une possibilité négligeable de transmission du VIH, même si aucun con- dom n’est utilisé.

Il est communément admis que l’estimation de la probabilité de la transmission du VIH en cas de pénétration ano-pénienne sans condom et sans thérapie antirétrovirale est d’un cas pour 100 actes lorsque la personne séropositive est celle qui pénètre son partenaire, et d’un cas pour 1 000 actes lorsque la personne séropositive est celle qui reçoit la pénétration. La possibilité de transmission du VIH lors d’une pénétration anale diminue également lorsqu’il y a éjaculation à l’extérieur du corps.

Les données scientifiques publiées au sujet de l’impact d’une thérapie antirétrovirale efficace sur la transmission du VIH – incluant notam- ment le révolutionnaire essai clinique connu sous le nom de HPTN 052 (Cohen MS et coll., 2011) – proviennent principalement d’études réal- isées sur des couples hétérosexuels dont l’activité sexuelle principale était la pénétration vagino-pénienne. À l’heure actuelle, il n’existe pas de données suffisantes pour conclure qu’une thérapie antirétrovirale efficace offre un degré de protection similaire en cas de pénétration ano- pénienne à celui observé en cas de pénétration vagino-pénienne. Cependant, notre opinion d’experts est que l’amplitude de la diminution de la possibilité de transmission du VIH par voie vagino-pénienne, observée en présence d’une thérapie antirétrovirale efficace dans le cadre de l’étude HPTN 052, peut être extrapolée à la pénétration ano- pénienne lorsque la personne séropositive est celle qui reçoit la pénétra- tion. Compte tenu de l’effet protecteur considérable de la thérapie antirétrovirale efficace contre la transmission du VIH, cette amplitude de diminution peut aussi probablement être extrapolée à la pénétration ano-pénienne lorsque la personne séropositive est celle qui pénètre son partenaire. Cependant, étant donné que la possibilité biologique de transmission en cas de pénétration ano-pénienne est plus élevée lorsque la personne séropositive est celle qui pénètre son partenaire, nous avons besoin de plus de données scientifiques avant de pouvoir formuler une opinion plus définitive sur la possibilité de transmission dans un tel cas; possibilité que nous anticipons comme étant négligeable. L’utilisation d’un condom, dans de telles circonstances, protégerait les deux partenaires contre d’autres ITS. Des essais cliniques ayant pour objet d’estimer la possibilité de transmission du VIH associée à la pénétration ano-pénienne, donnée et reçue, lorsque la personne séropositive au VIH suit une thérapie antirétrovirale efficace sont aujourd’hui en cours. sexe oral : Le sexe oral, lorsqu’il est pratiqué par une personne séro- positive au VIH sur une personne séronégative ne comporte aucune possibilité de transmission du VIH.

sans condom et sans thérapie antirétrovirale efficace, le sexe oral pratiqué sur une personne séropositive au VIH comporte une possibi- lité négligeable de transmission du VIH.

Lorsqu’un condom est utilisé ou que la personne séropositive suit une thérapie antirétrovirale efficace, le sexe oral pratiqué sur une per- sonne séropositive au VIH comporte une possibilité négligeable de transmission du VIH.

Pratiquer le sexe oral, plutôt que la pénétration vaginale ou anale, est l’une des mesures de précaution qu’une personne peut prendre pour réduire la possibilité de transmission du VIH.

Can J Infect Dis Med Microbiol 2014

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Consensus sur le VIH dans le contexte du droit criminel

Loutfy et coll

Le sexe oral inclut les rapports bucco-péniens (fellation) et bucco- vaginaux (cunnilingus). Bien que certaines données limitées suggèrent que la transmission du VIH en cas de fellation pratiquée sur une per- sonne séropositive au VIH est plausible, la transmission dans de telles circonstances serait extrêmement rare. Une fellation sans éjaculation dans la bouche du partenaire séronégatif comporterait une possibilité de transmission du VIH plus faible qu’une fellation avec éjaculation. Aucun cas de transmission n’a jamais été définitivement associé au cunnilingus pratiqué sur une femme séropositive.

Aucune étude n’a encore été publiée au sujet de l’impact de la thérapie antirétrovirale sur la possibilité de transmission du VIH en cas de sexe oral. Cependant, compte tenu de la possibilité négligeable associée à cette activité et de la capacité de la thérapie antirétrovirale à réduire radicalement la possibilité de transmission, notre opinion d’experts est que la possibilité de transmission du VIH associée au sexe oral lorsque la personne séropositive suit une thérapie antirétrovirale efficace s’approche de zéro.

Autres facteurs affectant la transmission sexuelle du ViH

D’autres facteurs ont un impact sur la transmission du VIH, notam- ment les ITS et la circoncision masculine. Toutefois, l’influence de ces facteurs est éclipsée soit par l’utilisation du condom, soit par une thérapie antirétrovirale efficace chez la personne séropositive au VIH. Ces deux derniers facteurs ont un impact considérablement plus important que les ITS ou la circoncision masculine sur la possibilité de transmission du VIH.

La présence d’une ITS non traitée (en particulier si elle est ulcéra- tive) chez l’un ou l’autre des partenaires a été associée à une possibilité accrue de transmission du VIH. Toutefois, utilisés correctement et en l’absence de bris, les condoms sont efficaces à 100% pour bloquer la transmission du VIH, donc la présence d’une ITS n’augmenterait pas la possibilité de transmission dans de telles circonstances. Les études cliniques n’ont pas démontré de manière concluante de corrélation entre une augmentation de la possibilité de transmission du VIH et la présence d’une ITS chez les personnes qui suivent une thérapie antiré- trovirale efficace.

En Afrique, des essais cliniques à grande échelle ont révélé que la circoncision masculine réduit de près de deux tiers la possibilité de transmission du VIH d’une femme séropositive à un homme séronéga- tif en cas de pénétration.

La possibilité de transmission du ViH associée aux crachats ou morsures
Se faire cracher dessus par une personne séropositive au VIH ne repré- sente aucune possibilité de transmission du VIH.

Se faire morde par une personne séropositive au VIH ne représente une possibilité négligeable de transmission du VIH qu’en cas de mor- sure transperçant la peau et si la salive de la personne séropositive contient du sang. Autrement, se faire morde par personne séropositive au VIH ne représente aucune possibilité de transmission.

Les cas de transmission par morsures sont extrêmement rares et dif- ficiles à confirmer. La salive ne contient pas suffisamment de virus pour qu’il y ait transmission du VIH. De plus, une peau en bon état est une barrière efficace contre le virus. Dans les très rares cas où une infection à VIH a été attribuée à un cas de morsure comme cause probable de trans- mission, de graves blessures impliquant des dommages importants aux tissus (c.-à-d. à la peau) et la présence de sang ont été observés.

Le ViH en tAnt qUe
MALADie CHRoniqUe GÉRAbLe
Des avancées considérables ont transformé l’infection à VIH en une maladie chronique gérable. Cette transformation est démontrée par des études scientifiques faisant état de changements en termes de taux de décès, de causes de décès et d’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH. Il est désormais estimé que l’espérance de vie d’une per- sonne ayant contracté le VIH à l’âge de 20 ans est de 50 à 60 années de plus après le diagnostic et ce, grâce aux avancées en matière de

thérapie antirétrovirale.

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De récentes études de modélisation suggèrent que le taux de décès parmi certains groupes de personnes vivant avec le VIH se rapproche de celui de la population générale. En clair, au Canada et dans d’autres pays industrialisés où les soins de santé sont avancés, le VIH n’est plus mortel. En recevant des soins précoces et adéquats, les personnes vivant avec le VIH peuvent vivre longtemps et en santé.

Outre la réduction des décès parmi les personnes vivant avec le VIH, les causes de décès tendent elles aussi à évoluer, de maladies définissant le sida — c’est-à-dire d’infections comme la pneumonie pneumocystique (PCP) ou de cancers comme le sarcome de Kaposi — vers des causes non liées au VIH. De manière générale, les per- sonnes vivant avec le VIH qui ont accès aux soins ne meurent plus du sida mais des mêmes problèmes de santé que les personnes séronéga- tives. Les principales causes de décès sont, à présent, les maladies du cœur, du foie et des poumons ainsi que des cancers non liés au sida.

Enfin, bien que la stigmatisation du VIH et les discriminations persistent dans nos sociétés, la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH s’est considérablement améliorée avec l’arrivée de traitements efficaces.

ConCLUsion

L’opinion d’experts fournie dans le présent énoncé est fondée sur l’examen des preuves scientifiques et médicales les plus pertinentes et les plus fiables. En tant que chercheurs et médecins de premier rang dans le domaine du VIH au Canada, cet énoncé constitue notre opin- ion unanime d’experts sur la possibilité de transmission du VIH dans diverses circonstances ainsi que sur l’impact de l’infection à VIH sur la santé. Nous avons développé cet énoncé parce que nous avons une responsabilité professionnelle et déontologique d’aider les acteurs du système de justice criminelle à comprendre et à interpréter les preuves médicales et scientifiques existantes en la matière. Nous craignons que des erreurs judiciaires puissent être commises lorsque ces preuves ne sont pas comprises ou qu’elles sont mal interprétées.

ReMeRCieMents : Ce travail a été rendu possible grâce au soutien financier de la Elton John AIDS Foundation. Nous voudrions également remercier David McLay, James Wilton et Cécile Kazatchkine pour leur soutien en matière de recherches ainsi que le Comité sur les infections transmissibles sexuellement et par le sang (CITSS) de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour avoir partagé des informations sur ses travaux.

notes De bAs De PAGe : 1Association médicale canadienne, Code de déontologie de l’AMC (Mise à jour 2004). L’article 42 stipule : « Reconnaître la responsabilité de la profession envers la société à l’égard des questions qui ont trait à la santé publique, à l’éducation sur la santé, à la protection de l’environnement, à la législation touchant la santé ou le mieux-être de la communauté et à l’obligation de témoigner au cours de procédures judiciaires. » 2Il se peut que le sang puisse jouer un rôle dans la transmission sexuelle du VIH mais seulement dans des circonstances particulières, comme lors de rapports sexuels pendant les menstruations, ou de rapports sexuels particulièrement vigoureux causant des dommages à des tissus et des saignements importants.

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siGnAtAiRes

Dr Susan Ackland MD, HIV Primary Care, John Reudy Immunodeficiency Clinic, Vancouver, British Columbia
Dr Jonathan Angel MD FRCPC, Professor of Medicine, University of Ottawa, Ottawa, Ontario

Dr Tony Antoniou PharmD PhD FRCS(Gen), St Michael’s Hospital, Toronto, Ontario
Dr Gordon Arbess DFCM, Director, HIV Clinic, St Michael’s Hospital, Toronto, Ontario

Dr Ahmed Bayoumi MD MSc FRCPC Associate Professor of Medicine, University of Toronto, Toronto, Ontario
Dr Marissa Becker MD MSc FRCPC, Assistant Professor of Medicine, University of Manitoba, Winnipeg, Manitoba

Can J Infect Dis Med Microbiol 2014

  • Dr Philip Berger MD, Medical Director, Inner City Health Program, St Michael’s Hospital, Toronto, Ontario
  • Dr Jason Brophy MD MSc DTM FRCPC, Assistant Professor of Pediatrics, University of Ottawa, Ottawa, Ontario
  • Dr Jason Brunetta MD CCFP, HIV Primary Care, Maple Leaf Medical Clinic, Toronto, Ontario
  • Dr Bill Cameron MD FRCPC FACP, Professor of Medicine, University of Ottawa, Ottawa, Ontario
  • Dr Benny Chang MD CCFP, HIV Primary Care, Maple Leaf Medical Clinic, Toronto, Ontario
  • Dr Jeffrey Cohen MD, Medical Director, Windsor Regional Hospital HIV Care Program, Windsor, Ontario
  • Dr Curtis Cooper MD FRCPC, Associate Professor of Medicine, University of Ottawa, Ottawa, Ontario
  • Dr Ryan Cooper MD FRCPC, Assistant Professor of Medicine and Public Health, University of Alberta, Edmonton, Alberta
  • Dr Gregory Deans MD FRCPC MHSc, Clinical Assistant Professor of Infectious Diseases, University of British Columbia, Vancouver, British Columbia
  • Dr Joss De Wet MD MBChB CCFP, Clinical Associate Professor of Family and Community Medicine, University of British Columbia, Vancouver, British Columbia
  • Dr Philippe El-Helou MD FRCPC, Assistant Professor of Medicine, McMaster University, Hamilton, Ontario
  • Dr Abbas Ghavam-Rassoul MD MHSc CCFP, Assistant Professor of Clinical Public Health, University of Toronto, Toronto, Ontario
  • Dr Marie-Eve Goyer MD MSc, Centre Hospitalier de l’Université de Montréal, Montreal, Quebec
  • Dr Claude Fortin MD FRCPC, Assistant Professor, Département de microbiologie et immunologie, Université de Montréal, Montreal, Quebec
  • Dr Rick Glazier MD MPH, HIV Primary Care, St Michael’s Hospital, Toronto, Ontario
  • Dr Troy J Grennan MD FRCPC DTMH, Maple Leaf Medical Clinic, Toronto, Ontario
  • Dr John Goodhew MD, HIV Primary Care, Danforth Medical Arts Family Practice Walk-in Clinic, Toronto, Ontario
  • Dr Marianne Harris MD CCFP, Clinic Research Advisor, John Ruedy Immunodeficiency Clinic, Vancouver, British Columbia
  • Dr Stephen Helliar MD, Westside Community Health Centre,

    Saskatoon, Saskatchewan

  • Dr Robert Hogg, PhD, Professor of Health Sciences, Simon Fraser

    University, Vancouver, British Columbia

  • Dr Stan Houston MD FRCPC, Professor of Medicine & Public

    Health, University of Alberta, Edmonton, Alberta

  • Dr Mark A Joffe MD FRCPC, Professor of Medicine, University of

    Alberta, Edmonton, Alberta

  • Dr Blanka Jurenka MD CCFP, BC Women’s Hospital & Health

    Centre, Vancouver, British Columbia

  • Dr Ken Kasper MD FRCP, Assistant Professor of Medical

    Microbiology, University of Manitoba, Winnipeg, Manitoba

  • Dr Charu Kaushic PhD, Professor of Molecular Medicine, McMaster

    University, Hamilton, Ontario

  • Dr Jean-Paul Kerba MD, HIV Primary Care, Clinique l’Actuel,

    Montreal, Quebec

  • Dr Marina Klein MD MSc FRCPC, Associate Professor of Medicine,

    McGill University Health Centre, Montreal, Quebec

  • Dr Colin Kovacs MD FRCPC, HIV Primary Care, Maple Leaf

    Medical Clinic, Toronto, Ontario

  • Dr Dennis Kunimoto MD FRCPC, Professor of Medicine, University

    of Alberta, Edmonton, Alberta

  • Dr Richard G Lalonde MD FRCPC, Professor of Medicine, McGill

    University Health Centre, Montreal, Quebec

• Dr Bertrand Lebouché MD PhD, Assistant Professor in Family Medicine, McGill University Health Center, Montreal, Quebec

• Dr John MacLeod MD CCFP, Family Physician, Toronto, Ontario • Dr Barry Merkley MD CCFP, HIV Primary Care, Maple Leaf

Medical Clinic, Toronto, Ontario
• Dr John Onrot MD FRCPC, Clinical Professor of Medicine, St

Paul’s Hospital, Vancouver, British Columbia
• Dr Daire O’Shea MD MSc, Assistant Professor of Medicine,

University of Alberta, Edmonton, Alberta
• Dr Mario Ostrowski MD PhD, Professor of Medicine, University of

Toronto, Toronto, Ontario
• Dr Neora Pick MD FRCPC, Associate Professor of Medicine,

University of British Columbia, Vancouver, British Columbia
• Dr Jeff Powis MD FRCPC, Infectious Diseases, Toronto East

General Hospital, Ontario
• Dr Corinna Quan MD FRCPC, Windsor Regional Hospital,

Windsor, Ontario
• Dr Janet Raboud PhD, Professor of Biostatistics, University of

Toronto, Toronto, Ontario
• Dr Barbara Romanowski MD FRCPC, Clinical Professor of

Medicine, University of Alberta, Edmonton, Alberta
• Dr Stuart Rosser MD FRCPC, Assistant Professor of Medicine,

University of Alberta, Edmonton, Alberta
• Dr Danielle Rouleau MD FRCPC, Professor de microbiologie,

Infectiologie et Immunologie, Université de Montréal, Montreal,

Quebec
• Dr Jean-Pierre Routy MD FRCPC, Professor of Medicine, McGill

University Health Center, Montréal, Québec
• Dr Gary Rubin MD CCFP, Assistant Professor of Medicine,

University of Toronto, Toronto, Ontario
• Dr Aida Sadr MD CCFP, HIV Primary Care, St Paul’s Hospital,

Vancouver, British Columbia
• Dr Walter Schlech MD FRCPC FACP, Professor of Medicine,

Dalhousie University, Halifax, Nova Scotia
• Dr Stephen Shafran MD FRCPC, Professor of Medicine, University

of Alberta, Edmonton, Alberta
• Dr Malika Sharma MD FRCPC, Division of Infectious Diseases,

University of Toronto, Toronto, Ontario
• Dr Ameeta Singh MD FRCPC, BMBS, MSc, Clinical Professor of

Medicine, University of Alberta, Edmonton, Alberta
• Dr Stuart Skinner MD FRCPC, Assistant Professor of Medicine,

University of Saskatchewan, Saskatoon, Saskatchewan
• Dr Fiona Smaill, MBChB FRCPC FRACP, Professor of Pathology and Molecular Medicine, McMaster University, Hamilton,

Ontario
• Dr Marek Smieja MD FRCPC MSc PhD, Associate Professor of

Pathology and Molecular Medicine, McMaster University,

Hamilton, Ontario
• Dr Marc Steben MD FCFP, Medical Director, Clinique l’Actuel,

Montreal, Quebec
• Dr Kris Stewart BScPharm MD FRCPC, Clinical Director,

Saskatchewan HIV Provincial Leadership Team, Saskatoon,

Saskatchewan
• Dr Sarah Stone MD CCFP, HIV Primary Care, John Ruedy

Immunodeficiency Clinic, Vancouver, British Columbia
• Dr Darrell Tan MD FRCPC PhD, Assistant Professor of Medicine,

University of Toronto, Toronto, Ontario
• Dr Geoffrey Taylor MD FRCPC, Professor of Medicine, University

of Alberta, Edmonton, Alberta
• Dr Rejean Thomas MD LMCC DHC, Founding President, Clinique

l’Actuel, Montreal, Quebec

• Dr Alice Tseng PharmD FCSHP AAHIVP, Assistant Professor of Pharmacy, University of Toronto, Toronto, Ontario

Can J Infect Dis Med Microbiol 2014

5

Consensus sur le VIH dans le contexte du droit criminel

Loutfy et coll

  • Dr Benoit Trottier MD CCFP, Medical Director of Research, Clinique l’Actuel, Montreal, Quebec
  • Dr Mark Wainberg PhD, Professor and Director, McGill University AIDS Centre, Montreal, Quebec
  • Dr Duncan Webster MD FRCPC, Saint John Regional Hospital, Saint John, New Brunswick
  • Dr Wendy Wobeser MD FRCPC, Associate Professor of Medicine, Queen’s University, Kingston, Ontario

    bibLioGRAPHie sÉLeCtiVe
    Des DonnÉes exAMinÉes
    Anglemyer A, Rutherford GW, Egger M, Siegfried N. Antiretroviral therapy for prevention of HIV transmission in HIV-discordant

    couples. Cochrane Database Syst Rev 2011;10:CD009153. <https://

    apps.who.int/rhl/reviews/CD009153.pdf>
    Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration. Life expectancy of

    individuals on combination antiretroviral therapy in high-income countries: A collaborative analysis of 14 cohort studies.
    Lancet 2008;372:293-9.

    Baggaley RF, White RG, Boily MC. Systematic review of orogenital HIV 1 transmission probabilities. Int J Epidemiol 2008;37:1255-65. <https://ije.oxfordjournals.org/content/37/6/1255>

    Baggaley RF, White RG, Boily MC. HIV transmission risk through anal intercourse: Systematic review, meta-analysis and implications for HIV prevention. Int J Epidemiol 2010;39:1048-63. <https://ije. oxfordjournals.org/content/39/4/1048.full>

    Baggaley RF, White RG, Hollingsworth TD, Boily MC. Heterosexual HIV-1 infectiousness and antiretroviral use: Systematic review of prospective studies of discordant couples. Epidemiology 2013;24:110-21.

    Boily MC, Baggaley RF, Wang L, et al. Heterosexual risk of HIV-1 infection per sexual act: Systematic review and meta-analysis of observational studies. Lancet Infect Dis 2009;9:118-29.

    Cohen MS, Chen YQ, McCauley M, et al. Prevention of HIV-1 infection with early antiretroviral therapy. N Engl J Med 2011;365:493-505. <https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/ NEJMoa1105243>

    Crum NF, Riffenburgh RH, Wegner S, et al; Triservice AIDS Clinical Consortium. Comparisons of causes of death and mortality rates among HIV-infected persons: Analysis of the pre-, early, and late HAART (highly active antiretroviral therapy) eras. J Acquir Immune Defic Syndr 2006;41:194-200.

    Jin F, Jansson J, Law M, et al. Per-contact probability of HIV transmission in homosexual men in Sydney in the era of HAART. AIDS 2010;24:907-13. <https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/ PMC2852627/>

• Dr Alexander Wong MD FRCPC, Assistant Professor of Medicine, University of Saskatchewan, Regina, Saskatchewan

• Dr Mark Yudin MD MSc FRCSC, Associate Professor of Obstetrics and Gynecology, University of Toronto, Toronto, Ontario

• The Association of Medical Microbiology and Infectious Disease Canada, Ottawa, Ontario

Loutfy MR, Wu W, Letchumanan L, et al. Systematic review of HIV transmission between heterosexual serodiscordant couples where the HIV positive partner is fully suppressed on antiretroviral therapy. PLoS ONE 2013;8:e55747. <https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/ articles/PMC3572113/>

Nakagawa F, Lodwick RK, Smith CJ, et al. Projected life expectancy of people with HIV according to timing of diagnosis.
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Nakagawa F, May M, Phillips A. Life expectancy living with HIV: Recent estimates and future implications. Curr Opin Infect Dis 2013;26:17-25.

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Rodger AJ, Lodwick R, Schechter M, et al; INSIGHT SMART, ESPRIT Study Groups. Mortality in well controlled HIV in the continuous antiretroviral therapy arms of the SMART and ESPRIT trials compared with the general population. AIDS 2013;27:973-9. <https://journals.lww.com/aidsonline/documents/mortality_in_well_ controlled_HIV_QAD_27_6.pdf>

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6

Can J Infect Dis Med Microbiol 2014

VIH-sida: les gens atteints de charge virale faible plus tenus d’informer leurs partenaires

Monday, October 8th, 2012

Le Soleil

La Cour suprême du Canada statue qu’une personne atteinte du VIH-sida n’est plus tenue d’informer son partenaire sexuel de son état de santé si sa charge virale est faible et que la relation est protégée par un condom.

Dans deux jugements unanimes dévoilés vendredi, le plus haut tribunal du pays a ainsi établi les balises selon lesquelles une personne séropositive doit déclarer sa condition médicale avant une relation sexuelle.

C’est en 1998 que la Cour suprême abordait pour la première fois la question du VIH en droit criminel. À cette époque, elle avait jugé qu’une personne a l’obligation de divulguer sa séropositivité au VIH avant tout contact sexuel comportant un «risque important» de transmission.

Jusqu’ici, le droit criminel permettait de déposer des accusations de voies de fait graves et d’agression sexuelle contre toute personne qui maintenait son partenaire dans l’ignorance, que celui-ci pose la question ou pas. Douze ans plus tard, la Cour vient nuancer son jugement.

Aux yeux des juges, une charge virale faible et le port du condom représentent une absence de possibilité réaliste de transmission du VIH et empêche de conclure à l’existence d’un acte criminel.

La Cour suprême s’est basée sur l’examen de deux causes, l’une au Manitoba et l’autre au Québec.

Dans cette dernière, une femme a eu une relation sexuelle non protégée avec son partenaire, sans lui révéler sa séropositivité. Après qu’elle eut dévoilé son état, ils ont vécu quatre ans ensemble. Ce n’est qu’après la séparation que son ex-conjoint a porté plainte, même s’il n’avait pas contracté le VIH.

Déclarée coupable d’agression sexuelle et de voies de fait graves par le juge du procès, elle a ensuite été acquittée par la Cour d’appel parce que sa charge virale était indétectable et que le risque de transmission était très faible. Elle n’aurait pas, selon la Cour d’appel, exposé son ex-conjoint à «un risque important de préjudice grave».

La Cour suprême a confirmé l’acquittement, tout en précisant que le port du condom est aussi requis pour diminuer le risque de transmission de façon à éviter des accusations criminelles. Ici, la Cour a conclu qu’il n’avait pas été démontré que le couple avait omis d’utiliser un condom.

«La possibilité réaliste de transmettre le VIH crée un risque important de lésions corporelles graves. Ce risque est écarté à la fois par une charge virale faible et par l’usage du condom», a tranché la juge en chef de la Cour suprême, Beverley McLachlin.

Dans la seconde affaire au Manitoba, un homme a été condamné pour plusieurs agressions sexuelles sur quatre femmes parce qu’il ne leur a pas dévoilé sa séropositivité. Pour trois d’entre elles, il avait une charge virale faible, mais ne portait pas de condom. Dans ces cas, la Cour suprême a maintenu les déclarations de culpabilité. Cependant, elle a annulé la condamnation de l’individu concernant une quatrième plaignante avec qui il avait utilisé le condom.

Seulement le VIH

Les conclusions de la cour ne s’appliquent pas dans le cas d’autres maladies transmissibles sexuellement.

«Le critère de la possibilité réaliste de transmission proposé dans les présents motifs ne vaut que pour le VIH», tient à préciser la Cour. «Rappelons que le “risque important” tient à la fois de la gravité du préjudice et de l’ampleur du risque de transmission, deux facteurs inversement proportionnels».

«Une maladie transmise sexuellement et qui est traitable et qui ne bouleverse pas l’existence ni ne réduit sensiblement l’espérance de vie pourrait très bien ne pas emporter de lésions corporelles graves et de ce fait ne pas satisfaire à l’exigence de mise en danger de la vie que comporte l’infraction d’agression sexuelle grave», peut-on aussi lire dans le jugement.

https://www.gayglobe.us

Arrêt de la Cour Suprême du Canada dans les dossiers de criminalisation SIDA (Mabior)

Friday, October 5th, 2012

EXCLUSIF: La Cour Suprême du Canada fait jurisprudence et déclare qu’une personne séropositive dont la charge virale est faible ou indétectable n’a pas à déclarer à ses partenaires sexuels qu’elle est séropositive si elle utilise un condom,

contrairement à l’ancienne doctrine. Toutefois, elle confirme qu’une personne séropositive doit obligatoirement utiliser le condom. Elle ne se prononce toutefois pas sur une personne dont la charge virale est indétectable totalement sauf pour dire que les Tribunaux peuvent déterminer au cas par cas de la criminalité de ces personnes selon le contexte. https://csc.lexum.org/fr/2012/2012csc47/2012csc47.html
Voici le jugement intégral:

COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : R. c. Mabior, 2012 CSC 47 Date : 20121005

Dossier : 33976

 

Entre :

Sa Majesté la Reine

Appelante

et

Clato Lual Mabior

Intimé

- et -

Réseau juridique canadien VIH/sida, HIV & AIDS Legal Clinic Ontario,

Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Positive Living Society of British Columbia, Société canadienne du sida, Toronto People With AIDS Foundation, Black Coalition for AIDS Prevention, Réseau canadien autochtone du sida, Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique, Criminal Lawyers’ Association of Ontario, Association des avocats de la défense de Montréal et

Institut national de santé publique du Québec

Intervenants

 

 

 

Traduction française officielle

 

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 110)

La juge en chef McLachlin (avec l’accord des juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis)

 

Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.

 

 


 


r. c. mabior

Sa Majesté la Reine Appelante

c.

Clato Lual Mabior Intimé

et

Réseau juridique canadien VIH/sida,

HIV & AIDS Legal Clinic Ontario, Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Positive Living Society of British Columbia, Société canadienne du sida, Toronto People With AIDS Foundation,

Black Coalition for AIDS Prevention, Réseau canadien autochtone du sida,

Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique,

Criminal Lawyers’ Association of Ontario,

Association des avocats de la défense de Montréal et

Institut national de santé publique du Québec Intervenants

Répertorié : R. c. Mabior

2012 CSC 47

No du greffe : 33976.

2012 : 8 février; 2012 : 5 octobre.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Rothstein, Cromwell, Moldaver et Karakatsanis.

en appel de la cour d’appel du manitoba

Droit criminel — Agression sexuelle grave — Consentement — Fraude — Omission de révéler la séropositivité — Accusé sous traitement aux antirétroviraux ayant des rapports sexuels protégés et non protégés tout en se sachant séropositif — La démarche établie dans R. c. Cuerrier, [1998] 2 R.C.S. 371, demeure‑t‑elle valable pour déterminer si la fraude vicie le consentement aux rapports sexuels? — L’omission de révéler la séropositivité lorsqu’il n’existe aucune possibilité réaliste de transmission du VIH peut‑elle constituer une fraude viciant le consentement? — Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, art. 265(3)c), 268, 273.

M a été inculpé de neuf chefs d’agression sexuelle grave par suite de son omission d’informer les neuf plaignantes de sa séropositivité avant d’avoir des rapports sexuels avec elles (al. 265(3)c) et art. 273 C. cr.).  Aucune des plaignantes n’a contracté le VIH.  La juge du procès a déclaré M coupable de six des chefs d’accusation et l’a acquitté des trois autres au motif qu’avoir des rapports sexuels en utilisant un condom lorsque la charge virale est indétectable n’expose pas le partenaire sexuel à un « risque important de lésions corporelles graves » comme l’exige l’arrêt Cuerrier.  La Cour d’appel a modifié la décision, concluant qu’une faible charge virale ou l’utilisation du condom pouvait écarter tout risque important.  Dès lors, M ne pouvait être déclaré coupable que de deux chefs, et la Cour d’appel a inscrit des acquittements pour les quatre autres.  Le ministère public a interjeté appel de ces acquittements.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli en partie, et les déclarations de culpabilité pour agression sexuelle grave sont rétablies relativement aux plaignantes S.H., D.C.S. et D.H. Le pourvoi est rejeté en ce qui concerne la plaignante K.G.

Dans l’arrêt Cuerrier, notre Cour établit que l’omission de révéler sa séropositivité peut constituer une fraude viciant le consentement aux relations sexuelles pour l’application de l’al. 265(3)c) C. cr. Étant donné que le VIH présente un risque de lésions corporelles graves, l’infraction applicable est celle d’agression sexuelle grave (art. 273 C. cr.).  Pour obtenir une déclaration de culpabilité sous le régime de l’al. 265(3)c) et de l’art. 273, le ministère public doit démontrer, hors de tout doute raisonnable, que le consentement du plaignant aux relations sexuelles est vicié par la fraude de l’accusé concernant sa séropositivité.  Le critère exige essentiellement deux choses : (1) un acte malhonnête (le mensonge sur l’état de santé ou l’omission de révéler la séropositivité) et (2) la privation (d’éléments d’information qui auraient causé le refus du plaignant d’avoir des relations sexuelles l’exposant à un risque important de lésions corporelles graves).  L’omission de révéler peut constituer une fraude lorsque le plaignant n’aurait pas donné son consentement s’il avait su que l’accusé était séropositif et lorsqu’un contact sexuel présente un risque important de lésions corporelles graves ou inflige effectivement de telles lésions.

Le critère issu de l’arrêt Cuerrier fait l’objet de deux critiques principales.  Premièrement, on lui reproche son caractère incertain en ce qu’il ne permet pas de départager clairement actes criminels et actes non criminels. Deuxièmement, il confère au droit criminel une portée soit trop grande, soit trop restreinte (le problème de la portée). Bien qu’il puisse être difficile à appliquer, le critère de l’arrêt Cuerrier demeure valable sur le plan des principes.  Il circonscrit avec justesse la portée du droit criminel — réprimer les actes qui exposent à un « risque important de lésions corporelles graves ». La notion de consentement qui le sous‑tend s’inspire de la sagesse de la common law (qui s’abstient de criminaliser toute tromperie incitant à consentir à un rapport sexuel) tout en accordant une grande importance au consentement.

L’exigence d’un « risque important de lésions corporelles graves » formulée dans l’arrêt Cuerrier doit être interprétée comme obligeant une personne à révéler sa séropositivité lorsqu’il existe une possibilité réaliste de transmission du VIH. Cette interprétation est étayée par l’évolution de la common law et des lois en matière de fraude viciant le consentement aux relations sexuelles. Elle est en outre dans le droit fil des valeurs d’autonomie et d’égalité de la Charte qui ont pour effet de protéger le droit de chacun de consentir ou non à des rapports sexuels avec une personne en particulier.  Aussi, cette interprétation tient dûment compte de la nature du préjudice causé par la transmission du VIH et elle ne place la barre ni trop haut ni trop bas pour qu’il puisse y avoir déclaration de culpabilité.  En l’absence de possibilité réaliste de transmission du VIH, l’omission de dévoiler sa séropositivité ne constitue pas une fraude viciant le consentement aux relations sexuelles pour l’application de l’al. 265(3)c).

Il appert généralement de la preuve admise au procès que la possibilité réaliste de transmission du VIH n’est pas établie dans la mesure où, (i) au moment considéré, la charge virale de l’accusé était faible et (ii) un condom a été utilisé.  Cet énoncé général n’empêche pas la common law de s’adapter aux futures avancées thérapeutiques et aux circonstances où des facteurs de risque différents sont en cause.

En l’espèce, les quatre plaignantes ont toutes consenti aux rapports sexuels avec M et témoigné qu’elles n’auraient pas eu ces rapports si elles avaient su que M était séropositif.  Il y a eu pénétration vaginale et éjaculation lors des rapports sexuels avec les quatre plaignantes.  Lors de ses relations sexuelles avec S.H., D.C.S. et D.H., M avait une charge virale faible, mais il n’a pas utilisé de condom. Les déclarations de culpabilité doivent donc être confirmées dans ces cas.  En ce qui concerne K.G., le dossier révèle que la charge virale de M était faible.  Combinée à l’utilisation du condom, cette charge virale faible n’a pas exposé K.G. à un risque important de lésions corporelles graves. Par conséquent, la déclaration de culpabilité prononcée dans ce cas doit être annulée.

Jurisprudence

Arrêt appliqué : R. c. Cuerrier, [1998] 2 R.C.S. 371; arrêts mentionnés : R. c. D.C., 2012 CSC 48; Proprietary Articles Trade Association c. Attorney‑General for Canada, [1931] A.C. 310; Reference re Validity of Section 5(a) of the Dairy Industry Act, [1949] R.C.S. 1, conf. par [1951] A.C. 179; Lord’s Day Alliance of Canada c. Attorney General of British Columbia, [1959] R.C.S. 497; La Reine c. Sault Ste‑Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299; Boggs c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 49; Skoke‑Graham c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 106; R. c. Roy, 2012 CSC 26, [2012] 2 R.C.S. 60; R. c. Beatty, 2008 CSC 5, [2008] 1 R.C.S. 49; The Queen c. Clarence (1888), 22 Q.B.D. 23; R. c. Flattery (1877), 13 Cox C.C. 388; R. c. Dee (1884), 15 Cox C.C. 579; R. c. Bennett (1866), 4 F. & F. 1105, 176 E.R. 925; R. c. Sinclair (1867), 13 Cox C.C. 28; Hegarty c. Shine (1878), 14 Cox C.C. 124, conf. par 14 Cox C.C. 145; Papadimitropoulos c. The Queen (1957), 98 C.L.R. 249; R. c. Harms (1943), 81 C.C.C. 4; Bolduc c. The Queen, [1967] R.C.S. 677; R. c. Petrozzi (1987), 35 C.C.C. (3d) 528; R. c. Lee (1991), 3 O.R. (3d) 726; R. c. Ssenyonga (1993), 81 C.C.C. (3d) 257; State c. Marcks, 41 S.W. 973 (1897) et 43 S.W. 1095 (1898); State c. Lankford, 102 A. 63 (1917); United States c. Johnson, 27 M.J. 798 (1988); United States c. Dumford, 28 M.J. 836 (1989); R. c. Maurantonio, [1968] 1 O.R. 145; R. c. Sharpe, 2001 CSC 2, [2001] 1 R.C.S. 45; Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), 2004 CSC 42, [2004] 2 R.C.S. 248; R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330; R. c. B., [2006] EWCA Crim 2945, [2007] 1 W.L.R. 1567; R. c. Mwai, [1995] 3 N.Z.L.R. 149; R. c. Find, 2001 CSC 32, [2001] 1 R.C.S. 863; R. c. Spence, 2005 CSC 71, [2005] 3 R.C.S. 458; Twining c. Morrice (1788), 2 Bro. C.C. 326, 29 E.R. 182; Conolly c. Parsons (1797), 3 Ves. 625n; Walters c. Morgan (1861), 3 De G. F. & J. 718, 45 E.R. 1056; R. c. McCraw, [1991] 3 R.C.S. 72; R. c. Jones, 2002 NBQB 340, [2002] N.B.J. No. 375 (QL); R. c. J.A.T., 2010 BCSC 766 (CanLII).

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés, art. 7.

Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, art. 265, 268, 271(1), 273.

Code criminel, 1892, S.C. 1892, ch. 29, art. 259b), 266.

Crimes Act 1958 (Vic.), art. 22, 23.

Crimes Act 1961 (N.‑Z.), 1961, No. 43, art. 145, 188(2).

Criminal Code Act (N.T.), art. 174C, 174D.

Criminal Law Consolidation Act 1935 (S.A.), art. 29.

Loi modifiant le Code criminel en matière d’infractions sexuelles et d’autres infractions contre la personne et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, S.C. 1980‑81‑82‑83, ch. 125, art. 19.

Offences against the Person Act, 1861 (R.‑U.), 24 & 25 Vict., ch. 100, art. 18, 20.

Doctrine et autres documents cités

Bingham, Tom.  The Rule of Law.  London : Allen Lane, 2010.

Boily, Marie‑Claude, et al. « Heterosexual risk of HIV‑1 infection per sexual act : systematic review and meta‑analysis of observational studies » (2009), 9 Lancet Infect. Dis. 118.

Burris, Scott, et al. « Do Criminal Laws Influence HIV Risk Behavior?  An Empirical Trial » (2007), 39 Ariz. St. L.J. 467.

Cohen, Myron S., et al. « Prevention of HIV‑1 Infection with Early Antiretroviral Therapy » (2011), 365 New Eng. J. Med. 493.

Grant, Isabel.  « The Prosecution of Non‑disclosure of HIV in Canada : Time to Rethink Cuerrier » (2011), 5 R.D.S.M. 7.

Leigh, L. H.  « Two cases on consent in rape » (2007), 5 Arch. News 6.

Nightingale, Brenda L.  The Law of Fraud and Related Offences. Scarborough, Ont. : Carswell, 1996 (loose‑leaf updated 2011, release 3).

Wainberg, Mark A.  « Criminalizing HIV transmission may be a mistake » (2009), 180 J.A.M.C. 688.

Weller, Susan C., and Karen Davis‑Beaty.  « Condom effectiveness in reducing heterosexual HIV transmission » (2002), 1 Cochrane Database Syst. Rev. CD003255.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba (les juges Steel, MacInnes et Beard), 2010 MBCA 93, 258 Man. R. (2d) 166, 261 C.C.C. (3d) 520, 79 C.R. (6th) 1, [2011] 2 W.W.R. 211, [2010] M.J. No. 308 (QL), 2010 CarswellMan 587, qui a annulé des déclarations de culpabilité d’agression sexuelle grave inscrites par la juge McKelvey, 2008 MBQB 201, 230 Man. R. (2d) 184, [2008] M.J. No. 277 (QL), 2008 CarswellMan 406.  Pourvoi accueilli en partie.

Elizabeth Thomson et Ami Kotler, pour l’appelante.

Amanda Sansregret et Corey La Berge, pour l’intimé.

Jonathan Shime, Corie Langdon, Richard Elliott et Ryan Peck, pour les intervenants le Réseau juridique canadien VIH/sida, HIV & AIDS Legal Clinic Ontario, la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Positive Living Society of British Columbia, la Société canadienne du sida, Toronto People With AIDS Foundation, Black Coalition for AIDS Prevention et le Réseau canadien autochtone du sida.

Michael A. Feder et Angela M. Juba, pour l’intervenante l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique.

P. Andras Schreck et Candice Suter, pour l’intervenante Criminal Lawyers’ Association of Ontario.

François Dadour, pour l’intervenante l’Association des avocats de la défense de Montréal.

Lucie Joncas et François Côté, pour l’intervenant l’Institut national de santé publique du Québec.

 

Version française du jugement de la Cour rendu par

 

La Juge en chef —

I. Aperçu

[1]           Le présent pourvoi soulève la question de savoir si une personne porteuse du VIH qui a des relations sexuelles sans révéler sa séropositivité commet une agression sexuelle grave.

[2]           La personne qui a des rapports sexuels avec une autre sans le consentement de cette dernière commet une agression sexuelle suivant l’art. 265 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46.  Dans l’arrêt R. c. Cuerrier, [1998] 2 R.C.S. 371, la Cour établit que l’omission d’informer le partenaire de sa séropositivité peut constituer une fraude viciant le consentement.  Étant donné que le VIH présente un risque de lésions corporelles graves, l’infraction applicable est celle d’agression sexuelle grave, dont la perpétration rend passible de la peine maximale d’emprisonnement à perpétuité (Cuerrier, au par. 95; art. 265, 268 et 273 du C. cr.).

[3]           Bien que l’arrêt Cuerrier définisse les éléments fondamentaux de l’infraction, les circonstances précises dans lesquelles l’omission de révéler sa séropositivité vicie le consentement et fait de l’activité sexuelle un acte criminel demeurent floues.  Les parties demandent à notre Cour de les clarifier.

[4]           Je conclus qu’une personne peut être déclarée coupable d’agression sexuelle grave en application de l’art. 273 du Code criminel lorsqu’elle omet de révéler sa séropositivité avant d’avoir des rapports sexuels et qu’il existe une possibilité réaliste qu’elle transmette le VIH.  Lorsque la charge virale de la personne séropositive est faible en raison d’un traitement et qu’il y a utilisation du condom, la condition de la possibilité réaliste de transmission n’est pas remplie, au vu de la preuve qui figure au dossier.

II. Contexte

[5]           L’intimé, M. Mabior, habitait Winnipeg et, chez lui, on faisait beaucoup la fête.  Les gens entraient et sortaient, y compris de nombreuses jeunes femmes.  L’alcool et la drogue abondaient.  À l’occasion, M. Mabior avait des relations sexuelles avec ses jeunes invitées, dont les neuf plaignantes en l’espèce.

[6]           M. Mabior n’a pas informé les plaignantes de sa séropositivité avant d’avoir des rapports sexuels avec elles; au contraire, il a dit à l’une d’elles qu’il n’avait aucune MTS.  Parfois, il enfilait un condom, d’autres fois non.  Il arrivait qu’un condom se brise ou soit retiré, et dans certains cas la nature précise de la protection n’est pas claire.  Huit des neuf plaignantes ont témoigné qu’elles n’auraient pas consenti aux rapports sexuels si elles avaient su que M. Mabior était séropositif.  Aucune n’a contracté le VIH.

[7]           M. Mabior a été inculpé de neuf chefs d’agression sexuelle grave (et autres infractions connexes) au motif qu’il a omis de révéler aux plaignantes sa séropositivité.  En défense, il a présenté des éléments de preuve selon lesquels il suivait un traitement et n’était pas infectieux ou ne présentait qu’un faible risque d’infection aux moments considérés.

[8]           La juge du procès a déclaré M. Mabior coupable de six chefs d’agression sexuelle grave (2008 MBQB 201, 230 man. R. (2d) 184).  Elle l’a acquitté des trois autres chefs au motif qu’avoir des rapports sexuels en utilisant un condom lorsque sa charge virale est indétectable n’expose pas le partenaire sexuel à un « risque important de lésions corporelles graves » comme l’exige l’arrêt Cuerrier.

[9]           M. Mabior a fait appel des six déclarations de culpabilité; le ministère public n’a pas interjeté appel des trois acquittements.  La Cour d’appel du Manitoba a modifié la décision de la juge du procès, concluant qu’une faible charge virale ou l’utilisation du condom (l’une ou l’autre) pouvait écarter tout risque important (2010 MBCA 93, 258 Man. R. (2d) 166).  Dès lors, M. Mabior ne pouvait être déclaré coupable que de deux chefs, et la Cour d’appel a inscrit des acquittements pour les quatre autres.  Le ministère public interjette appel de ces acquittements.  M. Mabior ne forme pas d’appel incident à l’encontre des deux déclarations de culpabilité confirmées par la Cour d’appel.

III. Les dispositions législatives

[10]        Les articles 265 et 273 du Code criminel disposent :

265. (1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :

a)  d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;

. . .

(2) Le présent article s’applique à toutes les espèces de voies de fait, y compris les agressions sexuelles . . . et les agressions sexuelles graves.

(3) Pour l’application du présent article, ne constitue pas un consentement le fait pour le plaignant de se soumettre ou de ne pas résister en raison :

. . .

c)  . . . de la fraude.

273. (1) Commet une agression sexuelle grave quiconque, en commettant une agression sexuelle, blesse, mutile ou défigure le plaignant ou met sa vie en danger.

(2) Quiconque commet une agression sexuelle grave est coupable d’un acte criminel passible :

. . .

b)  dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

IV. Les questions en litige

[11]        Les questions en litige sont les suivantes.

A. Que faut‑il entendre par « fraude » viciant le consentement à une activité sexuelle pour l’application de l’al. 265(3)c) du Code criminel?

(1) Difficultés découlant de l’interprétation actuelle de la « fraude » viciant le consentement :

a) l’incertitude;

b) la portée.

(2) Considérations présidant à l’interprétation :

a) les objectifs du droit criminel;

b) l’évolution de la fraude viciant le consentement aux relations sexuelles dans la common law et dans la loi;

c) les valeurs consacrées par la Charte;

d) la situation dans les autres ressorts de common law.

(3) Recherche d’une solution :

a) la tromperie active;

b) l’obligation absolue de révéler;

c) la prise en compte des faits de chaque espèce;

d) la connaissance d’office;

e) la distinction fondée sur la nature du lien entre les personnes;

f) la notion de partenaire raisonnable;

g) faire évoluer la common law.

(4) Possibilité réaliste de transmission du VIH.

V. Analyse

A. Que faut‑il entendre par « fraude » viciant le consentement à l’activité sexuelle pour l’application de l’al. 265(3)c) du Code criminel?

(1) Difficultés découlant de l’interprétation actuelle de la « fraude » viciant le consentement

[12]        Il y a quatorze ans, dans l’arrêt Cuerrier, notre Cour s’est penchée sur la notion de « fraude » visée à l’al. 265(3)c).  Le critère qu’ont établi les juges majoritaires peut être formulé de différentes manières, mais il exige essentiellement deux choses : (1) un acte malhonnête (le mensonge sur l’état de santé ou l’omission de révéler sa séropositivité) et (2) la privation (d’éléments d’information qui auraient causé le refus du plaignant d’avoir des relations sexuelles l’exposant à un risque important de lésions corporelles graves).

[13]        Les parties et la Cour d’appel du Manitoba en l’espèce, de même que la Cour d’appel du Québec dans le pourvoi connexe R. c. D.C., 2012 CSC 48, nous invitent à revoir le critère issu de l’arrêt Cuerrier.  Ce critère fait l’objet de deux critiques principales.  Premièrement, on lui reproche son caractère incertain en ce qu’il ne permet pas de départager clairement actes criminels et actes non criminels (d’où l’incertitude).  Deuxièmement, il conférerait au droit criminel une portée soit trop grande, soit trop restreinte (le problème de la portée).

[14]        Examinons d’abord le caractère incertain imputé au critère de l’arrêt Cuerrier.  L’une des exigences fondamentales de la règle de droit veut qu’une personne puisse savoir qu’un acte est criminel avant de l’accomplir.  La règle de droit exige que les lois délimitent à l’avance ce qui est permis et ce qui est interdit : lord Bingham, The Rule of Law (2010).  Condamner une personne pour un acte dont elle ne pouvait raisonnablement savoir qu’il était criminel est digne de l’univers kafkaïen et va à l’encontre de notre conception de la justice.  La condamnation d’un acte après coup est contraire au concept de liberté consacré à l’art. 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et elle répugne au système de justice canadien.

[15]        Le critère de l’arrêt Cuerrier se révèle incertain sur deux points : ce qu’il faut entendre par « risque important » et ce en quoi consistent les « lésions corporelles graves ».  Il s’agit de termes généraux susceptibles d’être interprétés différemment par différentes personnes.

[16]        S’agissant de la notion de « risque important », certains affirment que tout risque de lésions corporelles graves est pour ainsi dire important.  D’autres font valoir que pour être important le risque doit atteindre un degré élevé.  Les tenants de l’une et l’autre thèses invoquent des données statistiques.  Un risque de 1 % est‑il « important »?  Doit‑on plutôt fixer la barre à 10 % ou à 51 %, et pourquoi pas à 0,01 %?  Comment le poursuivant peut‑il le déterminer, et le juge trancher?  Et dans la mesure où ni les poursuivants, ni les avocats de la défense, ni les juges ne sont fixés sur ce point, comment le citoyen canadien ordinaire peut‑il s’y retrouver?  À cette incertitude fondamentale s’ajoute une multitude de variables susceptibles d’influer sur le risque réel d’infection.

[17]        On s’est aussi interrogé sur l’exigence d’un risque de « lésions corporelles graves ».  Certaines maladies transmissibles sexuellement (« MTS ») n’occasionnent guère plus qu’un inconfort temporaire qui peut être traité.  Or, même cet inconfort, tant qu’il persiste, peut être grave du point de vue de la victime.  D’autres MTS, comme le VIH, sont extrêmement graves, s’accompagnant de symptômes permanents et invalidants et entraînant parfois la mort.  Il existe entre ces deux pôles de nombreuses autres MTS, certaines plus débilitantes que d’autres.  Lesquelles sont suffisamment graves pour commander l’application du droit criminel?  L’arrêt Cuerrier n’offre pas de réponse claire.

[18]        L’incertitude inhérente aux notions de risque important et de lésions corporelles graves est d’autant plus grande que ces notions sont interreliées.  On fait valoir que plus la nature du préjudice est grave, moins la probabilité de transmission doit être grande pour qu’il y ait risque important de lésions corporelles graves.  Il ne s’agit donc pas d’une simple question de pourcentage de risque et de gravité de la maladie possible.  C’est l’interrelation entre les deux qui importe.

[19]        Dès lors, on se retrouve aux prises avec des calculs complexes qui empêchent souvent de savoir à l’avance si un acte donné constitue ou non un acte criminel pour les besoins de l’al. 265(3)c).  La seconde grande critique dont fait l’objet le critère de l’arrêt Cuerrier concerne sa portée.  Une interprétation trop large risque de criminaliser un acte malgré l’absence du degré de culpabilité morale et du risque de causer préjudice à autrui qui justifient l’application de la sanction la plus grave du droit criminel.  La déclaration de culpabilité assortie d’une peine d’emprisonnement, sans compter les stigmates qui s’y rattachent, est la sanction la plus grave que la loi puisse infliger, et on la réserve généralement à l’auteur d’un acte hautement coupable, un acte perçu comme préjudiciable à la société, répréhensible et inacceptable.  Elle requiert à la fois un acte coupable — l’actus reus — et une intention coupable — la mens rea — dont les paramètres doivent être clairement définis par la loi.

(2) Considérations présidant à l’interprétation

[20]        Fondamentalement, pour interpréter une disposition législative, il faut déterminer quelle était l’intention du législateur, ce qui requiert d’examiner le libellé en cause à la lumière de l’historique, du contexte et de l’objet de la disposition.

[21]        À première vue, le libellé de l’al. 265(3)c) ne renseigne guère sur le sens qu’entendait donner le législateur au mot « fraude », une notion empruntée à la common law.

[22]        Quatre considérations président à l’interprétation de la « fraude » viciant le consentement aux relations sexuelles : a) les objectifs du droit criminel, b) l’évolution de la notion dans la common law et dans la loi, c) les valeurs consacrées par la Charte, en particulier l’égalité, l’autonomie, la liberté, le droit à la vie privée et la dignité humaine, de même que d) la situation dans les autres ressorts de common law.  J’examine chacune de ces considérations successivement.

a) Les objectifs du droit criminel

[23]        L’interprétation de la fraude viciant le consentement aux relations sexuelles doit favoriser la réalisation des objectifs du droit criminel, notamment la détection, la prévention et la répression de la conduite criminelle, laquelle est constituée d’un acte fautif et d’une intention coupable.  La moralité imprègne le droit criminel, mais le législateur n’entend pas criminaliser toute forme d’immoralité.  L’objet principal du droit criminel est la réprobation publique d’actes fautifs en ce qu’ils portent atteinte à l’ordre public et sont si répréhensibles qu’ils justifient une sanction pénale : Proprietary Articles Trade Association c. Attorney‑General for Canada, [1931] A.C. 310; Reference re Validity of Section 5(a) of the Dairy Industry Act, [1949] R.C.S. 1, conf. dans [1951] A.C. 179; Lord’s Day Alliance c. Attorney‑General of British Columbia, [1959] R.C.S. 497; La Reine c. Sault Ste. Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299; Boggs c. La Reine, [1981] 1 R.C.S. 49; Skoke‑Graham c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 106.

[24]        Le droit établit une nette distinction entre la faute civile et la faute criminelle.  La conduite criminelle exige à la fois un acte fautif et une intention coupable.  Elle requiert un « haut degré de négligence » : R. c. Roy, 2012 CSC 20, [2012] 2 R.C.S. 60, au par. 32.  Comme le dit la juge Charron au nom des juges majoritaires dans l’arrêt R. c. Beatty, 2008 CSC 5, [2008] 1 R.C.S. 49, au par. 34 :

S’il faut considérer comme une infraction criminelle chaque écart par rapport à la norme civile, quelle qu’en soit la gravité, on risque de ratisser trop large et de qualifier de criminelles des personnes qui en réalité ne sont pas moralement blâmables.  Une telle approche risque de porter atteinte au principe de justice fondamentale voulant qu’une personne moralement innocente ne doive pas être privée de sa liberté.

Les conséquences éventuelles d’une déclaration de culpabilité d’agression sexuelle grave — qui peuvent aller jusqu’à l’emprisonnement à perpétuité — font ressortir l’importance d’interpréter l’al. 265(3)c) du Code criminel en mettant l’accent sur le caractère moralement blâmable de la conduite en cause.

b) La common law et l’historique législatif de la fraude viciant le consentement aux relations sexuelles

[25]        On relève trois périodes dans l’histoire de la common law en ce qui a trait à la fraude viciant le consentement aux relations sexuelles.  Dans un premier temps, les tribunaux ont estimé que l’omission d’une personne de révéler à un partenaire qu’elle était atteinte d’une grave maladie transmissible sexuellement pouvait constituer une telle fraude, et la personne fautive pouvait être reconnue coupable de viol ou de voies de fait.  Dans la décision The Queen c. Clarence (1888), 22 Q.B.D. 23, le tribunal a mis fin à ce courant et statué qu’il ne pouvait y avoir fraude qu’en cas de tromperie sur la nature sexuelle de l’acte ou sur l’identité du partenaire masculin.  Après maintes années d’application de la Charte, le retour à une conception plus large de la fraude viciant le consentement s’impose.

[26]        Les premières décisions rendues sur la question dont nous sommes aujourd’hui saisis résultent d’une interprétation extensive de la notion de consentement aux rapports sexuels, à savoir qu’un partenaire sexuel (toujours une femme à l’époque) était en droit de refuser un rapport sexuel et que son consentement ne devait pas être obtenu par la tromperie.  Les tribunaux privilégiaient alors une interprétation souple de la « fraude » viciant le consentement aux relations sexuelles.  Sans tenter de la définir, ils se montraient disposés à ce que la notion englobe les éléments fondamentaux du rapport sexuel.

[27]        Par exemple, dans R. c. Flattery, (1877) 13 Cox C.C. 388 (C.A.), une déclaration de culpabilité de viol a été confirmée dans le cas d’un exploitant de kiosque qui, lors d’une foire, avait eu des rapports sexuels avec une jeune femme de 19 ans en prétendant qu’il s’agissait d’un traitement médical.  La cour a statué que le consentement de la victime au contact physique avec l’accusé avait été vicié par la fraude, la victime n’ayant consenti qu’à une intervention chirurgicale, et non à un acte sexuel.

[28]        De même, il appert des premières décisions fondées sur la common law que l’usurpation de l’identité de l’époux — prétendre faussement être le mari de la victime — pouvait constituer une fraude viciant le consentement.  Dans R. c. Dee (1884), 15 Cox C.C. 579 (Ir.), le juge O’Brien ne laisse subsister aucun doute sur ce point :

[traduction]  Cela nous ramène à la question de ce en quoi consiste légalement le crime de viol.  C’est l’atteinte à l’intégrité physique d’une femme sans son consentement, et je ne vois aucune différence réelle entre l’acte commis sans son consentement et celui commis contre sa volonté, celui‑ci correspondant à la formulation de l’acte d’accusation, bien que lord Campbell fasse cette distinction, ou encore entre le refus du consentement et l’opposition.  Le consentement obtenu par le recours à la force ou à la tromperie, ou qui résulte de la crainte, de l’incapacité ou d’un état naturel n’en est pas un.  Le consentement doit viser non pas l’acte, mais l’acte avec la personne en cause — non dans l’abstrait, mais dans la réalité. . . . [p. 598]

[29]        Dans R. c. Bennett (1866), 4 F & F 1105, 176 E.R. 925, on a eu recours à un raisonnement semblable pour conclure que la dissimulation d’une maladie vénérienne équivalait à une fraude viciant le consentement :

[traduction]  Les voies de fait sont visées par la règle selon laquelle la fraude vicie le consentement, et par conséquent, si l’accusé, qui savait qu’il avait cette maladie honteuse, a incité sa nièce à coucher avec lui dans le but de la posséder, et l’a infectée alors qu’elle ignorait son état, tout consentement qu’elle peut avoir donné sera vicié, et l’accusé sera coupable d’attentat à la pudeur.  [p. 925]

[30]        Également, dans R. c. Sinclair (1867), 13 Cox C.C. 28, la Central Criminal Court conclut à la fraude viciant le consentement dans une affaire où l’accusé avait omis de révéler qu’il avait la gonorrhée.  Elle statue que dans le cas où la plaignante [traduction] « n’aurait pas donné son consentement si elle avait connu ce fait, son consentement est vicié par la tromperie dont elle a été victime, et l’accusé sera déclaré coupable de voies de fait » (p. 29).

[31]        Ces décisions se caractérisaient par une interprétation généreuse du consentement et des circonstances où la tromperie pouvait le vicier, une interprétation qui reconnaissait aux femmes en cause le droit de décider d’avoir ou non des rapports sexuels.  Toutefois, elles ont rapidement été écartées par une série de jugements qui ont débouché sur la décision Clarence.  La lecture des motifs rendus dans ces affaires nous fait plonger dans un univers étranger à notre sensibilité actuelle, celui de la moralité victorienne.

[32]        La décision qui amorce le changement de cap est Hegarty c. Shine (1878), 14 Cox C.C. 124 (H.C.J. Ir. (Q.B.D.)), une instance engagée au civil pour voies de fait.  Le maître des lieux, M. Shine, avait eu des relations sexuelles avec sa domestique pendant deux ans. Celle‑ci était devenue enceinte, puis avait donné naissance à un enfant.  La mère et l’enfant avaient contracté la syphilis.  La cour rejette l’action contre M. Shine sur le fondement de la règle ex turpi causa non oritur actio, la demanderesse étant victime de sa propre immoralité, que la loi ne pouvait approuver.  Au sujet de la fraude, les juges majoritaires opinent que cette notion ne s’applique qu’à l’erreur quant à la nature sexuelle de l’acte : [traduction] « dans la présente affaire, la défenderesse a activement consenti à la chose même, c’est‑à‑dire aux rapports sexuels, en ayant pleinement connaissance et conscience de la nature de l’acte » (p. 130).  La cour d’appel ((1878), 14 Cox C.C. 145) confirme que seule la tromperie sur la nature de l’acte peut vicier le consentement.  Elle déplore le triste sort fait à la victime, mais conclut que la loi n’y peut rien.

[33]        La décision Clarence marque la rupture définitive avec l’interprétation antérieure — plus extensive — de la fraude.  Elle confirme que la fraude ne peut vicier le consentement aux relations sexuelles que si la plaignante est trompée quant à la nature sexuelle de l’acte ou à l’identité de l’homme.  Dans cette affaire, les faits étaient simples et il s’agissait d’un couple marié.  Le mari n’avait pas dit à sa femme qu’il avait la gonorrhée et il la lui avait transmise.  Il a été accusé de voies de fait et d’infliction illicite de lésions corporelles.

[34]        Le fait que treize juges ont entendu l’affaire montre l’importance accordée à celle‑ci.  Ils statuent à raison de neuf contre quatre en faveur de l’acquittement du mari.  Les juges majoritaires estiment qu’on a jusqu’alors interprété trop largement la notion de fraude dans le contexte de relations sexuelles, et qu’il faut en limiter l’application aux situations où la plaignante a été trompée sur la nature sexuelle de l’acte ou sur l’identité de l’homme.  Dès lors s’est appliquée pendant près de cent ans la règle selon laquelle la fraude ne vicie le consentement aux rapports sexuels que si elle a trait à la « nature sexuelle de l’acte » ou à l’identité du partenaire sexuel.

[35]        L’opinion du juge Stephen résume le point de vue des juges majoritaires dans Clarence.  Il conclut que l’infraction d’infliction illicite de lésions corporelles ne pouvait avoir été perpétrée en l’espèce.  Le mari avait certes agi illicitement — infecter son épouse étant cruel et susceptible de prouver l’adultère, les dispositions sur le mariage l’interdisaient —, mais on ne pouvait affirmer qu’il avait infligé des lésions corporelles graves.  En effet, on considérait que l’« infliction de lésions corporelles graves » devait comporter une agression physique.  Le juge Stephen arrive à la conclusion que communiquer une maladie à autrui n’équivaut pas à l’agresser physiquement.

[36]        Le juge Stephen examine ensuite la question de l’obtention de relations sexuelles par la fraude.  Il estime que la seule fraude susceptible de vicier le consentement aux rapports sexuels est celle touchant à la nature des rapports ou à l’identité du partenaire sexuel.  La victime qui savait que l’acte était sexuel et qui n’a pas été trompée sur l’identité de son partenaire ne peut prétendre avoir été trompée ni soutenir que son « consentement » a été obtenu frauduleusement.  Le juge Stephen ajoute brièvement que ni R.c. Bennett ni R.c. Sinclair ne s’appliquent.

[37]        Le baron Pollock, également de la majorité, ajoute dans ses motifs que l’activité sexuelle d’un mari avec sa femme ne saurait être illicite (p. 63‑64).  Le mari possède des droits conjugaux sur sa femme, ce à quoi cette dernière a consenti en l’épousant.  Une fois mariée, l’épouse ne peut se soustraire aux exigences de son mari.  Suivant le raisonnement du baron Pollock, comme les actes sexuels entre époux sont licites, ceux accomplis par le mari, même lorsqu’ils revêtent un caractère cruel, doivent être tenus pour licites.

[38]        Le critère de l’arrêt Clarence a été reconnu dans tous les ressorts de common law et s’est appliqué jusqu’à une époque récente.  Une décision de 1957 de la Haute Cour d’Australie, Papadimitropoulos c. The Queen, (1957), 98 C.L.R. 249, illustre la rigueur de son application.  L’accusé avait incité la plaignante à avoir des rapports sexuels avec lui en lui faisant croire qu’ils étaient légalement mariés.  Il a été acquitté de l’accusation de viol.  La cour résume ainsi la règle :

[traduction]  L’affirmation selon laquelle elle a supposé qu’il était parfaitement moral d’avoir des relations sexuelles avec lui ne revient pas à dire qu’il n’y a pas eu consentement.  Pour revenir au point central, le viol consiste dans l’union charnelle avec une femme sans son consentement.  L’union charnelle s’entend de l’acte physique de la pénétration.  C’est le consentement à cet acte qui est requis.  Un tel consentement exige la connaissance de ce qui est sur le point de se produire, de l’identité de l’homme et de la nature de ce qu’il fait.  Mais dès lors que la personne consent véritablement et en toute connaissance, ce qui l’y a incité ne peut annuler la réalité du consentement et rendre l’homme coupable de viol.  [Je souligne; p. 261.]

[39]        Les opinions exprimées par les juges majoritaires dans Clarence ont trouvé écho dans le premier Code criminel canadien en 1892 (S.C. 1892, ch. 29).  Le législateur a défini strictement la fraude en matière de viol et d’attentat à la pudeur de manière qu’elle ne s’entende que des « fausses et frauduleuses représentations à l’égard de la nature et du caractère de l’acte » : al. 259b) et art. 266.  Le législateur donnait ainsi suite aux préoccupations des juges majoritaires dans Clarence.  Il n’y avait tromperie qu’en présence de « fausses et frauduleuses représentations » par opposition à la seule dissimulation, et l’objet de la fraude se limitait à la « nature et [au] caractère de l’acte ».  En conséquence, les tribunaux canadiens ont considéré que la décision Clarence établissait le droit applicable et ils ont continué de considérer que seule la fraude active quant à la nature de l’acte (son caractère sexuel) ou à l’identité du partenaire sexuel constituait une fraude viciant le consentement aux relations sexuelles : voir p. ex. R. c. Harms (1943), 81 C.C.C. 4 (C.A. Sask.); Bolduc c. The Queen, [1967] R.C.S. 677.

[40]        En 1983, le législateur a modifié le Code criminel pour créer l’actuel al. 265(3)c) : S.C. 1980‑81‑82‑83, ch. 125, art. 19.  La mesure s’inscrivait dans une réforme en profondeur du régime applicable aux infractions sexuelles en vue, notamment, de protéger l’intégrité de la personne et de purger le droit criminel de toute discrimination sexuelle.  La nouvelle disposition renvoyait seulement à la « fraude », laissant tomber les éléments « fausses et frauduleuses représentations » et « la nature et le caractère de l’acte » qui en limitaient la portée.  On pouvait certes y voir l’intention du législateur d’élargir la notion de « fraude », mais les tribunaux ont continué à interpréter cette notion restrictivement : voir R. c. Petrozzi (1987), 35 C.C.C. (3d) 528 (C.A.C.‑B.); R. c. Lee (1991), 3 O.R. (3d) 726 (Div. gén.); R. c. Ssenyonga (1993), 81 C.C.C. (3d) 257 (C. de l’Ont. (Div. gén.)).

[41]        À l’occasion, les tribunaux ont adopté une approche plus généreuse à l’égard des circonstances dans lesquelles la fraude pouvait vicier le consentement aux relations sexuelles.  Par exemple, les tribunaux américains se sont montrés plus enclins à déclarer l’accusé coupable de voies de fait ou de viol dans des circonstances semblables à celles de l’affaire Clarence : State c. Marcks, 41 S.W. 973 (1897), à la p. 973, et 43 S.W. 1095 (1898), aux p. 1097 et 1098; State c. Lankford, 102 A. 63 (Del. Ct. Gen. Sess., 1917), à la p. 64; United States c. Johnson, 27 M.J. 798 (A.F.C.M.R. 1988), à la p. 804; United States c. Dumford, 28 M.J. 836 (A.F.C.M.R. 1989, à la p. 839).  Au Canada, dans l’arrêt R. c. Maurantonio, [1968] 1 O.R. 145 (C.A.), le juge Hartt (ad hoc) conclut que [traduction] « les mots “la nature et le caractère de l’acte” . . . ne doivent pas être interprétés strictement et ne viser que l’acte concret accompli, mais doivent plutôt être interprétés comme englobant les circonstances concomitantes qui donnent un sens à cet acte » (p. 153).  Ce courant était cependant minoritaire.

[42]        Les affaires recensées ne sont évidemment pas nombreuses, ce qui s’explique par la portée concrète du critère énoncé dans la décision Clarence.  Il est évidemment rare qu’une femme consente à des relations sexuelles tout en pensant qu’il ne s’agit pas de relations sexuelles ou qu’un homme différent est en cause.  La personne qui se soumet à un examen médical pour finalement s’apercevoir qu’il s’agit plutôt d’un acte sexuel pourrait alléguer la fraude, car elle consent à un acte non pas sexuel, mais médical.  Suivant la décision Clarence et celles rendues dans sa foulée, lorsque la femme a consenti à l’acte sexuel avec l’homme en cause, peu importe qu’il y ait eu tromperie, l’homme ne peut pas être déclaré coupable d’un crime relativement à cet acte.  Il n’est pas surprenant que les répertoires juridiques recensent peu de cas de fraude viciant le consentement.  Le fait est que la fraude pouvait rarement vicier le consentement.

[43]        La common law canadienne en matière de fraude viciant le consentement aux rapports sexuels est maintenant entrée dans une troisième phase et a rompu avec la règle établie dans Clarence.  Les valeurs d’égalité, d’autonomie, de liberté, de droit à la vie privée et de dignité humaine que consacre la Charte commandent la pleine reconnaissance du droit de donner ou de refuser son consentement à des relations sexuelles.  C’est en ayant ces valeurs à l’esprit qu’il faut interpréter la notion de fraude visée à l’al. 265(3)c).  Le courant jurisprudentiel issu de la décision Clarence, qui réduisait la fraude à la question de la connaissance ou de l’ignorance du caractère sexuel de l’acte, n’a plus sa place dans la société canadienne.  Conclure que la plaignante consent au risque de contracter une maladie grave non révélée parce qu’elle sait que l’acte est sexuel heurte notre sensibilité moderne et les valeurs constitutionnelles actuelles.

c) Valeurs consacrées par la Charte

[44]        Les tribunaux doivent interpréter les lois en harmonie avec les normes constitutionnalisées par la Charte : R. c. Sharpe, 2001 CSC 2, [2001] 1 R.C.S. 45, au par. 33; Demande fondée sur l’art. 83.28 du Code criminel (Re), 2004 CSC 42, [2004] 2 R.C.S. 248, au par. 35.  Les valeurs consacrées par la Charte ont toujours leur place dans l’interprétation d’une disposition contestée du Code criminel.

[45]        Les valeurs constitutionnelles d’égalité, d’autonomie, de liberté, de droit à la vie privée et de dignité humaine revêtent une importance particulière lorsqu’il s’agit de définir la fraude qui vicie le consentement aux relations sexuelles.  L’ancienne conception étroite du consentement a été remplacée par une nouvelle selon laquelle chacun des partenaires sexuels est une personne autonome, égale et libre.  De nos jours, la répression de l’agression sexuelle vise à protéger le droit de refuser un rapport sexuel : l’agression sexuelle est répréhensible en ce qu’elle nie la dignité de la victime en tant qu’être humain.  C’est en fonction de ces valeurs qu’il faut interpréter la fraude visée à l’al. 265(3)c) du Code criminel.

[46]        Nous avons vu qu’avant l’adoption de la Charte en 1982 et la réforme du régime applicable aux infractions sexuelles en 1983, les tribunaux se montraient réticents à conclure à l’absence de consentement à des relations sexuelles et à l’annulation de ce consentement par la fraude.  Les règles de preuve et de procédure (telle l’ancienne règle voulant que le non‑consentement doive être étayé par la preuve d’un appel à l’aide lancé au voisinage immédiatement après l’agression sexuelle alléguée) ou l’empressement des juges à inférer le consentement de l’habillement ou de l’activité sexuelle antérieure ont fait en sorte que les tribunaux concluent systématiquement à l’existence du consentement.  Dans la même veine, la jurisprudence postérieure à la décision Clarence interprète elle aussi restrictivement la notion de fraude susceptible de vicier le consentement, estimant que celle‑ci n’intéresse que la nature sexuelle de l’acte et que la femme mariée ne peut l’invoquer car elle doit être soumise à son mari en toutes circonstances.

[47]        Après l’adoption de la Charte, le droit canadien a banni cette conception étriquée du consentement et de la fraude.  Des modifications apportées au Code criminel ont supprimé les fardeaux de preuve et les présomptions qui rendaient jusqu’alors difficile la preuve de l’absence de consentement.  Les tribunaux ont statué qu’on ne pouvait inférer le consentement de la manière dont était habillée la plaignante ni du fait qu’elle avait pu flirter : R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330.  Puis, en 1998, l’arrêt Cuerrier a marqué le retour à une interprétation généreuse de la fraude susceptible de vicier le consentement.

[48]        Dans l’esprit des valeurs d’égalité et d’autonomie que consacre la Charte, nous voyons aujourd’hui dans l’agression sexuelle non seulement un crime associé au préjudice émotionnel et physique causé à la victime, mais aussi l’exploitation illicite d’un être humain par un autre.  Se livrer à des actes sexuels avec une autre personne sans son consentement c’est la traiter comme un objet et porter atteinte à sa dignité humaine.  Même si la Charte n’est pas directement en cause, les valeurs qui la sous‑tendent doivent être prises en compte pour interpréter l’al. 265(3) du Code criminel.

d) La situation dans les autres ressorts de common law

[49]        Les parties et certains intervenants fondent leur thèse sur l’approche retenue à l’étranger.

[50]        Un examen comparatif révèle que les ressorts de common law criminalisent la transmission sexuelle effective du VIH lorsque la personne se sait séropositive et que son partenaire ne consent pas de façon éclairée à s’exposer au risque d’infection.  Certains ressorts considèrent la transmission du VIH sans révélation préalable de la séropositivité comme une infraction de voies de fait, et non une infraction de caractère sexuel.  La transmission sans révélation préalable a fait l’objet, en Angleterre, de poursuites pour infliction insouciante de lésions corporelles sur le fondement de l’art. 20 de The Offences Against the Person Act, 1861, 24 & 25 Vict., ch. 100), en Australie, dans l’État de Victoria, de poursuites pour [traduction]  « conduite ayant mis en danger la vie d’autrui» (art. 22 de la Crimes Act 1958 (Vic.)) et, en Nouvelle‑Zélande, de poursuites pour, notamment, [traduction] « indifférence insouciante à l’égard de la sécurité d’autrui . . . ayant causé des lésions corporelles graves » (par. 188(2) de la Crimes Act 1961).  Voir I. Grant, « The Prosecution of Non‑Disclosure of HIV in Canada : Time to Rethink Cuerrier » (2011), 5 M.J.L.H 7, aux p. 31 à 41.

[51]        Cependant, de nombreux pays ne criminalisent pas la tromperie qui expose le partenaire à un risque de transmission, sans toutefois entraîner la transmission effective du VIH.  En Angleterre, le fait d’exposer son partenaire au VIH sans lui révéler sa séropositivité ne vicie pas le consentement.  La fraude ne vicie le consentement que si elle touche [traduction] « à la nature ou à l’objet de l’acte », ce qui exclut la tromperie quant à la séropositivité : R. c. B., [2006] EWCA Crim 2945, [2007] 1 W.L.R. 1567, au par. 12.  Théoriquement, en Angleterre, le poursuivant peut, lorsque la séropositivité n’a pas été dévoilée, invoquer l’art. 18 de The Offences against the Person Act, qui criminalise l’infliction délibérée d’un préjudice, et soutenir qu’il y a eu tentative d’infliction délibérée d’un préjudice.  Cependant, la grande difficulté [traduction] « de prouver que l’intention de la personne était de transmettre sexuellement le VIH (et non seulement d’avoir une relation sexuelle non protégée) » est de nature à dissuader le poursuivant (Grant, à la p. 32).

[52]        En Australie, six des neuf ressorts ne criminalisent pas l’exposition lorsqu’il n’y a pas transmission du virus.  Parmi les trois États qui la criminalisent (au moyen des dispositions suivantes : Crimes Act 1958 (Vic.), art. 22 et 23; Criminal Law Consolidation Act 1935 (S.A.), art. 29; Criminal Code Act (N.T.), art. 174C et D), deux (Victoria et le Territoire‑du‑Nord) prévoient des infractions moindres lorsque aucune transmission ne résulte de l’exposition.

[53]        En Nouvelle‑Zélande, la responsabilité tient entre autres au fait qu’il y a eu ou non transmission.  Lorsque le VIH n’est pas transmis, celui qui a omis de révéler sa séropositivité avant un rapport sexuel fait l’objet de l’infraction moindre de nuisance criminelle (art. 145 de la Crimes Act, 1961; R. c. Mwai, [1995] 3 N.Z.L.R 149 (C.A.)).

[54]        Le professeur Grant résume comme suit ce qui différencie l’approche canadienne de celle retenue en Angleterre, en Australie et en Nouvelle‑Zélande :

[traduction]  Au Canada, la même accusation d’agression [sexuelle] grave est généralement portée peu importe la nature de la tromperie, que le virus soit transmis ou non ou que l’omission de révéler constitue un acte isolé ou habituel.  . . . Dans tous les autres ressorts [considérés dans l’étude], l’infraction reprochée est celle d’infliction d’un préjudice corporel, et non celle de contact sexuel sans consentement. [par. 42]

[55]        Bien que les solutions retenues dans les autres ressorts de common law ne nous lient pas, elles mettent en garde contre un accroissement indu de la portée du droit criminel dans ce domaine complexe et nouveau du droit.

(3) Recherche d’une solution

[56]        Nous avons examiné la nécessité d’un critère clair et adapté qui permette de déterminer l’existence d’une fraude viciant le consentement pour l’application de l’al. 265(3)c) du Code criminel lorsque la séropositivité n’est pas révélée.  Nous avons donc retenu quatre éléments susceptibles de nous guider dans l’interprétation de cette disposition, à savoir la juste portée du droit criminel, l’origine de la notion de fraude en common law et dans la loi, les valeurs consacrées par la Charte et l’approche d’autres pays à l’égard de non‑révélation de la séropositivité.  Dès lors, la question est essentiellement celle de savoir dans quelles circonstances précises l’omission de révéler la séropositivité équivaut à une fraude viciant le consentement pour l’application de l’al. 265(3)c).

[57]        Il appert des quatre éléments d’interprétation que le critère établi dans l’arrêt Cuerrier demeure valable sur le plan des principes et des conséquences.  Rappelons que ce critère exige la preuve de deux choses : (1) un acte malhonnête et (2) une privation.  De façon générale, la première s’entend de l’information inexacte sur la séropositivité ou de l’omission de révéler celle‑ci, et la seconde s’entend de manière tout aussi générale de l’exposition à un « risque important de lésions corporelles graves ».

[58]        Bien qu’il puisse être difficile à appliquer, le critère de l’arrêt Cuerrier demeure valable sur le plan des principes.  Il circonscrit avec justesse la portée du droit criminel — réprimer les actes qui exposent à un « risque important de lésions corporelles graves ».  Il respecte les valeurs constitutionnelles d’autonomie, de liberté et d’égalité, et il tient compte de l’évolution de la common law, soit la rupture justifiée avec le courant jurisprudentiel issu de l’arrêt Clarence.  La notion de consentement qui le sous‑tend s’inspire de la sagesse de la common law (qui s’abstient de criminaliser toute tromperie incitant à consentir à un rapport sexuel) tout en accordant une grande importance au consentement.  Il est vrai que, dans l’arrêt Cuerrier, la Cour repousse les limites du droit criminel plus loin que n’importe quel tribunal d’un autre ressort de common law. Toutefois, on peut soutenir que ce sont les autres tribunaux qui ne sont pas allés assez loin : voir L.H. Leigh, « Two Cases on consent in rape » (2007), 5 Arch. News 6.

[59]        Certains intervenants s’opposent à ce que la transmission du VIH relève du droit criminel parce que les gens pourraient hésiter à se faire traiter ou à dévoiler leur état, ce qui accroîtrait le risque pour la santé couru par le porteur du virus et les personnes avec lesquelles il a des rapports sexuels.  Je ne saurais faire droit à cette thèse à partir du dossier qui nous est présenté.  Les seuls « éléments de preuve » présentés par les intervenants à cet égard sont des études selon lesquelles il est « probable » que la criminalisation dissuade les gens de subir un test de dépistage du VIH : voir notamment M. A. Wainberg, « Criminalizing HIV transmission may be a mistake » (2009), 180 C.M.A.J. 688.  Selon d’autres études, les comportements observés dans les États qui ont opté pour la criminalisation diffèrent peu de ceux observés dans les États qui n’ont pas opté pour elle : S. Burris, et al., « Do Criminal Laws Influence HIV Risk Behavior?  An Emperical Trial » (2007), 39 Ariz. St. L.J. 467, à la p. 501.  Il s’agit de conclusions tirées sous toute réserve, et les études n’ont été ni produites en preuve, ni mises à l’épreuve dans le cadre d’un contre‑interrogatoire.  Elles n’offrent pas l’assise qui nous justifierait de modifier le rôle reconnu au droit criminel dans ce domaine.

[60]        Le critère de l’arrêt Cuerrier ne devrait donc pas être écarté.  Certes, il convient de remédier aux problèmes d’incertitude et de juste portée que soulève son application, mais dans le plus grand respect possible du cadre général établi par l’arrêt Cuerrier.  Je passe maintenant aux solutions préconisées pour remédier aux problèmes d’incertitude et de portée excessive rencontrés dans l’application du critère de l’arrêt Cuerrier.

a) La tromperie active

[61]        L’un des moyens de résoudre les problèmes d’incertitude et de portée liés à l’application de l’arrêt Cuerrier consisterait à ramener le concept d’acte malhonnête à celui de tromperie active, à savoir une déclaration nettement trompeuse ou un mensonge en réponse à une question claire.

[62]        Cette avenue remédierait en grande partie à l’incertitude.  Chacun saurait qu’il ne commet pas de crime s’il ne fait pas de déclaration trompeuse ni ne ment en réponse à une question claire.  L’approche apporterait également une solution à la portée apparemment excessive du droit criminel.  En effet, la définition plus stricte de la fraude empêcherait de criminaliser la conduite de celui qui, par inadvertance ou par négligence, omet de révéler sa séropositivité.

[63]        Cette piste de solution bénéficie d’un certain appui.  Selon les motifs concordants que j’ai rédigés dans l’arrêt Cuerrier, il y a fraude lorsque « la personne affirme qu’elle n’est pas malade » (par. 72; avec le concours du juge Gonthier).  Certains ont accueilli favorablement cette interprétation axée sur la « tromperie active » : voir Leigh, à la p. 7.

[64]        Cependant, cette approche soulève quelques difficultés, la première étant qu’il peut être ardu de distinguer tromperie active et tromperie passive par omission de révéler.  Tout dépend des circonstances.  La prise en compte du contexte brouille la ligne de démarcation entre l’acte criminel et l’acte non criminel.  Les propos échangés avant des ébats sexuels ne sont pas toujours des modèles de clarté.  Les gens ne s’expriment généralement pas de manière précise, et les gestes peuvent se substituer aux mots.  Par exemple, hocher la tête de gauche à droite en réponse à une question sur la séropositivité constitue‑t‑il une véritable dénégation de celle‑ci?  De plus, il peut arriver qu’en raison de propos ou de faits antérieurs, le partenaire ait tout lieu de conclure à l’absence de maladie.  Le juge du procès peut assurément démêler des données factuelles complexes et décider s’il y a eu ou non un acte trompeur.  Il n’en demeure pas moins que le critère pourrait ne pas faire ressortir totalement ou suffisamment la tromperie sous‑jacente à une fraude en particulier, de sorte qu’il pourrait se révéler difficile à appliquer en pratique.

[65]        La seconde difficulté est mise en relief par l’argument selon lequel il n’existe aucune distinction rationnelle entre la tromperie active et la tromperie passive.  Le sort de l’épouse qui fait confiance à son conjoint et qui ne le questionne pas directement sur sa séropositivité devrait‑il être pire que celui de la partenaire occasionnelle qui pose directement la question?  Le fait est que ni l’une ni l’autre n’aurait donné son consentement n’eût été la tromperie.  Une fraude est une fraude, qu’elle soit le fruit d’un mensonge flagrant ou d’une ruse.

b) L’obligation absolue de révéler

[66]        Le ministère public soutient qu’une personne atteinte du VIH devrait toujours être tenue d’en informer un partenaire sexuel, ce qui reviendrait à écarter l’exigence du « risque important de lésions corporelles graves » correspondant au deuxième volet du critère de l’arrêt Cuerrier.

[67]        En établissant un critère précis, cette approche remédie à l’incertitude, mais la solution qu’elle apporte au problème de la portée est moins convaincante.  On pourrait soutenir qu’elle ratisse trop large en matière de culpabilité criminelle.  Une personne qui agit de manière responsable et dont la conduite ne cause pas de préjudice ni n’est susceptible d’en causer pourrait se voir déclarée coupable d’une infraction criminelle et condamnée à une longue peine d’emprisonnement.  Qui plus est, l’approche paraît élargir plus qu’il ne faut la notion de fraude viciant le consentement visée à l’al. 265(3)c) en l’assimilant à la simple malhonnêteté et en supprimant de fait l’élément de « privation ».  Enfin, l’obligation absolue de révéler pourrait être qualifiée d’inéquitable et stigmatiser les personnes atteintes du VIH, qui constituent déjà un groupe vulnérable.  Dans la mesure où elles agissent de manière responsable et ne présentent aucun risque de préjudice pour autrui, les personnes séropositives ne devraient pas avoir à choisir entre révéler leur état de santé ou devoir faire face à la justice criminelle.

c) La prise en compte des faits de chaque espèce

[68]        L’intimé soutient que l’exigence d’un « risque important de lésions corporelles graves » établie par l’arrêt Cuerrier demeure valable.  Il croit toutefois qu’il faut la clarifier en précisant qu’elle ne fait qu’énoncer ce qui doit être prouvé pour que le tribunal conclue à l’existence d’une fraude aux fins de l’application de l’al. 265(3)c).  Dans tous les cas, le « risque important de lésions corporelles graves » doit faire l’objet d’une preuve médicale.  Il s’agit de déterminer si, au moment de la relation sexuelle en cause, celle‑ci présentait un risque important de transmission du VIH.  À cette fin, le ministère public fait habituellement témoigner un expert sur la charge virale de l’accusé au moment de l’infraction, de même que sur les risques liés à la forme de protection par condom utilisée en l’espèce.  Le juge du procès doit être convaincu que la preuve établit hors de tout doute raisonnable que la conduite de l’accusé, au moment de l’infraction, présentait un risque important de lésions corporelles graves.  Tout doute joue en faveur de l’accusé.

[69]        Bien qu’elle respecte les droits de l’accusé, cette approche ne résout pas les problèmes d’incertitude et de portée qui rendent le critère de l’arrêt Cuerrier difficile d’application.  La démarche requise serait onéreuse.  Des témoignages d’experts médicaux devraient être présentés dans tous les cas.  Il s’ensuivrait de longs interrogatoires et contre‑interrogatoires.  Le juge du procès devrait consacrer de longues heures à l’appréciation de la preuve en vue de déterminer si elle établit l’existence d’un « risque important de lésions corporelles graves » au moment de l’infraction alléguée.  Enfin, le risque que les jugements se contredisent entre eux pourrait compromettre l’équité du système judiciaire.  Tout en faisant droit aux conclusions du juge du procès sur la preuve, la cour d’appel pourrait trancher différemment la question mixte de fait et de droit liée au caractère « important » du risque.  Un vide juridique pourrait subsister pendant des années avant que l’accusé ne sache s’il est coupable ou non.  Il en résulterait des frais considérables tant pour la poursuite que pour la défense.  La présente affaire illustre tous ces inconvénients.

d) La connaissance d’office de l’effet de l’utilisation du condom

[70]        Afin de réduire l’incertitude liée au critère de nature factuelle qu’énonce l’arrêt Cuerrier, l’intimé propose que les tribunaux prennent connaissance d’office du fait que l’emploi du condom écarte toujours le risque important de lésions corporelles graves.

[71]        Pour qu’un juge prenne connaissance d’office d’un fait, il faut démontrer que celui‑ci est à ce point « notoire » ou, pour employer un terme plus moderne, « admis », qu’aucune personne raisonnable ne saurait le contester : R. c. Find, 2001 CSC 32, [2001] 1 R.C.S. 863, au par. 48; R. c. Spence, 2005 CSC 71, [2005] 3 R.C.S. 458, au par. 53.  Or, en l’espèce, les thèses abondent quant à savoir si, à elle seule, l’utilisation du condom écarte ou non le risque important de lésions corporelles graves, et la controverse est exacerbée par l’évolution rapide de la science et le caractère circonstanciel du risque.  Il ne saurait y avoir connaissance d’office en l’espèce et, à défaut d’un consensus incontestable, celle‑ci ne peut servir de fondement à la formulation d’énoncés généraux sur la question factuelle du risque.

e) La distinction fondée sur la nature du lien entre les personnes

[72]        Une autre façon de resserrer l’exigence du « risque important de lésions corporelles graves » établie dans l’arrêt Cuerrier pour l’interprétation de la fraude visée à l’al. 265(3)c) consiste à ne l’appliquer qu’aux relations spéciales.  D’aucuns laissent entendre que, dans le contexte commercial, l’omission de révéler une chose peut s’apparenter à la fraude lorsqu’il existe entre les parties une relation fiduciaire, quasi‑fiduciaire ou de confiance : B. L. Nightingale, The Law of Fraud and Related Offences (feuilles mobiles).  Cette distinction pourrait fort bien s’appliquer aux relations où l’une des parties est vulnérable, ce qui était le cas des jeunes femmes, souvent intoxiquées, qui ont eu des relations sexuelles avec M. Mabior dans la présente affaire.  Cette approche repose sur le postulat que la personne qui ne demande pas à un partenaire sexuel s’il a une MTS s’expose au risque de contracter le VIH, sauf s’il existe entre eux une relation de confiance.

[73]        Le droit applicable en matière de fraude commerciale offre un certain appui à cette interprétation.  À l’origine, la common law et les tribunaux d’equity estimaient que le seul silence, sans aucune autre forme de comportement qui induisait autrui en erreur, n’était pas frauduleux : Twining c. Morrice (1788), 2 Bro. C.C. 326, 29 E.R. 182; Conolly c. Parsons (1797), 3 Ves. 625n; Walters c. Morgan (1861), 3 De G. F. & J. 718, 45 E.R. 1056.  Or, au fil du temps, l’equity a reconnu que, dans certaines circonstances précises, l’obligation positive de révéler des faits importants s’imposait, notamment dans le cas d’une relation fiduciaire, quasi‑fiduciaire ou de confiance.

[74]        On peut toutefois reprocher à cette approche de trop limiter l’application de la « fraude » visée à l’al. 265(3)c).  Est‑il justifié d’obliger le mari à informer son épouse, mais non une partenaire occasionnelle?  Lorsqu’il y a risque de contracter une maladie qui bouleverse la vie de sa partenaire sexuelle, la réponse est négative.

[75]        Historiquement, la fraude susceptible de vicier le consentement aux relations sexuelles n’a pas connu la même évolution que la fraude commerciale.  Vu son contexte particulier, la fraude d’ordre sexuel comporte des enjeux uniques.  C’est pourquoi elle a généralement fait l’objet d’une interprétation stricte qui obéit à des considérations qui lui sont propres et dont fait rarement partie le lien existant entre les partenaires dans un cas donné.  C’est à l’époque victorienne que l’approche axée sur la nature du lien a le plus imprégné le droit applicable, car on laissait entendre qu’épouses et prostituées — pour différentes raisons liées aux mœurs du temps — ne pouvaient jamais invoquer la fraude viciant le consentement aux relations sexuelles : voir Clarence.  De telles conceptions heurtent notre société éprise d’égalité, qui les juge choquantes.

f) Le partenaire raisonnable

[76]        Une autre interprétation de la « fraude » visée à l’al. 265(3)c) tient aux attentes d’une personne raisonnable et bien informée se trouvant dans la situation  du partenaire éventuel d’une personne atteinte du VIH.  Le critère serait objectif, mais son application prendrait en considération les circonstances propres à chaque cas, notamment la nature du lien entre les parties.

[77]        L’approche est intéressante, car elle tient compte des attentes des parties au vu des faits en cause.  Le critère retenu est donc plus juste que celui fondé sur une norme générale censée s’appliquer à tous les cas.  Dans les circonstances d’une l’espèce, la personne atteinte du VIH peut devoir tenir compte des attentes de son partenaire et agir en conséquence.

[78]        L’approche reconnaît également que le partage de l’obligation de prévenir la transmission sexuelle d’une maladie peut varier en fonction de la relation et de l’époque en cause.  Historiquement, l’une des difficultés inhérentes à la formulation d’un critère qui permette d’établir l’existence d’une fraude viciant le consentement aux relations sexuelles tient à l’évolution des normes sociales et des attentes.  À l’époque victorienne, un mari ne pouvait commettre une fraude viciant le consentement, puisque l’épouse n’avait pas le droit de se refuser à lui.  Plus récemment, certains ont fait valoir que les attentes avaient changé, passant de l’obligation faite à la personne infectée de veiller à la santé sexuelle des deux partenaires, à l’obligation de chacune des parties de veiller sur sa propre santé sexuelle.  Une approche axée à la fois sur la raisonnabilité et le contexte contournerait ces difficultés en adaptant le résultat à la relation qui est à l’origine de l’accusation criminelle.

[79]        Toutefois, l’approche fait elle aussi l’objet de critiques, la plus percutante voulant qu’elle n’établisse pas un critère clair permettant de conclure à la fraude, de sorte qu’on ne peut déterminer avec certitude si un comportement est criminel ou non.  À moins que les partenaires n’établissent eux‑mêmes les paramètres voulus, la personne séropositive doit inférer de la nature de la relation les attentes d’un « partenaire raisonnable ».

[80]        Ce qui appelle une seconde critique — la portée excessive du droit criminel et son corrolaire, l’absence d’équité envers l’accusé.  Dans le feu du désir et dans la perspective d’ébats sexuels, on peut aisément se tromper sur les attentes d’un partenaire raisonnable.  Faut‑il alors criminaliser ce qui constitue, somme toute, une erreur de jugement et condamner le fautif à une peine d’emprisonnement dont la durée peut être de plusieurs années?  Telle pourrait être la conséquence du critère fondé sur les attentes du partenaire raisonnable.

g) Faire évoluer la common law

[81]        Reste donc la possibilité d’accroître la certitude associée au critère de l’arrêt Cuerrier en précisant à quelles conditions est remplie l’exigence du risque important, sur les plans théorique et pratique.  Une telle approche est compatible avec la fonction des tribunaux de common law qui consiste à adapter progressivement les éléments d’une infraction aux exigences de la justice et de l’application concrète.

[82]        Il s’agit donc de pousser plus loin l’arrêt Cuerrier en déterminant dans quelles circonstances une relation sexuelle avec une personne séropositive présente un « risque important de lésions corporelles graves ».  Dès lors, il faut adhérer aux conclusions de fait du juge du procès, sauf erreur manifeste et dominante de sa part.  Que ces conclusions établissent ou non un « risque important de lésions corporelles graves » est une question de droit qu’il convient de trancher : voir C.A., au par. 37.  Il faut entendre par « lésions corporelles graves »  « toute blessure ou lésion, physique ou psychologique, qui nuit d’une manière importante à l’intégrité, à la santé ou au bien‑être d’une victime » : R. c. McCraw, [1991] 3 R.C.S. 72, à la p. 88.  La transmission effective du VIH inflige de toute évidence des lésions corporelles graves.

[83]        Les juridictions inférieures statuent différemment sur cette question de droit.  La juge du procès estime que tout risque de transmission du VIH, aussi minime soit‑il, constitue un « risque important de lésions corporelles graves » (voir le renvoi à ses motifs dans ceux de la C.A., au par. 66).  Par contre, la Cour d’appel conclut qu’un « risque important » connote un risque élevé de transmission du VIH.  À son avis, suivant l’arrêt Cuerrier, un « risque important de lésions corporelles graves » s’entend d’un [traduction] « risque important ou élevé » (par. 80), « par opposition à la preuve d’une “grande probabilité” de non‑infectiosité » (par. 127).

[84]        À mon sens, le « risque important de lésions corporelles graves » se situe entre les pôles que sont l’absence de risque (le critère retenu par la juge du procès) et le « risque élevé » (celui adopté par la Cour d’appel).  Lorsqu’il existe une possibilité réaliste de transmission du VIH, le risque important de lésions corporelles graves est établi, et le second volet du critère de l’arrêt Cuerrier la privation est respecté.  Les considérations suivantes militent en faveur de cette interprétation.

[85]        Premièrement, le « risque important de lésions corporelles graves » ne saurait s’entendre de tout risque, aussi minime soit‑il.  Pareille interprétation reviendrait à adopter l’approche de l’obligation absolue de révéler, qui comporte de nombreuses lacunes, et à faire abstraction du qualificatif « important » employé dans la formulation du critère de l’arrêt Cuerrier.

[86]        Deuxièmement, la norme du risque « élevé » ne tient pas dûment compte de la nature du préjudice causé par la transmission du VIH.  Dans l’arrêt Cuerrier, la notion de « risque important » tient à la fois au risque de contracter le VIH et à la gravité de la maladie lorsqu’elle est transmise, deux facteurs inversement proportionnels.  Plus la nature du préjudice est grave, moins la probabilité de transmission doit être grande pour qu’il y ait « risque important de lésions corporelles graves ».

[87]        Troisièmement, comme je le mentionne précédemment dans l’examen des principes d’interprétation, la norme de la possibilité réaliste de transmission du VIH ne place la barre ni trop haut ni trop bas pour qu’il puisse y avoir déclaration de culpabilité.  La norme correspondant à tout risque, aussi minime soit‑il, pourrait établir un seuil de criminalité trop facile à franchir.  Par ailleurs, limiter l’application de l’al. 265(3)c) aux cas où le risque est « élevé » pourrait avoir l’effet d’excuser un comportement irresponsable et répréhensible.

[88]        Quatrièmement, l’évolution de la common law et des lois en matière de fraude viciant le consentement aux relations sexuelles étaye la proposition selon laquelle le « risque important de lésions corporelles graves » exige une possibilité réaliste de transmission du VIH.  Cette évolution donne à penser que seule la tromperie grave et lourde de conséquences est susceptible de vicier le consentement aux relations sexuelles, ce qui est incompatible avec une interprétation voulant que le « risque important de lésions corporelles graves » requis dans l’arrêt Cuerrier vise tout risque de transmission.  On peut soutenir que la possibilité réaliste de transmission établit un juste équilibre dans le cas d’une maladie dont les conséquences bouleversent la vie, comme le VIH.

[89]        Cinquièmement, les valeurs d’autonomie et d’égalité que consacre la Charte militent en faveur d’une définition de la fraude viciant le consentement qui respecte le droit de chacun de consentir ou non à des rapports sexuels avec une personne en particulier.  La loi doit établir un équilibre entre ce droit et l’impératif de ne criminaliser que le comportement associé à un acte fautif et à un préjudice graves.  Départager l’inconduite criminelle et l’inconduite non criminelle en fonction de la possibilité réaliste de transmission pourrait établir un juste équilibre entre le droit à l’autonomie et à l’égalité du plaignant, d’une part, et la nécessité de faire en sorte que la répression criminelle n’ait pas une portée excessive, d’autre part.

[90]        Enfin, un certain nombre de décisions appuient l’assimilation du « risque important de lésions corporelles graves » à la possibilité réaliste de transmission du VIH.  Hormis celle rendue à l’issue du procès en l’espèce, nulle décision selon laquelle un « risque important » englobe tout risque, aussi minime soit‑il, n’a été invoquée devant nous.  Les décisions sur ce point sont certes peu nombreuses, mais elles valent d’être mentionnées.  Dans R. c. Jones, 2002 NBQB 340, [2002] A.N.‑B. n375 (QC), la cour conclut qu’un risque de transmission de l’hépatite C se situant entre 1,0 et 2,5 pour cent est [traduction] « si faible qu’on ne saurait le qualifier d’important » (par. 33).  Et dans R. c. J.A.T., 2010 BCSC 766 (CanLII), le juge du procès dit qu’[traduction]« [un] risque important s’entend d’un risque dont l’ampleur justifie qu’on le tienne pour important » (par. 56).

[91]        Ces considérations m’amènent à conclure que l’exigence d’un « risque important de lésions corporelles graves » formulée dans l’arrêt Cuerrier doit être interprétée comme obligeant une personne à révéler sa séropositivité lorsqu’il existe une possibilité réaliste de transmission du VIH.  À défaut d’une telle possibilité, l’omission de dévoiler sa séropositivité ne constitue pas une fraude viciant le consentement aux relations sexuelles pour l’application de l’al. 265(3)c).

[92]        Le critère de la possibilité réaliste de transmission proposé dans les présents motifs ne vaut que pour le VIH.  Rappelons que le « risque important » tient à la fois à la gravité du préjudice et à l’ampleur du risque de transmission, deux facteurs inversement proportionnels.  Une maladie transmise sexuellement qui est traitable et qui ne bouleverse pas l’existence ni ne réduit sensiblement l’espérance de vie pourrait très bien ne pas emporter de « lésions corporelles graves » et, de ce fait, ne pas satisfaire à l’exigence de mise en danger de la vie que comporte l’infraction d’agression sexuelle grave prévue au par. 273(1).  L’objet du présent pourvoi n’est pas de tracer la ligne de démarcation dans le cas d’autres maladies que le VIH.  Il suffit de signaler que le VIH est incontestablement une maladie grave qui met la vie en danger.  Bien que son évolution puisse être contrôlée à l’aide de médicaments, le VIH demeure une maladie chronique incurable qui, lorsqu’elle n’est pas traitée, peut entraîner la mort.  C’est pourquoi l’omission d’informer un partenaire sexuel de sa séropositivité peut donner lieu à une déclaration de culpabilité d’agression sexuelle grave suivant le par. 273(1) du Code criminel.  (Cela dit, il se peut que de nouvelles avancées médicales permettent de réduire le taux de mortalité au point de rendre le risque de mortalité presque inexistant, et que l’on ramène l’infraction à celle d’agression sexuelle simple prévue au par. 271(1) du Code criminel.  De même, les chercheurs pourraient un jour trouver un remède, de sorte que le VIH ne cause plus de « lésions corporelles graves » et que l’omission de révéler qu’on en est atteint ne constitue plus une « fraude viciant le consentement » pour l’application de l’infraction d’agression sexuelle.)

(4) Possibilité réaliste de transmission du VIH

[93]        Le principe de droit général suivant se dégage de la jurisprudence en matière de fraude viciant le consentement aux relations sexuelles : l’exigence par notre Cour dans Cuerrier d’un « risque important de lésions corporelles graves » suppose une possibilité réaliste de transmission du VIH.  Le principe vaut pour toute allégation de fraude viciant le consentement à des relations sexuelles fondée sur l’omission de révéler sa séropositivité.

[94]        La question se pose alors de savoir dans quelles circonstances il y a possibilité réaliste de transmission du VIH.  La preuve offerte me convainc que, de manière générale, cette possibilité est écartée i) lorsque la charge virale de l’accusé est faible au moment du rapport sexuel et ii) que le condom est utilisé.

[95]        La conclusion selon laquelle une charge virale faible combinée à l’utilisation du condom écarte la possibilité réaliste de transmission du VIH, de sorte qu’il n’y a pas de « risque important de lésions corporelles graves » pour l’application du critère de l’arrêt Cuerrier, découle de la preuve en l’espèce. Cet énoncé général n’empêche pas la common law de s’adapter aux avancées thérapeutiques et aux circonstances où d’autres facteurs de risque que ceux considérés en l’espèce sont en cause.

[96]        En l’espèce, il appert de la preuve admise au procès qu’il y a eu pénétration vaginale et éjaculation lors des rapports sexuels de M. Mabior avec les quatre plaignantes.  L’accusé suivait un traitement aux antirétroviraux sur une base régulière, mais il n’utilisait le condom qu’à l’occasion.  Son dossier médical indique également qu’il a été traité avec succès pour une gonorrhée et qu’il ne souffrait d’aucune autre infection sexuellement transmissible que le VIH au moment de ses rapports sexuels avec les quatre plaignantes.  À la lumière de cette preuve, trois éléments sont pertinents quant à l’évaluation du risque couru : le risque de base d’une relation vaginale avec un partenaire masculin séropositif, la réduction du risque lorsqu’un condom est utilisé et la thérapie antirétrovirale.  Je les examine tour à tour.

[97]        Comme le signale la Cour d’appel, le risque de base de transmission du VIH lors d’une relation vaginale avec un partenaire masculin infecté (à supposer que l’homme éjacule, qu’il n’emploie pas de préservatif et que sa charge virale soit normale, plutôt que réduite) varie selon les études.  Dans son rapport, le Dr Smith situe le risque par acte entre 0,05 % (1 sur 2000) et 0,26 % (1 sur 384) (p. 4).  Une infirmière en santé publique, Mme McDonald, a témoigné au sujet du protocole post‑exposition du Manitoba, lequel fait état d’un risque par acte de 0,1 % (1 sur 1000).  L’examen systématique et la méta‑analyse de 43 publications portant sur 25 études de population établit le risque couru dans les pays où les revenus sont élevés à 0,08 % par acte sexuel (1 sur 1250) : M.‑C. Boily et al., « Heterosexual risk of HIV‑1 infection per sexual act : systematic review and meta‑analysis of observational studies » (2009), 9 Lancet Infect. Dis. 118.

[98]        Nul ne conteste que le VIH ne passe pas à travers la paroi d’un préservatif masculin ou féminin en latex de bonne qualité.  Cependant, tout risque n’est pas éliminé, car le condom peut être défectueux ou mal employé.  Le Dr Smith a témoigné que l’utilisation systématique du condom réduit le risque de transmission du VIH de 80 pour cent, et il a cité à l’appui l’étude de Cochrane, qui jouit d’une large reconnaissance : S. C. Weller et K. Davis‑Beaty, « Condom Effectiveness in reducing heterosexual HIV transmission » (2002), 1 Cochrane Database Sys. Rev. CD003255.  Il a précisé que ce pourcentage de réduction correspondait à l’utilisation systématique du condom, car il peut être plus élevé s’il y a à la fois utilisation systématique et adéquate du condom, une hypothèse qui n’a cependant pas été vérifiée empiriquement.

[99]        Adoptant l’angle du « risque élevé » d’infection, la Cour d’appel conclut que l’utilisation du condom abaisse le risque de transmission du VIH [traduction] « sous le seuil du risque important » (par. 87).  Toutefois, à mon avis, la preuve n’établit pas que, à elle seule, cette protection écarte la possibilité réaliste de transmission, la norme proposée en l’espèce.  Selon la preuve d’expert, le risque pourrait toujours dépasser le seuil du risque « négligeable » : rapport du Dr Smith, à la p. 6.

[100]     Passons maintenant au dernier élément, la thérapie antirétrovirale.  Comme le signale la Cour d’appel, la transmissibilité du VIH est proportionnelle à la charge virale, soit le nombre de copies du VIH dans le sang.  La charge virale d’une personne séropositive qui n’est pas traitée se situe entre 10 000 et quelques millions de copies par millilitre.  Lorsque le patient suit un traitement aux antirétroviraux, sa charge virale chute rapidement à moins de 1 500 copies par millilitre (charge faible), voire jusqu’à moins de 50 copies par millilitre (charge indétectable) sur une plus longue période de temps.  Selon la preuve au dossier, ces données seraient celles admises de nos jours par la science.

[101]     Le Dr Smith explique dans son rapport que la thérapie antirétrovirale n’offre pas un moyen d’avoir des relations sexuelles sans risque et qu’[traduction] « il est fortement recommandé aux personnes qui ont plus d’un partenaire sexuel, même lorsque leur charge virale est indétectable, d’utiliser systématiquement et correctement le condom » (p. 5 et 7).  Citée par un certain nombre d’intervenants, l’étude à grande échelle la plus récente sur ce point conclut que le risque de transmission du VIH diminue de 89 à 96 % lorsque le partenaire séropositif est traité aux antirétroviraux, peu importe que sa charge virale soit faible ou indétectable : M. S. Cohen et al., « Prevention of HIV‑1 Infection with Early Antiretroviral Therapy » (2011), 365 New Eng. J. Med. 493.  C’est donc dire que la seule thérapie antirétrovirale expose quand même le partenaire sexuel à une possibilité réaliste de transmission.  Toutefois, il appert de la preuve au dossier que le risque de transmission résultant de l’effet combiné de l’utilisation du condom et d’une charge virale faible est de toute évidence extrêmement faible, si faible que le risque devient hypothétique plutôt que réaliste.

[102]     Pour arriver à cette conclusion, je retiens au nombre des éléments qui permettent d’évaluer le risque la charge virale faible, plutôt que la charge virale indétectable.  Ce choix évite les difficultés liées à la preuve d’une charge virale indétectable.  Le Dr Smith a témoigné que plusieurs choses, comme une infection banale ou un aléa thérapeutique, peuvent faire fluctuer la charge virale d’une personne.  Des variations brusques ou passagères élèvent au dessus du seuil de la détectabilité la charge virale d’une personne traitée aux antirétroviraux.  De plus, la détectabilité dépend de la précision d’une technologie en évolution constante : la charge virale qui n’est pas détectable aujourd’hui pourrait très bien l’être ultérieurement grâce à un nouveau test.  Enfin, il convient de signaler le désaccord du Dr Smith avec la Commission fédérale suisse sur le VIH/sida, qui a affirmé en 2008 qu’une personne séropositive dont la charge virale est indétectable n’est pas sexuellement infectieuse.  Il s’agit selon lui d’une affirmation controversée (p. 5).  Il ajoute que cet avis appelle des réserves importantes parce qu’il n’est fondé que sur un examen de la littérature scientifique et qu’il doit être confirmé par la recherche.

[103]     Au vu de la preuve au dossier, force est donc de conclure que l’effet combiné de l’utilisation du condom et de l’existence d’une charge virale faible écarte la possibilité réaliste de transmission du VIH.  Dans ces circonstances, il n’est pas satisfait à l’exigence établie par la Cour dans Cuerrier, à savoir l’existence d’un risque important de lésions corporelles graves.  Il n’y a aucune privation au sens de l’arrêt Cuerrier, et l’omission de l’accusé de révéler sa séropositivité ne constitue pas une fraude viciant le consentement aux fins de l’al. 265(3)c) du Code criminel.

(5) Résumé

[104]     En résumé, pour obtenir une déclaration de culpabilité sous le régime de l’al. 265(3)c) et de l’art. 273, le ministère public doit démontrer que le consentement du plaignant aux relations sexuelles est vicié par la fraude de l’accusé concernant sa séropositivité.  L’omission de révéler (l’acte malhonnête) constitue une fraude lorsque le plaignant n’aurait pas donné son consentement s’il avait su que l’accusé était séropositif et lorsqu’un contact sexuel présente un risque important de lésions corporelles graves ou inflige effectivement de telles lésions (la privation).  La possibilité réaliste de transmettre le VIH établit le risque important de lésions corporelles graves.  Selon la preuve au dossier, la possibilité réaliste de transmission est écartée par la preuve selon laquelle, lors de la relation sexuelle considérée, la charge virale de l’accusé était faible et un condom a été utilisé.  Cependant, l’énoncé général voulant que la charge virale faible combinée à l’emploi du condom écarte la possibilité réaliste de transmission du VIH n’empêche pas la common law de s’adapter aux futures avancées thérapeutiques et aux circonstances où d’autres facteurs de risque que ceux considérés en l’espèce sont en jeu.

[105]     Les règles de preuve habituelles s’appliquent en l’espèce.  C’est au ministère public qu’il incombe d’établir hors de tout doute raisonnable les éléments constitutifs de l’infraction, à savoir l’acte malhonnête et la privation.  Une fois ces deux éléments établis prima facie conformément aux présents motifs, l’accusé peut avoir l’obligation tactique de soulever un doute raisonnable par la présentation d’éléments de preuve selon lesquels, au moment considéré, sa charge virale était faible et un condom a été utilisé.

B. Application

[106]     En ce qui concerne les quatre chefs d’accusation visés par le pourvoi, les plaignantes ont toutes consenti aux rapports sexuels qu’elles ont eus avec l’accusé.  Chacune a déclaré qu’elle n’aurait pas eu de relations sexuelles avec l’accusé si elle l’avait su séropositif.  La seule question en litige est celle de savoir si leur consentement est vicié par l’omission de l’accusé de les informer de sa séropositivité.

[107]     La juge du procès reconnaît l’accusé coupable d’agression sexuelle grave quant aux quatre chefs dans la mesure où était établi que sa charge virale n’était pas indétectable ou qu’il n’avait pas utilisé de condom.  La Cour d’appel annule les déclarations de culpabilité au motif que soit une charge virale indétectable, soit une protection au moyen d’un condom était suffisante.

[108]     Comme je le dis précédemment, à cette étape de l’évolution de la common law, il est possible d’établir un critère clair.  L’absence de possibilité réaliste de transmission du VIH empêche de conclure à l’existence d’une fraude viciant le consentement suivant l’al. 265(3)c) du Code criminel.  Dans la présente affaire, nulle possibilité réaliste de transmission n’a été établie relativement aux rapports sexuels au cours desquels l’accusé avait une charge virale faible et utilisait un condom.  Le pourvoi doit donc être accueilli dans la mesure où la décision de la Cour d’appel va à l’encontre de cette conclusion.

[109]     Lors de ses rapports sexuels avec chacune des plaignantes S.H., D.C.S. et D.H., l’accusé avait une charge virale faible, mais n’a pas utilisé de condom.  Il convient donc de confirmer les déclarations de culpabilité prononcées par la juge du procès sur les chefs correspondants. Reste à statuer sur le cas de K.G. La juge du procès déclare l’accusé coupable au motif que, même s’il a utilisé un condom lors des relations sexuelles avec elle, sa charge virale [traduction] « n’était pas supprimée » (par. 128).  Je rappelle qu’une charge virale faible — par opposition à une charge virale indétectable — combinée à l’utilisation du condom écarte la possibilité réaliste de transmission suivant la preuve présentée en l’espèce. Il appert du dossier qu’au moment de ses rapports sexuels avec K.G., l’accusé avait une charge virale faible. Jumelée à la protection au moyen d’un condom, cette charge virale faible n’a pas exposé K.G. à un risque important de lésions corporelles graves.  La déclaration de culpabilité prononcée par la juge sur ce chef doit être annulée.

[110]     Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi en partie et de rétablir les déclarations de culpabilité pour agression sexuelle grave relativement aux plaignantes S.H., D.C.S. et D.H., ainsi que de rejeter le pourvoi en ce qui concerne la plaignante K.G.

 

 

 

Pourvoi accueilli en partie.

Procureur de l’appelante : Procureur général du Manitoba, Winnipeg.

Procureur de l’intimé : Aide juridique Manitoba, Winnipeg.

Procureurs des intervenants le Réseau juridique canadien VIH/sida, HIV & AIDS Legal Clinic Ontario, la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida, Positive Living Society of British Columbia, la Société canadienne du sida, Toronto People With AIDS Foundation, Black Coalition for AIDS Prevention et le Réseau canadien autochtone du sida : Cooper & Sandler, Toronto.

Procureurs de l’intervenante l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique : McCarthy Tétrault, Vancouver.

Procureurs de l’intervenante Criminal Lawyers’ Association of Ontario : Schreck Presser, Toronto.

Procureurs de l’intervenante l’Association des avocats de la défense de Montréal : Poupart, Dadour, Touma et Associés, Montréal.

Procureurs de l’intervenant l’Institut national de santé publique du Québec : Desrosiers, Joncas, Massicotte, Montréal.

Criminalisa- tion du VIH La Cour suprême devra se prononcer, à la demande du Québec…

Sunday, March 11th, 2012

La Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA), en collaboration avec le Réseau juridique canadien VIH/sida et six autres organisa- tions canadiennes, intervenait devant la Cour suprême, le 8 février dernier, dans le cadre des affaires R. c. D.C. (Québec) et R. c. Mabior (Manitoba). La Cour Suprême sera appelée à décider des modalités d’application du droit criminel en matière de non-divulgation du VIH au Canada.
À l’heure actuelle, une personne vivant avec le VIH a l’obli- gation en vertu du droit criminel de divulguer son statut sérologique avant une activité comportant un risque impor- tant de transmission du VIH. Toutefois, le droit a jusqu’à maintenant été appliqué de façon inégale par les tribunaux canadiens. Certaines personnes ont été déclarées coupables alors qu’il n’y avait pas de risque important de transmis- sion.
La COCQ-SIDA intervient afin de demander à la Cour Su- prême de clarifier le fait que les personnes vivant avec le VIH ne seront pas poursuivies et jetées en prison lorsqu’une relation était protégée par le port du condom ou lorsque la personne séropositive avait une charge virale indétectable. Nous demandons aussi à la Cour Suprême de maintenir l’ac- quittement de D.C. prononcé par la Cour d’appel du Québec.
À l’instar d’ONUSIDA et d’un grand nombre d’organismes à travers le monde, nous continuons à affirmer que la cri- minalisation n’est pas une solution appropriée pour gérer l’épidémie du VIH/sida.
Le recours au droit criminel accentue la stigmatisation et la discrimination envers les personnes vivant avec le VIH. ONUSIDA indique spécifiquement que la stigmatisation et la discrimination des personnes au motif de leur statut séro- logique réel ou supposé contribuent à alimenter l’épidémie mondiale de sida en nuisant à l’accès à la prévention, au dépistage, aux soins et au traitement.
Avançant à contre-courant, le Canada est actuellement le deuxième pays dans le monde avec le plus de pour- suites criminelles liées à des allégations de non-divulga- tion du statut sérologique au VIH. En ce sens, nous en appelons à la Cour suprême pour qu’elle statut en faveur d’un droit fondé sur les meilleures données scienti- fiques existantes et non des présomptions, des préjugés ou des craintes.
Deux prêtres gais auraient engagé des tueurs à gages pour se faire abattre
Par: AFP
Deux prêtres colombiens, abattus par balles l’an der- nier à Bogota, avaient eux- même engagé les tueurs à gage pour se suicider, selon les conclusions de l’enquête, a-t-on appris mardi de sour- ce judiciaire. Très appréciés dans leurs paroisses, les deux religieux, âgés de 35 et 36 ans, avaient noué un pacte pour se donner la mort après que l’un d’eux eut contracté le virus du sida, a
expliqué le procureur.
Leurs cadavres avaient été retrouvés à l’intérieur d’une voiture et la police avait dans un premier temps privilé- gié la thèse d’une attaque.
Après un an d’investiga- tions, les policiers, qui ont interpellé les meurtriers, se sont aperçus que les prêtres, qui entretenaient des liens très proches, avaient arran- gé leur mort. Les enquêteurs ont également découvert que, dix jours avant d’enga- ger les tueurs, les prêtres avaient tenté de se suicider en précipitant leur voiture dans un précipice. L’enquête a établi que l’un des reli- gieux, qui fréquentait les bars homosexuels, était bien atteint du virus du sida.

Retour sur l’Affaire Steve Biron et la criminalisation du VIH

Sunday, February 19th, 2012

La criminalisation du VIH et l’Affaire Steve Biron

Dans le cadre des procédures déposées en Cour Suprême par le Gouvernement du Québec qui souhaite faire annuler les acquittements prononcés par la Cour d’Appel du Québec dans des dossiers de personnes séropositives accusées de transmission volontaire du VIH, vu les questions soulevées par la requête du Québec alors que le Canada est le second pays à criminaliser le plus les personnes séropositives, il me semble important de revenir sur le dossier de départ, l’Affaire Steve Biron, qui avait soulevé les passions à propos de ce jeune homme emprisonné à Québec alors qu’il était sous trithérapie…

J’ai été le premier journaliste à sortir cette affaire en 2010 impliquant des policiers de Québec et surtout, des victimes qui n’en étaient peut-être pas, si on doit se fier à l’enquête journalistique. Voici donc le dossier Biron, revu et corrigé:

L’importance d’utiliser les vrais mots…
La pire affaire de mœurs depuis l’Opération Scorpion visant la prostitution juvénile à survenir dans la vieille Capitale de Québec secoue en fait le monde entier en visant un homme gai pour des actes supposément répréhensibles. Les fais sont simples: Steve Biron, emprisonné à Québec pendant près d’un an en attendant son procès, est accusé d’avoir sollicité des hommes gais sur des réseaux de rencontres Internet dans le but d’avoir des relations sexuelles non protégées se sachant atteint du VIH.

La prémisse est simple et les questions soulevées par l’affaire très claires: Qu’est-ce qu’une relation sexuelle “safe”, une personne “clean” et surtout, qu’est-ce que le barebacking? Car toute l’affaire repose sur cette “mode” au sein de la communauté gaie en général.

Avant d’aller plus loin dans la publication de mon enquête, une ordonnance de non-publication quant à l’identité des victimes à été prononcée par le Tribunal au début des procédures. Je ne mentionnerai donc pas le nom des “victimes” mais leur identité n’est pas importante puisque ce sont les comportements ici qui font l’objet d’un procès.

Au sein de la communauté gaie québécoise, les termes ont leur importance puisque ce sont avec ces expressions que les rencontres se font sur les sites Internet spécialisés. Les membres de ces sites Internet les utilisent régulièrement et en voici les principales définitions:
SAFE: Ce mot a une signification liée à un niveau de sécurité dans le cadre de la relation sexuelle. Il peut vouloir signifier l’usage de condoms mais est généralement utilisé en termes de comportements. Des relations sexuelles “safes” peuvent signifier des contacts sans échanges de fluides, des massages, des baisers, des caresses, des relations sans pénétration ou des jeux avec objets comme les dildos ou gels. La diversité des relations “safes” est vaste et ne peut être limitée ou simplement résumée qu’à l’usage d’un condom. Il serait tout aussi faux de prétendre qu’une relation “safe” signifierait une absence de VIH. Une personne séropositive peut très bien avoir des relations “safes”.
CLEAN: En complément du terme “safe”, le mot “clean” est directement en lien avec un état de santé. Il peut signifier souvent une absence d’infection au VIH et une sérologie séronégative mais il est aussi utilisé pour toutes les maladies transmises sexuellement comme la Gonorrhée, la Chlamydia, la Syphilis, l’Herpès ou les Hépatites et autres maladies transmissibles par contacts physiques.
Être “clean” peut aussi vouloir dire, pour certaines personnes, de se savoir séropositives mais indétectables au niveau de la charge virale. En effet, depuis quelques années déjà, on sait que grâce aux traitements de trithérapie, lorsque suivis régulièrement, la charge virale du VIH peut baisser au point de devenir indétectable dans le sang et, par conséquent, le virus devient plus difficile à se transmettre puisqu’il n’est pas en quantité suffisante pour constituer un risque grave. L’ONUSIDA compte d’ailleurs sur la trithérapie comme meilleur moyen de prévention de la transmission du VIH depuis 2010, avant l’usage du condom et le Canada adhère à cette position de l’organisation internationale liée à l’ONU. Une personne séropositive traitée par trithérapie et dont la charge virale est indétectable pourrait se déclarer “clean” et la science supporte maintenant cette affirmation.
Dans la même logique, certaines personnes séropositives et sous traitements par trithérapies se déclarent séronégatives, lorsqu’elles se savent indétectables. On peut ne pas être d’accord avec cette dernière vision mais en toute logique, elles sont en effet séronégatives par défaut.
BAREBACKING: Le barebacking est une pratique qui n’est pas tout à fait nouvelle et est apparue vers 1996 au sein de la communauté gaie mais principalement chez les personnes séropositives qui refusaient l’usage des condoms. Le consensus au sein des groupes communautaires spécialisés et au Ministère de la Santé du Québec est que cette pratique relève d’un désir conscient d’avoir des relations sexuelles non-protégées pour se placer en situation de risque afin d’en retirer un “thrill”, une montée d’adrénaline qui est alors associée à l’orgasme. Le barebacking est aussi synonyme de désir conscient de jouer avec la mort, comme on joue à la roulette russe. Certaines personnes dépressives qui ne se voient aucun avenir, pratiquent le barebacking en se disant qu’elles ne vivront pas assez longtemps pour subir les problèmes liés à une infection au VIH. Le barebacking est aussi considéré dans certains cas comme une maladie mentale. Les personnes recherchant le barebacking sont toutes conscientes en fait qu’elles jouent avec le VIH et la mort.

Bavures policières et préjugés font bon ménage!
“Quand tout va mal, rien ne va plus…”. Voilà comment nous pourrions résumer la gestion de ce dossier tout à fait unique dans la province de Québec qui implique l’emprisonnement d’un homme gai, Steve Biron, pour avoir pratiqué, selon les actes d’accusation, des relations sexuelles non-protégées en se sachant porteur du VIH.

Tout a commencé, selon le témoignage du policier responsable de l’enquête lors de l’audience du 22 décembre dernier au Palais de justice de Québec, par le dépôt de plaintes de personnes se prétendant victimes de Biron. Le sergent-détective Louis Lachance du Service de Police de Québec, interrogé par la représentante de la Couronne Maître Rachel Gagnon, a tenté de résumer le dossier à la Juge Chantale Pelletier dans le cadre d’une audition sur une requête en liberté provisoire en attendant la suite des procédures. Le policier Lachance a tenté d’expliquer la différence entre les mots “safe”, “clean” et “barebacking”, confondant les définitions et allant jusqu’à admettre qu’il n’était pas en possession de tous les éléments du dossier pour en relater les faits. Il présente d’ailleurs le site de rencontres Gay411 comme un site d’échanges sexuels réservé aux “homosexuels” qui ne propose que des relations anales top ou bottoms. Or, il est de notoriété publique, la simple visite du site le confirme d’ailleurs, que Gay411 est un site de rencontres pour hommes (qu’ils soient gais, bisexuels ou hétéros à la recherche d’aventures différentes), qui propose des services sexuels certes mais de nombreux autres services comme l’amitié, la discussion de type “tchat” ou l’amour. Il est tout à fait erroné de prétendre que le site ne s’adresse qu’aux tops ou bottoms puisque ces pratiques ne sont pas communes à tous les gais.

Le témoignage du policier constituait finalement bien plus une démonstration gênante de préjugés sur la vie des gais qu’une description exacte d’un site servant aux rencontres gaies comme on pouvait s’attendre du fonctionnement habituel d’un tribunal criminel. Le policier a aussi confondu le sens des mots “safe” et “clean”, affirmant que safe voulait dire séronégatif et clean la même chose, ce qui est pourtant faux. L’avocat de l’accusé Steve Biron quant à lui, Maître Herman Bédard, semble avoir décidé, à la surprise générale de tous incluant celle de son client, de ne pas déposer ses preuves et de laisser la juge rendre une décision qui semble ne pas être tout à fait éclairée.

Par exemple, l’avocat avait déclaré lors des rencontres préparatoires avec son client, avec l’auteur de ces lignes, les membres de sa famille et son conjoint, être prêt à déposer les résultats de l’enquête de Gay Globe Média qui démontraient que certaines des prétendues victimes n’étaient pas si propres et innocentes qu’elles le prétendaient dans leurs déclarations écrites à la police. L’avocat devait aussi permettre à la juge Pelletier de prendre connaissance de l’avancement de la médecine en matière de trithérapie et de charge virale indétectable, ce qu’il a finalement laissé tomber, malgré l’ensemble des autorités et des documents en sa possession. Le tout a résulté en un jugement qui maintenait emprisonné Steve Biron pour la suite des procédures dont une enquête préliminaire prévue pour le 31 janvier 2011.

La Cour d’appel du Manitoba libère pourtant un séropositif sous traitement par trithérapie…
La Cour d’appel du Manitoba, plus haut tribunal provincial juste sous la Cour Suprême du Canada, dans le dossier de la Reine contre Mabior, a rendu un jugement qui ne fait pas jurisprudence partout au Canada mais dont la juge Chantale Pelletier, responsable du dossier de Steve Biron, décidait de ne pas tenir compte malgré tout. Dans son jugement, la Cour déclare “Pour qu’une personne soit déclarée coupable de voies de fait ou d’agression (sexuelle) (grave(s)) pour n’avoir pas divulgué sa séropositivité au VIH, le risque de transmission du VIH doit avoir été important. Sur la base des faits ainsi que des preuves médicales présentés dans cette affaire, la Cour d’appel a conclu que si un condom a été utilisé de manière prudente ou si la charge virale de l’accusé était indétectable, l’acte ne comportait pas de risque important de transmission du VIH. Par conséquent, il n’y avait pas d’obligation de divulgation de la séropositivité dans ces circonstances.”

Vraies ou fausses victimes? Voilà la question…
Nous ne pouvions pas prétendre publier une enquête complète sur l’affaire Steve Biron sans effectuer un certain nombre de vérifications quant aux activités de certaines victimes qui se réclament pures et chastes, si on doit se fier à leurs déclarations produites à la Cour.

Comme la plupart des victimes prétendaient utiliser les services du site Gay411 pour faire la rencontre de Steve Biron et comme Gay Globe Média y avait un compte, il a été très facile de retracer les victimes, sous le couvert de l’anonymat le plus stricte et ce, bien longtemps après leurs déclarations au Service de Police de Québec menant à l’arrestation de Steve Biron. Un point en commun entre ces personnes et pour résumer, les victimes mentionnent toutes ou presque qu’elles ne recherchaient pas de barebacking, que ces relations sexuelles non-protégées avaient été consenties sous de fausses représentations de la part de Biron, qu’elles avaient été inquiétées par la transmission possible du VIH, quelles avaient l’assurance de Biron qu’il n’était pas séropositif au préalable et que jamais elles n’ont été impliquées dans du barebacking auparavant. Notons aussi que pour le moment, toutes les victimes se disent séronégatives et tous les tests confirment depuis l’arrestation de Biron que personne n’a été infecté (à confirmer au procès de mars 2012), supportant la thèse à l’effet qu’une personne séropositive sous traitement et indétectable ne peut transmettre la maladie.

L’enquête de Gay Globe ne laisse aucun doute sur le fait que certaines des “victimes” semblaient mentir dans leurs déclarations aux policiers. D’abord, une personne de Gay Globe posant comme membre de Gay411 à la recherche de relations sexuelles non-protégées a tenté de communiquer avec certaines victimes via leur profile dont le compte était toujours ouvert et fonctionnel. Il n’a pas été difficile de créer des liens avec au moins cinq des prétendues victimes de Steve Biron. L’identité web de ces victimes, leur nom d’usager autrement dit, étant clairement mentionné dans leurs plaintes et dans leur récit des événements aux policiers.

Fait troublant, non seulement des victimes qui se disaient traumatisées et en traitement post-exposition préventif étaient toujours très actives sur le site Gay411, trois de ces personnes répondaient positivement à nos demandes de relations sexuelles de type “bareback”, sans nous poser une seule question sur notre statut de VIH ou notre santé et acceptaient même de nous rencontrer dans un hôtel connu de Québec. Concrètement, des personnes qui se disent victimes d’un barebackeur qui aurait menti sur son statut de séropositif recherchaient de façon très actives des relations bareback sans se soucier une seule seconde du VIH, contredisant totalement leurs plaintes criminelles. De plus, comme ces victimes se savent potentiellement infectées du VIH, c’est ce qu’elles prétendent dans leurs plaintes, en taisant ce renseignement à notre représentant lors de leurs recherches de relations bareback, elle commettaient elles-mêmes les actes reprochés à Steve Biron, démontrant le peu de cas qu’elle font de la situation. L’identité exacte de ces personnes est connue .

Conclusion
Steve Biron est accusé d’avoir volontairement voulu transmettre le VIH et il fait face à une peine de prison pouvant aller jusqu’à 14 ans. Les questions qui retiennent mon attention sont simples: Si Biron avait vraiment l’intention de transmettre la maladie, pourquoi est-ce qu’il se traitait par trithérapie si la seule raison de le faire est de diminuer la charge virale? Est-ce que Steve Biron a vraiment voulu commettre un acte criminel? Il existe un doute raisonnable dans cette affaire et devant le doute, l’acquittement est le seul remède, c’est la règle dans le pays dans lequel nous vivons…

Que risquent ceux qui portent de fausses accusations?
Toute personne qui porte de fausses accusations criminelles contre autrui s’expose à de graves conséquences légales. Par exemple, la police pourrait accuser l’auteur de méfait qui pourrait résulter en une amende ou une peine de prison. Une personne qui livrerait un faux témoignage à la Cour s’exposerait aux mêmes conséquences. Enfin, les auteurs de fausses plaintes à la police pourraient s’exposer à des poursuites civiles et ce, pour des montant très importants. Matière à réflexion…

Un homme soup- çonné d’avoir transmis sciem- ment le sida re- mis en liberté

Saturday, February 4th, 2012

Un Allemand, mis en exa- men à Cergy pour avoir sciemment transmis le virus du sida à d’anciennes com- pagnes, a été récemment remis en liberté, suscitant l’inquiétude des parties civi- les. Le suspect avait été mis en examen le 13 juillet pour “administration” et “tentati- ve d’administration de subs- tances nuisibles” et placé en détention provisoire. Il a été remis en liberté le 12 janvier par le juge d’instruction en charge du dossier, a indiqué à l’AFP une source judiciaire.
Selon la source judiciaire, le quadragénaire, en situa- tion de “déni psychologique”, n’aurait cependant pas for- cément eu conscience de transmettre le virus du sida. L’administration de subs- tances nuisibles est passi- ble de 15 ans de réclusion criminelle, voire de 20 ans si elle est commise avec pré- méditation.

Question de société

Friday, December 9th, 2011

Est-ce qu’il faut choisir entre
le dépistage du VIH et se trai-
ter rapidement ou ignorer les
campagnes pour ne pas se
faire accuser au criminel?
Photo: Gay Globe Média
Dans le cadre des actualités portant sur de nombreux cas au Canada de criminalisation du VIH et d’accusations contre des personnes séropositives qui ne souhaitent pas divulguer leur statut et qui peuvent se retrouver en prison, Gay Globe Média a souhaité consulter les plus grands spé- cialistes de la question en leur demandant s’il était normal d’en être à se demander si on devait se faire dépister afin de recevoir des traitements rapides en cas de séropositivité avec tous les avantages liés à une détection rapide ou plutôt refuser d’être dépisté, refuser de savoir donc, de manière à éviter les accusation parfois intempestives de certains po- liciers et procureurs de la Couronne qui n’hésitent pas à mettre en prison des personnes qui ne représentent aucun danger pour la société comme cela a été le cas récemment.
La question a été posée au Docteur Réjean Thomas, très connu des québécois pour son implication dans la Clinique l’Actuel, dans le domaine du SIDA, sans oublier dans la re- cherche et la politique. Réjean Thomas nous dit: “En effet le dossier concernant la criminalisation du VIH est un enjeu ma- jeur de santé publique dans la lutte contre VIH qui préoccupe tous les acteurs de la lutte au VIH/SIDA et surtout les patients.
Nous essayons depuis des années d’encourager les gens à se faire dépister de façon volontaire et ceci dans le but évi- dent de diminuer l’infection au VIH qui est malheureusement très élevée au sein de la population d’hommes gais et ou bi- sexuels. De plus nous croyons que trop de gens se font dépis- ter tard au Québec et ceci pourrait avoir des conséquences graves sur leur propre santé.
Et depuis un certain temps nous savons que le traitement antirétroviral est très efficace pour réduire la transmission du VIH. Pour toutes ces raisons il est important de continuer d’encourager le dépistage des clientèles à risques élevés
(entre 20 et 30 % des gens infectés au Québec ignorent leur état) et encourager le traitement approprié selon chaque cas. Nous avons régulièrement demandé à la santé publique de prendre position a ce sujet. Il est évi- dent qu’il y a un enjeu à ce niveau et que santé publique et criminalisation ne vont pas toujours dans le même sens. Je pense qu’il demeure mal- gré tout important de conti- nuer le dépistage tout en de- mandant à la santé publique et aux gouvernements de faire leur travail d’éducation auprès du milieu judiciaire afin que ceux ci comprennent bien les nouvelles réalités du VIH/SIDA en 2011.
Je crois essentiel aussi le lobby du milieu communau- taire sur ces sujets. Je vous remercie de votre confiance et de votre important tra- vail dans la lutte contre les préjugés. La lutte au SIDA est aussi une lutte pour les droits humains”.
Ce que le Réjean Thomas nous dit aussi c’est qu’il y a certainement un illogis- me pour l’État à cesser ses campagnes d’information sur le VIH et la prévention (aucun financement depuis quelques années) tout en acceptant que des accu- sations criminelles soient portées par ses procureurs contre des personnes attein- tes qui n’ont pas accès à des informations informa- tions scientifiques récentes et importantes. Afin d’en savoir plus sur les aspects moraux, légaux et criminels de la question soulevée par notre dossier, Gay Globe a demandé à un spécialiste des droits sociaux et avocat répu- té au Canada, Me Julius Grey, de nous indiquer si les gais devraient continuer à se faire dépister?
Julius Grey connaît très bien la question gaie et les débats qui nous concernent depuis plus de 40 ans et selon lui, il est clair que le dépistage, anonyme ou pas, fait par des méde- cins au Québec, doit être encouragé. Quant à la divulgation de sa séropositivité, nonobstant le risque de criminalisation, sa position est plus nuancée: “Moralement, je pense que toutes les personnes de la communauté gaie ont le devoir de divulguer leur statut à leurs partenaires. Légalement tou- tefois, si certains critères sont réunis comme un traitement régulier par trithérapie, accompagné d’une charge virale du VIH indétectable et des pratiques sexuelles sécuritaires, la divulgation d’une séropositivité n’est pas obligatoire”. Selon Maître Grey, porter des accusations criminelles de voie de fait grave contre une personne séropositive qui n’aurait pas
GAYGLOBE MAGAZINE
divulguée son statut à son partenaire mais qui serait sous traitement régulier aux antirétroviraux et démontrerait une charge virale si basse qu’elle serait considérée comme indé- tectable, est une erreur. Une défense d’expert pourrait être faite, et comme la science médicale soutient cette théorie, un acquittement devrait être prononcé par les juges. Évi- demment, il est de la responsabilité des personnes atteintes d’agir de manière responsable et face à un refus de traite- ment ou un traitement négligé, une défense de comporte- ment responsable ne pourrait être accueillie.
Julius Grey croit que les accusations de voie de fait grave déposées depuis quelques années contre des personnes atteintes du VIH qui ne divulguent pas leur statut à leurs partenaires sont globalement erronées, dans la définition même du terme. Selon lui, cette situation devrait plutôt être encadrée par des accusations de négligence, plus logiques dans les circonstances. Des peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans seraient quand même possibles.
En conclusion, grâce à l’aide de nos deux spécialistes ca- nadiens de la question du VIH et de la criminalisation, il existe un consensus pour dire que le dépistage est fortement recommandé puisqu’il permet un traitement rapide qui, à long terme, permet d’éviter les effets les plus néfastes de la maladie. Avec le temps et grâce aux avancées médicales, il est à prévoir que les accusations criminelles contre des per- sonnes atteintes diminueront et ne concerneront plus que les personnes négligentes qui, ne l’oublions pas, contribuent par leurs activités à infecter des personnes innocentes.
Maître Julius Grey pratique le droit à l’Étude Grey Casgrain, située au 1155, rue René-Lévesque O. Suite 1715 à Montréal. (514) 288-6180

La criminalisation du VIH, une réalité!

Thursday, April 14th, 2011

Par
Roger-Luc Chayer
info@gayglobe.us
Photo
Google
Dans la foulée de notre première
publication sur l’affaire Steve
Biron, ce jeune homme gai
emprisonné à Québec depuis
près de cinq mois et accusé
d’avoir eu des relations sexuelles
non protégées alors qu’il se
savait atteint du VIH, il nous
est apparu important de venir
faire le compte rendu de l’état
du droit criminel en matière de
criminalisation du VIH dans ce
pays. Le 18 mars dernier, un
juge de Trois-Rivières rendait
une décision sévère à l’endroit
d’une autre personne accusée
des mêmes faits que Steve
Biron et déclarait Michel Lavoie
coupable d’agression sexuelle
grave contre sa petite amie lui qui n’avait pas déclaré sa séropositivité
à sa conjointe allant
même jusqu’à refuser tout traitement
médical. Le juge l’a envoyé
immédiatement en prison.
Dans le cas de Steve Biron
toutefois, la défense entend
démontrer qu’il était sous traitement
par trithérapie, qu’il
était indétectable aussi ce qui
remplirait les conditions de la
jurisprudence récente à l’effet
qu’une personne indétectable
n’a pas à déclarer publiquement
sa séropositivité.
Le droit criminel considérait
jusqu’à tout récemment que le
VIH était une maladie à déclaration
obligatoire et que les personnes
atteintes qui désiraient
avoir des relations sexuelles
non-protégées avaient l’obligation
d’en informer leurs
partenaires afin d’obtenir leur
consentement éclairé. Les accusations
résultant de l’omission
de divulgation d’un VIH
vont du voie de fait grave à
l’agression sexuelle grave et
peuvent même aller jusqu’à la
tentative de meurtre selon le
procureur responsable du dossier.
Les tribunaux canadiens
et particulièrement ceux du
Manitoba et du Québec commencent
à incorporer l’avancement
de la science dans leurs
décisions et acquittaient deux
personnes en 2010 des accusations
portées principalement
parce qu’elles étaient sous traitement
de trithérapie et que la
science est en mesure de prouver
qu’une personne traitée
devient indétectable au niveau
de sa charge virale, donc de sa
capacité à transmettre le virus.
Tout semble donc en matière
criminelle tourner autour de la
trithérapie comme seule condition
pouvant mener vers un
acquittement. Les personnes
homosexuelles qui sont porteuses
du VIH et qui décident
d’avoir une vie sexuelle active
ont tout intérêt à savoir que
si elles décident de négliger
leurs traitements de trithérapie
et que la charge virale devient
détectable, ce qu’elles pensent
être une simple relation sans
danger peut devenir un emprisonnement
de 14 ans, la peine
maximale prévue au Canada.
Il est de la responsabilité de la
personne atteinte de s’assurer
qu’en présence d’un traitement
et avec une charge virale indétectable,
elle est considérée
comme un risque ordinaire et
ne peut être accusée. (Voir
l’article à droite)

Affaire Steve Biron – Nouvelles du 26 mars 2011

Saturday, March 26th, 2011

Par: Gay Globe Média

Les lecteurs de Gay Globe Média suivent avidement l’affaire Steve Biron depuis ses débuts puisqu’elle implique une question d’intérêt public pour la communauté soit, la criminalisation du VIH et le débat scientifique sur l’intention criminelle d’une personne traitée par trithérapie dont la charge virale est indétectable.

Bref, dans le cadre de notre suivi du dossier, il nous fait plaisir de vous informer que Steve va relativement bien dans les circonstances, que les procédures prévues visant à obtenir sa libération conditionnelle le temps de la suite des procédures sont pratiquement prêtes mais retardées par des examens médicaux mal effectués par le personnel médical de la prison de Québec, où il est actuellement toujours incarcéré depuis plus de 5 mois.

En effet, afin de prouver que la trithérapie fait actuellement son travail et qu’il est indétectable, remplissant ainsi un des critères établis par la Cour d’Appel du Québec dans un cas similaire, Steve a besoin d’analyses sanguines et doit attendre les résultats de ces analyses avant de produire les nouvelles pièces à son dossier. Or, le médecin de la prison, informé que Steve avait besoin d’un suivi médical a commandé les mauvais tests sanguins, se contentant de vérifier s’il était séropositif, ce que tout le monde sait déjà, sans demander un décompte de la charge virale, qui était en fait la seule question pertinente.

Tout cela cause donc un ralentissement imprévu des procédures de Steve et il se retrouve théoriquement encore une fois retenu en prison pour des raisons hors de son contrôle qui n’ont rien à voir non plus avec l’administration de la justice. De nouveaux tests sanguins sont prévus, ainsi que les nouveaux délais pour les résultats. Steve tente de garder le moral malgré les événements.

DOCUMENTAIRE

Gay Globe Média profite de l’occasion de cette mise à jour pour annoncer le tournage d’un documentaire sur l’Affaire Steve Biron dès sa sortie de prison avec pour objectif de mieux faire comprendre le débat tournant autour de la criminalisation du VIH et les avancées de la science en matière de charge virale indétectable. Steve Biron a accepter de participer au tournage et il s’agira d’un document exceptionnel proposant des entrevues-capsules avec des spécialistes du droit civil, criminel, des médecins et des scientifiques.

Le documentaire dans sa version finale ne pourra toutefois pas être diffusé avant la fin des procédures de manière à ne pas nuire à l’administration de la justice. À suivre.

45- Criminalisation de l’homosexualité

Monday, April 5th, 2010

Plus de 70 États dans le monde condamnent encore les lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels et,
dans une dizaine de pays, la peine de mort est la sanction prévue par la loi. Afin de lutter contre ce scan-
dale légal, une pétition internationale vient tout juste dʼêtre lancée. La Cgt en est signataire et encourage
tout le monde à la signer (signature en ligne).
Cette pétition a été initiée
par Louis-Georges Tin, prési-
dent du Comité Idaho, qui coor-
donne chaque année la Journée
mondiale de lutte contre lʼho-
mophobie du 17 mai. Le titre
de cette pétition est très clair :
“Pour une dépénalisation uni-
verselle de lʼhomosexualité” ;
le texte lui-même ne lʼest pas
moins, puisquʼil repose essen-
tiellement sur les articles de
la Déclaration universelle des
Droits de lʼHomme.
Les enjeux sont nettement po-
sés : il sʼagit dʼaboutir à une
résolution qui sera adressée aux
Nations Unies dans les mois
à venir. La bataille sʼannonce
difficile car de nombreux chefs
dʼÉtat nʼhésitent pas à justifier
et à encourager les violences
homophobes.
Cependant, il existe la juris-
prudence onusienne qui pourrait
servir. En effet, en 1994, la com-
mission des Droits de lʼHomme
avait condamné la Tasmanie
qui considérait lʼhomosexualité
comme un crime.
A la suite de cela, la Tasmanie
avait dû faire évoluer sa légis-
lation pour se mettre en confor-
mité avec le droit international.
Le but de cette pétition est donc
dʼobtenir que cette jurispru-
dence tasmanienne soit étendue
à tous les autres pays pénalisant
lʼhomosexualité. Il sʼagit dʼun
combat pour la liberté, lʼégalité
et le respect de chacun.
Parmi les principaux soutiens
figurent des ONG (telles que la
Fédération Internationale des
Droits de lʼHomme, lʼIntergroup
of the European Parliament on
gay and lesbian rights,
lʼInternational Aids Society) et
des personnalités dont la liste
complète figure sur le site In-
ternet. La Cgt a immédiatement
répondu positivement à Louis-
Georges Tin dès sa sollicitation.
Nous entendons soutenir et
nous joindre pleinement à cette
lutte. Lʼune des premières inter-
ventions est dʼencourager tout
le monde à signer la pétition.
Vous pouvez donc dʼores et déjà
signer et faire signer cette pé-
tition : www.blueceltis-world.
co.uk/idaho/index.html.
Contacter le collectif Cgt de
lutte contre lʼhomophobie
- case 3-2 – 263 rue de Pa-
ris 93516 Montreuil Cedex
?Tél. 01 48 18 81 26
Fax : 01 48 18 81 69
discrim-homo@cgt.fr
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nant lʼappropriation illé-
gale de lʼentreprise par un
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ment au (514) 728-6436

Burundi : la peine mort abolie mais l’homosexualité pénalisée

Thursday, December 4th, 2008

C’est une avancée mitigée. Le parlement du Burundi a adopté samedi un nouveau code pénal abolissant la peine de mort mais pénalisant l’homosexualité, cite RFI. Cette loi prévoit une peine de trois mois à deux ans et/ou une amende de 54 000 francs (84 dollars) pour quiconque entretiendrait des rapports sexuels avec une personne du même sexe.
NDLR: Nous souhaitons réitérer le fait que les personnes homosexuelles peuvent être systématiquement arrêtées et emprisonnées dès leur descente d’avion dans les pays où l’on criminalise ces actes même si elles ont un passeport canadien. Prudence donc…