DOSSIER XXX
Thursday, January 27th, 2011Depuis maintenant une dizaine d’années, nous voyons de plus en plus d’annonces de garçons ou filles offrant des services de massages érotiques, d’escortes ou de danses à domicile. C’est à pleines pages qu’on peut lire ces annonces dans le Journal de Montréal, La Presse ou Voir mais qu’en est t-il véritablement de la loi dans ce domaine. Qu’est-ce qui fait qu’une annonce est illégale par rapport à une autre et surtout, quels sont les risques pour les clients et les masseurs de recevoir la visite des policiers. C’est un peu ce que nous tenterons d’expliquer dans ce dossier. On y découvrira la vision de trois spécialistes du domaine de l’érotisme à la carte et une entrevue exclusive avec un policier de la C.U.M. qui nous expliquera le sens de la loi et son application dans le domaine qui nous concerne.
MARIO LE MASSEUR
MARIO a 36 ans bien qu’il affirme en avoir que 28. C’est à ma grande surprise que je rencontre un homme qui dit lui même qu’il ne cadre pas dans les préjugés du métier. Mario n’a pas toujours pratiqué ce métier, en fait, il détient une formation universitaire. Jusqu’à récemment, il était professeur de français, langue seconde, à temps partiel et employé des services auxiliaires dans un hôpital de Montréal. Ses passages à l’université lui ont permi d’étudier les langues latines (McGill) et le français (UQAM). Mario n’est pas novice dans le domaine du sexe payant. A l’âge de 23-24 ans, il dansait déjà dans des bars tout en admettant avoir flâné plusieurs années avant d’effectuer un retour aux études à 27 ans. C’est donc avec un Bacc en français et premier de promotion qu’il aborde sa vie post étudiante en pensant mettre de coté le métier de masseur érotique. En mars dernier, le gouvernement du Québec coupait du personnel autant dans son lieu d’enseignement qu’à l’hôpital lui coupant ainsi plus de la moitié de ses revenus. C’est donc plus ou moins malgré lui qu’il a repris du service. Plus ou moins car tout au long de notre discussion, nous réalisons ensemble que dans le fond, Mario cherche l’affection qu’il n’a pas reçu de ses parents dans le métier de masseur. le contact, l’échange et même la chaleur humaine sont faciles à trouver quand on rencontre des gens qui viennent pour la même chose.
Mario rencontre environ 3 personnes par semaine et demande 50$ par massage. Pour le prix, les clients reçoivent un massage, une masturbation et peuvent demander des fellations. Mario ne dit pas non aux caresses et à plus, en autant que ce soit des demandes raisonnables. Pour les vices hors du commun comme le sado-maso et les golden showers, c’est non.
Comment te perçois-tu dans le cadre de ton métier? << Je ne me sens absolument pas pute. J’ai plutôt l’impression d’être un travailleur social qui répond à un besoin de société tout en récoltant ce qui manque dans ma vie.
Et ton sens des valeurs? <<Je crois que depuis ma naissance, je n’utilise que 10% de mon potentiel intellectuel. Je sais que je suis plein de capacités, je me sens très moral mais il faudrait que je songe sérieusement à la raison qui fait que je n’utilise jamais mon plein potentiel>>.
Pour Mario, son métier est loin d’être condamnable. Toute forme de prostitution devrait être légale, comme pour la consommation des cigarettes et du chocolat! Prenons un mec qui a des problèmes dans sa vie personnelle et qui bouffe du chocolat pour se faire plaisir. Il sait que c’est mauvais pour la santé mais ce n’est pas un crime que d’en manger! C’est un peu la même chose avec le sexe; Le client sait qu’il peut attraper une maladie par le sexe mais s’il y trouve tout de même un certain plaisir et un réconfort, est-ce que ca devient illégal? Car voilà la véritable raison que les autorités invoquent pour bannir la prostitution: Les maladies transmissibles. Ce raisonnement tombe quand on y pense un peu…
As-tu déjà passé des examens pour les maladies? <<…L’année dernière j’y suis justement allé et tout était négatif bien que depuis quelques jours, j’ai l’impression d’avoir attrapé un chlamydia ou une ghono…>>
OLIVIER LE DOMINATEUR
Olivier a lui aussi 36 ans mais affirme n’avoir que 29 ans. C’est un culturiste qui s’entraîne pratiquement tous les jours. Il annonce dans les médias en tant que masseur mais se spécialise plutôt dans la domination bien que ce secteur d’activité ne représente qu’une infime partie de sa clientèle. Il est fonctionnaire en informatique au Gouvernement du Québec et admet qu’il n’a pas véritablement besoin de cet apport supplémentaire:<<…C’est qu’avec plus de 1000$ par mois rien qu’en revenu de massages, on prend l’habitude de dépenser en fonction de ses revenus>>.
Olivier prend un certain plaisir à pratiquer le massage et la domination car il lui arrive de rencontrer des gens qui lui plaisent autant physiquement qu’intellectuellement. Certains clients d’ailleurs ne vont le voir que pour le contact humain sans avoir une relation sexuelle complète. Parmi les différents aspects de sa pratique on retrouve le simple massage érotique, la relation sexuelle sans pénétration, la fessée et quelques fois, ça peut aller jusqu’à une brutalité qui laisse des traces et des cicatrices. Il perçoit ses clients bien différemment les uns des autres: <<Ceux qui passent par des médias hétéros comme La Presse ont plutôt tendance à être des “gros cochons” mais les clients gais qui passent par les publications spécialisées sont plutôt à la recherche d’une simple relation sexuelle ou d’un fantasme>>.
L’aspect légal le préoccupe à l’occasion bien qu’il ne se sente pas en infraction. Il ne consomme pas de drogues et ne pratique pas la prostitution à grande échelle, simplement en hobbie. C’est à son avis ce qui le différencie des autres, il fait ce métier parce qu’il l’aime! Je lui ai demandé s’il avait déjà passé un test de dépistage du SIDA:<<… Je donne régulièrement mon sang à la Croix-Rouge, je me fie sur eux pour me prévenir s’il y avait quelque chose dans mon sang>>. Est-ce dans les pratiques de la Croix-Rouge que de prévenir un donneur qu’il est malade? Pas que je sache mais Olivier ne souhaite pas pour autant aller passer un test. Oui, il a déjà eu des champignons ou la ghono mais jamais dans la pratique de son métier.
Le mois prochain, témoignage d’un jeune prostitué de rues et entrevue avec le Sergent-détective Villeneuve, Superviseur des enquêtes à l’escouade de la moralité de la Police de la C.U.M. sur tous les aspects entourant la pratique de ce métier autant pour les masseurs et autres, que pour les clients.
Dossier XXX – II
Suite du mois précédent
JIM, LE SPECIALISTE DE L’ESCORTE!
Dans le cadre de ce dossier, j’ai passé en entrevue soit téléphonique ou en personne plus de 20 candidats. Je suis passé du bas de gamme et Jim doit sûrement représenter le très haut de gamme. C’est qu’il a décidé d’offrir à ses invités un voyage dans le monde extraordinaire des sens. D’abord, quand on entre chez lui ou plutôt dans sa machine à voyager, le décor assomme par sa beauté. Tout est absolument décoré pour extraire l’invité du monde réel. Une pièce dont le velours noir et les broderies d’or sont à la base, les meubles de laque chinoise et les gigantesques bibelots en porcelaine agrémentent le reste. C’est qu’il a eu tout le temps et l’argent nécessaire dans sa vie pour se procurer ces bijoux. Il a même voulu offrir le max en ce qui a trait au physique en subissant plusieurs chirurgies esthétiques. Bien qu’aujourd’hui, Jim offre à ses invités un physique d’homme à faire rêver, les choses n’ont pas toujours été ainsi. A l’âge de 16 ans, il pesait 215 livres et on se moquait toujours de lui. C’est pendant cette période difficile de sa vie qu’il s’est dit:” Ceux qui rient de moi aujourd’hui paieront pour m’avoir dans leur lit un jour”. Et c’est ce qu’il fait depuis 25 ans. Ses tarifs vont de 50$ à 400$ cela en fonction des besoins de l’invité. Est-ce qu’il voudra aller au resto? aller danser? le prix est à négocier. Avec plus de 600 rendez-vous par année, Jim compte sur un revenu de base dans les cinq chiffres et ça, sans compter son métier de jour qu’il préfère garder secret.
Jim ne met pas de limite de temps dans le service qu’il donnera à l’invité et refuse d’utiliser le mot “prostitution” pour qualifier ses activités:<< Je suis une sorte de sexothérapeute qui offre à celui qui le voudra, un moment de quiétude, des caresses et beaucoup d’affection. La majorité de mes clients étant des hommes mariés, ils viennent chercher ici ce que leur femme ne peut leur donner, de la compréhension et une détente virile>>.
ET LA LOI DANS TOUT CA?
Le code criminel est bien flou quand il s’agit de déterminer ce qui constitue de la sollicitation ou de la prostitution. Grâce à l’aide du Sergent Détective Villeneuve, superviseur aux enquêtes de l’escouade de la moralité de la Police de la C.U.M., nous tenterons d’informer autant ceux qui pratiquent le métier que leurs clients.
Q: Est-ce que le fait d’annoncer dans un journal des services de massages érotiques, de domination ou carrément du sexe pour de l’argent est illégal?
R: Absolument pas. Le journal ou le magazine offre un service de petites annonces qui fait partie de son mandat et il n’y a rien d’illégal dans ça.
Q: Quelle est la définition exacte de “prostitution” au sens de la loi?
R: Il y a plusieurs critères qui différencient les actes sexuels normaux de la prostitution. Un de ces critères est que la sollicitation doit être faite dans un endroit public comme dans la rue, un parc ou une entrée d’hôtel. Le domicile privé, utilisé pour des massages érotiques ou d’autres faveurs sexuelles, peut être considéré comme une maison de débauche.
Q: Quels sont les actes sexuels répréhensibles?
R: Tous les massages érotiques ne sont pas nécessairement sexuels. Il n’y a qu’une seule jurisprudence dans ce domaine et elle vient de Joliette. Le juge a considéré que le simple fait d’être nu avec le client ne constituait pas un acte sexuel. La masturbation, la fellation et la pénétration sont considérés, par contre, comme des actes sexuels.
Q: Quels sont les critères recherchés par la police pour ouvrir une enquête et porter des accusations dans une affaire d’annonce ou dans la pratique d’un “suspect”?
R: Pour qu’il y ait prostitution, il doit y avoir les trois critères suivants; Sollicitation dans un endroit public, échange d’argent et enfin, service ou acte sexuel.
Q: Un masseur, escorte ou autre qui ne passerait que des annonces dans les journaux et qui ne pratiquerait que chez lui serait-il à l’abris de poursuites?
R: Pas vraiment bien que ce soit plus difficile à prouver. Il serait considéré comme tenant un endroit de débauche mais dans ce cas, la preuve est autre.
Q: Quelle est cette preuve?
R: En général, ce sont les voisins qui se plaignent à la police pour des allers et venues suspectes. Ils croient, la plupart du temps, que ce sont des “pushers” de drogues et ne pensent pas à la prostitution. La police effectue une surveillance des lieux pendant au moins deux jours consécutifs pour ramasser la preuve.
Q: Avez-vous déjà procédé à l’arrestation d’un masseur érotique?
R: Non, sauf pour ceux qui se trouvaient dans des agences d’escortes ou des studios de massages.
Q: Est-ce que le détenteur d’un diplôme de masseur et membre de l’association des massothérapeutes est mieux protégé face à la loi?
R: Non, tout est dans la définition de l’acte sexuel. Quand on fait une descente, c’est qu’on a déjà assez de preuves pour porter des accusations.
Q: Quelles sont les peines pour les clients et les praticiens qui sont reconnus coupables?
R: Pour les agences, c’est 1000 à 1500$. Pour les prostitués c’est de 250 à 500$ et pour les clients, c’est un maximum de 300$. Il n’y a jamais eu de clients condamnés pour avoir répondu à une annonce dans les journaux.
Voilà enfin des réponses aux questions que sûrement vous aussi vous vous posez sur ce genre de métier. La plupart des masseurs, escortes et autres se croient protégés dans leurs fonctions. Cet article leur permettra, de même qu’à leurs clients, d’évaluer leur comportement que ce soit à l’égard de la loi ou à l’égard de leurs clients qui souhaitent vivre une expérience agréable sans qu’elle ne soit nécessairement punissable par le code criminel. Remerciements sincères à toutes les personnes qui ont bien voulues participer à ce dossier de même qu’au sergent Villeneuve pour sa collaboration à une meilleure compréhension d’une pratique sociale très répandue au Québec.