L’essai ERAMUNE, une piste de recherche pour éradiquer le VIH ?

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Sandra : L’essai Eramune, est-ce que ça dit quelque chose à quelqu’un ici ?

Tina : Très peu.

Ali : Non.

Sadek : Du tout, je ne connais pas.

Sandra : Sans plus attendre, nous allons écouter Christine Katlama, médecin à l’hôpital de la Pitié Salpétrière sur l’essai ERAMUNE

Début du son.

Sandra : Est-ce qu’il sera possible d’éradiquer le virus du VIH chez les personnes séropositives ?

Christine Katlama : Nous ne savons pas. C’est une piste de recherche que plusieurs équipes poursuivent dans le monde. Est-ce qu’un jour, grâce à une stratégie thérapeutique particulière, grâce à des médicaments combinés à un vaccin, grâce à point d’interrogation, nous pourrons éradiquer le virus de l’organisme. Question ouverte.

Sandra : Donc là, c’est des pistes. Est-ce que c’est plus par un traitement ou par un vaccin les deux essais menés en Europe et aux États-Unis ?

Christine Katlama : Pour l’instant, nous poursuivons une stratégie qui va combiner à la fois l’intensification du traitement antirétroviral d’une part. Et d’autre part l’intensification et une intervention immunitaire qui sont soit dans l’essai vaccin eramune 02, soit de l’interlokine dans l’essai eramune 01. Deux idées, mais il y en a d’autres. Il faut les tester chacune, une après l’autre. Ces deux essais concernent des patients chez lesquelles la charge virale est complètement contrôlée depuis de longues années dans le sang en périphérie, qui sont donc évidemment sous traitement antirétroviral qui vont bien vouloir participer à cette recherche. Il y a des critères pour participer qui sont une mesure du réservoir viral dans le sang, ni trop bas, ni trop haut. C’est un critère supplémentaire que nous testons chez chaque individu qui souhaite participer à la recherche.

Sandra : Cette étude, pourquoi est-elle menée en Europe et aux États-Unis ?

Christine Katlama : Pourquoi pas j’ai envie de dire. Cette étude en fait elle est menée dans le cadre du réseau international orvax, financé par la fondation de Liliane Bettencourt et qui réunit un réseau de chercheur, de cliniciens, international de gens qui vont à un moment donné partager les mêmes idées. Donc en Europe, ce sont des essais qui ne peuvent pas être faits partout. Il faut avoir des équipes motivées, des patients motivés et surtout il faut avoir les infrastructures pour faire cette recherche de haute technologie. C’est la raison pour laquelle nous avons un partenariat. Nous travaillons ensemble à la fois sur les idées, sur le brainstorming, sur la réalisation d’étude avec un centre en Italie, deux centres en Espagne et un centre en Angleterre.

Sandra : Est-ce que les patients qui vont participer à cette étude vont devoir changer de traitement ?

Christine Katlama : Ils ne vont pas changer de traitement, ils vont ajouter à leur traitement qui est très bien dans le sang périphérique, mais insuffisant pour toucher tous les réservoirs. Ils vont ajouter 2 médicaments que l’on connait bien et qui sont parfaitement tolérés.

Sandra : C’est quels médicaments ?

Christine Katlama : Le raltégravir qui est un inhibiteur d’intégrase et le maraviroc qui est un inhibiteur du récepteur CCR5.

Sandra : Vous savez s’il y a déjà des effets secondaires prévus ou connus par rapport aux deux médicaments que les patients vont devoir prendre.

Christine Katlama : Les médicaments que les patients vont devoir prendre sont des médicaments qui ont leur autorisation de mise sur le marché et qu’on peut utiliser, qu’on utilise. Simplement là ils viennent en addition ensemble. A priori, vraiment on les connait bien. Ce n’est pas des médicaments nouveaux. Ce qui est nouveau, c’est la stratégie de tout combiner.

Sandra : Pour les personnes séropositives qui ne prennent pas de traitement, est-ce que cette étude s’adresse aussi à eux ou ils ne peuvent pas participer ?

Christine Katlama : Ah non. Les personnes qui ne prennent pas de traitement, la première étape c’est que leur virus soit contrôlé, c’est qu’elle soit déjà traitée.

Sandra : Non, mais parfois il y a des personnes séropositives qui n’ont pas besoin de prendre un traitement parce que…

Christine Katlama : Oui, et ça va devenir de plus en plus rare. Ces gens-là, ont une réplication, on le sait, leur réservoir il est très plein de virus. Ce n’est pas la priorité. La priorité c’est de traiter.

Sandra : Il y a déjà beaucoup de personnes qui ont accepté de participer à cette étude ?

Christine Katlama : Alors, nous démarrons. Il y a plusieurs personnes qui ont accepté. Il y a une première phase qui est de mesurer des valeurs dans le sang pour voir si effectivement, tout est bien conforme au protocole. Donc pour l’instant nous sommes tout à fait satisfaits de l’intérêt, même si effectivement c’est une étude qui demande beaucoup aux gens qui vont participer parce que ça va leur demander du temps, ça va leur demander de venir à l’hôpital, de faire des prélèvements et que finalement, on ne sait pas si on va gagner. Mais c’est aussi le défi qu’ils perçoivent de la recherche. Ce dont on n’est sûr, c’est que, on va ne rien leur faire de mal. En revanche, est-ce qu’on va pouvoir baisser le réservoir ? On ne sait pas. Mais tant qu’on ne cherche pas, tant qu’on n’essaye pas, on ne trouvera rien.

Sandra : Qu’est-ce que ça leur rapporte de participer à cette étude ?

Christine Katlama : C’est de participer à l’effort de recherche, de la même façon que pour les gens aient à l’heure actuelle, des thérapies qui marchent, d’autres avant eux ont essayé, testé des trithérapies… donc, c’est cette continuité de l’effort de recherche, peut-être que ça permettra à eux, peut-être pas. Mais on essayera d’autres choses, et je dois dire que beaucoup de gens sont tout à fait intéressés. Les personnes qui vivent avec le VIH en particulier, les personnes qui sont suivies depuis longtemps, connaissent l’importance de l’effort de la recherche clinique et réellement un certain nombre d’entre eux sont très participants, militants. On leur explique tout, ils participent avec nous finalement. C’est une équipe qui va s’inscrire dans l’espoir de cette recherche. Le pire qui pourrait arriver au VIH et je ne le souhaite pas, c’est qu’il n’y ait plus de ces recherches-là.

Sandra : Elle va durer combien de temps l’étude ?

Christine Katlama : L’étude va durer un an. On mesure le réservoir au début et un après. Donc nous aurons les résultats à peu près dans 18 mois, 2 ans.

Sandra : Vous y croyez vraiment à cette possibilité de trouver un vaccin contre le VIH ? Ou c’est encore une étude comme ça et finalement dans 10 ans, on sera encore au même point ?

Christine Katlama : D’abord, il ne s’agit pas d’un vaccin. Ce que je crois, ce que mes collègues et moi croyons c’est que nous devons pouvoir abaisser le réservoir virologique des gens qui sont infectés sous traitement. Si l’on abaisse au plus bas ce réservoir, peut-être à ce moment-là pourrons-nous nous passer des traitements. On y croit sinon je crois qu’on l’aurait pas fait, qu’on aurait pas trouvé ni l’énergie, trois ans de travail pour porter un projet comme cela.

Sandra : Donc l’objectif de cette étude c’est de permettre à des personnes séropositives de guérir du VIH ?

Christine Katlama : Non, l’objectif de cette étude c’est de voir si on est capable d’ébranler le réservoir de virus. Première étape. Si on peut l’ébranler au maximum et combien de temps ça peut durer, ça, c’est une deuxième histoire qui va s’inscrire ? Mais in fine, l’idée est un jour d’avoir tellement peu caché de virus dans l’organisme qu’on pourrait presque parler de guérison.

Fin du son.

Sandra : C’était Christine Katlama. Désolée pour les coupures, il s’agit d’un problème technique. J’espère que ça n’a pas trop empêché la compréhension du sujet. De toutes les façons, Christine Katlama sera aussi présente à la 5e rencontre des parents et futurs parents concernés par le VIH le 18 juin 2011 à l’Hôtel de Ville de Paris. Je vais demander à l’équipe radio ce qu’elle en pense de cette étude. Je vais commencer par Sadek.

Sadek : Je trouve qu’elle est extrêmement charmante cette dame, parce qu’avec son traitement qui est autorisé, le médiator a été autorisé, mais ce n’est pas ça qui a empêché les gens d’en mourir. Puis je souhaite bon courage aux patients qui se sont mis en avant pour suivre ce traitement. Ce sera encore des nouveaux cobayes entre guillemets, j’espère que ce sera le cas. Mais bon, je vais laisser la parole à Ali, parce que Ali s’impatiente.

Ali : Non, ce n’est pas que je m’impatiente. Déjà d’une si je me trompe, quand elle a terminé elle a dit qu’il n’y aura pas de rémission dans la maladie. Donc déjà, c’est la question primordiale. Depuis des années on se pose la question de savoir si dans un premier temps, il pourrait avoir un vaccin qui empêcherait les gens de se contaminer, et éventuellement dans un second temps un traitement qui permettent la rémission comme on dit totale. Elle est parlé de réservoir, en 28 ans je ne sais pas où il est situé mon réservoir de virus, mais il doit être bien plein. Alors, je suis d’accord quand on me dit que les médicaments de maintenant sont beaucoup plus efficaces avec moins d’effets secondaires, qu’on donne à des gens qui ont une charge virale indétectable plus une quantité plus importante de traitement, qui rentre dans un protocole de 3 ans, si à la fin, il n’y a pas rémission du virus, je ne vois pas où il est l’intérêt. Maintenant oui la recherche il en faut, il leur faut de l’argent et encore une fois, comme disait Sadek, ce n’est pas parce que tel ou tel médicament à l’autorisation de mise sur le marché, on a eu la preuve ces derniers mois, voir ses dernières années, qu’il y avait une trentaine, voir une vingtaine si ce n’est plus de médicament qu’avaient eu l’autorisation de mise sur le marché et qui sont arrivés soit inutile, soit nuisible. En ce qui concerne le VIH, je n’ai pas l’impression d’apprendre beaucoup plus de choses en écoutant cette dame. À part le réservoir de virus.

Tina : Moi déjà je suis vraiment très curieuse de l’entendre pendant la 5e rencontre raconter, expliquer avec plus de détails, pouvoir lui poser des questions parce que c’est vrai que c’est un sujet complexe. On a envie de lui poser plein de questions. Pour ma part, je trouve que je suis tout à fait d’accord avec elle, que sans recherche, sans cobaye, on serait encore en train de mourir. Nos enfants seraient encore en train de naître avec le VIH, parce qu’aucune maman n’aura voulu prendre l’AZT pendant la grossesse. Bien sûr, être un cobaye c’est peut-être moins agréable que de savoir que le traitement n’a pas d’effet secondaire. C’est vrai, sans ces personnes courageuses qui a un moment donné disent je suis prête à, bien sûr dans un certain cadre, je pense que ce n’est pas des traitements qui vont leur faire un gros souci. Je pense que la médecine le sait. Est-ce qu’il y aura des effets secondaires qui feront que finalement on va arrêter ? Ils se donnent pour la recherche et c’est plutôt très courageux. Je pense que les médecins, il y a certainement des recherches qui ne servent à rien. Je ne sais pas si celle-ci en fait partie. Je suis plus intéressée par celle-ci que par la recherche du vaccin qui m’a l’air plus foireux parce que j’ai quand même souvent entendu parler qu’effectivement le problème pour guérir, le VIH c’est le réservoir. On sait bien que, quand on prend un traitement, le virus disparait quasiment de partout sauf dans les réservoirs. C’est pour ça qu’une fois qu’on arrête le traitement, le virus réapparait. C’est vraiment un sale problème de réservoir. J’ai déjà entendu d’autres médecins dire que ce qu’il faut c’est réussir à éradiquer le virus des réservoirs. J’ai entendu parler d’une piste qui est celle de secouer le réservoir pour faire sortir, émerger le virus, après le tuer. Est-ce que ça rejoint la recherche de Christine Katlama et de son équipe ? En tout cas, voilà, je pense que c’est une piste intéressante et je ne connais pas assez bien pour savoir si elle est bien cadrée et tout et je trouve que c’est intéressant.

Sadek : Alors pour toi Tina il n’y a aucun problème que certaines personnes se sacrifient pour la science pour que certaines personnes puissent vivre ?

Tina : Je ne dis aucun problème…

Sadek : Ce n’est un mot dur, aucun problème. Faut penser aux personnes qui sont tombées quand même.

Tina : Non, ce que j’ai dit c’est que s’il n’avait pas eu de cobaye…

Sadek : Oui, mais il y a eu des cobayes involontaires. Ceux qui sont tombés sans le savoir…

Tina : Si tu t’intéresses à la question de comment on a réussir à faire en sorte que la transmission de la mère à l’enfant soit diminuée, c’est que certaine maman sans savoir, ont été, exactement ce que ça va faire à elle et à leur bébé, ont accepté de prendre l’AZT tout en espérant que ce médicament va diminuer la transmission de la mère à l’enfant. À l’époque, on ne le savait pas encore vraiment ou bien on le savait pas encore vraiment les effets secondaires. Et c’est grâce à ces mamans courageuses bien sûr encadrées, par des médecins je pense, que Laurent Mandelbrot pourrait nous en raconter qu’aujourd’hui nos enfants ont cette chance de naître sans le VIH. Donc voilà, les cobayes permettent quand même d’avancer. Après faut pas faire prendre des gros risques aux gens, mais si c’est dans une certaine mesure, il y a toujours cette part de toute qui fait qu’on peut avancer.

Ousmane : Il n’y a pas de raison de faire un débat là-dessus cobaye ou pas cobaye. Je pense quand même que quand Katlama parle de ça, elle a bien dit des gens volontaires. Donc ce sont des gens qui, pour eux, c’est normal qu’il y ait des gens comme eux, à se donner, à faire des essais pour demain, en tout cas, les personnes séropositives voient des jours meilleurs. Mais si ce n’était pas volontaire, si c’était fait sciemment, à la rigueur. Mais là c’est vraiment des gens qui viennent, on leur donne des documents, ils lisent et disent je suis d’accord. Ils signent, ce n’est pas fait, de la manière dont toi, Sadek il dit est-ce que ceux qui sont morts pendant les années 80 ou je ne sais pas, c’était normal ? Peut-être pas. Mais je pense que là, cette fois-ci c’est vraiment des gens qui ont dit, voilà, moi je suis séropositif, je suis d’accord pour être un essai pour les autres. Donc c’est important pour les autres.

Tina : Oui, mais ça de toute façon tu ne peux pas faire prendre un traitement ou faire quelqu’un entrer dans une étude sans son accord. Mais après la question est-ce que tu peux prendre des gens malgré tout pour un essai, dont tu ne sais pas exactement les aboutissants ? Évidemment en France, faire des essais sur des personnes sans les informer, ce serait criminel.

Ali : La différence entre les cobayes de l’époque et ce qu’on appellerait les cobayes de maintenant, c’est que les premiers cobayes, vus que dans les années 80, on n’était face à une maladie dont on connaissait rien. On a pris les molécules les plus fortes. On leur a donné en leur disant, si vous ne prenez pas ça, vous allez mourir dans très peu de temps. Donc ils n’avaient pas vraiment le choix. Il n’y avait pas à signer un document ou quoique ce soit, ce n’était pas un essai. À la différence de maintenant ou vraiment, ils ont abouti sur des traitements moins douloureux, plus efficaces, moins d’effet secondaire. À la fin, elle précise bien qu’il n’y aura pas rémission. La question est de savoir, on lui demandera quand on la verra, c’est de savoir si les gens même après, d’ailleurs elle parle de trois mois en disant que c’est long, c’est les patients qui doivent trouver ça long. Elle, elle fait que signer les ordonnances, les examens, mais quand elle dit qu’à la fin il n’y aura pas rémissions, ça veut dire que les gens continueront à prendre des traitements. Je me demande vraiment l’intérêt. Maintenant s’ils font ça, ils ne le font pas pour n’importe quoi.

Sadek : Puis les blouses blanches doivent-elles avoir la parole d’évangile ? Je vois le mensonge en eux. Point barre.

Sandra : Je voudrais terminer par une dernière question à Tina. Est-ce que toi si tu rentrais dans des critères de recherches, est-ce que toi tu avais le courage de participer à une étude ou pas ?

Tina : Bien sûr, avant de prendre la décision si oui ou non je m’informerai bien des risques que je vais prendre, de l’intérêt de cette recherche, qu’est-ce que ça veut dire pour ma santé, si c’est dans un cadre raisonnable avec un vrai objectif. Je pense que oui, voilà si on me dit que je risque ma vie, ou je ne sais pas, dans ces cas-là peut-être non, tout dépend comment c’est encadré. Je pense qu’aussi que s’il y a un problème, l’équipe est là pour stopper. Je ne pense pas que les gens prennent de gros risque pour leur santé, mais je pense que pour que ça avance, ce que je voulais dire à Ali, que quand même, elle parle du fait que le virus serait tellement diminué dans les réservoirs qu’on pourrait quasiment parler d’une guérison, d’une rémission.

Transcription : Sandra Jean-Pierre

About gayglobeus

Roger-Luc Chayer Journaliste et éditeur de Gay Globe TV et de la Revue Le Point
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