Le tabou homosexuel est levé dans l’armée américaine

Le Monde
C’est la fin d’un processus de plusieurs années et l’aboutissement d’une promesse de campagne de Barack Obama, qui s’était engagé à lever les restrictions pesant sur l’engagement militaire des homosexuels. S’exprimant en 2009 lors d’un dîner organisé par le Human Rights Campaign (HRC), le plus important groupe de soutien aux lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels (LGBT en anglais) aux Etats-Unis, le président avait promis d’en finir avec la politique du silence.

En décembre 2010, le Congrès des Etats-Unis avait approuvé, après un ultime vote au Sénat, le samedi 18 décembre, l’abrogation – longtemps réclamée par le président Barack Obama – de la controversée loi de 1993 qui interdisait aux soldats américains d’afficher leur homosexualité, sous peine de renvoi. Le 22 juillet, le président certifiait que l’armée américaine était prête à accueillir des homosexuels dans ses rangs. Soixante jours plus tard, mardi 20 septembre, et après des années d’activisme des associations, de procès pour discrimination, cette loi de 1993, dite “Don’t ask, Don’t tell” (“Ne rien demander, ne rien dire”) est abrogée : le tabou homosexuel est levé dans l’armée.

FORMATION ET RÉINTÉGRATION

La nouvelle loi entre en vigueur sans fanfare. Le secrétaire à la défense, Leon Panetta, et le plus haut gradé américain, l’amiral Mike Mullen, doivent tenir une conférence de presse mardi après-midi, mais aucune cérémonie officielle n’est prévue pour marquer l’événement. Depuis cette loi de 1993, quelque quatorze mille militaires ont dû quitter les rangs de l’armée en raison de leur homosexualité, selon des sources associatives.

Certains élus, essentiellement républicains, et certains hauts gradés de l’armée comme le patron des marines, le général James Amos, craignaient que cela ne nuise à l’efficacité des soldats au combat. Pour ne rien brusquer, il a été convenu que la loi n’entrerait en vigueur qu’une fois l’armée prête à un tel changement.

Cela aura pris neuf mois. Entre-temps, la quasi-totalité des 2,3 millions de militaires d’active et de réserve, dont une majorité était favorable à l’abrogation de la loi de 1993, ont été “formés” à l’idée d’accueillir des personnes reconnaissant leur homosexualité. Les homosexuels chassés de l’armée pourront la réintégrer. Le Pentagone se dit “prêt” à accueillir des militaires ouvertement homosexuels, et ajoute que tous les militaires devront continuer à se montrer digne de l’uniforme à toute heure et en tous lieux. Les conjoints de soldats homosexuels ne pourront vivre sur les bases militaires ou bénéficier de la couverture maladie pour les familles de militaires.

“DÉFENSE DU MARIAGE”

Les associations espèrent voir dans cette abrogation un premier pas vers l’autorisation du mariage homosexuel. Si celui-ci est reconnu dans six des cinquante Etats (Connecticut, Iowa, Massachusetts, New Hampshire, Vermont, New York) et dans la capitale, Washington, l’Etat fédéral ne le reconnaît pas en vertu de la loi dite “Défense du mariage”. Cette loi, promulguée par le président Bill Clinton, stipule que l’Etat fédéral ne reconnaît le mariage que comme “une union légale entre un homme et une femme”, privant les conjoints de couples homosexuels des droits et avantages dévolus aux conjoints hétérosexuels.

“Aux Etats-Unis et peut-être dans le monde entier, les militaires ont tendance à être l’une des institutions les plus conservatrices de la société”, estime Zeke Stokes, porte-parole d’une association de défense des droits des militaires. Selon lui, “dans chaque pays où le mariage homosexuel est légal, la possibilité de servir dans l’armée sans avoir à cacher ses préférences sexuelles l’a précédé”.

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Roger-Luc Chayer Journaliste et éditeur de Gay Globe TV et de la Revue Le Point
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