Le Point
Des chercheurs de l’Université de Pennsylannie ont utilisé la thérapie génique pour créer des “cellules tueuses” de leucémie. Ils ont testé ce traitement expérimental pour la première fois sur William Ludwig, un officier de police de 65 ans à la retraite originaire de Bidgeton, dans le New Jersey. Pensant “n’avoir rien à perdre”, celui-ci n’a pas hésité une seconde à participer à une révolution. Carl June, à la tête de l’équipe de recherche, décrit le processus : “Nous avons prélevé près d’un milliard de ses lymphocites T (globules blancs qui participent à la défense immunitaire du corps contre le cancer du sang) puis les avons mis en contact avec un virus du sida inactivé, qui les a transformés pour combattre efficacement le cancer, et nous les avons réintroduits dans le sang du patient.”
D’abord il ne s’est rien passé. Mais après dix jours “William Ludwig est devenu un biréacteur”, explique Carl June. Des frissons puis des tremblements. Une température en forte hausse et une tension artérielle en chute libre. Une situation si “inquiétante” pour les médecins que la famille de l’ex-policier a été réunie à son chevet. Les chercheurs se sont rendu compte après que ces symptômes grippaux extrêmement forts, dus à la production de cytokines par les lymphocytes T, n’étaient que le signe d’une âpre bataille contre le cancer. Quelques semaines ont passé et les effets du traitement ont disparu et, avec eux, la leucémie. Plus aucune trace du cancer dans son sang ou sa moelle osseuse et les ganglions lymphatiques se sont envolés. Les chercheurs ont estimé que près d’un kilo de cellules cancéreuses avaient été tuées par le traitement.
Une avancée génétique exceptionnelle
Un an après, il est toujours impossible aux médecins d’affirmer que William Ludwig est guéri. “Il est trop tôt pour crier victoire face à la leucémie”, tempère Carl June. Pour le patient, aucun doute, sa rémission est complète. “Je peux rejouer au golf alors qu’il y a un an je sortais à peine de mon lit”, raconte-t-il. Deux autres patients ont suivi William Ludwig. L’un se trouve en rémission complète et l’autre a été soigné avec des stéroïdes dans un autre hôpital lors des symptômes grippaux. Ce traitement a interrompu l’effet des lymphocytes T modifiés. Bien que le virus du sida ait déjà été utilisé pour soigner d’autres maladies, c’est la première fois qu’il aide à guérir un cancer.
Ces résultats sont, pour beaucoup de médecins, qui se sont exprimés dans différentes revues scientifiques, un tournant dans le développement des thérapies géniques efficaces contre le cancer. Selon le professeur Walter J. Urba, oncologue américain, “cela fait longtemps que l’on essayait de créer des cellules capables de reconnaître le cancer, de l’attaquer et de se multiplier, mais à chaque fois, la capacité des cellules à se battre avec les tumeurs était temporaire”. Il reste cependant prudent sur la généralisation de ce traitement : “Pour être valables, les résultats devront être répétés sur plus de patients et par différentes équipes de recherche.”