Des détenus victimes de pratiques sexuelles

Le Jour
Prison de New-Bell. Ils se livrent, souvent malgré eux, aux autres pensionnaires plus nantis, en échange de gratification. D’autres sont drogués et sodomisés contre leur volonté.

De nombreux détenus de la prison centrale de Douala vivent dans l’indigence. Certains n’ont pas de proche parent dans la ville de Douala où ils ont commis l’infraction les ayant conduit en prison, ou ont été abandonnés par leurs familles suite à leur incarcération.
Parmi eux, des anciens enfants de la rue, condamnés ou en attente de condamnation, ainsi que des déficients mentaux. Ces démunis, condamnés au quotidien à la débrouillardise, sont communément appelés des “pingouins”, dans le jargon pénitentiaire. Faute de moyens, ils ne peuvent manger à leur faim et doivent multiplier des astuces au quotidien pour subvenir à leurs besoins essentiels.

Survivre à tous les prix
Cette recherche de la survie pousse certains à se livrer, souvent malgré eux, à des pratiques d’homosexualité, prohibées par le règlement intérieur de la prison. “Très souvent, ça commence par des petits gestes de générosité. Un détenu attire un Pingouin et lui donne aujourd’hui 100 FCfa, demain 200 ou 500 Fcfa, et ainsi de suite. Après quoi il lui demande de le retrouver dans son ‘Kito’ (cellule personnelle). Ça se passe généralement dans la nuit”, explique un gardien de prison.

A la prison de New-Bell, des dizaines de pensionnaires de même sexe partagent une cellule commune. En violation des règles minima pour le traitement des détenus, qui stipulent que “les cellules ou chambres destinées à l’isolement nocturne ne doivent être occupées que par un seul détenu”, et qu’en cas de dérogation à cette règle, “on devra éviter de loger deux détenus par cellule ou chambre individuelle”. Pour préserver leur intimité, certains détenus aménagent au sein de la cellule commune un local privé, en se servant de planches comme cloisons. C’est ce local intime qu’ils appellent “kito”

L’article 347 bis de la constitution du Cameroun puni “d’un emprisonnement de six mois à cinq ans et d’une amende de 20 000 à 200 000 F toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe”. Les détenus, influencés par le caractère tabou de l’homosexualité au Cameroun, sont homophobes dans leur grande majorité. Des pensionnaires ainsi surpris en flagrant délit de pratique homosexuelle, sont lynchés par les autres personnes privées de liberté et peuvent être tués si les gardiens de prison n’interviennent pas promptement. “Très souvent nous arrivons quand les détenus ont bien tabassé le suspect”, témoigne un gardien de prison.

Drogue et sodomie
Ces dix dernières années, se souvient le Dr Germain Amougou Ello, médecin de la prison de New-Bell, deux détenus, dont l’âge était compris entre 25 et 30 ans, ont été sodomisés de nuit par d’autres détenus, qui n’ont pas été identifiés. Ils ont par la suite été jetés dans la grande cour intérieure de la prison où ils ont été retrouvés au lever du jour par d’autres détenus, dans un état d’inconscience. “Une fois on a amené à l’infirmerie un détenu qui s’était évanoui. Il avait des déchirures au niveau du sphincter et le sperme dégoulinait de son anus. On l’a transporté à l’hôpital mais on n’a pas pu le réanimer. Le second cas était similaire mais grâce à la prompte réaction des parents de la victime et aux moyens qu’ils ont déployés, on a réussi à le sauver”, atteste le médecin. Selon les résultats des tests médicaux effectués, les deux victimes avaient préalablement été droguées, puis sodomisées par leurs “bourreaux”, inconnus jusqu’à ce jour. “Pour le premier cas par exemple, on ne pouvait pas mesurer la quantité de drogue qu’il avait ingurgitée, mais la certitude est que la dose était importante. D’où son décès”, diagnostique Dr Amougou.

De nombreux cas, fondés sur des rumeurs ou la suspicion et difficiles à prouver sont ainsi régulièrement signalés aux autorités de la prison. “Le suspect est immédiatement mis en cellule disciplinaire pendant quinze jours et sa peine est renouvelable”, martèle un gardien de prison. Une façon pour les autorités pénitentiaires de sensibiliser les autres détenus, et de les mettre en garde contre une éventuelle reproduction de la pratique de l’homosexualité.

About gayglobeus

Roger-Luc Chayer Journaliste et éditeur de Gay Globe TV et de la Revue Le Point
This entry was posted in Le Point and tagged , , . Bookmark the permalink.

Leave a Reply