Francesoir
Qui étaient les victimes ? Qui sont les accusés ? La cour d’assises du Cher, à Bourges, a exploré lundi dans l’après-midi, les personnalités de Luc Amblard et Guy Bordenave, ce couple d’homme, enterré vivant, sur les bords de la Loire, en 2009. Puis elle s’est attardée sur les parcours de Claude Juillet et Christophe Rayé, accusés de les avoir séquestrés puis ensevelis. Les deux victimes d’abord. On connait leurs visages grâce aux photographies diffusées, dans la presse, à l’époque de leur disparition.
Un couple uni
Luc Amblard, 56 ans et Guy Bordenave, 39 ans, formaient un «couple uni» et «complice», disent leurs proches. Ils étaient «fusionnels». Lorsqu’ils se rencontrent au début des années 1990, les deux hommes se lient rapidement. Ils ont le même goût pour le monde du spectacle et travaillent ensemble dans cette branche artistique. Leur travail les conduira dans différentes villes de France, à Fréjus (Var), notamment, puis dans le petit village de Couy (Cher) où ils font construire leur pavillon en 2007 avant de s’y installer un an plus tard. Guy Bordenave, qui a grandi dans «un climat de terreur lié à l’alcoolisme» de son père, a trouvé en son compagnon «bon vivant», «sociable» et «cultivé», un repère. Bien que plus jeune, Guy Bordenave «sert de garde fou» à son aîné, à la santé fragile. Ils aimaient les «belles choses», «allaient au resto», «ils en profitaient», rapportent leurs proches.
“Dans le couple Juillet/ Rayé, qui dirigeait la baraque ?”
Dans le box, se tient un curieux binôme. Deux hommes, très différents, d’anciens amis qui s’opposent aujourd’hui sur les modalités d’un crime. Claude Juillet a reconnu l’intégralité des faits tandis que Christophe Rayé, nie avoir participé à l’ensevelissement. Ils ont respectivement 56 ans et 39 ans, le même âge que les victimes, au moment de leur mort. Pour Claude Juillet, «Luc Amblard dirigeait la baraque» au sein du couple qu’il formait avec Guy Bordenave. Le président s’empare de l’expression et interroge : «dans le couple Juillet/ Rayé, qui dirigeait la baraque ?» «aucun des deux», répond le plus âgé après réflexion. «J’en sais rien, j’ai pas fait gaffe», lance Christophe Rayé, franc et maladroit. Il est expressif et disert. Son complice, réservé et économe de mots. Ils partagent un parcours professionnel chaotique et un passé de délinquant même si dans le lot, c’est «petit Claude» qui affiche le plus gros casier judiciaire : huit ans de prison en 1980, pour plusieurs vols à main armée. «Combien ?», veut savoir le président «je sais plus trois, quatre», rétorque-t-il, étonnant de désinvolture.
Secret et énigmatique
Il n’a pas vraiment l’air d’un braqueur mais la mère de sa fille ne s’y est pas trompée : «sa gueule d’ange cache celle d’un grand voyou qui a débuté jeune», a-t-elle confié au moment de l’enquête. Pour elle, pas question de faire sa vie avec lui : «il est impulsif, voire agressif». Mais il a assumé son rôle de père. Il n’a jamais manqué un tour de garde, n’hésitant pas à parcourir 800 kilomètres tous les 15 jours pour récupérer sa fille. Aujourd’hui adolescente, elle est ce qui compte le plus pour lui. Il voudrait la voir en prison, elle ne vient pas. «trop petite», avance-t-il. Elle reçoit les lettres de son père mais n’y répond pas. Claude Juillet ne s’épanche pas sur ses sentiments. «certains disent que vous êtes secret et énigmatique», lui dit le président. «Oui», répond-il sobrement. «C’est quelqu’un qui retient ses émotions et ses pensées», résume l’expert psychologue.
“Je l’aimais, sinon je serai pas ici”
Malgré tout, il montre presque une once d’émotion à l’évocation de sa seconde relation notable, avec Marie-Laure Bordenave, la soeur de la victime. «Je l’aimais, sinon je serai pas ici», lâche-t-il, toujours sur le même ton, en haussant les épaules comme pour attester de l’évidence. Marie Dosé, l’avocate de la famille Amblard tente de comprendre : «alors selon vous, c’est cette procédure qui a fait arrêter cette relation ?». Réponse : «Oui», «Vous étiez encore avec elle à ce moment là ?» ( ndlr : en 2009), «vous avez pas lu le dossier ?! », rétorque-t-il, sur la défensive. A l’époque, Marie-Laure Bordenave lui avait demandé de partir de chez elle, ils vivaient donc chacun de leur côté. Me Jean-Michel Fleurier, le conseil de Christophe Rayé poursuit : «est-ce qu’il y a quelqu’un que vous teniez responsable de cette rupture ? », «et bien, les victimes, qui incitaient pour qu’on se sépare…», argumente-t-il, fébrile. «Pour lui, la rupture aurait été orchestrée par Guy Bordenave et surtout Luc Amblard (…) s’il les supprimait, le problème serait résolu», a conclu le psychologue. Et le président de poursuivre : «admettons qu’ils soient responsables, est-ce que cela justifie la façon dont ils sont morts ?». «Non», répond Claude Juillet, sans regret.