Par
Stéphane G.
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Quand j’avais onze ans, mon
père a amené toute la famille
passer le mois de juillet à Virginia
Beach. Il s’agissait alors
de mon premier contact avec
les américains et je suis tombé
amoureux… avec les États-
Unis. Plus tard, à l’aube de mes
dix-huit ans, nous nous rassemblions
avec des amis, tous
entassés dans la même automobile
et passions la douane
américaine à Lacolle pour nous
rendre à Burlington, en passant
par Plattsburg, pour y passer la
soirée dans le seul bar gay de
la ville.
Nous n’étions peut-être pas très
loin de la vie trépidante des bars
de Montréal mais le fait d’être
là, entouré de gens parlant une
autre langue, ayant des visages
peu familiers me donnait
la certitude d’avoir fait un long
voyage à l’autre bout du globe.
Et nous repassions les douanes
aux petites heures du matin en
sens inverse avec l’impression
d’avoir vécu une aventure exceptionnelle,
à moins de deux
heures de Montréal. Pendant
quelques heures, nous étions
en sol américain. C’était avant
le SIDA, avant le 11 septembre,
avant “don’t ask, don’t tell”,
avant la proposition 8…
Même si le mariage gay n’était
pas reconnu au Canada ou aux
États-Unis à l’époque, j’étais
convaincu que les américains
étaient beaucoup plus avancés
que les canadiens en matière
de droits sociaux. C’était il y a
plus de 30 ans et bien avant
mon incarcération.
Il y a toute une différence entre
être un touriste et immigrer
dans un pays étranger. Ça faisait
deux ans que je vivais en
Floride quand j’ai été arrêté. Le
fait de vivre en sol américain
en y étant forcé me permet
de juger de façon beaucoup
plus réaliste que lors de mes
premiers voyages, que les homosexuels
au pays de l’oncle
Sam sont considérés et traités
comme des citoyens de second
ordre.
Les homosexuels sont actuellement
victimes de discrimination
et cette discrimination se reflète
jusqu’à l’intérieur des murs.
Tout le monde sait qu’en milieu
carcéral, l’homosexualité est
omniprésente. Or les autorités
jouent à l’autruche, les relations sexuelles entre détenus sont interdites
et passibles de rapports
disciplinaires pouvant influencer
sur la date de libération,
les condoms sont inexistants
et les infections transmissibles
sexuellement très présentes.
Il est bien évident que parce
qu’une chose est interdite, ça
ne veut pas dire qu’elle ne se
produit pas. Rien n’est plus
excitant que ce qui est interdit
et encore plus quand ça se rapporte
au sexe.
Il faut énormément de courage
et de tempérament pour aller
au-delà de nos besoins primaires.
La discipline qu’on nous
impose n’a rien à voir avec la
discipline de l’âme. Nous sommes
châtiés pour nos crimes,
non réhabilités et avec l’objectif
de faire de nous des citoyens
respectueux des lois. À la
lumière de tout ça et avec la
compréhension acquise depuis
quelques années, je n’ai plus
du tout envie de me retrouver
en sol américain. À ma libération,
je vais rentrer au Québec
et plus jamais je ne remettrai
les pieds aux États-Unis. Je
déteste ce pays comme on
peut détester un ex-amant qui
nous a trahi ou abusé. Tout a
tellement changé ici depuis
mes dix-huit ans. La Floride
c’est peut-être plus chaud que
le Québec mais rien ici n’a
d’égale que la chaleur de mon
peuple. Je n’ai jamais été aussi
fier d’être un homosexuel québécois
que depuis que je suis
aux États-Unis.