Comme mentionné aux défendeurs dans la mise en demeure, les jugements au Québec sont publics.
Chayer c. Aumais |
2016 QCCQ 662 |
COUR DU QUÉBEC |
« Division des petites créances » |
CANADA |
PROVINCE DE QUÉBEC |
DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
LOCALITÉ DE |
MONTRÉAL |
« Chambre civile » |
N° : |
500-32-136902-139 |
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DATE : |
15 février 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
SYLVAIN COUTLÉE, J.C.Q. |
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roger-luc chayer |
Demandeur |
c. |
lise aumais |
-et- |
pierre dagenais |
Défendeurs |
-et- |
Claude lussier |
Défendeur en garantie |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur réclame des défendeurs la somme de 2 999 $ à titre de dommages pour atteinte à sa réputation. De plus, le demandeur soutient que le harcèlement continuel des défendeurs lui a causé des troubles, dommages et inconvénients.
[2] Les défendeurs nient les allégations du demandeur et prétendent que c’est plutôt ce dernier qui leur a causé des dommages en alléguant tous ces faits mensongers. Ils se portent donc demandeurs reconventionnels et réclament au demandeur la somme de 7 000 $ qu’ils désirent amender à 15 000 $ suite aux amendements au Code de procédure civil (1er janvier 2015). De plus, les défendeurs appellent en garantie monsieur Claude Lussier lequel, selon la version des demandeurs, serait de mèche avec le demandeur pour causer du trouble aux défendeurs.
Les faits
[3] Le 27 août 2012, le demandeur initie un appel téléphonique auprès de la défenderesse, Lise Aumais. Lors de cette conversation, il est question de la sœur de la défenderesse, Dianne Aumais, qui souffre de démence depuis février 2011. Elle sera par la suite déclarée inapte par la Cour supérieure le 13 août 2013.
[4] Le demandeur se présente à la défenderesse comme le fils adoptif de sa sœur. Dans les faits, le demandeur est le fils de monsieur Lussier, le mari de madame Dianne Aumais. Ils se sont mariés en deuxième noce. Le demandeur fait partie de ce qu’on appelle une famille reconstituée.
[5] Lors de cette conversation téléphonique, qui dure approximativement huit minutes, le demandeur discute avec la défenderesse de la procuration qu’elle a obtenue de sa sœur (Dianne) dans son compte de banque.
[6] Il reproche à la défenderesse (Lise Aumais) d’agir seule sans parler au mari de sa sœur (Claude Lussier). Le demandeur reproche à la défenderesse d’avoir convaincu sa sœur, qui souffre de démence, de lui octroyer une procuration dans son compte de banque.
[7] À cet effet, la défenderesse ne nie pas avoir demandé à sa sœur de lui donner une procuration dans son compte de banque. D’ailleurs, la conversation téléphonique du 27 août 2012 a été enregistrée et transcrite par le demandeur. On y entend la défenderesse demander à sa soeur : « Ça te tenterais-tu que j’aurais une procuration dans ton compte de banque. »
[8] Après approximativement huit minutes, la défenderesse met fin à la discussion et raccroche la ligne.
[9] Une heure s’écoule. Le demandeur reçoit la visite de policiers à sa résidence, l’informant que les défendeurs ont porté plainte contre lui, car il aurait proféré des menaces de mort à leur égard.
[10] Au début de l’audition, les défendeurs nient avoir été les auteurs de la plainte. Par la suite, ils se ravisent et admettent avoir appelé le 911. Un policier a pris leur déposition et a par la suite été rendre visite au demandeur. Ce dernier disposant de l’enregistrement de la conversation, il la rend disponible pour les policiers. Le demandeur témoigne qu’une heure plus tard, les policiers l’informent qu’ils ne donnent pas suite à la plainte et qu’ils ferment le dossier.
[11] À l’époque, le demandeur occupe le poste de président de l’Association des journalistes du Canada. Il témoigne que de telles accusations, dénuées de tout fondement, auraient pu causer un tort irréparable à sa réputation. Le demandeur réclame donc réparation à l’encontre des fausses accusations.
[12] Si ce n’était que de cet événement, le demandeur aurait bien peu de chance de succès dans sa réclamation. Cependant, la documentation volumineuse, déposée par les parties, permet de comprendre la dynamique de ce qui a mené à cet événement.
[13] Il s’agit avant tout d’intérêts pécuniaires. La défenderesse (Lise Aumais) semble soudainement intéressée par le bien-être de sa sœur (Dianne) lorsque cette dernière présente des troubles de démence importants à compter du mois de février 2011.
[14] Madame Dianne Aumais rencontre monsieur Claude Lussier en 1998. Ils se marient le 29 août 2000. La preuve ne démontre rien de particulier jusqu’au mois de février 2011 où la demanderesse est diagnostiquée d’une démence fronto-temporale. Suite à ce diagnostic, madame Dianne Aumais remplit un formulaire de mandat d’inaptitude où elle désigne son mari, monsieur Claude Lussier, comme mandataire.
[15] Curieusement, quelques mois plus tard, la défenderesse, sans en discuter avec quiconque, se fait octroyer une procuration dans le compte de banque de sa sœur Dianne. Elle change le N.I.P. et place une somme de 18 000 $ dans un compte conjoint (elle et sa sœur). Cela a pour effet de priver son mari, monsieur Lussier, d’avoir accès au compte de banque de sa conjointe et des revenus de retraite de cette dernière.
[16] Au cours des mois et des années, la défenderesse multiplie les interventions auprès des différents intervenants qui œuvrent auprès de madame Dianne Aumais avec un souci marqué quant aux finances de sa sœur.
[17] D’ailleurs, le rapport d’enquête du Service de police de la Ville de Montréal est très éloquent. Il recense plusieurs actions de la défenderesse et de son conjoint qui visent à tenter de prendre une place toujours plus importante auprès des biens de sa sœur. Ce stratagème a pour but de dénigrer le conjoint de madame Dianne Aumais.
[18] À titre d’exemple, le 11 septembre 2012, les défendeurs formulent une plainte auprès du Service de police alléguant que madame Dianne Aumais était victime de violence conjugale et de séquestration. Les défendeurs allèguent que le mari de madame Dianne Aumais est alcoolique, harcelant et violent envers son épouse. De plus, il aurait posé des cadenas à l’intérieur de la maison afin d’empêcher son épouse de sortir.
[19] Cela a déclenché une opération policière de nuit où les policiers n’ont rien constaté de tel. La maison était propre et en ordre et madame Dianne Aumais, bien que confuse, ne présentait aucun signe de violence ou de maltraitance. La police conclut que madame Dianne Aumais n’était pas séquestrée par son mari.
[20] À une autre occasion (18 septembre 2012), la défenderesse contacte le CLSC qui suit madame Dianne Aumais pour leur indiqué que la maison de cette dernière est insalubre. Ce qui se révèle faux.
[21] Le lendemain (19 septembre 2012), les policiers prennent le temps de rencontrer la défenderesse afin de l’informer que la maison est dans un état impeccable. Les policiers informent aussi les défendeurs que monsieur Lussier (mari de madame Dianne Aumais) se sent harcelé par eux. Les policiers demandent aux défendeurs de cesser de communiquer avec monsieur Lussier.
[22] Les défendeurs n’en restent pas là. Le 15 novembre 2012, monsieur Lussier reçoit un avis de la Régie de l’assurance maladie, l’informant du changement d’adresse de sa femme. Son adresse pour les fins de la Régie de l’assurance maladie est désormais celle des défendeurs. Ce sont les défendeurs qui ont procédé au changement d’adresse de Dianne Aumais de façon unilatérale.
[23] Devant l’insistance des défendeurs, monsieur Lussier fait homologuer le mandat d’inaptitude où il est déclaré mandataire de son épouse (13 août 2013).
[24] Insatisfaite du résultat, la défenderesse initie une requête afin de faire déclarer monsieur Lussier inapte à exécuter son mandat.
[25] Finalement, le 30 septembre 2015, les parties règlent hors de Cour. Monsieur Lussier qui avance en âge (75 ans) et qui a une santé chancelante finit par abandonner au profit de la défenderesse, Lise Aumais, le mandat d’exécuter le mandat d’inaptitude.
Discussion et décision
[26] Pour réussir dans sa demande, le demandeur doit démontrer une faute, un dommage et un lien de causalité.
[27] La nomenclature faite ci-haut n’est que la pointe de l’iceberg. Il faudrait des dizaines de pages pour relater toutes les interventions que le Tribunal qualifie de stratagèmes pour rendre la vie impossible au demandeur et à son père (Claude Lussier).
[28] Voyant que monsieur Lussier faiblissait, mais que le demandeur continuait, ils ont décidé de s’attaquer à lui aussi en soutenant toutes sortes de faussetés et en utilisant abondamment, pour ne pas dire en abusant, de service policier.
[29] Le Tribunal a eu l’occasion d’entendre la version des défendeurs. Comme mentionné, les défendeurs ont commencé par nier avoir porté plainte auprès de la police suite à la conversation téléphonique du 27 août 2012. Ils ont changé leur fusil d’épaule et admis avoir été les instigateurs de la plainte. Suite à l’écoute de la conversation téléphonique, la défenderesse, Lise Aumais, nie qu’il s’agit d’elle, mais plutôt de sa sœur Dianne. Cette version est plus que farfelue. Lorsque questionnée par le Tribunal, la défenderesse persiste et maintient qu’il s’agit probablement de sa sœur Dianne. Il faut se rappeler que madame Dianne Aumais souffre de démence.
[30] Les défendeurs présentent toutes sortes d’explications qui ne tiennent tout simplement pas la route. Il est cependant clair que la plainte de menace de mort non fondée ainsi que tous les agissements des défendeurs auprès des demandeurs constituent de l’abus de droit au sens de l’article 51 C.p.c.. Bien qu’ils aient été prévenus par les policiers de ne plus communiquer avec le demandeur, les défendeurs persistent.
[31] Les défendeurs, par leur agissement, que le Tribunal qualifie de mauvaise foi, ont commis une faute. Le demandeur a subi des dommages dus aux nombreuses interventions mensongères adressées au demandeur.
[32] Pour ces motifs, le demandeur aura droit en partie à sa réclamation. Le Tribunal arbitre les dommages causés au demandeur par les défendeurs à 1 000 $.
Demande reconventionnelle
[33] Les défendeurs réclament au demandeur la somme de 7 000 $ aux motifs que les accusations formulées sont mensongères. Ils désirent amender leur réclamation pour la portée à 15 000 $.
[34] Il est maintenant bien établi en jurisprudence que l’amendement est impossible lorsque le recours a été initié avant l’entrée en vigueur des amendements du Code de procédure civil (1er janvier 2015) qui porte la compétence de la Division des petites créances à 15 000 $.
[35] En conséquence, l’amendement des défendeurs est rejeté.
[36] Quant à la réclamation en dommages des défendeurs, elle est tout simplement non fondée. Les défendeurs utilisent le même stratagème. Ils assignent cinq témoins qui devaient démontrer que le demandeur tenterait de s’approprier, de façon frauduleuse, les biens, voire l’argent de madame Lise Aumais.
[37] La preuve des défendeurs tombe rapidement à plat lorsque tous et chacun des témoins, soit la réceptionniste à la succursale de la Banque Nationale, le directeur de la succursale, le planificateur financier et la coordonnatrice des transactions assistées à la Caisse populaire, déclarent tous, sans exception, ne pas connaître le demandeur. Les défendeurs sont incapables de présenter un iota de preuve. La démonstration faite par le demandeur démontre plutôt le contraire.
[38] La réclamation des défendeurs est sans fondement, elle est donc rejetée.
Appel en garantie
[39] Les défendeurs n’ont fait aucune preuve que l’appelé en garantie, monsieur Claude Lussier, serait responsable de quoique ce soit. Cette demande tient plus d’une tactique d’intimidation que d’un réel recours.
[40] L’appel en garantie est donc rejeté.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
Rejette la demande d’amendement, sans frais;
ACCUEILLE en partie la réclamation du demandeur;
CONDAMNE les défendeurs, Lise Aumais et Pierre Dagenais, conjointement et solidairement, à payer au demandeur, Roger-Luc Chayer, la somme de 1 000 $ avec intérêts au taux légal, ainsi que l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter de l’assignation;
REJETTE la demande reconventionnelle des défendeurs, sans frais;
REJETTE l’appel en garantie des défendeurs, sans frais;
Condamne les défendeurs, Lise Aumais et Pierre Dagenais, à payer au demandeur, Roger-Luc Chayer, les frais de justice au montant de 105 $.
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SYLVAIN COUTLÉE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
21 décembre 2015 |