MA VIE EN PRISON Le début de la fin!

Stéphane G.

Au moment où j’écris ces lignes, il ne me reste que 60 jours avant la fin de ma sentence. Et les exigences de publication font en sorte que lorsque les lecteurs de Gay Globe liront cette chronique, je serai très près de ma sortie du «Department of Corrections» de l’État de la Floride, possiblement quelque part en attente des procédures de déportation au Canada.

Je suis extrêmement fébrile. Après plus de 10 ans d’incarcération au Québec et en Floride, j’ai peine à croire que tout cela s’achèvera bel et bien au cours des prochains jours. Très bientôt je retrouverai cette chère liberté qui me permettra à nouveau de pouvoir choisir, CHOISIR! Un mot que j’avais presque oublié.

J’aurai passé les 10 dernières années à ne pas avoir le choix. Ne pas choisir quoi et quand manger. Ne pas choisir avec quoi me vêtir, ni à quelle heure j’éteignais la lumière pour aller me coucher, ni quand je la rallumais pour me lever. Ne pas choisir où aller et venir, ni quand me rendre à la cantine ou dans la cour de récréation. Tous mes choix étant dictés jour après jour par les autorités de la prison. Le seul choix qu’on m’aura laissé est celui de réagir devant ces manques de choix. Et la perspective d’avoir bientôt à faire face à une innombrable possibilités de choix m’apparaît quelque peu dérangeant, même apeurant. Je m’apprête à «ré-entrer» dans la société. Une expression un peu froide, même clinique à première vue, mais quand on y pense bien, c’est sûrement le meilleur terme. Cela me rappelle que de retourner dans la société après un séjour en prison, c’est un peu comme la navette spatiale revenant sur Terre après un voyage dans l’espace. Tout le monde a entendu dire que la phase de «ré-entrée» est la plus dangereuse de tout le voyage spatial.

Bien des choses risquent de mal tourner pour la navette à ce moment-là. Elle peut descendre trop vite et se consumer dans l’atmosphère. Elle peut s’écraser sur Terre à la moindre erreur de calcul. Pour qu’une «ré-entrée» soit réussie, le plan doit être bien pensé. Un plan sécuritaire qui assure un retour à la maison sans problème ou ombrage.

C’est un peu la même chose pour un détenu retournant dans la société. Après un certain temps d’incarcération, nous ne sommes plus ajustés à l’atmosphère du monde extérieur.
Nous pouvons faire les choses trop rapidement ou impulsivement, sans calcul et tout simplement nous écraser en nous consumant. Chaque détenu retournant à la maison a besoin de deux choses: Une profonde vision d’espoir et des attentes réalistes. L’espoir sans attentes réalistes n’amène que des pensées mélancoliques suivies de déceptions. C’est pourquoi depuis plusieurs mois, voire même quelques années, j’ai commencé à me préparer à mon retour en société.

À ce jour, la planification de mon retour au Québec va bon train. Je sais où et avec qui je vais habiter. J’ai déjà un travail qui m’attend et je sais exactement de quoi sera fait le premier jour de mon arrivée.

Lors du dévoilement de ma véritable identité et grâce à l’aimable collaboration de Roger-Luc Chayer, éditeur de Gay Globe Magazine, j’accorderai une entrevue TV en profondeur qui me permettra d’expliquer au grand public les raisons de mon incarcération. Une confession libératrice des crimes commis qui m’auront valu plus de 10 années d’emprisonnement. Cela me permettra de remettre certains pendules à l’heure et de pouvoir passer à autre chose l’âme en paix. Cette préparation m’est possible grâce au temps qui m’est accordé ici en prison. Le temps est un luxe que j’ai choisi d’utiliser à bon escient. J’ai choisi d’utiliser mon temps pour m’améliorer, approfondir mes connaissances intérieures et extérieures, acquérir sagesse et perspicacité et pour me bâtir une force physique et émotionnelle que je ne possédais pas auparavant.

Je me suis demandé de quelle façon je voulais revenir parmi «le monde». Est-ce que j’allais devenir un homme responsable de ses gestes, de ses pensées, de ses émotions et de ses relations avec les autres?

La préparation de mon retour n’est que la partie agréable de ce voyage. La prochaine étape sera de mener mon rêve à la réalité. C’est à ce moment-là que tout ce que j’aurai appris et assimilé durant ces dernières années sera mis à rude épreuve. Mais ma vision est claire. Mon plan est ferme, spécifique, atteignable et mesurable. Plus que jamais, je suis déterminé à réussir ce retour à la liberté tant souhaitée. Au risque de faire cliché, je peux affirmer sans l’ombre d’un doute que plus jamais je ne reviendrai en prison, du moins, pas comme détenu.

Un ami m’a dit un jour que l’on reconnaissait la grandeur d’un homme à sa façon de se relever après être tombé. Et bien, ouvrez grand vos yeux et regardez-moi me relever car comme le chantait si bien notre diva nationale Diane Dufresne, je n’ai qu’une chose à vous dire: «Tiens-toé ben, j’arrive!».

NDLR: Il a été convenu depuis longtemps avec Stéphane G. que son identité serait révélée exclusivement lors d’une émission diffusée sur Gay Globe TV et tournée dès son retour, une sorte de documentaire sur ce qui a mené Stéphane à purger une si longue peine. Il a aussi été décidé de supporter Stéphane dans sa «ré-entrée»…


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