Question de société

Est-ce qu’il faut choisir entre
le dépistage du VIH et se trai-
ter rapidement ou ignorer les
campagnes pour ne pas se
faire accuser au criminel?
Photo: Gay Globe Média
Dans le cadre des actualités portant sur de nombreux cas au Canada de criminalisation du VIH et d’accusations contre des personnes séropositives qui ne souhaitent pas divulguer leur statut et qui peuvent se retrouver en prison, Gay Globe Média a souhaité consulter les plus grands spé- cialistes de la question en leur demandant s’il était normal d’en être à se demander si on devait se faire dépister afin de recevoir des traitements rapides en cas de séropositivité avec tous les avantages liés à une détection rapide ou plutôt refuser d’être dépisté, refuser de savoir donc, de manière à éviter les accusation parfois intempestives de certains po- liciers et procureurs de la Couronne qui n’hésitent pas à mettre en prison des personnes qui ne représentent aucun danger pour la société comme cela a été le cas récemment.
La question a été posée au Docteur Réjean Thomas, très connu des québécois pour son implication dans la Clinique l’Actuel, dans le domaine du SIDA, sans oublier dans la re- cherche et la politique. Réjean Thomas nous dit: “En effet le dossier concernant la criminalisation du VIH est un enjeu ma- jeur de santé publique dans la lutte contre VIH qui préoccupe tous les acteurs de la lutte au VIH/SIDA et surtout les patients.
Nous essayons depuis des années d’encourager les gens à se faire dépister de façon volontaire et ceci dans le but évi- dent de diminuer l’infection au VIH qui est malheureusement très élevée au sein de la population d’hommes gais et ou bi- sexuels. De plus nous croyons que trop de gens se font dépis- ter tard au Québec et ceci pourrait avoir des conséquences graves sur leur propre santé.
Et depuis un certain temps nous savons que le traitement antirétroviral est très efficace pour réduire la transmission du VIH. Pour toutes ces raisons il est important de continuer d’encourager le dépistage des clientèles à risques élevés
(entre 20 et 30 % des gens infectés au Québec ignorent leur état) et encourager le traitement approprié selon chaque cas. Nous avons régulièrement demandé à la santé publique de prendre position a ce sujet. Il est évi- dent qu’il y a un enjeu à ce niveau et que santé publique et criminalisation ne vont pas toujours dans le même sens. Je pense qu’il demeure mal- gré tout important de conti- nuer le dépistage tout en de- mandant à la santé publique et aux gouvernements de faire leur travail d’éducation auprès du milieu judiciaire afin que ceux ci comprennent bien les nouvelles réalités du VIH/SIDA en 2011.
Je crois essentiel aussi le lobby du milieu communau- taire sur ces sujets. Je vous remercie de votre confiance et de votre important tra- vail dans la lutte contre les préjugés. La lutte au SIDA est aussi une lutte pour les droits humains”.
Ce que le Réjean Thomas nous dit aussi c’est qu’il y a certainement un illogis- me pour l’État à cesser ses campagnes d’information sur le VIH et la prévention (aucun financement depuis quelques années) tout en acceptant que des accu- sations criminelles soient portées par ses procureurs contre des personnes attein- tes qui n’ont pas accès à des informations informa- tions scientifiques récentes et importantes. Afin d’en savoir plus sur les aspects moraux, légaux et criminels de la question soulevée par notre dossier, Gay Globe a demandé à un spécialiste des droits sociaux et avocat répu- té au Canada, Me Julius Grey, de nous indiquer si les gais devraient continuer à se faire dépister?
Julius Grey connaît très bien la question gaie et les débats qui nous concernent depuis plus de 40 ans et selon lui, il est clair que le dépistage, anonyme ou pas, fait par des méde- cins au Québec, doit être encouragé. Quant à la divulgation de sa séropositivité, nonobstant le risque de criminalisation, sa position est plus nuancée: “Moralement, je pense que toutes les personnes de la communauté gaie ont le devoir de divulguer leur statut à leurs partenaires. Légalement tou- tefois, si certains critères sont réunis comme un traitement régulier par trithérapie, accompagné d’une charge virale du VIH indétectable et des pratiques sexuelles sécuritaires, la divulgation d’une séropositivité n’est pas obligatoire”. Selon Maître Grey, porter des accusations criminelles de voie de fait grave contre une personne séropositive qui n’aurait pas
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divulguée son statut à son partenaire mais qui serait sous traitement régulier aux antirétroviraux et démontrerait une charge virale si basse qu’elle serait considérée comme indé- tectable, est une erreur. Une défense d’expert pourrait être faite, et comme la science médicale soutient cette théorie, un acquittement devrait être prononcé par les juges. Évi- demment, il est de la responsabilité des personnes atteintes d’agir de manière responsable et face à un refus de traite- ment ou un traitement négligé, une défense de comporte- ment responsable ne pourrait être accueillie.
Julius Grey croit que les accusations de voie de fait grave déposées depuis quelques années contre des personnes atteintes du VIH qui ne divulguent pas leur statut à leurs partenaires sont globalement erronées, dans la définition même du terme. Selon lui, cette situation devrait plutôt être encadrée par des accusations de négligence, plus logiques dans les circonstances. Des peines de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans seraient quand même possibles.
En conclusion, grâce à l’aide de nos deux spécialistes ca- nadiens de la question du VIH et de la criminalisation, il existe un consensus pour dire que le dépistage est fortement recommandé puisqu’il permet un traitement rapide qui, à long terme, permet d’éviter les effets les plus néfastes de la maladie. Avec le temps et grâce aux avancées médicales, il est à prévoir que les accusations criminelles contre des per- sonnes atteintes diminueront et ne concerneront plus que les personnes négligentes qui, ne l’oublions pas, contribuent par leurs activités à infecter des personnes innocentes.
Maître Julius Grey pratique le droit à l’Étude Grey Casgrain, située au 1155, rue René-Lévesque O. Suite 1715 à Montréal. (514) 288-6180

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