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Truvada: la communauté sida en retard d’un labo

Friday, June 6th, 2014

Slate.fr

Traiter les personnes séronégatives, est-ce un grand progrès dans la prévention du VIH ou une banalisation du risque?

La prévention du sida chez les gays, c’est le bordel. Depuis que les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont publié les recommandations de prévention pour les personnes à risque de contracter le VIH, l’idée de traiter des centaines de milliers de personnes… séronégatives a ajouté une sacrée pagaille. Comme si ça ne suffisait pas pour complexifier la constante évolution de la prévention chez les hommes ayant des rapports avec d’autres hommes (HSH), le marketing nourrit une grande partie de la méfiance de la «communauté sida» face à l’hégémonie du laboratoire Gilead Sciences, grand vainqueur de la course aux traitements contre le sida, mais aussi les hépatites.

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Les laboratoires Gilead poursuivent un sans faute en termes de développement de leurs produits depuis plus de dix ans. Découvreur de nouvelles molécules anti-sida et plus récemment de nouvelles thérapies révolutionnaires contre les hépatites, ce petit laboratoire s’est hissé parmi les géants de l’industrie pharmaceutique à travers le monde. Ses combinaisons d’antirétroviraux font désormais partie des premières lignes de traitement pour les personnes séropositives.

C’est en effet devenu une facilité thérapeutique: on administre le Truvada (13.000 dollars par an) pour les personnes naïves de traitement mais aussi dans le cadre du traitement d’urgence après un risque de contamination et bien sûr dans le cadre de la PreP (le traitement pré-exposition pour les personnes séronégatives qui prennent beaucoup de risques et qui n’ont pas toujours accès, pour des raisons diverses, au préservatif).

Bref, c’est Truvada pour tous –ce qui est navrant quand on considère que les personnes qui n’ont jamais pris de traitement devraient, normalement, commencer avec une combinaison présentant moins d’effets secondaires (ça existe).

Ce qui énerve les gens

On ne peut pourtant pas reprocher à Gilead de ne pas faire un «bon» travail. C’est d’ailleurs ce qui énerve tout le monde. Contrairement aux grands laboratoires pharmaceutiques qui n’ont pas su commercialiser assez de molécules innovantes pour rester au sommet, Gilead a découvert et développé ses produits en un temps record, ce qui était exactement ce que les militants anti-sida exigeaient depuis les années 1980.

Mais l’innovation menée par Gilead bouleverse tant de paradigmes scientifiques que la communauté sida se trouve toujours en retard face à cette accélération des concepts thérapeutiques et préventifs. Et puis, surtout, après avoir eu une politique à bas coût de ses antirétroviraux dans les pays très touchés par le sida, Gilead se rattrappe sur les hépatites avec des produits novateurs absolument hors de prix notamment contre l’hépatite C. C’est une position de quasi-monopole.

Le Truvada a été approuvé il y a deux ans par la Food and Drud Administration pour prévenir l’infection du VIH chez les personnes séronégatives. En une prise par jour, cette bithérapie a montré une protection de 99% face au risque de contamination. Le Truvada à lui seul représente déjà un marché de 3 milliards de dollars.

Mais les médecins et les patients restent dubitatifs dans la pratique. Pourquoi traiter des personnes qui n’ont pas le VIH avec un traitement onéreux et qui présente des effets secondaires non négligeables? Risque-t-on de développer des résistances si l’on prend le traitement d’une manière irrégulière? Et qui va payer la note d’ailleurs?

+14%Le nombre de découvertes de séropositivité VIH chez les HSH entre 2011 et 2012, selon l’InVS

C’est pourquoi la récente décision des CDC d’encourager la mise sous traitement de toutes les personnes très à risque d’infection a fait basculer la polémique dans une injonction à traiter. Le Truvada étant pratiquement le seul «vaccin thérapeutique» qui permet une couverture préventive, les bénéfices potentiels sont illimités, surtout dans les pays où l’épidémie se poursuit.

Chez les gays, le nombre des infections reste inchangé depuis vingt ans, il s’aggrave même dans cette catégorie de la population, comme en France avec 14% d’augmentation entre 2011 et 2012.

Pour l’instant, à peine 10.000 personnes l’utilisent dans cette indication aux Etats-Unis. Mais avec l’encouragement des CDC, le nombre des prescriptions pourrait monter à 500.000. Le but politique ici est clairement d’assécher l’épidémie du sida dans le noyau des pratiques sexuelles non protégées et cela concerne, en majorité, les gays et la prostitution.

Ces CDC ne cachent pas leur envie d’attaquer de front la persistance de la transmission élevée du VIH dans la communauté LGBT et les directives officielles sont accompagnées d’une grande campagne de prévention en direction de cette population, sur le mode «Parlez-en AVANT le sexe». Les efforts se multiplient aussi dans la communauté afro-américaine, particulièrement touchée.

Après plus d’une décennie de laisser-aller en matière de protection des hommes ayant des relations avec des hommes, on en arrive à cette situation ubuesque: ce sont les autorités sanitaires qui prennent les décisions les plus radicales et les associations sida qui se trouvent dépassées.

Les gays les plus à risques doivent être protégés, c’est indéniable. L’injonction américaine à prendre une pilule quotidienne de Truvada pour les personnes séronégatives sera sûrement modulée dans le futur dans une prise plus limitée dans le temps (le week-end par exemple, quand la fréquence des rapports sexuels arrive à son sommet) ou, dans le futur, avec une injection qui pourrait être pratiquée tous les 3 mois (les études sur le singe paraissent concluantes), ce qui peaufinerait la position leader du Truvada.

Aux Etats-Unis, le débat est important, mais les associations les plus pragmatiques se rangent derrière la directive du CDC. Tout le monde est conscient que l’abandon du préservatif devient massif chez les HSH, que la tendance est au contraire loin de se calmer et il s’agit de protéger ceux qui sont le plus à risque.

Exposer clairement les avantages et les inconvénients

Pourtant ça discute ferme. La décision américaine a provoqué de nombreuses discussions sur Internet. La teneur des échanges tourne surtout autour du risque de banalisation de la prise de risque, l’importance des effets secondaires liés au Truvada (cauchemars, nervosité, insomnies et même envies suicidaires), les risques persistants de contracter des IST (syphilis, etc.) que le Truvada ne peut évidemment pas empêcher et surtout le machiavélisme du marketing Gilead.

Les bénéfices/risques sont-ils clairement en faveur d’une protection des gays qui ne veulent plus se protéger et qui multiplient l’exposition au VIH? Comme les gays s’estiment toujours mal conseillés par leurs médecins en matière de sexualité, après trente ans d’épidémie, il serait bien de présenter une grille claire des avantages et des inconvénients, sinon les principaux intéressés décideront seuls.

Cette directive américaine reste à être discutée en France par les chercheurs et les associations. Bien sûr, en temps de crise économique, il s’agira de savoir qui assumera les coûts d’un outil préventif efficace, mais sûrement difficile à prendre pour des personnes séronégatives qui, normalement, n’ont pas à prendre de traitement.

Sida: comment éviter la contamination avec un traitement d’urgence

Monday, April 7th, 2014

L’Express

En cas de risque d’exposition au VIH, une trithérapie préventive, appelée traitement post-exposition (TPE), peut être prescrite pour éviter la contamination. A condition d’agir vite. Mode d’emploi.

Sida: comment éviter la contamination avec un traitement d'urgence
 

Le traitement post-exposition (TPE) il est composé d’antirétroviraux sous forme de comprimés à prendre pendant quatre semaines.

 

afp.com/Justin Sullivan

Léger doute ou grosse panique: après un rapport sexuel non protégé, il est possible d’agir. Un traitement d’urgence, appelé traitement post-exposition (TPE), vise à empêcher une contamination par le VIH. Il est composé d’antirétroviraux sous forme de comprimés à prendre pendant quatre semaines.

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D’abord réservé au personnel médical après un accident d’exposition au sang, ce traitement à été étendu en 1998 (exposition professionnelle, sexuelle ou par partage de seringues) mais demeure trop peu connu du grand public. Pourtant, “son taux de réussite est de 100%, quand il est pris à 100%”, souligne le Professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Tenon à Paris. C’est-à-dire à temps et sans oublier de comprimés. “On n’a pas vu de contamination depuis des années chez quelqu’un qui a pris correctement le traitement préventif”, précise le médecin.

Réagir immédiatement après la prise de risque

Une personne qui pense avoir pu être en contact avec le VIH doit donc réagir vite en se rendant le plus rapidement possible à l’hôpital. “Dans chaque hôpital public, il y a des gens formés, qui peuvent délivrer le traitement 24h/24″, souligne Gilles Pialoux. C’est d’ailleurs le seul endroit où cette trithérapie préventive pourra être prescrite, à condition que le risque n’ait pas été pris depuis plus de 48 heures, laps de temps au-delà duquel le traitement n’est plus efficace. “Il faut oublier l’histoire des 48h”, affirme le Pr Pialoux, qui estime que donner un délai brouille les pistes. “Cela a été une vraie erreur de communication parce que les gens retiennent qu’ils ont 48h pour réagir, ce qui n’est pas du tout le cas. L’exemple typique est celui de la personne qui va rentrer chez elle puis s’endormir et attendre le matin pour consulter. Or, plus elle vient tôt, plus le traitement est efficace. L’idéal est de consulter dans les 4 heures. 48h c’est vraiment au pire.”

Faut-il aller aux urgences?

Foncer à l’hôpital ne veut pas dire forcément se rendre aux urgences. Aux heures ouvrables, celui qui craint d’avoir été exposé au VIH peut se diriger dans le service spécialisé des maladies infectieuses. Le soir, la nuit ou le week-end, il devra se diriger aux urgences et préciser le plus tôt possible qu’il vient pour un “accident d’exposition” potentiel “pour éviter délai d’attente qui peut s’avérer assez contre-productif”, conseille le Pr Pialoux.

Les urgentistes disposent de kits comprenant un traitement pour deux jours. Ensuite, le patient sera reçu dans un service spécialisé où le risque sera réévalué pour décider de la poursuite du traitement, en fonction notamment du type de pratique, du partenaire et de son statut sérologique. L’idéal est de venir, dans la mesure du possible, avec le partenaire qui pourra passer un test rapide d’orientation diagnostique (Trod). En 15 minutes, le médecin pourra avoir une indication sur son statut sérologique et en tenir compte dans sa décision de prescrire ou non le traitement. Une décision prise à l’issue d’un dialogue poussé avec le patient.

D’ailleurs, si la commercialisation prochaine des autotests rapides à faire à domicile est considérée comme une avancée par les acteurs de prévention, elle ne pourra en aucun cas remplacer une consultation d’urgence après une possible prise de risque.

En savoir plus sur https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/sida-vih-le-traitement-post-exposition-tpe-comment-ca-marche_1504804.html#xc1YqQr5hqlk2Vkm.99

Le VIH, le Truvada et la communauté gaie américaine

Monday, January 20th, 2014

La Presse

Aux États-Unis, un médicament qui protège pratiquement de façon infaillible contre le VIH fait polémique. Pris quotidiennement, le Truvada protège à plus de 99 % contre le VIH. Pourtant, les plus hostiles face à cette pilule miracle sont les militants luttant pour l’éradication du SIDA.

La AIDS Healthcare Foundation a fait pression sur la Food and Drug Administration (FDA) pour qu’elle ne donne pas son aval au Truvada (l’Agence l’a autorisé en juillet 2012), prétextant que les personnes aux pratiques sexuelles à risque renonceraient alors au préservatif.

La communauté gaie américaine semble également peu encline à promouvoir le Truvada. Le journaliste indépendant Mark Joseph Stern, installé à Washington se demande pourquoi?

Slate.fr

A la fin de l’annnée 2013, le New York Times publiait un excellent papier sur l’étrange controverse qui plane autour du Truvada, un médicament à prendre quotidiennement et qui offre une protection quasi absolue contre l’infection par le VIH. Soit, de loin, la PrEP (prophylaxie pré-exposition) la plus efficace: le Truvada n’a quasiment aucun effet secondaire et, s’il est pris tous les jours, protège à plus de 99% contre le VIH –sans compter que la plupart des compagnies d’assurance le remboursent[1].

En deux mots, Truvada est un miracle de la médecine. Mais c’est aussi un traitement anti-VIH parmi les plus décriés de toute l’histoire.

Pourquoi, au cours de ces deux dernières années, seules 1.174 personnes –la moitié étant des femmes– se sont vues prescrire du Truvada aux Etats-Unis? La faute incombe totalement à la communauté gay. Comme le fait remarquer le New York Times, les détracteurs les plus farouches du Truvada sont les militants de la lutte contre le sida.

La AIDS Healthcare Foundation a été la première à faire pression sur la FDA pour qu’elle n’autorise pas ce médicament, arguant que les homosexuels allaient cesser d’utiliser des préservatifs, oublier de prendre leur pilule et rapidement être infectés. Pour l’ancien rédacteur en chef de Poz, un magazine destiné aux séropositifs, la PrEP est un «lucratif sex toy pour riches occidentaux». Dan Savage, célèbre sexo-chroniqueur et grand gourou de la communauté gay, partage de telles préoccupations et n’a pas hésité à qualifier les usagers de Truvada d’«idiots déclarés que seul un vaccin serait capable de sauver». Par ailleurs, la formule «Truvada whore» [littéralement: pute à Truvada] commence à faire son chemin dans certains cercles homo.

Truvada vs capote?

Derrière ces angoisses se cachent deux convictions, l’une est condescendante et incorrecte, l’autre est désagréable, mais néanmoins exacte.

Premièrement, ce que sous-entendent les organisations de lutte contre le sida –que les homosexuels cesseront d’utiliser d’autres moyens de protection dès qu’ils seront sous Truvada– est tout simplement fausse. Bon nombre d’études ont efficacement démenti cette façon pour le moins paternaliste de voir les choses et montrent que le Truvada n’entraîne en aucun cas une «compensation des risques» (c’est-à-dire l’abandon d’autres pratiques de safe-sex). Quand la PrEP en était à ses débuts, l’inquiétude était compréhensible. Mais ces peurs sont désormais discréditées et ceux qui continuent à les faire circuler ne font que renforcer une paranoïa irrationnelle.

Le second épineux problème soulevé par le Truvada relève du dilemme de la capote. Ceux qui vouent le Truvada aux gémonies ont tendance, dans un même mouvement, à porter le préservatif aux nues comme si nous étions toujours en 1986.

Mais les capotes –qu’importe que la vieille garde gay les considèrent comme la solution de choix– présentent elles aussi de très graves problèmes. Seul un homosexuel sur 6 les utilise à tous les coups[2], et un usage sporadique n’offre qu’une protection minime contre le VIH.

Un élément encore plus troublant, c’est que les préservatifs ne fonctionnent pas si bien que ça dans un rapport anal: s’ils sont parfaitement mis, ils ne sont efficaces qu’à 86% contre le VIH (utilisés tout aussi parfaitement, les préservatifs sont efficaces à 98% lors d’un rapport vaginal). Si vous y ajoutez le fait que le barebacking est bien plus agréable, vous aurez là un argument de poids en faveur de l’utilisation combinée du Truvada et des préservatifs pour une protection maximale contre le VIH.

Le dernier argument des opposants au Truvada est sans doute le plus déconcertant. Des groupes militants, à l’instar de la AIDS Healthcare Foundation, n’ont de cesse de souligner que l’oubli d’une seule dose du médicament réduit l’immunité du patient au VIH –ce qui sous-entend que, vu que les humains ont du mal à suivre un traitement comme il faut, le Truvada n’offrira qu’un confort illusoire et très peu de protection effective.

Un problème générationnel

Mais les humains ont aussi du mal à utiliser les préservatifs et pourtant personne n’y voit un motif pour les abandonner purement et simplement.

Plutôt que de refuser le Truvada à cause de patients susceptibles d’oublier leur dose journalière, les experts ès santé publique et autres militants de la lutte contre le sida devraient plutôt inciter ces mêmes patients à prendre quotidiennement leur pilule. Rejeter cette solution en bloc sous prétexte que la mémoire humaine a parfois des ratés est absurde.

Mais ces questions de mauvaise mémoire ne sont pas, en réalité, ce qui empêche le Truvada de sauver un maximum de vies aux Etats-Unis. Le problème vient d’un conflit inter-générationnel entre les vieux gays, ceux qui ont vécu le pire de l’épidémie de sida, et les plus jeunes, pour qui le VIH n’est après tout qu’une maladie chronique globalement gérable.

Dans les années 1980, les homosexuels luttaient pour leur vie quand ils cherchaient à ce que le gouvernement améliore l’accès et l’éducation aux préservatifs. Une lutte noble, mais pour le moins insuffisante. La situation actuelle prouve bien qu’un dévouement aveugle à l’usage du préservatif ne suffit pas à stopper la propagation du VIH.

Tout un éventail de pratiques sûres est nécessaire pour protéger les homosexuels de l’infection, et le Truvada pourrait devenir l’un des piliers de cette stratégie plurielle. Compte-tenu de la baisse visiblement inexorable de l’usage du préservatif parmi les homosexuels, le temps n’est pas aux disputes idéologiques ou aux conflits de génération. Tous les homosexuels ayant des partenaires multiples devraient prendre du Truvada et les militants de la lutte contre le sida devraient faire tout leur possible pour que le médicament tombe entre les mains de ceux qui le souhaitent.

[1] L’auteur parle de la situation aux Etats-Unis. En France, Truvada n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour une utilisation préventive (il l’a en revanche pour la prescription aux personnes séropositives, et est alors remboursé à 100%). Début 2013, l’association Aides a demandé à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) «l’extension de sa prescription pour un usage préventif». Techniquement, il s’agit d’obtenir une RTU, c’est-à-dire une recommandation temporaire d’utilisation: un médicament peut être prescrit en dehors de son autorisation de mise sur le marché (donc, là, en préventif) sous certaines conditions (c’est également ce qui a été demandé pour le Baclofène).

Parallèlement, un essai, Ipergay (pour «Intervention préventive de l’exposition aux risques avec et pour les gays»), est mené en France (à Paris, Lille, Lyon, Nantes et Nice) pour évaluer l’efficacité du Truvada en PrEP. Il concerne des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH) séronégatifs à qui l’on donne soit du Truvada, soit un placebo, l’étude étant menée en double aveugle (ni le médecin ni le volontaire ne savent ce qui est prescrit). Retourner à l’article

[2] En France aussi, on a relevé la «lassitude gay» vis-à-vis de la capote. L‘Enquête presse gays et lesbiennes 2011, dont les résultats ont été publiés dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 26 novembre 2013 consacré aux «comportements à risque et prévention dans des populations particulièrement exposées au VIH, aux IST et aux hépatites», détaille les comportements des HSH vis-à-vis du préservatif en fonction de leur statut sérologique: 18% des séropositifs ayant répondu à l’enquête utilisaient systématiquement une capote en cas de rapport anal avec un partenaire occasionnel; 58% des séronégatifs et 40% des séro-interrogatifs. Retourner à l’article

VIH : deux nouvelles études optimistes sur l’efficacité préventive des antirétroviraux

Sunday, July 15th, 2012

Libération

Deux nouvelles études menées en Afrique sur des couples hétérosexuels sérodiscordants tendent à confirmer la relative efficacité de la prise préventive d’antirétroviraux pour éviter une infection par le VIH.

Par KIM HULLOT-GUIOT

Puisque la prise d’un traitement rétroviral par une personne porteuse du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) réduit sa charge virale, et donc le risque d’infection de son partenaire, pourquoi ne pas essayer de donner ce même traitement, en prise préventive, au partenaire séronégatif ? C’est l’idée de départ à de nombreuses études, dont deux viennent d’être publiées par la revue scientifique américaine New England Journal of Medecine. Le but : étudier les effets prophylactiques de la prise orale et quotidienne de ce type de traitement par des personnes séronégatives.

La première étude, financée par la fondation Bill et Melinda Gates, a été conduite au Kenya et en Ouganda entre 2008 et 2010, auprès de 5 000 couples hétérosexuels au profil sérologique discordant – c’est à dire que seul l’un des deux est porteur du VIH. Trois groupes ont été constitués, parmi les partenaires séronégatifs : le premier s’est vu administrer un antirétroviral nommé Ténofovir, le deuxième une combinaison de Ténofovir et d’Emtricitabine (Truvada), et le troisième un placebo.

Jusqu’à 75% de réduction des risques d’infection

Le risque d’être infecté par le VIH a été réduit de 67 % dans le premier groupe, et de 75% dans le deuxième, par rapport au groupe placebo. «Les effets protecteurs du Ténofovir seul et du Ténofovir en combinaison avec l’Emtricitabine n’ont pas été très différents», indiquent les auteurs de l’étude.

La deuxième étude a eu lieu entre 2007 et 2010 au Botswana, auprès de 1 219 couples sérodiscordants, constitués d’un homme et d’une femme. Dans un premier groupe, le partenaire séronégatif prenait du Truvada, et dans un deuxième, les participants reçevaient un placebo. Là aussi, le risque de se voir contaminé était réduit de 62,2% dans le premier groupe.

Des résultats plutôt encourageants – bien qu’encore insuffisants, donc. Mais le New England Journal of Medecine publie également les résultats d’une étude avortée en avril 2011, composée de 2 120 femmes séronégatives au Kenya, en Afrique du Sud et en Tanzanie. Aucune différence significative n’a été observée entre le groupe ayant ingéré du Truvada et le groupe placebo, avec une incidence de l’infection par le VIH de 5% dans les deux groupes. Selon les auteurs, c’est «la faible observance des antirétroviraux par les participantes» qui serait en cause.

Le Truvada, bientôt en vente libre aux Etats-Unis ?

Mais dans un éditorial publié dans la même revue scientifique, deux médecins, Myron Cohen (Université de Caroline du Nord) et Lindsey Baden (Hôpital des femmes à Boston), relèvent que «la publication de ces études tombe à point nommé car sur la base de leurs résultats, comme de ceux d’essais cliniques antérieurs, un comité consultatif d’experts indépendants a récemment recommandé à l’Agence américaine des médicaments (FDA) d’approuver (la mise sur le marché en vente libre, ndlr) le Truvada».

Un marché juteux pour le laboratoire Gilead Sciences, qui commercialise le Truvada, le prix d’une boîte de 30 comprimés atteignant 500 euros. Et les deux médecins de rappeler que seul le préservatif est d’une grande efficacité pour éviter la contamination par le VIH : «les antirétroviraux pris de façon préventive ne devraient jamais être vus comme pouvant se substituer aux préservatifs», insistent-ils.

Le préservatif reste la prévention la plus efficace

Lindsey Baden et Myron Cohen indiquent également : «bien que nous n’ayons pas d’indication d’un usage moindre du préservatif dans ces études, nous devons nous assurer qu’une prévention avec des antirétroviraux avant une exposition au virus n’encourage pas indirectement des comportements sexuels risqués». C’est là la raison des polémiques engendrées par ce type d’étude, qu’elles concernent des personnes hétérosexuelles ou homosexuelles – les modes de contamination pouvant varier.

En France, cet argument est utilisé par les détracteurs de l’essai «Ipergay», mené sur des hommes ayant des relations sexuelles à risque avec d’autres hommes. Stéphane Minouflet, président de l’Association de suivi et d’information des gays sur la prévention du VIH, s’inquiète de ce que «les gens vont penser que le médicament remplacera le préservatif. Cela entraîne une effet pervers car ils risquent de commander du Truvada sur Internet, et l’épidémie de s’étendre». D’autant que ces traitements préventifs n’ont pas d’effet sur les autres infections sexuellements transmissibles (IST), qui elles-mêmes peuvent augmenter les risques de contamination par le VIH, surtout si elles ne sont pas traitées.

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