MARCO: «MON COMBAT» «Mourir du SIDA à 19 ans, c’est pas cool!»

Roger-Luc Chayer

Malheureusement, je vais commencer par la fin de ce récit, qui est aussi le début de l’après Marco car ce charmant garçon est décédé du SIDA en juillet dernier, suite à un combat plutôt court contre le virus. Marco a souhaité écrire le récit de son combat pour que ses écrits lui survivent. Il m’avait demandé de publier autant que possible son aventure contre la mort, il voulait que ça serve à d’autres jeunes. Voici donc, de façon crue et sans censure, le récit de la fin de vie de Marco, à sa demande…

Depuis une semaine, je suis couché dans un lit d’hôpital sans pouvoir me lever, je ne sais pas si c’est l’effet des médicaments ou la maladie qui me cloue comme ça mais la faiblesse est trop présente pour que je puisse me lever. J’ai pas vraiment mangé depuis deux semaines et je vois bien que je suis en train de descendre. Hier je pesais 87 livres pour 5’8’’, et je sens que je me dirige vers quelque chose qui me fait peur, parce que j’ai bien plus peur que mal et pour ça, les médicaments n’y font pas grand chose.

Le médecin est passé ce matin avec son équipe de curieux, des étudiants en médecine qui peuvent pas faire grand chose pour moi même avec toute leur bonne volonté. J’ai l’impression qu’ils cherchent, qu’ils réfléchissent en groupe pour essayer de m’aider mais les médicaments qu’on me donne ne font presque pas effet, comme si ma version du virus du VIH était blindée contre les médicaments censés le contrôler.

Chaque jour, les résultats de mes prises de sang sont mauvais. Septicémie, problèmes rénaux graves, infection au plafond. Chaque respiration me fait mal, j’entend des bulles dans mes poumons quand je respire, on dirait que je n’ai plus de place pour respirer, que mes poumons sont pleins de jus.

Mon pouls est tellement rapide, du matin au soir, que j’ai l’impression de courir un marathon, couché sans bouger. C’est épuisant un marathon quand tu bouges même pas.

Et je vois dans les yeux de mon médecin et dans celui des infirmières que c’est un peu la fin, on ne me regarde même plus dans les yeux quand on me parle, comme si j’étais déjà parti, comme si je n’étais plus un être humain qui a des sentiments.

Je passe mes journées seul, personne de ma famille ne se déplace, ils sont pas loin, à Laval, mais ça doit leur faire tellement mal de me voir comme ça. Je regarde dehors et je dors toute la journée sauf quand on me lave ou que j’écris ces lignes. Je pense souvent aussi à celui qui m’a donné cette maladie. Une rencontre d’un soir quand j’avais 17 ans, lui il en avait 22, il m’avait pas prévenu qu’il était séropositif, il voulait pas se traiter qu’il m’a dit après que j’ai été diagnostiqué parce qu’il croyait pas à ça lui les médicaments. C’est pas cool d’attraper le VIH à 17 ans mais là, c’est vraiment pas cool de savoir que je vais mourir. J’ai 19 ans, me semble que j’aurais pu faire plein de choses. Je lui en veux à mort de m’avoir fait ça mais c’est aussi de ma faute, les capotes et moi, c’était une relation impossible. Là je paie pour et c’est pas comme ça que j’aurais voulu mourir. J’ai vraiment peur…

NDLR: Marco est décédé en Juillet après plus d’une semaine dans le coma suite à un arrêt cardio-respiratoire causé par une pneumonie incontrôlable due au VIH. Il  aurait voulu la publication des 80 pages de son livret mais l’espace nous manquant, les derniers moments ont été sélectionnés, ses dernières réflexions. La résistance du VIH à la trithérapie est un problème réel que le public aurait intérêt à connaître. Mourir à 19 ans du SIDA n’est absolument pas cool. Protégez-vous!


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