Le Conseil de presse blâme sévèrement Claude Mailhot et Alain Goldberg pour propos méprisants et discriminatoires

D2010-02-060

Date de la décision
2010-06-18

Plaignant
M. Laurent Comeau et als

Mis-en-cause
M. Claude Mailhot, animateur, M. Alain Goldberg, commentateur, M. Gérald S. Frappier, président-directeur général, l’émission « Le réveil olympique » et le réseau RDS et le réseau Vtélé et M. Maxime Rémillard, chef de la direction

Résumé de la plainte
MM. Kévin Albert, Laurent Comeau et Denis Fortier dénoncent les propos qui ont été tenus en ondes par MM. Claude Mailhot et Alain Goldberg, lors de l’émission « Le réveil olympique », du 17 février 2010 et qui visaient le patineur artistique américain Johnny Weir.

Griefs du plaignant
M. Kévin Albert déplore la teneur du commentaire émis par MM. Claude Mailhot et Alain Goldberg sur les ondes de RDS, le 17 février 2010, à l’endroit du patineur artistique américain Johnny Weir.

Le plaignant souligne que la Charte canadienne des droits et libertés reconnaît le droit à l’égalité qui s’applique en dehors des discriminations fondées notamment sur l’orientation sexuelle. À son avis, les commentateurs n’avaient pas à faire en ondes des remarques discriminatoires à l’endroit du patineur. Ce type de commentaire était, pour lui, régressif et portait atteinte aux performances de l’athlète avec pour seul prétexte que ce dernier ne se situe pas dans les standards du sport.

M. Laurent Comeau relève, pour sa part, que les propos tenus par les commentateurs sont homophobes et sexistes.

Enfin, M. Denis Fortier qualifie les commentaires des mis-en-cause d’offensants et de discriminatoires à l’endroit de l’athlète. À son avis, les ondes ne devraient pas servir à véhiculer de tels préjugés.

Commentaire du mis-en-cause
Commentaires de M. Gérald S. Frappier, président et directeur général du réseau RDS :

Le mis-en-cause rappelle que le réseau n’endosse aucun commentaire à caractère discriminatoire et ajoute qu’en tant que diffuseur responsable, il ne souhaitait pas que les commentateurs utilisent les moyens qui étaient mis à leur disposition pour alimenter, publier ou promouvoir des préjugés.

Le 17 février 2010, alors qu’ils échangeaient des commentaires relatifs aux possibles impacts du choix des costumes des patineurs, sur les juges, Claude Mailhot et Alain Goldberg se sont très maladroitement exprimés. Ils ont, par la suite, tenté de faire de l’humour allant jusqu’à insinuer que l’athlète pourrait passer des tests d’identification génétique et même concourir avec les femmes. C’était, à son avis, inapproprié. Bien que l’intention des mis-en-cause n’ait, selon lui, pas été de blesser, le résultat démontre que ce ne fut pas le cas. Le choix des mots et des expressions laissait peu de place à l’interprétation et s’apparentait à de la discrimination.

M. Frappier explique que, lors d’une diffusion en direct, il arrive que des propos malhabiles surgissent. Le rôle du réseau consiste alors à mettre fin au dérapage, à s’excuser et à veiller à ce que la consigne de tolérance zéro soit répétée, comprise et endossée par les employés. Le mis-en-cause explique qu’il a rencontré les deux commentateurs afin de s’assurer que ce type d’erreur ne se reproduise pas. Il ajoute que ces derniers ont d’emblée reconnu le tort causé et l’impact négatif de leurs propos.

M. Frappier mentionne que les deux hommes sont à l’emploi du réseau depuis de longues années et que, par conséquent, il peut affirmer avec confiance que l’intention de ceux-ci n’était pas de discriminer l’athlète. Il ajoute que cela n’enlève rien au fait que les propos qu’ils ont tenus étaient parfaitement déplacés.

Le mis-en-cause rappelle qu’à la suite de ces propos, le réseau a fait parvenir aux médias la note suivante :

« RDS croit que tout propos discriminatoire, ou en apparence discriminatoire ne doit pas avoir de place dans les médias comme dans la société. À l’évidence, messieurs Mailhot et Goldberg ont très maladroitement commenté l’apparence et les manières d’un patineur artistique. Aussitôt mis au courant de la réaction que leurs propos ont suscitée, eux, qui ne souhaitaient aucunement diffamer un individu ou une orientation sexuelle, ont souhaité présenter des excuses à l’écran. »

Au moment de s’excuser, le mis-en-cause explique que M. Mailhot a identifié le segment au cours duquel les propos ont été tenus, soit celui où les deux hommes échangeaient sur les costumes portés par M. Weir. Les excuses présentées référaient ainsi à l’ensemble de l’intervention, sans distinction. M. Frappier reconnaît que ces excuses auraient pu être plus détaillées afin de cibler plus spécifiquement les divers éléments controversés.

Il conclut en expliquant que cet incident servira de balise afin que d’éventuels écarts n’aient plus leur place dans les médias.

Commentaires de M. Maxime Rémillard, président-directeur général du réseau Vtélé :

Le Conseil de presse n’a pas reçu les commentaires du réseau à la présente plainte.

Réplique du plaignant
Les plaignants n’opposent pas de réplique.

Décision
MM. Kévin Albert, Laurent Comeau et Denis Fortier dénoncent les propos qui ont été tenus en ondes par MM. Claude Mailhot et Alain Goldberg, lors de l’émission « Le réveil olympique », du 17 février 2010 et qui visaient le patineur artistique américain Johnny Weir.

Grief 1 : propos méprisants; heurter la dignité d’une personne; propos discriminatoires

Les plaignants reprochent plus précisément aux commentateurs la teneur discriminatoire, offensante, homophobe et sexiste des propos qu’ils ont tenus en ondes :

Claude Mailhot : « J’aime beaucoup le patinage artistique, mais Johnny Weir crée une situation que tout le monde accroche en disant : oui, oui, oui, ceux qui patinent, moi, j’aime pas ça. Est-ce que tu crois qu’il a perdu des points à cause de son costume et de sa gestuelle ou ça ne rentre pas en ligne de compte? »

Alain Goldberg : « Il ne perd pas des points à cause de son costume, il se fait remarquer, il se fait décrier. Et on n’a pas tort de le décrier. Il a du rouge à lèvres. Il s’habille de façon féminine. Il essaie d’être le plus féminin possible sur la glace. Et il a le droit. Il a le droit d’être ce qu’il est, il a le droit d’être comme il veut. Mais évidemment, ça laisse une image assez amère pour le patinage artistique. C’est très ennuyeux parce qu’on pense que tous les garçons qui patinent vont devenir comme lui. Alors, c’est un très mauvais exemple. Mais il a le droit. Il y a des gens qui sont comme ça, il y a des gens qui sont autrement. »

C. Mailhot : « On retombe dans les stéréotypes. »

A. Goldberg : «Exactement. Et on pense que le patinage est une discipline qui se féminise alors que ce n’est absolument pas ça. Il y a de tout dans le monde et il y a de tout sur la glace. C’est le reflet de la société. »

C. Mailhot : « Et Alain, pour être juste, quand on a fait grand état, cet été, de la coureuse d’Afrique du Sud en disant : mmm, peut-être que c’est un homme, peut-être que c’est pas une femme, etc. Moi, j’aimerais ça qu’il passe ces tests-là, lui. »

A. Goldberg : « Tout à fait, on devrait lui faire passer un test de féminité à ce moment-là. Ou de masculinité. »

[…]

C. Mailhot : « On retombe dans les stéréotypes quand on voit un gars comme ça. »

A. Goldberg : « Ça n’aide pas. Vraiment, ce n’est pas l’image du patinage que moi j’aime, mais j’admire quand même le patineur qu’il est […]»

C. Mailhot : « Je l’ai dit, je sais que je suis pas politically correct.»

A. Goldberg : « Pas du tout, c’est ce que tout le monde pense. On le dit à voix basse. Maintenant, on le dit un peu à voix haute. »

Un des mis-en-cause, M. Frappier, reconnaît, quant à lui, le caractère inapproprié des remarques formulées par MM. Mailhot et Goldberg à l’endroit de l’athlète et souligne que ces derniers ont formulé en ondes, dès le lendemain, des excuses :
C. Mailhot : « Il semblerait que, quand on a parlé des vêtements hier, ça a choqué certaines personnes. Ce n’était certainement pas le but. Si vous vous êtes sentis critiqués, on s’en excuse. »

Le Conseil salue cette initiative.

Dans son guide de déontologie intitulé Droits et responsabilités de la presse, le Conseil stipule que : « Les médias […] doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. » DERP, p. 41

Le Conseil juge, d’une part, que les animateurs ont fait montre de mépris et considère, d’autre part, que la dignité du patineur a pu être heurtée quand il est fait référence avec indignation au fait qu’il porte du maquillage, à la manière dont il s’habille ou encore au fait qu’il soit suggéré qu’il se soumette à un test de féminité et qu’il soit un mauvais exemple pour le patinage artistique masculin.

Le Conseil considère finalement qu’en suggérant que l’athlète devrait être exclu de la compétition masculine pour ces différents motifs en lien avec son orientation sexuelle, les animateurs ont tenu des propos discriminatoires.

Le Conseil est conscient que MM. Mailhot et Goldberg ont formulé avec diligence des excuses en ondes à la suite de ce dérapage. Il ne peut toutefois passer outre la gravité de la faute qu’ils ont commise et retient en conséquence le grief.

Le Conseil constate, par ailleurs, que MM. Mailhot et Goldberg étaient en direct lorsque leurs propos ont été diffusés. Conscient que le Consortium médiatique canadien de diffusion olympique, dont Vtélé et RDS font partie, a tout de suite fait savoir aux médias qu’il ne cautionnait pas les propos tenus par les deux animateurs, le Conseil ne retient pas la responsabilité du réseau RDS et de Vtélé sur ce grief.

Refus de collaboration

Le réseau Vtélé n’a pas fourni de commentaires à la présente plainte.

Le Conseil de presse tient à insister sur l’importance pour tous les médias, de participer aux mécanismes d’autorégulation qui contribuent à la qualité de l’information et à la protection de la liberté de la presse. Cette collaboration constitue un moyen privilégié de répondre publiquement de leur responsabilité d’informer adéquatement les citoyens.

Le Conseil rappelle l’obligation morale qu’ont les mis-en-cause de collaboration pour avec le Tribunal d’honneur en répondant aux plaintes qui les concernent.

Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse retient la plainte de MM. Laurent Comeau, Kévin Albert et Denis Fortier et adresse un blâme sévère à MM. Claude Mailhot et Alain Goldberg pour avoir fait preuve de mépris, porté atteinte à la dignité du patineur artistique, M. Johnny Weir, ainsi que pour avoir tenu des propos discriminatoires à son endroit.

Pour son manque de collaboration en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le réseau Vtélé.

Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)

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