Chronique d’un québécois gai en prison aux États-Unis Où est ma solitude?

Par
Stéphane G.
[email protected]

Photo
Google

Bien souvent, on me questionne afin de savoir ce que je trouve le plus difficile dans mon incarcération. Bien qu’il me serait facile de me lancer dans la nomenclature d’une liste infinie, une chose arrive bien en tête, l’impossibilité de pouvoir me retrouver seul. L’absence totale de solitude.

Ayant été une personnalité publique pendant plus de 20 ans, la solitude a toujours été pour moi un refuge, une façon de me ressourcer, de faire le point et de m’interroger parfois sur le sens de ma vie.

Être seul me permet également de décompresser le temps nécessaire pour recharger mes batteries, faire le plein d’énergie avant de retourner dans le tourbillon de la vie publique. Depuis plus de sept ans, cela ne m’est plus autorisé. À cause de l’incarcération, il m’est impossible d’avoir un véritable moment de solitude en silence. Les rares moments de tranquillité sont la nuit, après 23h, au moment de se mettre au lit et lorsque les portes des cellules se ferment. Les cellules sont toutes doubles donc nous ne sommes jamais seuls, même la nuit. Comme le réveil se fait à 3h30 du matin, pour être prêts à aller déjeuner à 4h30, les nuits sont courtes. Tout le reste de la journée est occupé à essayer de récupérer les heures de sommeil qui nous sont nécessaires.

De ma cellule j’entends toujours la télévision de la salle commune, de même que les commentaires que les détenus font, comme en sourdine, un bruit de fond qui m’accompagne tous les jours, comme tous les autres bruits encore plus forts quand il y a des événements sportifs.

À tout cela s’ajoute le va-et-vient de mon compagnon de cellule qui doit soit prendre quelque chose dans son casier ou utiliser la toilette. Dans ce dernier cas, je retourne toujours dans la salle de séjour commune écouter la télé afin de lui accorder un peu d’intimité. Il y a malgré tout de rares moments où il m’est arrivé de goûter à ma solitude tant aimée. À deux reprises mon compagnon de cellule s’est retrouvé en détention administrative et son lit est demeuré inoccupé pendant 10 jours. Les deux fois c’était WOW!

Je me suis surpris à chanter à tue-tête les paroles que Luc Plamondon composait pour notre Diane Dufresne nationale:
Seule, je suis seule, enfin seule;
Seule, je suis seule, toute seule dans mon linceul;
Je ne verrai plus le soleil;
Illuminer mes réveils;
Mais je n’me lèverai plus non plus;
Pour aller travailler;

Quand j’ai chanté ça à fond la caisse, on m’a foudroyé du regard. C’était à mon tour de faire du bruit et de déranger…

NDLR: Les lecteurs nous demandent souvent quand est prévue la date de libération de Stéphane? Selon les correspondances reçues de Stéphane, il devrait pouvoir revenir au Québec vers la fin décembre 2013, encore deux ans donc…

Pour communiquer ou écrire à Stéphane G., simplement envoyer votre lettre à son attention au C.P. Succ. Rosemont, Montréal, Qc H1X 3B7 et ne lui écrire qu’en ANGLAIS puisque son courrier ne peut lui être acheminé qu’en anglais selon les règles de la prison. Pour lui envoyer un courriel, écrire à [email protected], nous nous ferons un plaisir de lui transmettre votre communication.

Tags:

Leave a Reply