1998- Quoi faire ou ne pas faire pour que Toutou devienne un animal équilibré.

Dans le cadre de notre série sur le comportement des animaux, RG présente aujourd’hui un document spécial sur le mode d’emploi exact pour que notre petit chiot devienne un brave chien doux, paisible et heureux. Grâce au Dr Joël Dehasse, éthologue vétérinaire, nous saurons enfin comment faire pour éviter qu’un jeune chiot ne devienne agressif, craintif et morde les gens sans raisons. Ce mode d’emploi ne saura toutefois être efficace si à la base, le maître a un comportement violent ou agressif. Une personne de tempérament explosif, colérique ou impatiente devrait tout simplement s’abstenir d’avoir un animal. Pour les autres, vous trouverez dans l’article d’aujourd’hui une mine d’informations qu’il faudra garder précieusement en référence.

Quand est-ce que je commence à m’occuper du développement de mon chiot?

Avant la naissance, le chiot commence à acquérir des compétences tactiles et émotionnelles. Pour obtenir des chiots plus tolérants au contact et moins réactifs par des émotions extrêmes, il faut recommander:

De caresser les mères enceintes, de leur palper gentiment le ventre, jour après jour. D’éviter de stresser les mères de façon répétée.

Entre la naissance et l’âge de 2 semaines, le chiot tète et dort. La mère s’occupe d’eux de façon active: elle les nettoie par léchage, les pousse vers ses mamelles. Elle s’attache à eux et marque une forte détresse en leur absence. A cet âge les chiots s’attachent à n’importe quelle nourrice. Les chiots sont incapables d’excréter seuls; le réflexe d’élimination (le pipi-caca) est activé par une stimulation du périnée; c’est ce que la chienne fait par léchage; elle ingère les excrétions. La position de nettoyage deviendra la position de soumission du chien à l’âge adulte.

Pour activer le développement et la maturation du cerveau, il est recommandé de manipuler les chiots tous les jours en douceur, peser les chiots, les retourner, respecter leur sommeil (c’est pendant le sommeil qu’est sécrétée l’hormone de croissance).

De 2 à 3 semaines

Les yeux s’ouvrent vers 2 semaines. Les oreilles entendent vers 3 semaines. A ce moment, le chiot sursaute au bruit. Entre l’âge de 20 et 25 jours, il est recommandé de:

Tester la vision.

Tester l’audition et le réflexe de sursaut: en claquant les mains au-dessus de la tête du chiot. Le chiot normal sursaute et retombe sur les pattes. Le chiot anormal ne réagit pas ou sursaute et retombe sur le côté en tremblant. Dans ces deux cas, il faut conseiller une consultation vétérinaire.

Tester la disparition des réflexes du nouveau-né.

De 3 à 7-8 semaines, le chiot voit, entend, se déplace aisément et joue à se battre. Il teste ses moyens de communication, grogne et aboie. Il s’attache à sa mère et est en détresse en son absence. Ses dents de lait rendent la tétée douloureuse pour la maman qui tend à s’écarter de sa portée. Le chiot va apprendre qu’il appartient à l’espèce “chien”. Pour cela il doit vivre avec des chiens. Le chiot va apprendre quelles sont les espèces amies. Pour cela il doit vivre avec des gens de différents types (hommes, femmes, enfants) et avec d’autres animaux, comme des chats.

Le chiot va apprendre à contrôler ses mâchoires.

Au cours des bagarres, si la morsure est trop forte et fait crier le chiot mordu, la mère vient punir le mordeur.

Le chiot va éliminer spontanément et rechercher des endroits routiniers. Il faut lui fournir une toilette accessible et adéquate (bac à sable, à gravier, à copeaux de bois…) séparée de l’endroit de couchage et d’alimentation par une distance croissant de 50 cm (à 4 semaines) à plus d’un mètre (7 semaines).

Le chiot va mettre en mémoire des références de milieu de vie, d’environnement. Pour cela il doit vivre dans un environnement de plus en plus riche, qui va stimuler la vue, l’audition, l’activité motrice, c’est le rôle de la “pièce d’éveil”.

La “pièce d’éveil” est un pièce de jeu équipée de jouets d’enfants colorés et mobiles et bruyants, d’une installation sonore permettant de produire une variété de sons (parmi lesquels des sonorités explosives), de tapis de structures différentes pour la stimulation tactile.

Elle fournit aussi un lieu d’élimination correct. La pièce d’éveil peut aussi être la pièce d’occupation, de couchage et d’alimentation. L’accès à un jardin, à un environnement extérieur riche en stimulations, est un facteur favorable.

De 7-8 semaines à 3 mois

Le chiot, correctement vacciné, doit sortir dans tous les milieux qu’il rencontrera une fois adulte. Le comportement de chasse étant inhibé par l’amitié, des jeux ou des rencontres avec divers animaux sont chaudement conseillés. Sont recommandés de façon répétée :

le maintien dans la pièce d’éveil

la marche en rue calme, puis en rue bruyante

la visite d’un marché public

la visite d’un terminus d’autobus

le déplacement en voiture et en transport en commun

la rencontre de personnes de différents types

la rencontre avec des chiots et des chiens adultes

la rencontre assidue avec d’autres espèces animales: chats, volailles, animaux de ferme

Le chiot doit être testé pour :

l’inhibition de la morsure. Il doit arrêter de mordre si la personne mordue ou le chiot mordu crie. Si ce n’est pas le cas, il faut punir la morsure par un pincement au niveau du cou, de la joue ou de l’oreille (pas une amputation, un simple pincement).

La capacité d’adopter une position de soumission ou d’apaisement (couché sur le ventre ou le dos, immobile) en cas de conflit avec - ou de punition par - un adulte. Si le chiot est adopté pendant cette période, il faut faciliter l’attachement à un membre de la famille.

Déposer un vêtement porté (non lavé) de cette personne dans le lieu de couchage du chien. Le chien dormira sur le vêtement quelques jours, le temps de s’habituer aux nouvelles odeurs.

Lui apprendre le contrôle de ses mouvements: imposer des moments d’arrêt au cours des jeux, interdire les jeux de traction sur des objets et des tissus, interdire les morsures sur les personnes.

Pour l’acquisition de la propreté, c’est à dire du respect des lieux d’habitation des propriétaires, il est recommandé de:

Sortir le chiot très souvent, chaque fois qu’il a eu une activité ou une période de repos.

Sortir le chiot toujours au même endroit, choisi comme toilette.

Si le chiot doit éliminer dans les lieux d’habitation, lui fournir un lieu de toilette adéquatement équipé (grande litière).

De 3 mois à 4 mois

Au moment des rappels de vaccination, le chiot devrait être testé pour les différentes questions énumérées plus haut.

Acquisition de la posture de soumission.

Acquisition du contrôle de la morsure et de la motricité.

Absence de peur lors de sortie dans le milieu extérieur.

Absence de peur lors de rencontre de personnes inconnues, et surtout d’enfants.

Proposition de jeux avec les - et absence de peur des - autres chiens.

Proposition de jeux avec - et absence de peur des - les autres animaux avec qui il doit vivre socialement. Si le chiot est craintif, hyperactif, mordeur, il faut proposer une consultation vétérinaire de comportement et recommander de se dépêcher pour habituer le chiot au milieu, car la période sensible est quasi terminée. En cas d’acquisition d’un chiot de 3 mois ou plus, il faut éviter l’attachement à un seul membre de la famille.

Tout le monde s’occupe du chiot.

On interdit au chiot de suivre ou de privilégier des contacts avec une seule personne.

Éloigner le lieu de couchage du chiot de celui de ses propriétaires.

Les caresses ne sont données qu’à l’initiative des propriétaires.

A cet âge, le chiot peut entrer dans des “classes chiot” de jeu, de socialisation, de rencontres et de psychomotricité.

De 4 mois à la puberté

Le chiot de 4 mois devrait être propre, contrôler ses morsures et sa motricité, ne pas craindre le milieu extérieur, ni les personnes inconnues, ni les animaux de quelque sorte avec lesquels il doit entrer en contact social. Si ce n’était pas le cas, une consultation vétérinaire de comportement doit être envisagée rapidement. C’est à cet âge que se fait idéalement l’école primaire du chiot. S’il ne les a pas encore appris, il faut lui enseigner les ordres de base: assis, couché, marche en laisse, rappel… de façon douce et avec des récompenses. Les méthodes punitives sont contre-indiquées pour l’apprentissage de ces conditionnements élémentaires, c’est lors de ces séances punitives que le chiot peut développer de l’agressivité et de la peur, ce qu’il faut éviter.

La puberté

La puberté avec sa métamorphose hormonale est une nouvelle période sensible. Le chiot entré dans l’adolescence doit subir une initiation constituée de deux éléments de base:

1. Le détachement des adolescents mâles à la mère et aux autres adultes. C’est à dire l’acquisition de l’autonomie. Les adolescentes peuvent attendre jusqu’aux secondes chaleurs. Le détachement à la mère ou à l’adulte d’attachement permet l’attachement au groupe et évite l’anxiété de séparation.

2.La hiérarchisation. C’est l’entrée dans la hiérarchie des adultes avec le respect des règles de celle-ci et la production des communications adéquates. Toute tentative d’expression de sexualité, de contrôle de passage, d’alimentation prioritaire est sévèrement punie par les adultes. Une consultation vétérinaire de bilan comportemental est recommandée à la période de la puberté.

Facteurs de risque

Si le chiot n’acquiert pas les informations requises au cours des étapes spécifiques (périodes sensibles), il risque de ne pas avoir un développement comportemental normal et de garder un handicap social pour le reste de son existence.

Les rôles de l’éleveur.

L’éleveur a le devoir de fournir des chiots de qualité qui vont correspondre à la demande de l’acquéreur. Si nécessaire, il faut analyser cette demande et réorienter l’acquéreur vers d’autres acquisitions, d’autres races canines, d’autres espèces animales. Cependant, les fonctions que doit jouer l’animal de compagnie sont parfois très complexes et non exprimées.

L’éleveur doit préparer le chiot à une vie de chien adulte équilibré dans une société humaine. C’est pourquoi les notions de développement comportement précisées dans cet article doivent être bien intégrées. Il est de leur responsabilité que le chiot vendu ou donné soit le plus équilibré possible. L’éleveur a non seulement un rôle de prévention essentiel mais aussi de détection précoce.

Si le chiot, correctement vacciné, ne sort pas en rue avant 3 mois, il risque de développer des phobies et des anxiétés. Si le chiot est craintif à l’âge de 3 mois, il faut consulter vite avant la fin de la phase sensible (qui se termine entre 3 et 4 mois). Si le chiot est agité et dort peu, il faut pouvoir le traiter rapidement parce que après la puberté, ce genre de pathologie voit son taux de guérison se réduire très fortement.

Prévention infectieuse ou prévention comportementale

Faut-il choisir entre une prévention infectieuse et conseiller de ne pas sortir le chiot avant que l’ensemble de ses vaccins ait été effectué une prévention comportementale et sortir le chien partout avant l’âge fatidique de 3 mois? Ce choix n’existe pas. Aucun propriétaire ne stérilise ses vêtements et ses chaussures avant de rentrer chez lui. Il apporte donc des virus dans l’environnement dans lequel le chien est isolé. Il est recommandé de:

vacciner le chien suivant le protocole mis en place par le vétérinaire

adapter ce protocole de vaccination si le vétérinaire considère qu’il y a un risque accru si le chien sort en rue dès l’âge de 6-7 semaines suivre les recommandations comportementales de cet article

Il est déconseillé d’interdire au chiot de sortir en rue avant l’âge de trois moi.

Une fois toutes ces indications appliquées, le Dr Dehasse nous assure que Toutou sera beaucoup mieux dans sa peau et que le maître pourra pleinement profiter de son amitié avec son animal.

R.L.C.

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