AGRESSION À MTL Être la victime à la télévision…
Friday, November 29th, 2013Raoule Nadeau
Sissi de la Côté s’est retrouvée malgré elle au centre de l’actualité: elle fait partie des six femmes agressées physiquement et verbalement le 16 novembre au soir à Montréal.
Étudiante à l’université Concordia, Sissi est avant tout une admiratrice inconditionnelle de l’actrice Bianca Gervais. Dans la description de son blogue personnel (www.Sissidelacote.tumblr.com), elle déclare avec humour que son but ultime est de démontrer à son idole «tous les bienfaits du lesbianisme».
C’est par ses articles ponctués de réflexions profondes et de pensées rigolotes que j’ai fait sa connaissance.
Cette semaine pourtant, Sissi est un nom dans un journal, une discussion à la télé. Elle et ses amies ont été victimes d’un crime haineux lesbophobe. À la base, Sissi n’avait pas l’intention de se présenter aux États généraux de l’action et de l’analyse féministe, mais elle a fait le déplacement pour assister à la conférence à propos de la construction de personnages féminins dans le théâtre. Écrivaine, elle a elle-même pour ambition d’un jour créer des histoires avec des personnages lesbiens qui s’écarteraient du cliché de la fin dramatique: «Je veux écrire des personnages qui font vivre l’histoire, plutôt que des personnages qui vivent l’histoire».
À l’angle de Maisonneuve et St-Denis, elle et son groupe, composé en majorité de femmes lesbiennes, sont interpellées par des hommes inconnus. Elles se font traiter de «lesbiennes sales». La situation se dégrade rapidement. Sissi est témoin impuissante pendant que son amie se faire rouer de coups: « J’ai ramassé leur sac et j’ai figée. Mon cerveau fonctionnait au maximum, j’observais ».
De retour au sommet, les femmes racontent leur histoire. Le sommet publiera un communiqué pour dénoncer la violence lesbophobe et homophobe, et c’est à partir de là que Sissi et ses amis se retrouveront au milieu de l’attention médiatique.Sissi est surprise de la façon dont on parle des agresseurs dans les journaux: «On ne dit jamais que les agresseurs sont blancs». Les journalistes semblent avoir une réticence à avouer que l’homophobie peut aussi être présente chez les Québécois blancs «en provenance de Valleyfield», comme dans le cas présent.
Sissi se demande pourquoi ces hommes pensent que les lesbiennes sont l’ennemie, elle appuie «c’est pas parce que dans ma vie sexuelle j’ai pas besoin d’homme, que j’ai pas besoin d’une société où tout le monde se sent bien; hommes, femmes, n’importe qui». Au moment de l’interview, l’étudiante est occupée à rassurer sa famille «qui a aussi reçu de la violence à cause de l’événement», mais Sissi compte bientôt partager sa version des faits sur son blogue personnel. Elle souhaite que les victimes d’agressions futures trouvent la force de réagir: «pas nécessairement par la violence, mais faire quelque chose, n’importe quoi».
Raoule Nadeau est un écrivain en provenance de Rimouski. Il étudie la littérature à l’UQAM. En plus d’être l’auteur du roman «Je te parle tout seul», qui aborde les enjeux d’homosexuels en région, il tient le blog https://mauvevaillance.tumblr.com où il mélange les confidences aux réflexions pour parler du vécu de minorité sexuelle.
NDLR: Il nous fait plaisir d’accueillir Raoule dans l’équipe de Gay Globe et vous aurez l’occasion de lire ses analyses toutes personnelles dans les prochaines éditions. Découvert lors d’une intervention sur la Charte, il a attiré l’attention de l’Éditeur qui l’a alors invité à écrire dans ces pages. À suivre…