«La vie est un peu plus difficile, car même aujourd’hui, il y a un stigmate négatif rattaché aux homosexuels. La vie est généralement plus facile pour les hétérosexuels. Je pense qu’il devrait y avoir plus de ressources facilement accessibles pour les jeunes homosexuels d’ici.» Kevin a 21 ans, habite Pierrefonds et fait partie des quelque 4 500 jeunes gais, lesbiennes, bisexuels ou transsexuels qui résident dans l’Ouest-de-l’Île. Il aurait aimé avoir de l’aide, il y a quelques années.
Depuis le 15 mai dernier, ces adolescents disposent d’un tout nouveau centre de jeunesse, le LGBTQ Youth Centre à l’Église unie de Beaconsfield. Situé en arrière de la bâtisse, le local est entièrement rénové. Un divan, une télévision et quelques tables remplissent l’espace. «Nous venons tout juste d’ouvrir, alors nous sommes encore en période de construction», mentionne le directeur du LGBTQ Youth Centre, Daniel Bastian, dans la salle tapissée de haut en bas d’affiches contre l’homophobie. «Il s’agit toutefois d’un environnement sûr et accueillant où les jeunes peuvent se rencontrer, parler et apprendre à mieux se comprendre.»
Pour l’homme de 23 ans, originaire du Vermont et ouvertement gai depuis trois ans, l’ouverture du centre est justifiée et nécessaire pour les résidants de l’Ouest-de-l’Île. Les coordonnateurs de l’Église unie de Beaconsfield, Cindy Casey et Shaun Fryday, ont procédé à plusieurs recherches et études sur les homosexuels ici et sont arrivés à la conclusion qu’il était temps qu’un centre ouvre ses portes. «Shaun Fryday est le ministre de l’Église et il est ouvertement gai. Ce centre est un projet qui lui tenait à cœur, car la plupart des ressources sont au centre-ville de Montréal et ne sont pas toujours faciles d’accès pour les jeunes qui n’y habitent pas.» Le manque de ressources pour les homosexuels dans l’ouest de Montréal n’est pas une nouveauté pour la directrice générale du Centre de ressources communautaires de l’Ouest-de-l’Île (CRC), Rania Cotran. Le LGBTQ Youth Centre est d’ailleurs la seule ressource existante pour eux, d’après ses connaissances. «Ici, on dirait que nous prenons les choses trop personnelles et nous refusons de parler de cette problématique», explique-t-elle en entrevue téléphonique. «Le CRC est toujours ouvert à parrainer ce genre de projets et nous admirons le courage de ce centre de jeunesse.»
Changement de refrain du côté de l’Action Jeunesse de l’Ouest-de-l’Île (AJOI). Son directeur, Benoit Langelin, affirme qu’il est faux de dire qu’aucune ressource n’existe pour les homosexuels de la région. «La seule contrainte, c’est que nous travaillons avec la jeunesse globale, et non en spécificité, notamment avec les maisons de jeunes un peu partout. Il n’y a jamais eu autant de support à la jeunesse qu’aujourd’hui.»
Un avis qui n’est pas partagé par Philip Mendeiros, jeune homosexuel de Dollard-des-Ormeaux. Maintenant «sorti du placard» et étudiant universitaire, il ne compte pas assister aux activités du nouveau centre de Beaconsfield. Il ajoute cependant que les moments les plus durs pour lui se sont passés au secondaire, où il n’y avait pas de clubs gais ou autres ressources. «Je savais que j’étais homosexuel, mais je ne connaissais personne d’autre qui l’était, alors je ne pouvais pas vraiment être moi-même», décrit-il. «Le manque de ressources pour les gais et les lesbiennes complique leur processus de sortie et les fait se sentir aliénés.»
Changer la donne
Ouvert depuis deux semaines, le LGBTQ Youth Centre propose déjà plusieurs activités aux 14 à 19 ans, comme deux périodes de consultation et une soirée film et pizza chaque jeudi soir, à compter de 18h30. «Le Centre est équipé du réseau Wifi, d’un lecteur Blu-ray et d’un système de haut-parleurs pour iPod», ajoute Daniel Bastian. «Les jeunes sont invités à regarder des films, utiliser leurs ordinateurs portables et jouer leur propre musique, tout cela dans le but de faire de cet endroit un lieu confortable et amusant pour eux.» Il est à noter que les activités se dérouleront en anglais.
Une chose est certaine: le LGBTQ Youth Centre est là pour rester et innover. En effet, Daniel Bastian a entrepris un dialogue avec certaines écoles de l’Ouest-de-l’Île, afin d’éduquer et informer les étudiants des enjeux, défis, réalisations et chances qu’ils peuvent rencontrer. Et ce, dès l’automne prochain. «Mais il s’agit surtout de mettre fin à l’homophobie, une bonne fois pour toutes.»