Par Le National
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Sida: l'épidémie repart à Paris et en Ile-de-France

PARIS (AP) -- L'épidémie de sida repart à Paris et en Ile-de-France. Les chiffres des Centres de dépistage anonyme et gratuit du sida pour 1998 et 1999 font apparaître une augmentation significative du nombre de nouveaux séropositifs, une hausse qui porte essentiellement sur les femmes de 20 à 49 ans et les hommes de 30 à 49 ans.

Ces données figurent depuis jeudi après-midi sur le site Internet de l'Institut national de veille sanitaire (www.invs.sante.fr). Selon l'INVS, ''l'analyse des données 1998 et 1999 a montré une augmentation de la proportion des diagnostics positifs en Ile-de-France''.

Les données 2000 sont ''encore incomplètes et ne peuvent pas être analysées au niveau national''. En revanche, pour Paris, ''la plupart des données 2000 étaient disponibles et ont pu être analysées''.

Cette ''inversion de tendance'' survient après une décroissance régulière de la proportion de diagnostics positifs depuis plusieurs années: 9,2 diagnostics positifs pour mille en 1995, 8,5 en 1996 7,9 en 1997 et 6,6 pour mille en 1998. Mais cette proportion augmente en 1999 (7,9 pour mille) et en 2000 (8,6 pour mille). ''Ces différences sont significatives'', souligne l'INVS.

Pour les années 1998 à 2000, l'analyse porte sur des données plus complètes. Les proportions de diagnostics positifs passent alors de 7,4 pour mille en 1998 à 8,5 pour mille en 1999 et à 9,3 pour mille en 2000. L'augmentation concerne les deux sexes. Pour les hommes, les chiffres passent de 9,7 pour mille en 1998, à 10,7 pour mille en 2000.

Chez les femmes, cette proportion est passée de 4,2 pour mille en 1998, à 6,5 pour mille en 1999 et à 7,2 pour mille en 2000. Entre 1998 et 2000, chez les femmes de 20 à 29 ans, la proportion de diagnostics positifs est passée de 3,9 à 6,1 pour mille. Pour la tranche d'âge 40-49 ans, la proportion est passée de 14,7 à 15,8 chez les hommes et de 6,0 à 12,7 chez les femmes.

''La tendance à l'augmentation de la proportion de diagnostics VIH positifs observée à partir de 1999 ne semble pas pouvoir être uniquement expliquée par un biais'' méthodologique, note l'INVS. Au contraire, estime l'Institut, ces résultats semblent traduire un ''relâchement des comportements de prévention dans les années récentes'' et confortent la ''la nécessité dadapter la prévention à cette évolution''.

Malgré la réussite des trithérapies, ''l'épidémie n'est pas du tout maîtrisée'', note Gino Paveglio, vice-président d'Aides Ile-de-France. ''Malheureusement, le sida, ce n'est pas fini'', comme beaucoup avaient pu l'espérer.

L'association de lutte contre le sida a pu constater ''une augmentation des conduites à risques''. On le ''voit en particulier pour la contamination hétérosexuelle, peut-être parce que les hétérosexuels ne se sont jamais vraiment sentis concernés'', a expliqué M. Paveglio à l'Associated Press.

''Chez les gays, on assiste à un retour de la prise de risques, peut-être lié à une baisse de l'usage de la capote. Chez les jeunes, le sida c'est lointain, ils n'ont pas connu les ravages de la maladie''. L'utilisation du préservatif, insiste M. Paveglio, reste le moyen de prévention le plus sûr, d'autant que certaines maladies sexuellement transmissibles comme la syphilis ou la gonoccocie, en augmentation également, accroissent la vulnérabilité au virus VIH du sida.

''L'épidémie repart'', constate également Victoire Patouillard, présidente de l'association ACT-UP. Elle déplore le manque de campagnes de prévention vraiment efficaces et souligne que les pouvoirs publics doivent ''avoir le courage de parler sexualité''. Il ''y a des groupes auxquels on ne s'est pas adressé, il n'y a pas de campagnes en direction des femmes'', ''pas suffisamment de campagnes dans les médias généralistes'', observe-t-elle de surcroît.

Victoire Patouillard, comme les autres associations, déplore le manque de ''données statistiques fines'' pour suivre l'épidémie. Le système de déclaration obligatoire et anonyme de la séropositivité ne fonctionne toujours pas, ''alors qu'il aurait dû se mettre en place en 1999''. Des campagnes sont par ailleurs nécessaires pour ''inciter les gens à se faire dépister'', estime-t-elle.