Par Le National
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Queer Zones. Politiques des identités sexuelles, des représentations et des savoirs de Marie-Hélène Bourcier.

Queer, en anglais, ça veut dire bizarre. Derrière le mot se cache, approximativement, l'idée de redistribution des rôles et des genres, au-delà du schéma hétérosexuel normatif. C'est aux Etats-Unis, dans les années 60, que quelques féministes ont développé le concept. Cinquante ans après, Marie-Hélène Bourcier, qui dirige les études d'un DESS intitulé "Genres et sexualités" et enseigne à Science Po, livre un essai riche d'une bibliographie abondante.

Première référence, l'icône de la recherche "queer", Judith Butler, théoricienne féministe qui a entre autres proposé "nombre de relectures non hétérocentrées de la psychanalyse". Quant à Michel Foucault, elle lui "obéit": il disait proposer une boite à outils dont chacun pouvait se servir, et la jeune chercheuse ne s'en prive pas. Son analyse de l'affaire Spanner, trois Anglais condamnés pour s'être livrés à des actes sadomaso entre personnes adultes et consentantes, est éclairante. Ils furent déboutés par la Cour européenne des droits de l'homme, suite à un édifiant glissement entre sadisme imposé et SM. Personne ne songeant cette fois à respecter la "sphère privée" dont on nous rebat les oreilles. Mais le fabuleux intérêt de son travail tient surtout dans le choix de son corpus d'analyse. Elle n'idolâtre pas la "haute-culture". Tout la questionne, le film Baise moi, Simone De Beauvoir, la transexualité et les lesbiennes "viriles", le porno. Bref, tout ce qui éloigne du déterminisme social. S'il vous l'avez un jour senti sur vos épaules, lisez ce livre.